A peu peu près tous les trois ans, Eric Reinhardt sort un nouveau roman avec toujours la même ambition : épuiser un sujet (ou une histoire plutôt car il ne traite jamais qu'un sujet) grâce à une écriture ample et fluide. L'amour et les forêts ne déroge pas à la règle. On y retrouve ce style unique, cette fougue, ce torrent dans lequel on s'engouffre sans pouvoir se défaire. Pour ce dernier, l'écrivain revient sur Cendrillon, son meilleur roman (qu'il craint ne jamais pouvoir égaler). Il reçoit une lettre remarquable d'une lectrice, Bénédicte Ombredanne qui lui explique en quoi Cendrillon a changé sa vie. Ils décident de se rencontrer à Paris, au café de Nemours ou ER a ses habitudes. Il ne sait pas encore que cette rencontre va bouleverser sa vie.
Julie se confie à Eric. Prof de collège (ou de lycée je ne sais plus), mariée à Jean-François, un employé de banque psychorigide, elle a deux enfants et vit dans l'est de la France. Elle s'ennuie, a soif d'idéal et décide suite à une sorte de bizarroïde pétage de plomb de son mari de s'inscrire sur Meetic où elle fait la connaissance de Christian chez qui elle va passer une après-midi poético-sensuelle inoubliable. Quand elle rentre chez elle, c'est le début de la fin. Son mari la soupçonne de tromperie (ce qu'elle nie) et se fait de plus en plus oppressant. Elle devient dépressive et fait un séjour en hôpital psychiatrique. Et l'écrivain qui n'a plus de nouvelles d'elle depuis plusieurs mois n'est pas au bout de ses surprises.
ER qui nous avait habitué à étudier les gens par le prisme de l'analyse socio-économique (Cendrillon, le système Victoria) oriente avec l'amour et les forêts sa plume vers l'intimité et les rapports familiaux. Comme on pouvait s'y attendre, il s'en sort à merveille. On ne sort pas indemne de ce récit mené tambour battant. Une nouvelle fois, il utilise son arme favorite : les longs monologues dans lesquels se lancent les protagonistes à la façon du narrateur dans extinction de Thomas Bernhard (la référence qui tue et que personne ne va aller vérifier -) . Mais ces derniers ont le défaut de leur qualité : comment est-il concevable que des discours portés par des personnes différentes (Jean-François, Marie-Claire) se ressemblent à ce point stylistiquement parlant et surtout s'avèrent être à chaque fois des monuments littéraires ? Mais que l'écrivain se rassure (et qui s'en fout surtout), le même reproche peut être fait à Choderlos De Laclos et à d'autres. Par ailleurs, soyons exigeants avec ceux qu'on aime, la fameuse après-midi avec Christian est dégoulinante de mièvrerie et Jean-François est trop peu complexe pour être crédible.
N'ayant pas lu d'interview de l'auteur au sujet de ce roman (qui sorti chez Gallimard bénéficie d'une grosse publicité), je ne suis pas en mesure de dire si cette histoire est vraie ou non...ce qui ne change rien à sa force ainsi qu'à celle de son analyse.
lecture : août 2014, kindle, 4/5.
En 2007, j’avais eu un véritable coup de coeur pour Cendrillon, et j’en avais beaucoup parlé sur ce blog. Tous les blogueurs ont un peu comme ça leur auteur fétiche dont ils lisent tout. Entre temps, j’avais lu le moral des ménages qui m’avait laissé sur ma faim mais qui écrit avant Cendrillon, l’annonçait déjà.
Je me suis procuré ce livre juste après avoir lu Cendrillon que je range au panthéon des romans français contemporains..Si le moral des ménages n’a pas la même ambition que son successeur, on y retrouve à peu la même verve, la même violence dans la description de la société française. Manuel Carsen, le narrateur qui est devenu un chanteur médiocre, revient sur son enfance et n’a pas de mots assez forts pour dénoncer le mode de vie de ses parents et en particulier son père, un giscardien complexé, à qui il reproche de faire le jeu des puissants tout en restant un minable représentant en photocopieurs. La classe moyenne en prend pour son grade et cette charge dure les trois quarts du roman (et dans la forme, m’a rappelé un peu extinction de Thomas Bernhard) et puis alors que cela devient un peu longuet (même si émaillées de quelques scènes assez poilantes à propos de la libido naissante de Manuel dont le désir à la vue du corps d’une fille pas si belle qu’il l’avait imaginé s’éloignait comme les loupiotes d’une chalutier partant vers la haute mer), le propos se retourne dans la dernière partie lorsque le narrateur devient une narratrice en la personne de la fille de Manuel qui considère avec un profond mépris la triste vie de son “artiste’ de père à qui elle préfère la vie honorable de ses grands-parents. 
Donc, je vais suivre de près le prix du livre Inter. En espérant que
Je n'ai jamais trop accroché à Stéphane Mallarmé. Jusque-là, je trouvais sa poésie trop hermétique, difficile et surtout pas très agréable à lire, ce dernier point étant important puisque je peux aimer un poème agréable à lire même si je ne le comprends pas. Il y a des quatrains entiers du bateau ivre de Rimbaud dont on ne comprend rien mais qui sont d'une splendeur sans égal.
Cendrillon, que j'ai fini d'un souffle, dans un élan mystique le soir de noël, est un roman énorme dans tous les sens du terme. Nous avons à faire dans ce livre à Eric Reinhardt, lui-même qui raconte la genêse de l'oeuvre et à ses avatars, Laurent Dahl, un trader épris de poésie, Patrick Neftel, une espèce de nihiliste frustré admiratif des attentats du 11/09, à Thierry Trockel, aussi, un chimiste désireux d'assouvir tous ses fantasmes sexuels. Je ne vais pas vous faire le résumé de tout ça, il y en a suffisamment sur le net. juste dire ce qui me traverse l'esprit.