S’embarquer sur l’autoroute. Partir de Paris, et ne jamais sortir de l’autoroute. Pour la beauté des paysages. Quand on descend vers le sud, quand on remonte vers l’est, comment ça se transforme, les plantes, les reliefs. On s’arrête à chaque parking, chaque péage, chaque station-service, on parle avec les gens. On leur demande de nous parler.(p7)
Deux types décident de faire un reportage de sept jours sur l’autoroute A6. L’un, Verne filme et l’autre, François Bon le narrateur, écrit. . On suit les deux routards d’aires en aires, de péages en péages. Les deux compères captent tout, le banal et l’insolite, comme par exemple ce couple sur une aire de repos qui recherche une alliance balancée quelques mois plus tôt suite à une dispute mais depuis ça va mieux alors équipé d’un détecteur de métaux, le mari ne désespère pas de trouver. Il y a aussi ce type qui du fait de problèmes conjugaux se refuse à quitter l’autoroute....quelques tranches de vie comme ça qu’on n’imagine pas lorsqu’on emprunte les autoroutes et qu’on ne fait pas attention à autre chose qu’à sa route et sa destination. Et puis, François bon dont on connaît le talent pour ce type de littérature, parvient même à rendre la chose poétique :
“la station service Fina Dijon nord a ceci de particulier qu’elle s’inscrit dans une courbe montante, qu’on l’aperçoit donc de très loin comme juste déposée par hélicoptère sur les champs très verts, le grand auvent blanc éclairé dans le plein jour et la boutique comme un intérieur offert et brillant.” (p85)
voire même parfois, à faire rire..moi en tout cas, ce passage où il interroge le type qui s’occupe de l’entretien d’une aire de repos :
“le pénible, en fait, c’est les gazons à tondre. Je n’aime pas tondre le gazon. Je conduis la tondeuse, je roule dans un sens, je roule dans l’autre sens, et à quoi ça ressemblera toujours : un vieux tapis mité, où personne ne s’essuie les pieds. Je fais des variantes, au milieu trois fleurs, au bord quelques herbes sauvages et qui le regarde, qui me dira merci ? Si je ne tondais plus ce gazon, qui viendrait me le reprocher, et pourtant c’est le règlement, mercredi et vendredi : tondre le gazon....(p32).
François Bon nous prouve que la littérature peut trouver matière dans le quotidien, voire même le sublimer, un peu comme il le fit quelques temps plus tard avec Paysage Fer. Il y a une cohérence dans son oeuvre, quelque chose de résolument moderne. Et il ne faut pas s'étonner que le même homme soit l'un des plus vibrants acteurs et défenseurs de la littérature numérique.
Et à ce propos, je me souviendrai toute ma vie de autoroute pour avoir été ma première lecture sur liseuse (kindle). J’en reparlerai peut-être si le choeur mendie.
lecture : décembre 2011
publie.net , 168 "pages"
année de parution : 1998 (papier)
note : 4/5

Il serait vain de me demander pourquoi j'ai un faible pour les zones industrielles et autres endroits périphériques, abandonnées, oubliées...Je n'ai pas la réponse. Mais de façon générale, je dirais que j'aime ce dont les gens se désintéressent et ce dont les gens n'auraient même pas idée qu'on puisse s'intéresser. Et surtout j'aime le quotidien, et la banalité des paysages qu'il nous ait donné de voir en allant au boulot ou ailleurs.
"On attend parfois tout le voyage pour ce qui surgira quelques secondes et ne délivrera rien que ce que la vue en sait déjà, le temps de refaire ses repères et réorganiser la vue globale. Le train va trop vite et tout a passé, on ne voit plus rien, on a juste vérifié que le mystère était encore là, c'est à Foug un peu avant Toul , où on ne ralentit pas, qu'il y a a cette place de la gare avec encore une fois la rue perpendiculaire, et sur la place l'étrange renvoi des deux taches roses pourquoi, un même propriétaire mais on ne peut s'avancer, d'abord sur le fronton du bâtiment le mot Dancing écrit en très gros, et en face, symétriquement, de l'autre côté de la rue perpendiculaire toujours vide, la rue où on aimerait marcher, où on aimerait faire même inventaire de détail mais jamais on ne le fera, jamais on n'y viendra : sur un fronton un peu large et à peine dix mètres en arrière, l'inscription en trois lignes Bar Restaurant Café de la Gare en même graphisme sur un même rose, et qui vient danser à Foug on ne le sait pas, on n'a jamais rencontré personne de Foug comme eux ici probablement seraient en peine de s'y repérer entre Chapelle-Bâton, Availles-Limouzine, Sauzé-Vaussais et Civray où on a vécu et dont on sait pour toujours le détail. Étrange l'inscription Dancing sur son pignon parce que c'est une maison étroite aux trois étages vue en perpendiculaire sans façade, on ne saura que ce pignon et qu'au rez-de-chaussée comme aux deux premiers étages sont deux fenêtres, que les six fenêtres donc sont exactement superposées par trois avec leurs volets étroits et les rideaux (donc, c'est habité), qu'au deuxième étage entre les fenêtres sont deux minuscules lucarnes avec barreaux, comme on en mettrait pour aérer des toilettes ou une salle de bains, et tout en haut au troisième en mansarde sous le toit, les deux mêmes lucarnes accolées, mais sans fenêtres : on danserait donc, dans l'étroite maison avec escalier, toilettes, rideaux et étages ? Et pourquoi pas, comme on faisait dans les anciens palais à suite de salons (dans les livres) pour les bals d'apparat c'est peut-être plus excitant, avec les cuisines et salles à manger qu'ici on suppose, téléviseurs et paliers de faire la fête d'un soir. Le café hôtel de la Gare est dans l'angle lui aussi sous bannière rose, une vitrine et une porte comme tout un chacun des collègues et quand bien même le train va vite on sait reconnaître sur la vitre de la porte que sont comme partout les affiches tenues au scotch, avec les matches de foot (snif...ndlr), les loteries et les voyages en autobus : on s'arrêtera vérifier à Foug."
C'est en fouinant sur itunes que je suis tombé tout à fait par hasard sur un truc qui m'a troué le cul. Le titre s'appelle air conditionné. il a été commis par un certain Julian Jewell. C'est une forme de techno progressive virant sur la trance minimaliste..et ça s'écoute sans fin. je ne mettrai plus de radio-blog ici pour la simple raison que ça me coûte de l'argent. Pour l'écoutez, débrouillez-vous.