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sociologie

  • CR281 : Qui est Charlie ? - Emmanuel Todd

    9782021279092.jpgJe ne sais pas comment ce livre a atterri sur ma liseuse. Je soupçonne une infiltration orchestrée par Beauchamp. Mais bon, comme il y était, je me suis dit que c'était l'occasion qui faisait le larron et bien que cette histoire de Charlie m'a gonflé dès le premier jour (les attentats m'ont bouleversé et j'ai participé à un rassemblement le 11 janvier à Baud, donc de ce côté, j'ai les cuisses propres), alors avoir le point de vue d'un sociologue me tentait un peu mais sans plus. Il me semble en effet que les rassemblements historiques du 11 janvier 2015 (quoi qu'on verra ce que l'histoire en garde)  étaient si spontanés et si portés par l'émotion suscitée par ces attentats horribles que cela ne valait peut-être pas la peine de chercher midi à quatorze heures et encore moins un djihadiste pendant la révolution française. Mais bon, l'auteur s'est quand même attelé à la tâche en bon sociologue qu'il est, ce qui signifie et je tiens à vous prévenir tout de suite que cet essai contient son lot de termes techniques propres à la discipline sociologique qui m'ont posé quelques difficultés (n'ayant suivi que quelques heures de cours de sociologie en fac de droit). 

    Toujours est-il qu'Emmanuel Todd a trouvé le prétexte de cet historique 11 janvier pour nous refaire une analyse politique, religieuse et démographique de l'Hexagone depuis la révolution jusque 2015, tout ceci avec l'intention de cerner et catégoriser les gens du défilé. Il remonte donc très loin, chiffres à l'appui (études de l'IFOP essentiellement ainsi que quelques essais sociologiques). Il est beaucoup question de la famille ( le cheval de bataille de Todd en général), du catholicisme, des flux migratoires. Todd ne prend pas vraiment partie (d'où mon interrogation quant à la polémique qui suscite cet essai) mais il n'hésite pas à dire ce que le politiquement correct interdit de dire (genre : il y a une forte proportion d'immigrés dans les prisons françaises...et d'autres propos dans le genre). Après comme je le disais, il est question de famille nucléaire (dont je suis), de catholiques zombies (dont je suis aussi) et d'autres considérations typiquement sociologiques.  Le conclusion est globalement que le défilé du 11 janvier n'était composé que de gens de la classe supérieure et moyenne aisée. Todd fait une telle fixation sur le 11/01 qu'il en oublie les attentats (évoqués quand même mais succinctement). 

    Comme j'ai du mal à faire un résumé de cet essai, je retranscris ici quelques passages qui donnent une idée du propos (avec  commentaires) :

    Des millions de Français se sont précipités dans les rues pour définir comme besoin prioritaire de leur société le droit de cracher sur la religion des faibles. 

    Je ne suis pas d'accord avec l'analyse. C'est l'émotion qui a poussé les Français dans les rues, pas autre chose. 

    Le choix de la monnaie unique a donc suivi - de peu pour un historien de la longue durée - l'abandon du dieu unique. Ce n'est pas la religion qui a déterminé l'adhésion à un projet économique, c'est le reflux de la religion qui a conduit à son remplacement par une idéologie, en l'occurrence à la création d'une idole monétaire que l'on peut à ce stade de l'analyse appeler euro ou veau d'or.

    L'Euro aggrave bien entendu dans sa zone les effets du libre-échange. C'est une monnaie forte et stable, gérée avec pour seule priorité la lutte contre l'inflation.

    Je suis d'accord avec la deuxième partie, à savoir que l'Euro nous protège de l'inflation et je mets ce propos en corrélation avec l'idée populaire comme quoi l'Euro a fait grimper les prix. C'est un exemple du gouffre qui s'est creusé entre les élites et le peuple. Les gouvernants affirment à raison  que l'Euro est une monnaie forte qui empêche l'inflation pendant que les ouvriers pensent totalement le contraire. Je suis plus réservé sur le premier paragraphe. Je ne crois pas que dans l'esprit du peuple, l'Euro soit une nouvelle religion...En tout cas, la monnaie unique revient couramment dans cet essai et on se demande où est le rapport avec le 11 janvier. 

    Ici comme ailleurs, cependant, nous devons situer sociologiquement et statistiquement le phénomène : l'adhésion à l'islamophobie d'inspiration houellebecquo-zemmourienne est limitée, par nature, à ceux qui ont les moyens d'acheter des livres et le temps de les lire, des gens  d'un certain âge, donc, appartenant aux classes moyennes. Ni les milieux populaires qui votent pour le Front national, ni les jeunes diplômés dont les revenus baissent n'ont les moyens ou le temps de lire Zemmour ou Houellebecq dans le texte. 

    Je ne peux que confirmer : je connais plein de gens qui votent fn et qui ne savent même pas que Zemmour et Houellebecq existent . Par contre, je ne mettrais pas les deux hommes sur le même plan. L'un est un essayiste d'extrême droite (ou presque) et l'autre un romancier et dans un roman, on n'écrit pas forcément ce qu'on pense. Et Houellebecq n'est pas xénophobe. Sinon, pour l'anecdote, on peut aujourd'hui lire toutes les nouveautés littéraires sans dépenser un euro (comme je l'ai fait pour le livre de Todd). 

    L'analyse détaillée de la manifestation n'aboutit donc pas à la découverte d'un monde neuf, régénéré,refondé. Les déterminations de sa mise en marche sont, pour l'essentiel, les mêmes que celles du vote pour Maastricht. Les couches sociales motivées furent les classes moyennes, issues du secteur public et du secteur privé, enrichies dans les provinces d'une forte composante catholique zombie. 

    Les catholiques zombies sont des gens qui ne croient pas forcément en dieu mais dont la culture est influencée par le catholicisme. J'en fais partie et selon Todd François Hollande aussi. Why not. Ce passage se situe au premier tiers du roman et sonne un peu comme la conclusion de l'essai. Les classes populaires, les jeunes des banlieues et les musulmans étaient globalement absents de ces défilés. D'où la conclusion que ce défilé serait une imposture. On a déjà entendu ça avant le bouquin de Todd. C'est un fait. Moi je trouve que globalement, Emmanuel Todd ramène un peu trop  tous les problèmes de la société à la religion (ainsi qu'à l'Euro, nouvelle religion et à l'Union Européenne qu'il critique). 

    Cela ne nous dit pas qui est Beauchamp et encore moins où il est (en tout cas, pas à Landaul).

    Seuil, parution : mai 2015, 252 pages, lecture sur kindle en mai 2015. note : /

    Loïc LT 

  • sociologie des salles d'attente

    A Camors, nous n’avons qu’un seul médecin si bien que la salle d’attente est toujours bondée (d’autant qu’il n’y a pas de prise de rendez-vous et donc le premier arrivé est le premier servi). Pour une course à pied qui a lieu le lendemain, il me faut un certificat médical et donc, le cabinet ouvrant à 8:00, je me suis levé de bonne heure ce matin pour arriver le premier. Manque de bol, quatre contribuables ayant eu la même idée que moi étaient déjà installés. Et puis pour la petite histoire, notre médecin qui est compétent n’est pas spécialement pressé (mais ce n'est pas péjoratif car c'est un homme à l'écoute).

    Je suis donc arrivé, ai émis un timide bonjour auquel l’assemblée a répondu par d’aussi timides bonjours. Je me suis installé et il m’est venu l’idée qu’il y avait beaucoup à dire des comportements humains dans ces moments d’attente. C’est sans doute un excellent sujet pour des sociologues et d’aucuns l’ont sans doute déjà faits...un type comme Eric Chauvier qui publie de petits bouquins aux éditions Alia y trouverait son bonheur.

    Mais moi, je ne suis pas sociologue, je suis juste un patient, un patient curieux, observateur et passionné par les rapports humains du quotidien. Et dans une salle d’attente, il y a de quoi faire. Je n’ai certes pas les notions de base me permettant d’étudier les rapports humains mais j’ai ma logique et ma sensibilité.

    Donc, cinq patients sont assis dans une salle d’attente étroite au décor minimaliste. De vieux magazines sont posés sur une table basse et des jouets cassés et désuets sont entreposés dans un coin. Sur les murs des affiches nous mettent en garde contre les dangers du tabac, de l’alcool, de l’intérêt de faire des dépistages divers et variés.

    Cinq patients dont ma pomme. Situation la plus courante : personne ne dit rien. Situation possible : deux personnes se connaissent et entretiennent une conversation que les autres entendent et écoutent goulûment. Autre cas de figure : un des patients est un boute-en-train et tente de détendre l’atmosphère ou de la crisper (quand c’est pour dire que l'attente est toujours trop longue). Parmi les patients, t’en as toujours un ou deux qui toussent ou se mouchent exagérément pour bien montrer à tout le monde pour quoi ils sont là. Moi, je ne vais jamais chez le médecin quand j’ai un rhume parce que je sais ce qu’il va me prescrire et que j’ai tout à la maison.

    Bon, est-ce que c’est intéressant jusque-là, je ne sais pas. Mais d’autres cas de figure se présentent. L’un en particulier se produit couramment : c’est lorsqu’une maman ou un papa débarque avec un bébé. Tout à coup l’atmopshère se détend. Tout le monde émet de petits sourires en direction du bébé qu’est trop trop mignon. Et puis souvent quand l’enfant a deux ou trois ans, il se permet d’aller vers les gens, de leur baragouiner certains mots. Qu’est-ce que c’est drôle ! Mais la maman le rappelle à l’ordre ‘Enzo, arrête d’embêter la dame’, ce à quoi la dame répond ‘ce n’est pas grave’. Des sourires hypocrites s’échangent.

    Mais depuis quelques temps, la donne a changé. Les gens ne restent plus assis à gober les mouches et à relire 100 fois la même affiche qui incite à pratiquer une activité sportive. Les gens aujourd’hui ont les yeux rivés sur leur smartphone ! Attendre une heure n’est plus un supplice puisqu’on peut jouer sur son smartphone, discuter avec des amis, draguer sur meetic,  lire Ouest-France, consulter ses comptes etc etc. Le smartphone est de toute façon une révolution culturelle au même titre que l’arrivée des fers à repasser.

    Quel bilan tirer de tout cela ? J’ai déjà dit, je ne suis pas sociologue. Je trouve juste que globalement, les gens ne cherchent pas à aller vers l’autre. Dans une salle d’attente, l’autre est même quasiment un ennemi surtout s’il est devant dans la liste d’attente. On habite tous dans le même bled, on a des vies assez semblables sur lesquelles ont pourrait échanger..profiter de ce moment d’attente pour se donner des conseils, s’encourager dans le combat quotidien que nous impose l'économie capitaliste.

    Mais non, on préfère se faire la gueule et lire pour la énième fois les affiches nous incitant à ne pas manger trop salé ni trop sucré…

    Human after all.

    Loïc LT

  • Bruce Bégout dans le texte : microscopie du caddie

    caddie.jpg"S'il est, entre autres enseignements, une vérité que la sociologie urbaine nous a transmise, c'est que la ville ne se résume pas à ses limites géographiques. Où que nous allions, nous transportons dans nos bagages ses manières de vivre, de percevoir et de penser. Sans même sortir de son périmètre, la ville est devenue ubiquitaire.
    Le maniement d'une chariot de supermarché ne fait pas exception à cette règle. Là, se trouve concentrée toute notre expérience de la circulation urbaine. A bien considérer les choses, le Caddie constitue en effet l'exemple type de la construction automobile de la réalité, non pas seulement parce qu'il possède quatre roues et exige un certain sens de la conduite, mais surtout parce qu'il réalise la séparation du coffre de la voiture qui devient, par ce biais, ambulant. Comme l'automobile ne peut en toute logique pénétrer dans le bâtiment - tout du moins pour l'instant, puisque les supermarchés drive-in n'ont pas encore vu le jour -, elle se sépare d'elle-même puis se minituarise , car rien, jusqu'à l'intériorité, ne doit résister à sa puissance d'infiltration. A la sortie de l'hypermarché, le coffre avalera sans reste les diverses marchandises que le chariot avait précédemment englouties, confirmant sa paternité."

    Bruce Bégout (p67,68, l'éblouissement des bords de route)