Cette 20ème édition des recensements des édicules à fin téléphonique ne sera pas la moins intéressante en particulier pour les amateurs de légendes et d’histoire médiévale. Alors, pour une fois, s’il vous plait, lisez jusqu’au bout ; je ne vous demande pas de laisser un commentaire, c’est accessoire mais au moins de lire, ça ne peut pas vous faire de mal de connaître un peu mieux la France profonde sous un autre angle que celle que TF1 vous inflige tous les jours à 13:00.
Il se trouve que j’étais deux jours en villégiature à Blainville-sur-Mer dans l'ouest du Cotentin (avant de rejoindre Hauteville une autre station balnéaire). Blainville est une modeste bourgade située à quelques kilomètres au nord de Agon-Coutainville (que j’évoquais dans le précédent compte rendu) qui aura le droit également à son inventaire mais aujourd’hui (texte écrit le 25/07/15) c’est de Gratot (où tout est payant) dont il est question . J’ai toujours plaisir à passer quelques jours en bord de mer mais à chaque fois, une force gravitationnelle me pousse vers l’intérieur des terres. Je me suis donc éclipsé tout seul loin des mobiles homes et des touristes en culotte courte pour aller vers Gratot qui se situe à 7 kms à l’ouest de Blainville.
Gratot est un village tranquille niché dans le bocage normand. La cabine téléphonique se situe près d’un parking et répond au doux numéro de 02 33 07 69 35. Elle est mise en valeur par une vieille machine agricole dont je ne sais plus l’usage et surveillée depuis un fourgon blanc 24h/24 par deux employés communaux qui se relaient afin d’aider les appelants qui auraient du mal à comprendre le système de carte récemment mis en place par les ptt, modernité oblige.
Si le bourg n’a rien d’original par ses rues et son architecture et ressemble à tous les bourgs du coin, il est quand même coquet et bien fleuri et possède la particularité de ne posséder ni mairie ni église ‘en son centre’.
Et pour cause, la mairie qui ressemble à une ancienne école se situe à un km en pleine cambrousse et l’église se dresse un peu après la sortie du bourg (en direction de la mairie, vers l’ouest, direction Blainville) près du fameux château de Gratot.
Le château de Gratot se voit de loin depuis la D244 et impressionne tout de suite le chauffard par ses tours et ses ruines imposantes.
Il est donc situé près de l’église (Notre dame je crois) qui est entouré d’un cimetière. Un peu d’histoire ne nuit pas : Le château qui date du 12ème fut d’abord la résidence de la seigneurie de Gratot, d’où son nom mais suite à un mariage pour tous, il est passé sous la coupe de la famille d’Argouges du 13eme au 18eme mais le dernier des d’Argouges a tout dilapidé et ruiné la famille. Ensuite, le château a changé plusieurs fois de mains et je note parmi le nom des propriétaires le nom d’Alphonse Lemerre, qui l’acheta en 1910 et tout rimbaldien qui se respecte connaît ‘le bon éditeur’ Alphonse Lemerre évoqué par Rimbaud dans sa lettre à Théodore de Banville en date du 24/05/1970. Hélas, l’homme aux semelles de vent n’a jamais mis les pieds dans cette demeure puisqu’il était mort depuis 20 ans et que quand bien même il aurait été vivant en 1910, je ne sais pas ce qu’il aurait fait mais en tout cas il ne serait pas aller rendre visite à cet éditeur dont il ne se serait plus souvenu de l'existence. En tout cas, excusez la prétention mais je ne pense pas que beaucoup de gens aient fait le lien entre la lettre d'Arthur et l'acheteur de 1910....ouille mes chevilles..
Après ces différents acquéreurs, ce fut le début de la fin et le château abandonné, tapissé de lierre se démantibulait tel un château de cartes. Heureusement, il fut racheté pour une bouchée de pain de seigle en 1925 par un modeste paysan, Jean Tiphaigne ( à qui appartenait peut-être la machine près de ladite cabine) qui en fit un corps de ferme et ce faisant évita la disparition pure et simple du monument. Jean T qui n’avait sans doute que peu d’intérêt pour la valeur du château a permis quand même de le sauver puisque dans les années 1970, c’est sous l’impulsion de son petit-fils et de bénévoles que le château a été rénové au terme des 12 travaux d’Hercule.
Aujourd’hui, l’ex-maison seigneuriale est principalement en ruine certes mais entretenue. Au rez-de chaussée, le pavillon dispose d'une grande salle qui accueille des expositions temporaires (en ce moment Philippe Olive (sculpteur plasticien) et Olivier Lecourtois (peintre).
Les bâtiments (dits les communs) autour de l’entrée (dite la Poterne) sont en meilleur état et servent d’accueil au public. le tout est entouré de douves dans laquelle pataugent 10 espèces de canards coin-coin nous informe un écriteau (mais je n’en ai pas vu un seul) et au bord de laquelle des hortensias et des Gunnera impressionnants sont heureux comme un seigneur en son donjon qui voit s'éloigner les ennemis.
La Poterne (entrée) :
douves et jardin :
Si vous passez dans les environs, vous pouvez vous passer de visiter la cabine, par contre, la visite du château (3 balles) s’impose. Personnellement, j'y retournerai, la commune compte d'autres édifices (comme l'ermitage Saint-Gerbold qui a appartenu également aux d'Argouges et dans lequel aujourd'hui vit en ermite quelqu'un de connu mais je n'ai pas le droit de dire qui.
reportage réalisé le 25/07/15. Gratot (Manche, 50200). Météo : beau mais frais. habitants de Gratot : les gratolbiviennanaisins. 656 mortels. maire : Jean d'Argouges. état de la cabine : parfait.
toutes photos prises par moi-même, libres de droit.
Loïc LT
Commentaires
Quelle date, la lettre de Rimbaud ? Je n'ai du reste pas tout compris : c'est le même quidam dont parle Rimbaud et qui a racheté le château - au passage, belles ruines. Elle est bien mimi cette boulangerie. J'aimerais bien en avoir une comme ça par chez moi.
La lettre date de 1970 et oui c'est le même type. Il ne peut pas y avoir deux éditeurs s'appelant Alphonse Lemerre à la même époque et il est né en 1838 et mort en 1912. Donc c'est lui.
Je suis peut-être le premier à m'en apercevoir, faudrait que je me renseigne auprès de l'assoc qui gère le château.