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libéralisme

  • Si la restauration était gérée comme la santé (par Vincent Bernard)

    Trouvé ce texte sur Objectif Liberté, le blog de Vincent Bernard 

    Dans ce petit restaurant où vos activités professionnelles vous conduisent à déjeuner le midi, une « formule du jour » avec entrée et plat vous est facturée 10 euros. Pour améliorer l'ordinaire, vous devez ajouter 6 euros pour un dessert, 16 euros pour une bouteille de vin, 20 euros pour du homard.

    Au début, vous payez votre repas, seul. Vous vous contentez généralement de la formule à 10 euros, et vous ne vous offrez que très rarement un petit dessert, juste pour vous faire plaisir. Vous ne prenez du vin que si un collègue vous accompagne et partage l'addition. Le soir, vous préparez votre repas à domicile. Vous vous offrez parfois un autre restaurant plus raffiné, ou plus exotique, le choix ne manque pas. Vous aimez cela, mais en bon père de famille, vous n'en abusez pas, car vous savez que votre budget n'est pas infiniment extensible.

    Mais certains trouvent qu'ils ne peuvent profiter de ces plaisirs assez souvent. Ils en avisent les décideurs politiques. Alors un beau jour, la loi, soucieuse de permettre l'accès à une alimentation de qualité pour tous, oblige chaque restaurant à additionner la note de tous ses convives à chaque service, et à diviser équitablement la note entre tous. Dans ce cas, le homard à 20 euros, partagé entre les 100 couverts du restaurant, ne vous revient plus qu'à 20 centimes: vous ne vous en privez pas, tout comme du vin... D'ailleurs, vous n'avez plus intérêt à rester raisonnable. En effet, si les 99 autres convives consomment du homard et pas vous, votre addition est tout de même augmentée de quasiment 20 euros: Tant qu'à payer plus cher, autant en profiter ! Cependant, un nombre croissant de convives réclamant du homard, des desserts et du vin, votre addition monte à 40 euros et plus, et vous vous dites que vous feriez mieux de manger des sandwiches au bureau... Une fracture alimentaire se produit entre ceux qui peuvent aller au restaurant et ceux qui doivent se contenter de repas sur le pouce. Inacceptable, selon certains partis politiques et associations. 

    L'état, soucieux de corriger cette inégalité devant le couvert, oblige alors les restaurants non pas à vous facturer directement le repas, mais à envoyer la note à une caisse centrale, qui, après l'avoir augmentée de 5% de frais de gestion, en prélève une quote-part proportionnelle à votre salaire sur votre feuille de paie, en la camouflant sous les sobriquets de CAG - contribution alimentation généralisée - et de charges patronales, vous laissant croire que « c'est votre patron qui paie ». L'illusion de gratuité étant totale, vous délaissez le sandwich et fréquentez deux fois par jour les restaurants, rebaptisés « établissements d'alimentation », l'ancien vocabulaire ayant une connotation par trop... ancien régime. L'état profite de votre manque de vigilance pour prélever aussi sur votre salaire une partie de la note des retraités et d'autres inactifs, qui peuvent ainsi participer au festin à vos frais, sans que vous ne vous en rendiez vraiment compte. Cependant, les restaurateurs, submergés par la demande, sont obligés de supprimer le homard et les autres raffinements de leur carte, faute de pouvoir en fournir en quantité suffisante. Le menu de base devient l'ordinaire de tous. Anciennement vendu 10 Euros au client, il est désormais facturé à 20 euros à la caisse de compensation, puisque le consommateur ne regarde plus à la dépense. 

    Vous remarquez que bien des gens qui autrefois déjeunaient chez eux préfèrent désormais le restaurant « gratuit », n'hésitant pas parfois à y consommer trois ou quatre repas quotidiens. La demande est telle que la pression à la hausse sur le prix des aliments entrant dans la composition des repas est importante. L'état décide donc d'en réglementer les prix. Les fraudes se multiplient, les restaurants n'hésitant pas à facturer à la caisse des repas fictifs. 

    Comme il subsiste une certaine concurrence entre restaurants, on en trouve encore qui pratiquent une restauration correcte, à condition toutefois de pouvoir payer des suppléments, parfois légalement, parfois en dessous de table. Par contre, les trois étoiles, autrefois fierté de notre pays, ont disparu. Les plus riches vont déguster les mets les plus fins aux tables des grands chefs de Suisse ou de New York qui ne désemplissent pas. Les hauts "serviteurs" de l'état, fort heureusement pour eux, échappent à la médiocité ambiante en se créant sur mesure des tables spécifiques, comme "l'avale de grâce", cantine militaire de haut luxe où notre président de la république aurait ses habitudes. Notre président ne perd d'ailleurs pas une occasion de rappeler l'excellence de notre système d'alimentation à chacun de ses passages, sans se soucier des rabat-joie qui font remarquer par voie de presse que la plupart des français n'ont pas accès au même niveau de prestations. 

    Mais voilà, l'état ne peut augmenter indéfiniment le prélèvement sur les feuilles de paie des individus pour financer l'augmentation de la consommation de services de restauration, aussi la caisse de compensation affiche-t-elle un déficit chronique. Afin de limiter la hausse des prix, l'état décide de fixer arbitrairement le prix du menu à 15 euros. Chaque année, la négociation du prix légal du repas entre restaurateurs et état tourne à l'affrontement. Quant au rationnement des tarifs, il freine les vocations de restaurateurs dans les campagnes dépeuplées. 

    Les politiques, dans une nouvelle tentative d'en freiner l'emballement financier, réforment encore le système en le rendant plus contraignant, rationnant l'accès à l'alimentation, par le système du « restaurant référent », restaurant auprès duquel vous devez vous inscrire pour un an afin de bénéficier de l'intégralité de la prise en charge du repas. Du fait de cette diminution de la concurrence entre restaurants, la qualité des repas baisse dramatiquement, les clients étant généralement priés de manger en moins d'un quart d'heure. La qualité de service devient déplorable. 

    Face à cette situation aberrante, certains plaident pour le retour au système antérieur de restauration libre, dont les avantages s'effacent progressivement des mémoires. Ils sont traités de sans-coeur, de fossoyeurs des acquis sociaux et, naturellement, d'ultra-libéraux, ce qui suffit à empêcher tout débat serein autour des avantages et inconvénients de chaque système. Toute velléité de retour à une restauration privée, nécessairement « à deux vitesses », est farouchement combattue par les syndicats, qui, il est vrai, utilisent la caisse de compensation des établissements d'alimentation comme moyen de financer leurs activités, comme finissent par le révéler quelques journalistes d'investigation. 

    Et votre bon sens vous taraude : « comment en sommes nous arrivés là » ? 

    Naturellement, tout ceci n'est que pure fiction. Aucun gouvernement sérieux ne s'autoriserait d'ingérence dans la gestion d'un secteur d'activité selon des principes aussi stupides.

  • CR223 : le système Victoria - Eric Reinhardt

    Système-Victoria-Reinhardt.jpgEn 2007, j’avais eu un véritable coup de coeur pour Cendrillon, et j’en avais beaucoup parlé sur ce blog. Tous les blogueurs ont un peu comme ça leur auteur fétiche dont ils lisent tout. Entre temps, j’avais lu le moral des ménages qui m’avait laissé sur ma faim mais qui écrit avant Cendrillon, l’annonçait déjà.
    Voici donc, le système Victoria le dernier opus de Eric Reinhardt, sorti en août 2011 et que j’ai décidé de ne pas lire tout de suite tout comme on patiente devant un bon plat afin d’aiguiser l’appétit.
    Résumé : David Kolski, directeur de travaux est marié avec Sophie. Le couple a deux enfants. David est à la tête d’un chantier énorme : la construction de la plus haute tour de Paris. Un jour, par hasard, dans une galerie marchande, il a un coup de foudre pour Victoria de Winter, une magnifique quadragénaire, drh d’un groupe international de 12000 personnes et marié à un violoncelliste. Les deux amants  se retrouvent dans des chambres d’hôtel luxueuses que loue Victoria : on boit du champagne, on parle politique (elle est de droite et lui de gauche), et surtout on fait l’amour de façon totalement débridée. Professionnellement parlant, David subit les pressions du prometteur immobilier du fait du retard pris par le chantier. Victoria, quant à elle, voyage sur tous les continents et doit entre autres s’occuper d’une fermeture d’usine en Lorraine.
    Dès le début du roman, on est informé de la fin tragique de Victoria mais on ne sait pas pourquoi et comment. On sait juste que David n’y est pas totalement étranger mais on sait aussi qu’il n’est pas coupable. Petit à petit, l’auteur tisse sa toile. Il en profite, à travers le parcours des deux tourtereaux,  pour nous rappeler  ce qu’il  pense du système libéral, de l’impasse dans lequel il nous mène (toile de fond de Cendrillon également). Victoria, dans son combat quotidien avec les syndicats symbolise cette fuite en avant, ce jusqu’auboutisme et ce jusque dans sa sexualité dont elle ne s’interdit rien. Pendant qu’elle plane dans des sphères luxueuses de la jet-set planétaire, David (qui n’est pas trop à plaindre quand même avec son salaire de 4000€) est englué dans le cambouis de sa Tour Uranus. Il subit mais retrouve de la vigueur grâce à sa relation avec Victoria. Les deux amants en veulent toujours plus....jusqu’au drame final...

    Bien que ce roman soit passionnant, qu’il se lise comme un polar et qu’on ne s’ennuie pas un instant (mention spéciale pour les pages où il est question de la maladie de la femme de David), j’ai trouvé que l’auteur caricaturait beaucoup les choses (mais peut-être force-t-il volontairement le trait). Cette Victoria est vraiment "trop" pour être crédible : trop belle, trop raffinée, trop intelligente, trop “bonne”, trop cultivée, trop bien placée. David, lui est la caricature du bobo de gauche (ceci dit , ce type de bobos existe vraiment, c’est ce qui m’attriste...). Jusque la destination finale de David qui après le drame, seul et déprimé va s’enterrer dans un hôtel situé dans ...la Creuse, on ne fait pas plus cliché .
    Ceux qui n’ont pas aimé Cendrillon n’aimeront pas plus celui-là. Quant à moi, modeste smicard de province dont le monde écrit dans ce roman est totalement étranger, j’ai dévoré ses 522 pages en quelques jours, dont les 400 dernières le jour de l’an. J’aime cette introspection très poussée dont font preuve les personnages, cette auto-analyse qu’ils s’imposent, un peu à la manière de Milan Kundera, disais-je à Gambetti, mais en développant même plus. La prose de Reinhardt n’est pas minimaliste. Au contre, elle est ample et vertigineuse...et allez, je l’utilise..JUBILATOIRE. Par ailleurs, par rapport à Cendrillon, le système Victoria est plus classique dans sa construction. Pas de multiplication du même personnage cette fois ci mais un récit palpitant, enlevé qui  ne laisse pas indifférent.
    Malgré les quelques réserves, un coup de coeur encore une fois !

    lecture : du 28.12.2011 au 01.01.2012
    stock, 522 pages
    année de parution : 2011
    note : 4.75/5