Dans ce qu’aimer veut dire, Mathieu Lindon, fils de Jérôme Lindon, fondateur des éditions de minuit revient sur sa jeunesse dorée dans les beaux quartiers de Paris et sur sa découverte de l’amour au sein d’une bande de copains, tous plus ou moins écrivains et homosexuels. Parmi eux la figure de Michel Foucault (philosophe de renom aujourd’hui décédé que personnellement j’ai toujours confondu avec Roland Barthes, ce dernier apparaissant dans le récit également) s’impose. Michel Foucault donc, habite un appartement cossu, rue de Vaugirard je crois (la lecture date d’un mois, je ne me souviens plus des détails quoi) qui sert de lieu de ralliement pour cette bande d’amis donc quelques-uns sont en couple. Dans cet appart, on se drogue et l’on s’alcoolise tendrement et intelligemment. Mathieu Lindon qui additionne les conquêtes et les expériences noue une relation amicale très profonde avec Michel Foucault...amitié, amour, difficile à dire...car pas de relations charnelles mais quelque chose au dessus de tout, faite de pudeur, de fascination et d’attirance.
C’est un peu longuet par moments, surtout dans la première partie. Dans la seconde , Michel Foucault emporté par le sida (les événements se passent dans les années 80) n’est plus. Mathieu Lindon prend du recul par rapport à cette période un peu folle de sa vie. Il revient sur sa relation compliquée avec son père, sur la difficulté d’être le fils de, sur sa carrière professionnelle.
Au bout du compte, je ne sais pas si Mathieu Lindon parvient à répondre à la question qui fait le titre du livre...je dirais même qu’au contraire il nous embrouille l’esprit, si bien que je me demande si avec ce titre, il n’a pas voulu faire dans l’ironie. Le style est raffiné sans être trop précieux. La démarche de l’écrivain est vraiment courageuse tant il se met à nu sans omettre les parties les plus immorales.
D’aucuns diraient qu’il s’agit d’un récit d’apprentissage. Je plussoie d’aucuns et m’en veut d’avoir tacher la couverture de ce livre dès le début de la lecture. Il n’y a pas que les claviers qui attirent le liquide, il y a aussi les livres que l’on voulait garder en bonne place dans sa bibliothèque.
lecture du 19.01 au 28.01.2012
P.O.L, 311 pages
année de parution : 2011
Prix Médicis
note : 3.5/5
Colin sabre et tam-tam - Page 58
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CR227 : ce qu'aimer veut dire - Mathieu Lindon
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la cassette d'abba
Au début des années 80, mon père qui jusque là utilisait un vieux tourne disque qui se refermait façon valise acheta un radio cassette qui faisait également magnétophone. Il y avait un micro et une bandoulière et ça ressemblait un peu à du matériel de journaliste. Cet objet me fascinait de par sa fonction enregistrement et puis évidemment parce que nous n’avions plus besoin du gros tourne disque pour écouter de la musique. Nous étions abonnés à France Loisirs et mon père y achetait des cassettes de chanteurs français (Sardou, Moustaki, Brel etc). Il y a juste une exception à la règle : un best of d’Abba.
Si mes souvenirs sont bons, cette cassette est arrivée courant 1982, c’est à dire juste après la séparation du groupe. Personnellement, je ne le connaissais pas. Il n’y avait pas de radio fm à l’époque ou alors elle était balbutiante. Avec ma soeur, on n’a pas mis longtemps à adopter ce groupe. Ma préférée était gimme gimme gimme avec son intro démentielle.
Avec le recul, je me dis que cette compil était vraiment bizarre, avec des titres qu’on ne trouve plus dans les best of d’Abba aujourd’hui. Je pense que la séparation étant toute récente, il manquait à la maison de disque le recul des années pour bien identifier les chansons marquantes. Je me souviens de 2 titres en particulier : under attak et the day before you came. Ce qui m’a donné envie d’écrire cette note, c’est que je viens de redécouvrir cette dernière, et je la trouve magnifique. Et je me rappelle que lorsque j’écoutais le best of en question, c’était celle que je trouvais la plus ennuyante. Cette chanson (dans laquelle Agnetha chante seule) est une ballade dans laquelle une femme raconte sa journée avant le retour de son amant (ou avant leur rencontre, je ne sais pas trop). C’est une journée comme les autres, qui suit sa routine. Sa vie est normale, sans temps mort mais le texte et la musique langoureuse laissent entendre qu’il manque une étincelle dans sa vie. Le jour avant que tu viennes était un jour comme les autres, ni plaisant, ni déplaisant. Il attendait jusque que tu arrives.
Ce qu’il y a d’incroyable avec abba, c’est qu’en plus de mélodies imparables, les textes n’étaient pas vides de sens. Je m’en rends compte de plus en plus (parce que je me suis remis à écouter ce groupe en allant au taf). Ce groupe était vraiment touché par la grâce. -
CR226 : Skoda - Olivier Sillig
J’ai lu ce petit livre en deux heures il y a presque un mois. Mais il m’a suffisamment marqué pour ne pas disparaître dans les limbes de ma mémoire défaillante.
Allongé sur une route, un soldat sort d’un état inconscient. Autour de lui gisent par terre tous ses compagnons d’armes, tous victime d’un raid aérien. Plus loin, à l’intérieur d’une voiture démembrée, il constate que les deux occupants adultes sont morts. Dans les bras de la femme, un nourrisson par contre vit. Le soldat - qui s’appelle Stjepan - décide de poursuivre sa route mais une voix intérieure lui demande de prendre le bébé. Ce qu’il fait. Comme la voiture est une skoda, il décide de l’appeler Skoda. Stjepan ne connait rien en bébé. Il ne cherche même pas à savoir si c'est un garçon ou une fille. Il poursuite sa route dans un pays en guerre. Jamais nommé, peut-être en Europe, peut-être ailleurs. Il croise une sorte de douanier qui le viole et puis il trouve refuge dans un village où ildonne un coup de main aux travaux de la ferme (car les hommes sont absents). On prend soin de lui et de son bébé. Au passage, on le dépucelle. Mais la guerre étant, les morts s’alignent et le duo quitte précipitamment le village à feu et à sang.
A l’approche d’une grande ville, Stjepan et Skoda sont pris en stop par un brave type qui conduit un camion de lait. Mais une attaque aérienne survient....et puis, ça finit d’une certaine façon.
C’est un livre merveilleusement poétique dans lequel, avec une grande économie de moyen, l’auteur nous narre la cruauté de la guerre et les moments de douceur et d’humanité profonde propres aux périodes tragiques.
lecture : début janvier 2012
Buchet-Chastel, 110 pages
année de parution : 2011
note : 4.5/5 -
CR225 : le vieux qui lisait des romans d'amour - Luis Sepúlveda
présentation de l’éditeur : Antonio José Bolivar Proano est le seul à pouvoir chasser le félin tueur d’hommes. Il connait la forêt amazonienne, il respecte les animaux qui la peuplent, il a vécu avec les indiens Shuars. Mais Antonio a découvert sur le tard l’antidote venin de la vieillesse : il sait lire, et il a une passion pour les romans qui parlent de l’amour, le vrai, celui qui fait souffrir...
mon avis : Je vais décevoir la personne qui m’a conseillé et offert ce livre et qui je sais va lire cette note : je ne l’ai pas aimé. Je pense d’ailleurs qu’il devait s’en douter. La vision du monde de Luis Sepúlveda est trop simpliste, trop manichéenne : les hommes civilisés d’un côté : ils sont méchants, ils polluent et détruisent la forêt et puis les hommes sauvages représentés ici par les shuars : ils sont gentils, respectent la nature et n’utilisent pas d’armes à feu. D’ailleurs, c’est bête mais c’est comme ça, pendant toute la lecture, je n’ai pas pu m’empêcher de trouver des ressemblances avec Avatar, cette niaiserie cinématographique qui a battu tous les records. Les navis d’Avatar sont ici les shuars, et le Jake Sully d’avatar (c’est à dire l’humain qui change de bord parce qu’il n’aime pas le comportement des siens) est Antonio José Bolivar dans le roman...
L’homme qui lisait des romans d’amour est une gentille fable écolo pas désagréable à lire. Il parait que c’est un best-seller mondial ce qui n’est pas étonnant : il contient tous les ingrédients pour plaire aux masses : exotisme, manichéisme et bons sentiments.
lecture janvier 2012. points, 121 pages
année de parution : 1992
traduction : François Maspéro
note :2/5 (A+) -
un soir en semaine (avec théorie)
Prisca insiste pour que je reprenne le footing et ça tombe ça, j’en ai envie, il me manque juste le déclic. J’ai couru un petit peu courant janvier mais j’ai dû prendre sur moi. A chaque fois, ce fut une vraie corvée mais bon je me suis senti un peu obligé, on a tellement bien ripaillé pendant les fêtes, et perso j’ai goûté tellement de whiskies que je commençais à me sentir un peu lourd.
Ce soir encore, en rentrant du boulot, je me décide pour un footing sur mon circuit habituel de 10 kms. Il fait presque nuit quand je rentre alors il faut que je m’équipe en conséquence : gilet de sécurité et lampe frontale. Je pars dans la nuit. Au bout de 6kms, j’en ai un peu raz le bol, j’essaie d’oublier un peu que je cours en me récitant le bateau ivre mais rien à faire, j’en ai marre. Et il se trouve qu’au bout de 6 kms, j’ai la possibilité de couper pour ne faire que 7 bornes. C’est ce que je me décide à faire au carrefour en question...mais hop au dernier moment, je décide de continuer tout droit pour faire les 10 bornes. Je n’en ai pas du tout envie, la nuit est noire et des chauves souris m’effleurent presque. Pourquoi ce revirement ? Je me suis dit au moment où je tournais que non, qu’il fallait que je prolonge l’effort, que ce choix difficile qui allait prolonger ma sortie de 20 minutes ne serait pas vain. Ma théorie sur la question : à tout moment de la vie, lorsque l’on a un choix à faire, il faut toujours prendre le chemin le plus difficile, celui qui demandera le plus d’effort, le chemin le moins séduisant. C’est valable pour les petites décisions (comme celle que j’ai pris ce soir lors de mon footing) et pour les grandes décisions de la vie. D’après moi, cette succession de décisions difficiles n’est pas vaine : elle appelle de grands moments de bonheur et lorsque l’on vit ce bonheur, on ne fait pas forcément le lien avec les décisions difficiles qu’on a pris. Mais je pense que ce lien existe.
Je suis rentré, j’ai fait mes étirements et puis le feu étant allumé, je suis resté dos au foyer pendant quelques minutes à discuter avec Prisca. Douche, dîner et puis voilà. Les filles ont le droit de regarder la télé le mardi soir et j’ai eu plaisir à les entendre rire par moments (elle regardait un film sur Gulli), sages et collées l’une contre l’autre l’autre dans le canapé. Et moment, je me suis dit, voilà un moment de bonheur : mes filles sont heureuses, en bonne santé, rieuses et affectueuses. C’est un bonheur que d’être leur père. Mais de quelle décision difficile cette plaisante réalité est-elle la conséquence ?loïc lt
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CR224 : l'art français de la guerre - Alexis Jenni
S’il l’art français de la guerre n’avait pas remporté le plus célèbre prix littéraire français, je ne l’aurais jamais lu, tout juste aurais-je parcouru sa 4ème de couverture et alors, j’aurais passé mon chemin. Mais voilà, il y a quelques années, je me suis juré de lire tous les nouveaux goncourt (l’année suivante la consécration des bienveillantes, ouf j’ai eu chaud), alors celui-là n’a pas fait exception à la règle. Car non seulement le sujet ne m’intéressait pas (les guerres subies et menées par la France dans la deuxième partie du XXème siècle à travers le regard du Victorien Salagnon, un soldat-peintre qui les aura toutes faites), en plus c’est un pavé de 630 pages et enfin, on peut dire que la critique l’a diversement appréciée, voire même ignorée (télérama ne l’a même pas chroniqué).
Ce roman n’a donc rien pour lui...à part d’être le Goncourt 2011 (et encore, est-ce un gage de qualité ?).
Lecture vient d’être faite...en 15 jours..avec des hauts et des bas, des moments d’agacement, d’autres d’ennuis et puis certains autres plus exaltants. des sentiments variables donc mais globalement quand même un certain malaise devant cette France telle que décrite par Alexis Jenni. Ce n’est pas tant le rappel de ce que furent les méthodes employées par l’armée française lors des guerres coloniales (qui n’ont rien à envier aux méthodes des khmers rouges) mais c’est cette description de la France contemporaine uniquement axée sur les problèmes de violence urbaine, d’émeutes dans les banlieues, de cohabitation entre les “races” etc. On a vraiment l’impression à lire ce livre que la France de 2010 est devenu un pays de non-droit, où les gens ont peur et se calfeutrent. Des groupes armés s’organisent pour tenter de maintenir l’ordre (telle la bande de Mariani à Voracieux-les-Bredins). Le propos de Jenni est de dire en quoi le poids de l’histoire se ressent dans le présent, d’où l’explication de cette violence généralisée. Soit. Mais j’ai vraiment trouvé cette vision de la France d’aujourd’hui un peu restrictive.
D’un autre côté, le héros du livre, Victorien Salagnon n’est pas si inhumain que son parcours pourrait le faire penser. A plusieurs reprises, on le sent dégoûté par les méthodes employées par ses camarades. Et Il trouve dans la peinture à l’encre ce supplément d’âme qui le rend différent des autres. Victorien Salagnon représente le compromis entre la rigueur de l’armée et une certaine élégance française, ce en quoi il peut servir de modèle au narrateur du roman, un type un peu désabusé et en quête d’identité, à qui il apprend à peindre.
Un pavé qu’on parvient à terminer ne peut pas être foncièrement mauvais (je viens encore de caler sur le tambour de Gunter Grass) mais c’est quand même une lecture fastidieuse. En bon petit soldat de la littérature, il m’a fallu de la discipline (50 pages par jour au minimum) pour vaincre l’ennemi. Je signe la fin des hostilités.
Et voici la critique d'une étudiante bretonne....de 18 ans. La France a de l'avenir !
lecture : du 02.01.2012 au 15.01.2012
Gallimard, 632 pages
année de parution : 2011
note : 2.5/5 -
matérialités : la maison.
Nous avons acheté notre maison en mai 2007. Il s’agit d’une maison pas super grande mais pas petite non plus (environ 90m2 avec les combles, ce qui est correct quand on sait que dans 15 ans, nous n’y vivrons plus qu’à deux) posé sur un terrain de 1400m2, lui-même situé à 25 mns de Vannes. Le tout a coûté 110.000€ (entièrement emprunté). Voici comment la maison était composée à la base ::
- côté nord : cuisine, toilettes, salle de bain, chambre, couloir, garage ( où se situé la chaudière à fuel).
- côté sud : salle (très petite) avec cheminée, chambre.
- d’un grenier non aménagé accessible par un escalier escamotable situé dans le couloir.
Extérieurement, c’est une maison pas très belle, dans le style néo-breton (pierre apparentes dans les angles, et autour des fenêtres et portes). La maison est moyennement isolée (agglo+brique et rien d’autre, fenêtres en simple vitrage).
Pour que nous puissions y habiter, nous avons dû d'abord refaire la cuisine à neuf (il n’y avait qu’un évier). Mon beau-père, jeune retraité cuisiniste s’en est occupé. Nous avons fait supprimer l’escalier escamotable et boucher le trou puis ouvert une trappe et installer un escalier digne de ce nom pour accéder au grenier. Dans un premier temps, les filles dorment dans la petite chambre du bas côté nord, et nous dans la chambre du bas côté sud.
Au printemps 2008, après que nous ayons fait installer deux fenêtres de toit vélux côté sud, un artisan nous a entièrement aménagé les combles (isolation, placo, électricité. séparation des combles en deux : mezzanine pour un tiers (là où arrive l’escalier) et grande chambre pour les filles pour deux tiers). Cette même année, nous avons cassé la cloison séparant le salon et la chambre-sud du bas. Nous nous retrouvons avec une grande salle. Prisca et moi, dormons dans la chambre du bas, côté nord et les filles intègrent celle du haut. Enfin toujours en 2008, installation d'un termostat afin de mieux réguler la chaudière à fuel en fonction de nos besoins.En 2009, alors que nous nous apprêtons à faire une terrasse (les deux baies vitrées donnent en effet directement sur la pelouse), au dernier moment, changement d’avis. Nous pensons qu’ll serait plus raisonnable de changer les fenêtres en commençant par le côté sud (les plus atteintes). Le prix du fuel augmente, le temps est venu de faire la chasse au gaspillage. En plus, c’est le bon moment pour le faire car l'Etat est très générieux en matière de crédit d'impôt (pour les fenêtres, 40% du prix de la marchandise nous est reversé l'année suivante). Nous faisons réaliser les travaux par la Morbihannaise des fermetures.
Fin 2009, les ouvertures nord sont changées. Nous n’avions pas prévu le faire si vite mais on a des problèmes d’humidité récurrents de ce côté et puis c’est la dernière année avec un crédit d’impôt conséquent. La MDF s’y attelle à nouveau.
En 2011, on refait le carrelage de la salle (dont une partie était en béton et l’autre, côté cheminée en horribles tomettes à l’ancienne).
Voilà pour l’instant où nous en sommes. Question endettement, on est chargé comme des mulets -mais on adore ça !-. On arrive quand même à vivre correctement.
En 2012, nous allons faire casser la cheminée et en installer une autre plus rentable et plus contemporaine. La société Godin est bien partie pour remporter le marché. Un nouveau petit crédit d'impôt mettra du beurre dans les épinards.
En 2013 ou 2014, on a prévu isoler la maison par l’extérieur avec laine de roche et lames de pvc (partie nord, est et ouest). En effet, les problèmes d’humdité ne sont pas résolus et esthétiquement, la maison aura une toute autre allure. Ensuite, il y aura la terrasse... etc etc...En cinq ans (c'est à dire, pendant tout le quinquénat du Méchant Libéral qui nous gouverne), notre ambition a essentiellement été de faire des économies d'énergie et puis par petites touches de rendre la maison plus agréable à vivre (pas mal de menus travaux par ailleurs, surtout exécutés par Prisca ...qui sy' entend mieux que moi en aménagenent intérieur). S'il n'y avait que des gens comme nous (ration revenus/dépenses), je pense que l'économie française se porterait pas trop mal.
Ensuite, on pourra commencer à souffler...Ah non, il faudra changer les voitures et payer les études des filles (en espérant qu’elles en fassent).
Ensuite, alors, peut-être qu’on pourra souffler !
Vive la classe moyenne ! -
2011, l'année Fukushima
Le 11 mars 2011, les côtes du nord-est du Japon sont touchées pas un tsunami qui fait des dizaines de milliers de morts. On a tous vu ces vidéos amateur montrant la vague approcher et happer les villes côtières. Sur l’une d’entre elles, on voit une route côtière très empruntée et l’on se dit que quelques secondes plus tard, tous ces véhicules que l’on voit vont être submergés et chariés à des kilomètres sans que les conducteurs aient le temps de comprendre ce qui leur arrivent. Des villes sont littéralement rayées de la carte. Evidemment, les médias du monde entier ont rapporté cet événement. Pendant quelques jours, il ne fut question que de cela.
Mais petit à petit, les conséquences du tsunami sont laissées de côté. En effet, on apprend très vite qu'une centrale nucléaire située à Fukushima a subi des dommages importants. Tout l’attention se porte sur la centrale. On suit minutes par minutes, l’évolution des événements. Tout le monde garde Tchernobyl en tête et très vite d’ailleurs, on nous dit que Fukushima sera pire que Tchernobyl. Les anti-nucléaires jubilent : on vous l’avait bien dit. Pendant que les japonais pleurent leurs morts, en Europe, on relance le débat sur le nucléaire.
Trois mois après, alors qu’on ne sait toujours pas ce qu’il s’est reéllement passé à Fukushima, j’ai entendu dans plusieurs médias des présentations du type : trois mois après l’accident nucléaire de Fukushima. On ne parle plus du tsunami. Ce qui s’est passé il y a trois mois, c’est un accident nucléaire. Le reste ne compte plus, ça n’est pas vendeur
Et pourquoi, ça n’est pas vendeur ? Parce que le tsunami est une catastrophe naturelle et l’homme n’y est pour rien. Et il n’y a rien de plus désespérant pour les médias -français, je parle de ce que je connais- de ne pas pouvoir trouver de responsabilité humaine. Les médias ont donc concentré leurs efforts sur l’accident nucléaire autrement plus vendeur. Comment a-t-on pu construire une centrale nucléaire à cet endroit ? Ne vaudrait-il pas mieux tout simplement abandonner le nucléaire ? Quelques mois plus tard, les allemands que je ne savais pas si influençables abandonnent le nucléaire. (j’ajoute au passage que je ne suis ni pro ni anti nucléaire, je ne m’intéresse pas à cette question).
Et tout ça à cause d'une catastrophe dont on ne sait rien. On ne sait pas déjà si elle a fait des morts (en dehors de l’explosion en elle-même qui en a fait 5) et on ne sait pas dans quelle proportion l’environnement a été atteint. On ne sait rien. On nous dit que c’est grave etc, que le nuage (qu’on a encore essayé de nous cacher...ah le mythe du nuage arrrêté à la frontière -) est passé au dessus de la France. Le problème avec le nucléaire, c’est qu’il suscite un débat tellement passionné que les médias qui penchent forcément du côté du politiquement correct ne savent plus informer en tout objectivité.
Pendant ce temps là, des familles font leur deuil, et les japonais tentent comme ils peuvent de sortir la tête de l’eau, si je peux me permettre ce jeu de mots douteux.
Cet exemple de traitement de l’information est assez symptomatique de la difficulté que l’on a d’être informé comme on devrait l’être. Au lieu de relater l’événement, les médias provoquent l’événement, ils le suscitent. Avant même de savoir ce qui s’était vraiment passé à Fukushima, on savait que l’affaire était pliée..avant même de savoir combien de morts la grippe A allait provoquer, c’était déjà la pandémie du siècle...avant même de savoir quelles incidences concrètes la crise financière allait avoir sur la vie des gens, elle était déjà pire que 1929, avant même que Sarkozy bouge le petit doigt, il était déjà le pire président de la 5ème.
Voilà les réflexions que je me faisais en lisant les premières pages de l’art français de la guerre, d’Alexis Jenni. Il revient sur la guerre du Golfe. Pendent l’hiver 1991, le monde entier pensait que Saddam Hussein disposait de la quatrième armée du monde et que les alliés allaient morfler. Il n’en fut rien. Les alliés réussirent la prouesse de ne compter aucune perte directe (en dehors des accidents). En 1991 déjà, les médias nous ont vendu et promis une guerre qui n’a pas eu lieu (si ce ne sont des bombardements à sens unique ayant faits des milliers de morts côté irakien). Les médias suscitent l’événement au lieu de le relater. Quelques années plus tard, on nous a vendu la crise de la vache folle qui n’aura fait qu’une dizaine de morts en Europe (mais engendrer une vraie crise agricole) etc etc.
Face à de tels matraquages, d’informations erronées voire parfois des mensonges, il s’agit de tenter de garder son esprit critique, de rester libre et puis surtout méfiaNT. et puis, si possible de temps en temps se couper du bruit médiatique, de cette sinistrose qu’on veut nous imposer et agir au quotiden sans idées préconçues. Moi je pense que ce qui fait que l'on réussit dans a vie ou pas dépend avant tout de soi même.Je vous souhaite à tous, lecteurs réguliers (il y en a quelques uns) ou internautes égarés, une très belle année 2012.
Loïc LT
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CR223 : le système Victoria - Eric Reinhardt
En 2007, j’avais eu un véritable coup de coeur pour Cendrillon, et j’en avais beaucoup parlé sur ce blog. Tous les blogueurs ont un peu comme ça leur auteur fétiche dont ils lisent tout. Entre temps, j’avais lu le moral des ménages qui m’avait laissé sur ma faim mais qui écrit avant Cendrillon, l’annonçait déjà.
Voici donc, le système Victoria le dernier opus de Eric Reinhardt, sorti en août 2011 et que j’ai décidé de ne pas lire tout de suite tout comme on patiente devant un bon plat afin d’aiguiser l’appétit.
Résumé : David Kolski, directeur de travaux est marié avec Sophie. Le couple a deux enfants. David est à la tête d’un chantier énorme : la construction de la plus haute tour de Paris. Un jour, par hasard, dans une galerie marchande, il a un coup de foudre pour Victoria de Winter, une magnifique quadragénaire, drh d’un groupe international de 12000 personnes et marié à un violoncelliste. Les deux amants se retrouvent dans des chambres d’hôtel luxueuses que loue Victoria : on boit du champagne, on parle politique (elle est de droite et lui de gauche), et surtout on fait l’amour de façon totalement débridée. Professionnellement parlant, David subit les pressions du prometteur immobilier du fait du retard pris par le chantier. Victoria, quant à elle, voyage sur tous les continents et doit entre autres s’occuper d’une fermeture d’usine en Lorraine.
Dès le début du roman, on est informé de la fin tragique de Victoria mais on ne sait pas pourquoi et comment. On sait juste que David n’y est pas totalement étranger mais on sait aussi qu’il n’est pas coupable. Petit à petit, l’auteur tisse sa toile. Il en profite, à travers le parcours des deux tourtereaux, pour nous rappeler ce qu’il pense du système libéral, de l’impasse dans lequel il nous mène (toile de fond de Cendrillon également). Victoria, dans son combat quotidien avec les syndicats symbolise cette fuite en avant, ce jusqu’auboutisme et ce jusque dans sa sexualité dont elle ne s’interdit rien. Pendant qu’elle plane dans des sphères luxueuses de la jet-set planétaire, David (qui n’est pas trop à plaindre quand même avec son salaire de 4000€) est englué dans le cambouis de sa Tour Uranus. Il subit mais retrouve de la vigueur grâce à sa relation avec Victoria. Les deux amants en veulent toujours plus....jusqu’au drame final...
Bien que ce roman soit passionnant, qu’il se lise comme un polar et qu’on ne s’ennuie pas un instant (mention spéciale pour les pages où il est question de la maladie de la femme de David), j’ai trouvé que l’auteur caricaturait beaucoup les choses (mais peut-être force-t-il volontairement le trait). Cette Victoria est vraiment "trop" pour être crédible : trop belle, trop raffinée, trop intelligente, trop “bonne”, trop cultivée, trop bien placée. David, lui est la caricature du bobo de gauche (ceci dit , ce type de bobos existe vraiment, c’est ce qui m’attriste...). Jusque la destination finale de David qui après le drame, seul et déprimé va s’enterrer dans un hôtel situé dans ...la Creuse, on ne fait pas plus cliché .
Ceux qui n’ont pas aimé Cendrillon n’aimeront pas plus celui-là. Quant à moi, modeste smicard de province dont le monde écrit dans ce roman est totalement étranger, j’ai dévoré ses 522 pages en quelques jours, dont les 400 dernières le jour de l’an. J’aime cette introspection très poussée dont font preuve les personnages, cette auto-analyse qu’ils s’imposent, un peu à la manière de Milan Kundera, disais-je à Gambetti, mais en développant même plus. La prose de Reinhardt n’est pas minimaliste. Au contre, elle est ample et vertigineuse...et allez, je l’utilise..JUBILATOIRE. Par ailleurs, par rapport à Cendrillon, le système Victoria est plus classique dans sa construction. Pas de multiplication du même personnage cette fois ci mais un récit palpitant, enlevé qui ne laisse pas indifférent.
Malgré les quelques réserves, un coup de coeur encore une fois !
lecture : du 28.12.2011 au 01.01.2012
stock, 522 pages
année de parution : 2011
note : 4.75/5 -
CR222 : autoroute - François Bon
S’embarquer sur l’autoroute. Partir de Paris, et ne jamais sortir de l’autoroute. Pour la beauté des paysages. Quand on descend vers le sud, quand on remonte vers l’est, comment ça se transforme, les plantes, les reliefs. On s’arrête à chaque parking, chaque péage, chaque station-service, on parle avec les gens. On leur demande de nous parler.(p7)
Deux types décident de faire un reportage de sept jours sur l’autoroute A6. L’un, Verne filme et l’autre, François Bon le narrateur, écrit. . On suit les deux routards d’aires en aires, de péages en péages. Les deux compères captent tout, le banal et l’insolite, comme par exemple ce couple sur une aire de repos qui recherche une alliance balancée quelques mois plus tôt suite à une dispute mais depuis ça va mieux alors équipé d’un détecteur de métaux, le mari ne désespère pas de trouver. Il y a aussi ce type qui du fait de problèmes conjugaux se refuse à quitter l’autoroute....quelques tranches de vie comme ça qu’on n’imagine pas lorsqu’on emprunte les autoroutes et qu’on ne fait pas attention à autre chose qu’à sa route et sa destination. Et puis, François bon dont on connaît le talent pour ce type de littérature, parvient même à rendre la chose poétique :
“la station service Fina Dijon nord a ceci de particulier qu’elle s’inscrit dans une courbe montante, qu’on l’aperçoit donc de très loin comme juste déposée par hélicoptère sur les champs très verts, le grand auvent blanc éclairé dans le plein jour et la boutique comme un intérieur offert et brillant.” (p85)
voire même parfois, à faire rire..moi en tout cas, ce passage où il interroge le type qui s’occupe de l’entretien d’une aire de repos :
“le pénible, en fait, c’est les gazons à tondre. Je n’aime pas tondre le gazon. Je conduis la tondeuse, je roule dans un sens, je roule dans l’autre sens, et à quoi ça ressemblera toujours : un vieux tapis mité, où personne ne s’essuie les pieds. Je fais des variantes, au milieu trois fleurs, au bord quelques herbes sauvages et qui le regarde, qui me dira merci ? Si je ne tondais plus ce gazon, qui viendrait me le reprocher, et pourtant c’est le règlement, mercredi et vendredi : tondre le gazon....(p32).
François Bon nous prouve que la littérature peut trouver matière dans le quotidien, voire même le sublimer, un peu comme il le fit quelques temps plus tard avec Paysage Fer. Il y a une cohérence dans son oeuvre, quelque chose de résolument moderne. Et il ne faut pas s'étonner que le même homme soit l'un des plus vibrants acteurs et défenseurs de la littérature numérique.
Et à ce propos, je me souviendrai toute ma vie de autoroute pour avoir été ma première lecture sur liseuse (kindle). J’en reparlerai peut-être si le choeur mendie.
lecture : décembre 2011
publie.net , 168 "pages"
année de parution : 1998 (papier)
note : 4/5