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compte rendu de lecture

  • CR286 : un bonheur parfait - James Salter

    bonheur.jpgTous les deux ans à peu près, j’apprends l’existence d’un auteur américain présenté comme un très grand. C’est ainsi que je ne connaissais pas James Salter jusqu’il y a quelques mois lorsqu’il a sorti son dernier roman (et qui sera effectivement son dernier puisqu’il est mort peu après).

    Dans sa biographie, j’ai choisi un bonheur parfait paru en 1975, un de ses romans les plus connus maintes fois récompensés et traduit en français en 1997.

    Il ne faut pas être sorti de Saint-Donatien pour deviner que le titre est une antiphrase. Ce bonheur parfait ne l’est évidemment pas. L’histoire se passe dans les années 60 ou 50, Nedra et Viri, un couple de bourgeois vivent avec leurs deux filles dans une maison de campagne non loin de New-York. Lui est architecte et elle s’occupe de la maison. Nedra est rayonnante, spirituelle, aime recevoir. Les dîners entre amis de la haute bourgeoisie cultivée composée de beaucoup d’artistes bobo se succèdent, comme les saisons que l’auteur retranscrit à merveille. Cette maison située près d’un fleuve est comme un paradis, le feu crépite dans la cheminée et la neige tombe en hiver.  Le jardin produit de nombreux fruits, le chien, le poney et la tortue font le bonheur des enfants. Le tableau est parfait. C’est Martine (à l’école, embellit son jardin...) en version roman américain. Et le fait que Viri comme Nedra font dans l’adultère n’altèrent en rien ce bonheur apparent. Tout le monde les envie et l’avenir leur appartient.

    Mais la quarantaine dépassée, Nedra désire retrouver sa liberté. L’auteur, s’il est très précis dans l’analyse des rapports humains est par contre peu bavard concernant la situation réelle de ce couple...mais on devine qu’elle n’était ni plus mauvaise ni meilleure qu’un autre. C’est juste que Nedra aspire à autre chose. Un matin, elle part quasiment sans bagages, les filles ont plus ou moins quitté le nid et Viri se retrouve seul, à peine désemparé.

    Chacun va alors vivre sa propre vie avec des destins différents, Viri ayant été largué met du temps à reprendre pieds et Nedra, plus que jamais obsédée par le fait de vieillir cumulera les aventures avec plus ou moins de bonheur.

    Ce roman est quand même assez décevant. Au trop plein de mondanités entre gens friqués, je me suis lassé de ce ronronnement familial qui dure les trois quarts du roman. On sait dès le départ quasiment ce qui va se passer mais l’auteur ne parvient pas à nous y préparer. La décision de Nedra est aussi brutale que la réaction d'un chat surpris dans son sommeil. Côté face, il y a une belle plume, voire plutôt un beau pinceau tant cette oeuvre de James Salter s’apparente plus à un tableau qu’à un roman.

    lecture sur kindle, septembre 2015. parution en 1975, traduction par Lisa Rosenbaum et Anne Rabinovitch en 1997, éditions de l’Olivier, 395 pages. 3/5

    Loïc LT

  • CR285 : un amour impossible - Christine Angot

    un_amour_impossible_angot_couverture.jpgL'autre jour, j'ai eu ma frangine au téléphone. J'avais réussi à joindre la cabine de Conteville depuis la cabine de Camors et dans la discussion, je lui ai fait part de mon intention de lire le dernier roman de Christine Angot afin de me faire un plaisir de le démolir sur mon blog après. Alors, pensez que je ne vais pas me défausser. Je ne serais pas honnête vis à vis de moi même ni vis à à vis de ma sœur. Mais  s'il faut rester fidèle à ses convictions, on peut revenir sur ses a priori.

    Mais si un amour impossible n’est pas le roman du siècle, ni celui de l’année, pas même celui du jour (car aujourd’hui de magnifiques lignes ont été écrites un peu partout dans le monde), il n’est pas sans intérêt. En premier lieu, il représente un défouloir pour son auteur. Pour le lecteur, c’est différent. D’aucuns y trouveront un peu de leur vie et se rassureront peut-être en constatant que cette vie puisse valoir un roman et d’autres n’y trouveront aucun intérêt. Christine Angot pousse loin le travail d’introspection en ce qui concerne son rapport à sa mère et à son père. On sent par ailleurs l’influence d’Annie Ernaux lorsqu’elle évoque les classes sociales (encore que Annie Ernaux n’a pas le monopole sur ce sujet).

    Je n’ai pas lu l’inceste dont ce récit constitue la continuation, l’auteur tentant de donner une explication familiale et sociale et à ce qu’elle a vécu pendant son enfance. A défaut de faire de la littérature, Il faut saluer le courage de Angot qui publie ce qui ne seraient pour beaucoup que des carnets intimes. Par ailleurs, dans les dernières pages, ses tête à tête avec sa mère au restaurant pendant lesquels elle vide son sac à main sont cruels en même temps qu'émouvants. Pour le reste, j'ai trouvé au contraire de ce que laisse entendre le titre que la relation avec sa mère était très forte, sans pudeur, sans non dits. La mère de Christine est affectueuse et aimante mais a juste eu le défaut, de par sa naïveté et un amour aveugle pour le père de sa fille, de n'avoir pas vu l'horreur.

    Si je suis si gentil, c’est peut-être parce que je ne l’ai pas vu ou entendu dans les médias depuis longtemps (ou l’art de faire de l’anti-promotion), et puis parce que pour avoir écrit le bateau d’Emile, et bien je ne veux pas être condescendant vis à vis des gens qui écrivent des choses moins bien que moi -).

     

    lecture sur kindle, septembre 2015. sortie en août 2015, Flammarion, 216 pages.

     

    Loïc LT

  • CR284 : les lions diffamés - Pierre Naudin

    51NHTQE77AL._SX298_BO1,204,203,200_.jpgAprès avoir été envoûté par la visite du château de Gratot lors de mes vacances dans l’ouest du Cotentin, il m’a prit l’idée de chercher s’il existait une littérature à son sujet, qu’il s’agisse de récits écrits par des gens de l’époque ou des romans. Je suis très vite tombé sur la série de Pierre Naudin (décédé en 2011) , le cycle d’Ogier d’Argouges composé de 7 épais volumes relatant les aventures de la famille d’Argouges, celle-là même qui est à l’origine de la construction du château. Ceci dit, il s’agit bien d’une oeuvre romanesque, Ogier le héros n’ayant jamais existé mais même s’il s’agit d’un roman, les conflits décrits (l’action se déroule au XIVe siècle) font vraiment partie de l’histoire de France (la bataille de l’Ecluse par exemple par laquelle débute le roman). Pour le reste, l’auteur invente tout des d’Argouges, dont Godefroy, seigneur du château de Gratot est la figure de proue. Mais dans ce premier tome, ce sont les pérégrinations de son fils Ogier que l’on suit. Après la défaite de l’Ecluse contre les Anglais, son père est destitué (à tort) de son statut de chevalier et il est convenu que le jeune Ogier sera formé pendant cinq ans par son oncle Guillaume vivant dans le château de Rechignac dans le Périgord. On suit alors le quotidien d’Ogier, la vie quotidienne dans le château, les amours, les faits d’arme, les rivalités et puis plus on avance dans le roman et alors qu’Ogier après cinq ans de formation s’apprête à rejoindre Gratot, les anglais (règne de Edouard III) s’emparent d’une bonne partie du sud ouest du royaume de France et s’approchent de Rechignac. Le roman se termine alors que les anglais (appelés les goddons), sous le commandement de Robert Knolles encerclent le château, ils sont en supériorité numérique et sur armés. A l’intérieur du château, où l'on a rassemblé la populace (les vilains quoi) et fortifié les fondations, peu sont optimistes.

    J’avoue avoir pris beaucoup de plaisir à lire ce roman chevaleresque, qui m’a fait penser à ‘au nom de la rose’ en moins prétentieux, au cycle du Graal en plus moderne. D’une indéniable valeur documentaire, ce qui fait surtout l’intérêt de ce roman, c’est le style utilisé. Facile à lire, il est cependant parsemé, de termes désuets et de descriptions plus vraies que nature. En plus d’une connaissance parfaite des us et coutumes de cette époque, Il y a chez cet auteur une parfaite maîtrise de la langue du moyen-âge , et excusez la comparaison un peu facile, cela m’a souvent fait penser aux dialogues entre Godefroy de Montmirail et Jacqouille la Fripouille dans les visiteurs.

    On ne s’ennuie pas un seul instant. Ogier d’Argouges est un personnage attachant et sentimental, qui découvre l’horreur de la guerre avec flegme et qui fait preuve de bravoure (comme on dit). La seule déception est que le château de Gratot souvent cité n’apparaît qu’en toile de fond. Il doit apparaître dans les tomes suivants que je lirai sans doute peut-être.

     

    Extraits : Alors qu'après la défaite de l'Ecluse, Guillaume et les siens descendent dans le Périgord :

     

    Chaque soir dans l'auberge élue pour le gîte et le couvert, Guillaume s'informait : que savait-on, céans, des événements de Flandre ? Que se passait-il à Paris ? Philippe avait-il envie de se revancher ? Les hôteliers, les manants et les bourgeois attablés devant un godet de vin ou de cervoise avaient à peu près tous la même grimace et le même geste d'ignorance.

     

    A propos de voyageurs s'étant arrêtés devant le pont-levis du château de Rechignac :

     

    Les voyageurs repoussèrent l'aumusse qui protégeait leur tête, dégageant ainsi une courte chevelure. Deux d'entre eux portaient bouc et moustache - le chef - avait le visage nu. Leur peau était hâlée par le sang, non par l'air. Ils étaient vêtus d'une hoqueton de lin gris, tacheté par leur sueur et la poudre des chemins. Près de la boucle de leur ceinture; émergeant d'une étui de cuir vermeil, luisait la prise d'une anelace. Des chausses rouges moulaient leurs jambes ; leurs heuses de daim, pelucheuses de poussière, avaient des talons serrés armés d'épérons, sans molette.

     

    Avant l'acte d'amour :

     

    Elle s'allongea telle quelle sur la couche tandis qu'il enlevait en hâte son pourpoint, ses heuses, ses chausses, et ne conservait pour tout vêtement que ses braies.

     

    Ah bon : il garde ses braies !!!

     

    Cycle d'Ogier d'Argouges 1 - 1978 (sept volumes),  lecture sur kindle, 506 pages,  en septembre 2015. note : 4.5/5

     

    Esprit d'Ogier, fantôme de Godefroy, vous cachez-vous dans les ruines du château tel qu'il se présente ce jour d'hui ?  

     

    chateau-de-gratot-50_b.JPG

    Loïc LT, 12.09.2015, matines

  • CR283 : la nuit d'Alice à la Pointe - Patrice Poulet

    compte rendu de lecture,agon-coutainville,normandie,roman,roman du terroir,polar,littérature,livreLa plus juste des vengeances est toujours un excès. Pierre-Claude Nivelle de la chaussée*

    Ça fait quelques mois que je n'avais pas fait un petit compte rendu de lecture (ce qui est quand même à la base la raison d'être de ce blog, sa vache à lait, comme on dit en économie d'entreprise) mais il se trouve que j'ai coincé sur un roman américain, l'un des nôtres de Willa Cather ( pourtant couronné du fameux prix Pulitzer en 1923) alors à l'occasion de ce court séjour à Hauteville-sur-Mer, je me suis laissé tenter par un roman du terroir dont l'action se passe près de Hauteville-sur-Mer, dans la station balnéaire mythique (pour mon couple en tout cas) de Agon-Coutainville, ville qui se situe un peu plus au nord du Cotentin et qui se finit au bout d'une pointe célèbre qu'on devine de Hauteville lorsque, cela arrive rarement, l'horizon est dégagé.

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    On ne peut pas demander à un roman du terroir d'être plus royaliste que le roi. Ceci dit, le roman du terroir dispose d'un cahier des charges et celui-ci ne le remplit que partiellement. De toute façon, je ne suis pas un grand adepte de cette littérature et donc je ne suis pas forcément objectif. Côté positif, il y a l'histoire qui à défaut d'être originale est bien goupillée, cohérente et la psychologie des personnages est bien rendue. Il y a quelques personnalités qui frisent le cliché mais j'ai vu pire dans ce genre de roman et j'excuse beaucoup de choses lorsqu'on évoque Coutainville. L'histoire en bref : une jeune fille qui s'appelle Alice se fait violer sur la pointe d'Agon par son beau-père, pris d'une pulsion incontrôlable et  ensuite Alice, souillée, meurtrie, sombre dans la folie et  décide de se venger sur lui et toute sa famille.

    Ce que m'a agacé, c'est que l'auteur ait changé le nom de Coutainville, qui devient Claireville. Pour quelle raison alors qu'il s'agit d'un roman et qu'évidemment aucun coutainvillais ne peut se sentir visé ? Peur de donner une mauvaise image de la ville ? Pourquoi pas sauf qu'un bandeau rouge  imprimé sur la couverture indique 'suspense à Agon-Coutainville', et c'est d'ailleurs ce qui a attiré mon regard lorsque j'errais dans les rayons de la librairie (enfin librairie...avec presse, vente d'articles de plages et tout...) de Coutainville. Sur ce point, je serais curieux d'avoir l'explication de l'auteur...d'autant qu'il ne change pas le nom de Coutances ou de Muneville. Pour le reste, je n'aime pas le titre, trop ampoulé, trop narratif, pour un roman de ce genre, nul besoin de faire du chichi, 'la vengeance d'Alice' eut suffi. Petit détail :  le correcteur confond ballade et balade, moi aussi jusqu'il y a quelques mois mais si je devais faire éditer un roman, je ne laisserais rien passer. Sur ce blog, il y a des erreurs, j'en conviens mais ce n'est pas un roman.

    Mais je ne vais pas plus accabler l'auteur. Le suspens est au rendez-vous, le roman se boit comme du lait ribot (dans lequel pataugent des patates qui restaient au fond du frigo  et des crêpes qui restaient aussi). Coutainville tient une place à part dans ma vie et les amoureux de cette bourgade sont mes amis. 

    * citation au début du livre

    lecture : juillet 2015, 220 pages, livre papier. éditeur inconnu (américain apparemment). note : 3/5. 

    Loïc LT, 28.07.2015

  • CR282 : Joseph - Marie-Hélène Lafon

     

    téléchargement (1).jpgMarie-Hélène Lafon est l'une des rares auteurs contemporaines qui s'attache à décrire le monde rural (voir mon compte rendu de l'un de ses précédents romans), si on enlève, sauf le respect tous les romans du terroir qui touche un public ciblé pas spécialement épris de littérature et cela fait du bien de sortir de Paris, des affres de la classe moyenne supérieure, des manigances des gens qui n'ont pas de problème d'argent et qui ne connaissent de la campagne que ce que les spots de pub donnent à  voir.  Je n'ai rien contre cette littérature boboïsante ou autofictive (Régis Jauffret, Emmanuel Carrère, Eric Reinhardt, Philippe Djian...) mais un moment, il faut aussi se dire que 90% du territoire national est rural (et que cette ruralité est diverse) et qu'il mérite qu'on l'écrive et avec style si possible (ce que fait MH Lafon)

    L'auteur raconte l'histoire d'un garçon de ferme, le genre de profession qui n'existe quasiment plus aujourd'hui (mais qui est peut-être appelé à renaître sous une autre forme du fait de l'agrandissement des exploitations). Joseph est à l'aube de ses 60 ans et se souvient de toutes les fermes où il a travaillé, des bons et des mauvais patrons, les bons et les mauvais moments. Joseph ne s'intéresse à rien d'autre qu'à l'élevage ; on n'a aucun reproche à lui faire sur ce point. Toute sa vie est contenue dans une valise qu'il traîne de ferme en ferme et dans laquelle entre autres, il amasse un petit pécule en prévision de ses obsèques car il a entendu dire que ça coûtait cher. Il ne voit plus beaucoup sa famille (son frère jumeau est restaurateur à Paris). Il n'a connu qu'une fille pendant quelques années et elle s'est barrée. Rien d'autres. Le travail à la ferme, les tristes veillées, et comme seul intérêt télévisuel, le patin artistique (étonnant d'ailleurs). 

    Mais la vie de Joseph n'est pas si tristement lisse qu'il n'y parait parce qu'alcoolique, sa vie de fermier modèle fut entrecoupée de cures dont il sortait frais comme un gardon avant de rechuter des mois ou des années plus tard. Comme dans ces campagnes reculées, on ne respecte pas la loi à la lettre, les flics avaient pour les conducteurs pris en flagrant délit des sortes de salles de dégrisement appelées les bleues, après quoi ils pouvaient repartir sans retrait de permis :

    Les gendarmes le lui disaient assez, tu devrais prévoir de finir par Ségur tu serais plus commode pour la bleue. Il se remplissait de vin ; l'été il cuvait dans la voiture qui lui servait de maison. Il dormait assis au volant, raide et la bouche ouverte, avec la ceinture de sécurité et la radio, les phares ou les codes allumés, les gens le connaissaient, dans chaque bourg il avait ses places pour se garer et le cantonnier ou quelqu'un d'autre, en passant, tournait la clef de contact pour que la batterie ne se décharge pas complètement. La voiture était la Peugeot du père qui tenait encore le coup ; après ses cuites Joseph nettoyait, surtout pour les odeurs. Il était très maigre, ses mains tremblaient, il n'envisageait pas les gens ; et quand on réussissait à attraper son regard qui vous traversait sans vous voir, on ne soutenait pas longtemps ce vertige. 

    Le portrait de Joseph est aussi l'occasion pour l'auteur de nous décrire cette France inconnue, composée de petites fermes en train de disparaître. Mais elles existent encore dans des coins reculés (mais plus beaucoup en Bretagne). Dommage que le roman soit si court, il y avait tant de choses à dire sur le sujet. Moi, mon arrière-grand-mère était verratière et quand j'en ai parlé l'autre jour lors d'un repas de famille, tout le monde voulait en savoir plus, comme quoi, les questions sur la ruralité restent dans le subconscient des gens dont la plupart sont enfants ou petits-enfants de paysans. 

    Je sens MH Lafon tout à fait à même de nous écrire un livre sur le quotidien des exploitations intensives, car bien que l'on nous parle beaucoup de 'l'essor' du bio (qui est une bonne chose), c'est l'agriculture intensive qui nourrit les français et qui participe grandement à ses exportations. Je m'éloigne du sujet mais je peux vous dire que le bio représente bien peu de choses à côté de l'agrandissement des exploitations agricoles qui deviennent de véritables sociétés qui pour certaines traitent directement sur les marchés internationaux (et leurs travers : les produits dérivés). Mais Joseph, s'il est encore en vie,  est bien loin de ces considérations...

    parution : Buchet Chastel, août 2014, 144 pages, lecture sur kindle en mai 2015. note : 4.5/5

    Loïc LT

     

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  • CR281 : Qui est Charlie ? - Emmanuel Todd

    9782021279092.jpgJe ne sais pas comment ce livre a atterri sur ma liseuse. Je soupçonne une infiltration orchestrée par Beauchamp. Mais bon, comme il y était, je me suis dit que c'était l'occasion qui faisait le larron et bien que cette histoire de Charlie m'a gonflé dès le premier jour (les attentats m'ont bouleversé et j'ai participé à un rassemblement le 11 janvier à Baud, donc de ce côté, j'ai les cuisses propres), alors avoir le point de vue d'un sociologue me tentait un peu mais sans plus. Il me semble en effet que les rassemblements historiques du 11 janvier 2015 (quoi qu'on verra ce que l'histoire en garde)  étaient si spontanés et si portés par l'émotion suscitée par ces attentats horribles que cela ne valait peut-être pas la peine de chercher midi à quatorze heures et encore moins un djihadiste pendant la révolution française. Mais bon, l'auteur s'est quand même attelé à la tâche en bon sociologue qu'il est, ce qui signifie et je tiens à vous prévenir tout de suite que cet essai contient son lot de termes techniques propres à la discipline sociologique qui m'ont posé quelques difficultés (n'ayant suivi que quelques heures de cours de sociologie en fac de droit). 

    Toujours est-il qu'Emmanuel Todd a trouvé le prétexte de cet historique 11 janvier pour nous refaire une analyse politique, religieuse et démographique de l'Hexagone depuis la révolution jusque 2015, tout ceci avec l'intention de cerner et catégoriser les gens du défilé. Il remonte donc très loin, chiffres à l'appui (études de l'IFOP essentiellement ainsi que quelques essais sociologiques). Il est beaucoup question de la famille ( le cheval de bataille de Todd en général), du catholicisme, des flux migratoires. Todd ne prend pas vraiment partie (d'où mon interrogation quant à la polémique qui suscite cet essai) mais il n'hésite pas à dire ce que le politiquement correct interdit de dire (genre : il y a une forte proportion d'immigrés dans les prisons françaises...et d'autres propos dans le genre). Après comme je le disais, il est question de famille nucléaire (dont je suis), de catholiques zombies (dont je suis aussi) et d'autres considérations typiquement sociologiques.  Le conclusion est globalement que le défilé du 11 janvier n'était composé que de gens de la classe supérieure et moyenne aisée. Todd fait une telle fixation sur le 11/01 qu'il en oublie les attentats (évoqués quand même mais succinctement). 

    Comme j'ai du mal à faire un résumé de cet essai, je retranscris ici quelques passages qui donnent une idée du propos (avec  commentaires) :

    Des millions de Français se sont précipités dans les rues pour définir comme besoin prioritaire de leur société le droit de cracher sur la religion des faibles. 

    Je ne suis pas d'accord avec l'analyse. C'est l'émotion qui a poussé les Français dans les rues, pas autre chose. 

    Le choix de la monnaie unique a donc suivi - de peu pour un historien de la longue durée - l'abandon du dieu unique. Ce n'est pas la religion qui a déterminé l'adhésion à un projet économique, c'est le reflux de la religion qui a conduit à son remplacement par une idéologie, en l'occurrence à la création d'une idole monétaire que l'on peut à ce stade de l'analyse appeler euro ou veau d'or.

    L'Euro aggrave bien entendu dans sa zone les effets du libre-échange. C'est une monnaie forte et stable, gérée avec pour seule priorité la lutte contre l'inflation.

    Je suis d'accord avec la deuxième partie, à savoir que l'Euro nous protège de l'inflation et je mets ce propos en corrélation avec l'idée populaire comme quoi l'Euro a fait grimper les prix. C'est un exemple du gouffre qui s'est creusé entre les élites et le peuple. Les gouvernants affirment à raison  que l'Euro est une monnaie forte qui empêche l'inflation pendant que les ouvriers pensent totalement le contraire. Je suis plus réservé sur le premier paragraphe. Je ne crois pas que dans l'esprit du peuple, l'Euro soit une nouvelle religion...En tout cas, la monnaie unique revient couramment dans cet essai et on se demande où est le rapport avec le 11 janvier. 

    Ici comme ailleurs, cependant, nous devons situer sociologiquement et statistiquement le phénomène : l'adhésion à l'islamophobie d'inspiration houellebecquo-zemmourienne est limitée, par nature, à ceux qui ont les moyens d'acheter des livres et le temps de les lire, des gens  d'un certain âge, donc, appartenant aux classes moyennes. Ni les milieux populaires qui votent pour le Front national, ni les jeunes diplômés dont les revenus baissent n'ont les moyens ou le temps de lire Zemmour ou Houellebecq dans le texte. 

    Je ne peux que confirmer : je connais plein de gens qui votent fn et qui ne savent même pas que Zemmour et Houellebecq existent . Par contre, je ne mettrais pas les deux hommes sur le même plan. L'un est un essayiste d'extrême droite (ou presque) et l'autre un romancier et dans un roman, on n'écrit pas forcément ce qu'on pense. Et Houellebecq n'est pas xénophobe. Sinon, pour l'anecdote, on peut aujourd'hui lire toutes les nouveautés littéraires sans dépenser un euro (comme je l'ai fait pour le livre de Todd). 

    L'analyse détaillée de la manifestation n'aboutit donc pas à la découverte d'un monde neuf, régénéré,refondé. Les déterminations de sa mise en marche sont, pour l'essentiel, les mêmes que celles du vote pour Maastricht. Les couches sociales motivées furent les classes moyennes, issues du secteur public et du secteur privé, enrichies dans les provinces d'une forte composante catholique zombie. 

    Les catholiques zombies sont des gens qui ne croient pas forcément en dieu mais dont la culture est influencée par le catholicisme. J'en fais partie et selon Todd François Hollande aussi. Why not. Ce passage se situe au premier tiers du roman et sonne un peu comme la conclusion de l'essai. Les classes populaires, les jeunes des banlieues et les musulmans étaient globalement absents de ces défilés. D'où la conclusion que ce défilé serait une imposture. On a déjà entendu ça avant le bouquin de Todd. C'est un fait. Moi je trouve que globalement, Emmanuel Todd ramène un peu trop  tous les problèmes de la société à la religion (ainsi qu'à l'Euro, nouvelle religion et à l'Union Européenne qu'il critique). 

    Cela ne nous dit pas qui est Beauchamp et encore moins où il est (en tout cas, pas à Landaul).

    Seuil, parution : mai 2015, 252 pages, lecture sur kindle en mai 2015. note : /

    Loïc LT 

  • CR280 : les gommes - Alain Robbe-Grillet

    31TYKSSCKKL.jpgLa première idée qui m'est venue lorsque j'ai terminé la lecture de ce curieux roman est qu'il s'agissait d'un polar à l'envers, à savoir que l'on sait à peu près tout  sur tout dès le début (comme dans les Columbo) et puis plus on en avance dans la lecture, plus on commence à avoir des doutes sur la véracité des faits, sur le coupable du crime et sur la réalité du crime lui-même. L'auteur aurait même pu pousser le bouchon plus loin  en mettant en cause l'existence de la victime (un dénommé Daniel Dupont, un solitaire et chercheur en économie, vivant dans un pavillon cossu d'une ville lugubre du nord de la France). Le détective Wallas dépêché de Paris fait office de personnage principal de cette histoire sans queue ni tête. Il loge dans l'unique chambre d'un bar-hôtel paumé dans lequel des habitués alcoolisés se font des devinettes enfantines et discutent de problèmes arithmétiques. Pendant ce temps, Wallas erre dans la ville mais s'y perd très souvent bien qu'empruntant toujours les mêmes rues. Parfois, il s'arrête dans des papeteries pour acheter des gommes (pour quoi faire, on sait pas mais on peut voir dans ces gommes le symbole de ce roman où l'intrigue s'efface petit à petit comme s'effacent sous le frottement de la gomme les traits laissés par un crayon papier). Wallas doit rendre des comptes à Paris où l'on est persuadé que le meurtre du Dupont est le fait d'un groupe terroriste et doit composer aussi avec le commissaire du coin, le commissaire Laurent qui penche pour l'hypothèse du suicide. Pour compliquer les choses, Wallas se retrouve quasiment présumé coupable après que différents témoins lui trouvent une forte ressemblance avec un type louche qui traînait autour du pavillon la veille dudit crime (parce qu'en fait, Dupont n'est pas vraiment mort). 

    Bien qu'estampillé nouveau roman, ce qui signifie souvent lecture ardue, les gommes se lit aisément . Je suis rentré avec délectation dans l'univers étouffant et singulier mis en place par l'auteur dont certains aspects (l'allure de Wallas, l'absurdité de certaines scènes) m'ont fait pensé aux films de Jacques Tati. Cet ancien roman est à mettre entre toutes les mains d'autant plus que certains dialogues dans le bar sont à mourir de rire (en retranscrire un ou deux dans un prochaine note peut-être).

    éditions de minuit, 1953, 364 pages, lecture sur kindle en avril 2015. note : 4.5/5 

  • CR279 : le dahlia noir - James Ellroy

    c4a6cca771ea9f848c4360957f31b42b.jpgJe vous parlais il y a peu du syndrome James Ellroy et bien je crois que j'en suis guéri. Il m'a fallu faire preuve de beaucoup de courage et je tiens aussi à remercier mes proches qui m'ont soutenu dans ce défi insensé : lire un roman de cet auteur américain réputé pour son écriture hermétique et son système narratif déstructuré. Pourtant, j'avais déjà lu un de ses méfaits, ( lune sanglante ) et je crois que je ne m'en étais pas trop mal sorti (mais le roman était court et assez abordable par rapport aux autres).

    Le dahlia noir est le roman le plus connu de James surtout depuis qu'il a été adapté au cinéma par  Gerald de Palmas (qui fait des mauvaises chansons mais qui parait-il ne commet pas des films américains de merde), film que j'ai téléchargé et qu'on va regarder un de ces soirs (bien que je n'aime pas trop ces situations où l'on regarde un film à deux et dont l'un des deux a lu le livre et ne peut donc s'empêcher d'ouvrir sa bouche pour dire ce qui va arriver). 

    Nous sommes dans les environs de Los Angeles, 2 ans après la fin de la seconde guerre mondiale. On découvre dans un terrain vague le corps d'Elizabeth Short, une jeune mythomane et nymphomane un peu paumée et qui rêvait de devenir actrice. Le corps est retrouvé en plusieurs morceaux et vidé de tout son contenu (désolé mais bon, je dis ce qui est). Devant l'émoi suscité à L.A, la police décide de mettre tous les moyens possibles sur l'enquête. Deux flics  sont au centre des opérations : le narrateur, Dwight Bleichert et Lee Blanchard, deux amis boxeurs usant de méthodes peu conventionnelles. Lee vit avec Kay, une fille qu'il a connu lors d'une affaire de vols dont elle était une des complices (affaire à propos de laquelle Lee n'est pas très net). Comme de fait, Lee traîne un lourd passé et ça ne tourne pas rond dans sa tête. Il se gave de médocs et veut venger Elizabeth pour venger la disparition inexpliquée de sa sœur à 14 ans. L'enquête patine et je vous épargne les détails. Lee disparaît de la circulation et Dwight est affecté à un autre service mais continue quand même à enquêter. Il se lit avec Madeleine, une bourgeoise mangeuse d'hommes, fille d'un des plus grands promoteurs immobiliers de Los Angeles. Il faut suivre et ne pas se laisser distraire, une seule phrase mal comprise et on est bon pour repartir du début. 

    Je ne fais que donner les grands traits de l'histoire. Ce n'est pas très important, on trouve des résumés partout. Ce qui vaut la peine d'être stipulée par contre , c'est l'écriture de James Ellroy. Cet auteur n'est pas du genre à faire les présentations, à expliquer au lecteur qui est qui et quoi et quoi. Le roman commence et on se croirait déjà à la centième page. Abondance de dialogues, beaucoup de termes techniques concernant le fonctionnement de la police, une écriture à l'arrache, de combat même dirais-je, au plus près de l'événement. Le lecteur n'a qu'à bien se tenir. James Ellroy n'est pas un moraliste ou un donneur de leçon, il écrit ce qui est point barre. La violence est omniprésente et l'humanité ne sort pas grandie du récit (et encore moins la police et notamment le procureur qui fait tout pour étouffer l'affaire parce qu'il veut se présenter les cuisses propres aux primaires républicaines ou démocrates, je ne sais plus). On devine à la lecture de ce roman que c'est exactement de la sorte que les choses se passaient dans la police de Los Angeles à la fin des années 40 (d'ailleurs le récit est inspiré d'un fait divers ressemblant qui émut la ville), c'est à dire qu'on est loin de l'image policée qu'on se fait de cette ville de l'est des Etats-Unis, ensoleillée, bourgeoise et tranquille. Il faut donc saluer le travail de documentation de l'auteur. 

    Quand on est bien rentré dans le roman, et bien finalement, on s'habitue vite au style et malgré (ou grâce à) son côté rentre-dedans, James Ellroy parvient à percer la psychologie de ses personnages aussi bien voire mieux que l'un qui ferait des grandes phrases descriptives. Chez cet auteur, c'est la succession des événements et la façon dont agissent  ceux qui les vivent qui nous permet de cerner le fonctionnement et la complexité du cerveau humain dans lequel le bien et le mal ont du mal à savoir sur quel pied danser. 

    Rivages/Noir, 2006, 504 pages, lecture sur kindle en avril 2015. note : 4/5

    Loïc LT

  • CR278 : le tramway - Claude Simon

    letramway.jpgEn matière de lecture, je n'aime pas rester sur une défaite et d'avoir interrompu la lecture du tramway il y a quelques années, en fut une. Je m'étais juré d'y revenir et j'ai profité du propos d'une quincaillière me laissant entendre que je ne lisais jamais de roman de la mouvance nouveau roman (dont aujourd'hui les auteurs publiés aux éditions de minuit poursuivent un peu le projet), pour y revenir. Je viens de le terminer ce soir un oeil sur ma liseuse et l'autre sur la deuxième saison de Broadchurch (série anglaise potable, en tout cas moins pire que d'autres). Admirez la prouesse : lire du Claude Simon, l'un des auteurs les plus difficiles qui soit tout en faisant autre chose ! Autant faire cuire des œufs et préparer une vinaigrette en même temps. Et mieux encore, je n'ai pas perdu le fil de l'histoire 

    Je ne sais pas si mes trois lecteurs connaissent Claude Simon (prix Nobel de littérature en 1985  décédé en 2005) mais pour vous donner une idée, voici les premières lignes du roman où le narrateur (qui se souvient qu'étant enfant il avait le privilège de pouvoir aller dans la cabine de pilotage d'un tramway conduit par ce qu'il appelle un wattman ) explique le fonctionnement de la manette de pilotage :

    tram.jpg

    L'un qui ne connaîtrait pas la prose de Simon et qu'on n'aurait pas averti serait déjà tombé de sa chaise. Toute l'oeuvre de l'auteur se résume dans ses quelques lignes (je me souviens que dans la route des Flandres, il lui avait fallu trois pages pour expliquer le dysfonctionnement de la serrure rouillée d'un poulailler), mais je vous rassure Claude Simon ne s'occupe pas uniquement des objets, au contraire même, il y a bien comme ça dans ses romans - un peu comme des parenthèses - des descriptions précises de 'choses' souvent mécaniques mais l'essentiel chez Simon, ce sont les sensations, ce que le tri accompli par la mémoire  nous  laisse de souvenirs épars et en l'occurrence ici, le narrateur est un vieillard gisant dans une chambre d’hôpital (à Paris je crois) et qui se souvient de sa jeunesse au lendemain de la première guerre mondiale dans une ville de bord de mer dont un tramway reliait le centre à la côte. Il se souvient qu'il l'empruntait pour aller et rentrer du collège, de la vie autour de ce véhicule, des hommes mutilés par la guerre, et du quotidien autour du trajet, les différences de classe et puis très vite la lente agonie de sa mère (son père était mort au combat) rongée sans doute par le crabe. Devenu orphelin, il est pris en charge par son oncle et sa tante ou que sa tante, je ne sais plus, (avec Simon, on a le droit de ne pas tout suivre). Mais comme je le stipulais, le récit qui n'est pas linéaire s'avère être plutôt une succession aléatoire de tableaux de cette jeunesse jaillissant  au gré des poussées de fièvre du narrateur dans sa chambre d'hôpital où sa vie ne tient qu'à des tuyaux et des bonbonnes de gaz. 

    On a tort de considérer Claude Simon comme  élitiste ou trop pompeux. Quand on sait à quoi s'en tenir et bien, cela se lit assez agréablement. Et puis quelque part, il n'y a pas plus vrai que cette littérature. A l'orée de la mort, fiévreux et branché de toute part, que peut-il traverser notre esprit si ce ne sont des bribes, des sensations voire même quand on sombre dans une demi-conscience des détails incongrus dont l'intérêt peut échapper au bien-portant ? N'est-ce pas ce qui nous arrive à tous lorsque malades et parvenant à trouver le sommeil 5 mns, des rêves étranges naissent de la fièvre ? 

    Je ne suis pas le meilleur commentateur de Claude Simon. Il a ses adeptes qui se réunissent parfois secrètement en colloques (dans un château de Cerisy-la-Salle) lors desquels j'imagine on ne doit pas beaucoup se marrer (mais peut-être quand même plus qu'à un spectacle de Anne Roumanov ou lors d'un meeting de l'ump) .Vous savez, entre eux, les intellos ne se racontent pas de blagues de Toto mais ils possèdent leur propre sens de l'humour, un peu comme ceux qui s'esclaffaient lors de l'émission Apostrophe sur des sujets ne prêtant pas pourtant à l'hilarité. 

    éditions de minuit, 2001, 144 pages, lecture sur kindle en avril 2015. note : 4/5

    Loïc LT

  • CR277 : territoires - Olivier Norek

    compte rendu de lecture, kindle, polar, roman, roman policier, olivier norek, banlieue, Si je ne m’abuse, c’est la première fois que je commente un roman paru chez Michel Lafon,  maison qui en général ne fait pas dans la dentelle. Avec territoires, Olivier Norek n’en fait pas non plus mais une chronique lue je ne sais plus où m’avait mis l’eau à la bouche. Au départ j’avais peur du syndrome James Ellroy (qui conduit à ne déjà plus rien comprendre au bout de quelques minutes de lecture) mais la crainte s’est vite dissipée, territoires faisant partie des romans qui vous happent dès le début. Point de fioritures, point de blabla et de descriptions inutiles, l’auteur n’est pas un fan du nouveau roman ! De l’action avant toute chose, des chapitres courts, un rythme soutenu pour une histoire  tout à fait crédible. Il faut dire qu’en sa qualité de flic (en disponibilité), Olivier Norek connaît son sujet, en particulier ici la mainmise d’un gang sur une ville de la banlieue parisienne. Il y a bien quelques clichés, comme par exemple la personnalité du capitaine Coste trop genre Belmondo dans le solitaire ou la rivalité un peut trop exagérée pour être honnête entre la brigade des stup  et la BAC, encore que sur ce dernier point, il y a sans doute du vrai.

    Olivier Norek nous plonge donc dans le quotidien de la police dans une cité gangrenée par la violence et dont la drogue est la seule planche de salut pour les dealers et pour les consommateurs. Si ce ne sont les flics qui font ce qu’ils peuvent, c’est à dire la plupart du temps pas grand chose, l’Etat est aux abonnés absents, la maire est de mèche avec les caïds vers qui elle détourne des subventions afin de maintenir un semblant de paix. Ce qui met le feu aux poudres dans la bonne ville de Malceny ( ou de braves  retraités sont forcés de cacher des pains de cocaïne et des liasses de billets dans leurs appartements), c’est qu’un nouveau caïd a décidé de remplacer le précédent en le dézinguant ainsi que toute son équipe. Victor Coste qui devait prendre quelques jours de congés avec son amie ( cliché polar aussi) doit reporter le départ et prendre les choses en main, aidé par une équipe d’attachants gais lurons. Mais cette tentative de reprise en main dans ces zones de non-droit ne se fait pas sans dommages. Sur l'ordre de la maire , la police municipale provoque les jeunes pour faire éclater des émeutes afin que la ville de Malceny soit sous le feu des projecteurs et  pour que la maire qui n’avait déjà pas les cuisses propres puisse obtenir du ministère de la ville des subventions supplémentaires afin de satisfaire le nouveau chef de gang (dont le lieutenant est un gosse de 12 ans) . Mais l’équipe de Coste assure et le tout finit à la fin du roman (je sais, c'est pas drôle).

    En plus d’être un bon polar, ce roman nous montre le quotidien d’une ville de banlieue (dont la dernière quincaillerie a fermé depuis longtemps si tant est qu’il y en a déjà eu une et où le terme de ‘vandalisés’ semble bien faible pour décrire ce qu’il advient des cabines téléphoniques), la misère sociale, la violence, le trafic de drogues et montre l’impuissance des politiciens qui en sont réduits à devoir partager leur maigre pouvoir avec des malfrats. Je ne pense pas que ce soit exagéré même si pour pimenter le roman l’auteur a condensé le pire de ce que peut subir ce type de ville.

    Evidemment, ce n’est pas de la littérature mais ce n’était pas l’intention de l’auteur qui a rempli son cahier des charges et qui avec ce genre de roman réaliste n'a pas dû se faire que des amis.

     

    Interview de l'auteur sur le site de Marianne

     

    éditions Michel Lafon, parution : 09/2014, lecture mars 2015, 394 pages, kindle. 4/5

     

    Loïc LT