S’il l’art français de la guerre n’avait pas remporté le plus célèbre prix littéraire français, je ne l’aurais jamais lu, tout juste aurais-je parcouru sa 4ème de couverture et alors, j’aurais passé mon chemin. Mais voilà, il y a quelques années, je me suis juré de lire tous les nouveaux goncourt (l’année suivante la consécration des bienveillantes, ouf j’ai eu chaud), alors celui-là n’a pas fait exception à la règle. Car non seulement le sujet ne m’intéressait pas (les guerres subies et menées par la France dans la deuxième partie du XXème siècle à travers le regard du Victorien Salagnon, un soldat-peintre qui les aura toutes faites), en plus c’est un pavé de 630 pages et enfin, on peut dire que la critique l’a diversement appréciée, voire même ignorée (télérama ne l’a même pas chroniqué).
Ce roman n’a donc rien pour lui...à part d’être le Goncourt 2011 (et encore, est-ce un gage de qualité ?).
Lecture vient d’être faite...en 15 jours..avec des hauts et des bas, des moments d’agacement, d’autres d’ennuis et puis certains autres plus exaltants. des sentiments variables donc mais globalement quand même un certain malaise devant cette France telle que décrite par Alexis Jenni. Ce n’est pas tant le rappel de ce que furent les méthodes employées par l’armée française lors des guerres coloniales (qui n’ont rien à envier aux méthodes des khmers rouges) mais c’est cette description de la France contemporaine uniquement axée sur les problèmes de violence urbaine, d’émeutes dans les banlieues, de cohabitation entre les “races” etc. On a vraiment l’impression à lire ce livre que la France de 2010 est devenu un pays de non-droit, où les gens ont peur et se calfeutrent. Des groupes armés s’organisent pour tenter de maintenir l’ordre (telle la bande de Mariani à Voracieux-les-Bredins). Le propos de Jenni est de dire en quoi le poids de l’histoire se ressent dans le présent, d’où l’explication de cette violence généralisée. Soit. Mais j’ai vraiment trouvé cette vision de la France d’aujourd’hui un peu restrictive.
D’un autre côté, le héros du livre, Victorien Salagnon n’est pas si inhumain que son parcours pourrait le faire penser. A plusieurs reprises, on le sent dégoûté par les méthodes employées par ses camarades. Et Il trouve dans la peinture à l’encre ce supplément d’âme qui le rend différent des autres. Victorien Salagnon représente le compromis entre la rigueur de l’armée et une certaine élégance française, ce en quoi il peut servir de modèle au narrateur du roman, un type un peu désabusé et en quête d’identité, à qui il apprend à peindre.
Un pavé qu’on parvient à terminer ne peut pas être foncièrement mauvais (je viens encore de caler sur le tambour de Gunter Grass) mais c’est quand même une lecture fastidieuse. En bon petit soldat de la littérature, il m’a fallu de la discipline (50 pages par jour au minimum) pour vaincre l’ennemi. Je signe la fin des hostilités.
Et voici la critique d'une étudiante bretonne....de 18 ans. La France a de l'avenir !
lecture : du 02.01.2012 au 15.01.2012
Gallimard, 632 pages
année de parution : 2011
note : 2.5/5
Commentaires
merci pour le lien (et son commentaire), qui éclaire votre obscure intervention sur mon blog. Sur ce qui vous faisait "tomber des nues", je me suis en effet interrogée : est-ce mon avis, ma chronique, le livre d'Alexis Jenni ou que sais-je d'autre qui vous faisait cet effet ? et cet effet était-il positif ou négatif ? mais le lien éclaire ce que vous avez dit.
votre billet m'éberlue quelque peu aussi : d'où vient donc cette idée de lire tous les nouveaux Goncourt depuis quelques années ? Vous vous interrogez vous même sur le gage de qualité que représente ce prix. Mis à part pour vous en faire votre propre idée d'un livre dont beaucoup ont parlé, je ne sais pas trop, j'ai du mal à imaginer.
une autre phrase de votre critique m'amène à me poser une autre question, celle où vous dites qu'un "pavé qu’on parvient à terminer ne peut pas être foncièrement mauvais" : un pavé qu'on ne parvient pas à terminer peut être un chef d'oeuvre. J'ai pour ma part échouer à plusieurs reprises à lire La Chartreuse de Parme de Stendhal. Ce livre est pourtant un classique dont la valeur est reconnue. Je ne parviens pas à le terminer, et pourtant c'est un chef d'oeuvre. Terminer un mauvais pavé peut d'autre part être un défi que je me lance à moi-même : jusqu'où puis-je allez dans ce manque d'originalité, ce caractère insipide, ou autre ? Arriver au bout ne lui donne aucune valeur. Ce n'est pas ce qu'il s'est passé avec L'Art français de la guerre, où je suis plus mitigée, mais cela m'est déjà arrivé.
L'effet était plus que positif ! C'est ton âge (je me permets de te tutoyer, je pourrais presque être ton père) qui m'a surpris. Quelle maturité pour quelqu'un de 18 ans.
L'idée de lire tous les Goncourt ? Comme ça..comme un jeu...et on me l'offre chaque noël, comme ça pas à me prendre la tête.
Un pavé qu'on ne parvient pas à finir peut être un chef d’œuvre certes (j'ai quelques exemples personnels aussi) mais un pavé qu'on finit n'en est pas forcément un ...mais bon, je m'emmêle les pinceaux. Par exemple, un Musso qui fait 1000 pages, ça doit pas être trop difficile à terminer mais ce n'est pas pour ça que c'est un chef d’œuvre. Donc, ça ne voulait rien dire cette théorie du pavé en fait -))
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Je ne lis jamais sur commande, contrairement à vous. J'aime que les livres viennent à moi - c'est toujours juste à propos. Peut-être qu'un jour ce prix Goncourt arrivera jusqu'à moi - c'est qu'alors il y aura une raison.
J'ai tant de livres à lire, et si peu de temps, que je ne me vois pas m'obliger à gaspiller ne serait-ce que quelques heures. Je me souviens que Julien Gracq, un des plus grands de nos écrivains, a refusé le prix Goncourt - et il n'avait pas tort.
Je choisis mes lectures au feeling également...je m'autorise juste une exception avec le Goncourt, ce qui ne fait qu'un livre sur la cinquantaine que je lis par an en moyenne. C'est une sorte de défi qui ne mange pas de pain. Et depuis 4 ans que j'agis de la sorte, j'avoue qu'aucun Goncourt ne m'a littéralement enivré.