J'adore Eric Reinhardt autant qu'il m'agace mais l'éblouissant Cendrillon sorti en 2007 (à propos duquel il dit qu'il ne pourra jamais rien écrire de mieux) fait que je lui excuse beaucoup de choses. Et avouons que cet écrivain secoue un peu le doux ronronnement de la littérature française d'aujourd'hui de part l'ambition de ses romans, leurs constructions et les thèmes toujours très proches de l'actualité qu'il y développe.
Figurez-vous la chambre des époux. Il évoque dès le début un roman qu'il aimerait écrire qui s’appellerait une seule fleur mais qu'il ne va pas écrire car il a d'autres projets. Faute de l'écrire, il nous en explique la trame...qui constitue quasiment tout le roman la chambre des époux ! Plutôt cocasse comme "dispositif" comme il dirait. ER s'amuse volontairement avec les codes romanesques et avec ses lecteurs. C'est un fait que l'écrivain n'est pas un amateur du récit banalement chronologique et qu'il profite des libertés qu'offre l'art romanesque quitte à dérouter et à provoquer des mises en abyme vertigineuses (et pardon si c'est un pléonasme). L'autre caractéristique des romans de ER est toujours se mettre en scène (à part peut-être dans le système Victoria, j'ai un doute), faisant donc de l'autofiction dans ce qu'elle a de plus noble. Il y a donc une base de vrai et ensuite on ne sait plus trop. Ce qui est vrai dans ce récit, c'est que l'écrivain a appris le cancer du sein de sa femme Margot alors qu'il était loin d'en avoir fini avec Cendrillon, que Margot a survécu à ce cancer. Après ce ne sont que conjectures mais ce qui fait 80% de la chambre des époux, c'est à dire une période de la vie de son fils (ou pas) Nicolas (compositeur et chef d'orchestre de génie...) constitue de la pure fiction, c'est justement ce une seule fleur qu'il ne veut pas écrire. Donc, il écrit un roman qu'il n'écrira jamais !
Le cancer est omniprésent dans ce roman mais il est narré comme un drame autant que comme une bénédiction. C'est la cancer qui donne à l'auteur la force de finir Cendrillon et c'est le cancer de Marie qui va pousser Nicolas à se rapprocher d'elle et lui écrire un requiem ( évidemment plus beau que celui de Fauré ou de Dvořák...mais pas celui de Mozart) au risque de briser son propre couple mais il joue franc jeu annonçant à sa femme Mathilde qu'il va la quitter provisoirement pour aller au chevet d'une mourante.
J'ai le sentiment que Eric Reinhardt a voulu exorciser par l'écrit ce drame qui l'a touché de près. Alors sans doute, il en fait trop, trop de superlatifs, trop de tout mais en dehors de cet aspect, on ne lui enlèvera pas cette énergie romanesque qu'il parvient à insuffler à ses romans.
Des citations, je pourrais vous en mettre plein mais moi qui adore le pot-au-feu, je veux juste vous restituer ce passage parce que je veux parler du pot-au-feu (que ma femme m'a promis de refaire très vite, je regarderai comment elle fait cette fois-ci et je l'aiderai) :
La savoureuse odeur d'un pot-au-feu cuisiné par Mathilde et mijotant doucement dans sa marmite voluptueuse et argentée embaume l'appartement. C'est plat préféré de Nicolas [...] et c'est lui-même qui le matin, au marché, a fait part à Mathilde de son envie de pot-au-feu.
lecture sur liseuse Kindle en septembre 2017, Editions Gallimard , parution août 2017. note : 4 / 5
Loïc LT
Tout le monde s'imagine seul avec son baluchon tel Rimbaud sur les routes ardennaises (Mon unique culotte avait un large trou. - Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course, Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. - Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou... ), avec quoi dedans,en tout cas sans thunes et personne qui ne t'attend nulle part. Et bien, si c'était le cas pour moi, je ferais le trajet ouest-est en longeant la Loire et en rejoignant Paris à la confluence de la Seine et de la Marne et je rejoindrai l'est, sans forcément suivre le cours de la Marne comme JP Kauffmann mais en prenant des chemins noirs ainsi que les appelle Sylvain Tesson qui dans se récit relate sa marche initiatique des Alpes vers le Cotentin.
Jean-Paul Dubois est fan de l’auteur américain Philip Roth (qui n’a jamais obtenu le Nobel de littérature ce qui est scandale quand on sait que le chansonnier de bazar, Bob Dylan l’a obtenu) et cela se ressent dans ce roman (qui est sans doute un peu autobiographique).
Comme ce blog est fermé, j’ai écrit ce que je pensais de ce bouquin sur Facebook mais il existe encore des réfractaires à ce réseau social. Ceux qui sont contre Facebook savent son côté pratique mais leur opposition est avant tout idéologique. On dit qu’on n’est pas sur Facebook comme on dit qu’on n’a pas la télé. C'est trop mainstream. Comparaison ne vaut pas raison mais quand tu veux traverser la France en voiture, tu as le choix entre prendre les autoroutes ou prendre les autres routes. Si t’es pressé et que t’a pas envie d’observer le paysage, tu prends les autoroutes. Par contre, si tu as tout ton temps, c’est mieux de prendre les petites routes, de traverser les petits bourgs, d’emprunter les voies cernées par les champs de vigne ou de tournesol. Et bien Facebook, c’est l’autoroute, aires de repos comprises.
L'année dernière, j'ai écrit un livre sur mon grand-père maternel que j'ai diffusé après impression à quelques membres de ma famille. Je n'ai pas eu beaucoup de retour pourtant j'ai donné beaucoup de ma personne. Je suis allé interroger des gens l'ayant connu, j'ai posé des questions à ses filles, je suis retourné sur les lieux où il avait vécu. Mais en fin de compte, ce projet, aussi louable fut-il a été un échec. Il lui a manqué ce que Philippe Torreton a su faire à propos de sa grand-mère : de la poésie, du symbolisme. A vouloir tout dire, j'ai tout gâché. je le savais déjà mais je l'ai encore plus réalisé en lisant ce récit.
L'affaire ne s'arrête pas là. Je vais vous raconter une anecdote. Ma sœur habite pas très loin de Triqueville et quand elle a su que Philippe Torreton avait écrit un récit sur sa mémé, elle l'a lu évidemment et puis une idée qui peut paraître saugrenue lui est venue. Elle a acheté cinq exemplaires de l'ouvrage et les a offert à des voisins en les postant dans leur boite à lettre avec lettre manuscrite à l'appui. Chacun est invité (je parle désormais au présent car c'est en cours) à lire ce récit et tout le monde est appelé à se retrouver pour en parler avant l'été. 