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littérature - Page 2

  • CR283 : la nuit d'Alice à la Pointe - Patrice Poulet

    compte rendu de lecture,agon-coutainville,normandie,roman,roman du terroir,polar,littérature,livreLa plus juste des vengeances est toujours un excès. Pierre-Claude Nivelle de la chaussée*

    Ça fait quelques mois que je n'avais pas fait un petit compte rendu de lecture (ce qui est quand même à la base la raison d'être de ce blog, sa vache à lait, comme on dit en économie d'entreprise) mais il se trouve que j'ai coincé sur un roman américain, l'un des nôtres de Willa Cather ( pourtant couronné du fameux prix Pulitzer en 1923) alors à l'occasion de ce court séjour à Hauteville-sur-Mer, je me suis laissé tenter par un roman du terroir dont l'action se passe près de Hauteville-sur-Mer, dans la station balnéaire mythique (pour mon couple en tout cas) de Agon-Coutainville, ville qui se situe un peu plus au nord du Cotentin et qui se finit au bout d'une pointe célèbre qu'on devine de Hauteville lorsque, cela arrive rarement, l'horizon est dégagé.

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    On ne peut pas demander à un roman du terroir d'être plus royaliste que le roi. Ceci dit, le roman du terroir dispose d'un cahier des charges et celui-ci ne le remplit que partiellement. De toute façon, je ne suis pas un grand adepte de cette littérature et donc je ne suis pas forcément objectif. Côté positif, il y a l'histoire qui à défaut d'être originale est bien goupillée, cohérente et la psychologie des personnages est bien rendue. Il y a quelques personnalités qui frisent le cliché mais j'ai vu pire dans ce genre de roman et j'excuse beaucoup de choses lorsqu'on évoque Coutainville. L'histoire en bref : une jeune fille qui s'appelle Alice se fait violer sur la pointe d'Agon par son beau-père, pris d'une pulsion incontrôlable et  ensuite Alice, souillée, meurtrie, sombre dans la folie et  décide de se venger sur lui et toute sa famille.

    Ce que m'a agacé, c'est que l'auteur ait changé le nom de Coutainville, qui devient Claireville. Pour quelle raison alors qu'il s'agit d'un roman et qu'évidemment aucun coutainvillais ne peut se sentir visé ? Peur de donner une mauvaise image de la ville ? Pourquoi pas sauf qu'un bandeau rouge  imprimé sur la couverture indique 'suspense à Agon-Coutainville', et c'est d'ailleurs ce qui a attiré mon regard lorsque j'errais dans les rayons de la librairie (enfin librairie...avec presse, vente d'articles de plages et tout...) de Coutainville. Sur ce point, je serais curieux d'avoir l'explication de l'auteur...d'autant qu'il ne change pas le nom de Coutances ou de Muneville. Pour le reste, je n'aime pas le titre, trop ampoulé, trop narratif, pour un roman de ce genre, nul besoin de faire du chichi, 'la vengeance d'Alice' eut suffi. Petit détail :  le correcteur confond ballade et balade, moi aussi jusqu'il y a quelques mois mais si je devais faire éditer un roman, je ne laisserais rien passer. Sur ce blog, il y a des erreurs, j'en conviens mais ce n'est pas un roman.

    Mais je ne vais pas plus accabler l'auteur. Le suspens est au rendez-vous, le roman se boit comme du lait ribot (dans lequel pataugent des patates qui restaient au fond du frigo  et des crêpes qui restaient aussi). Coutainville tient une place à part dans ma vie et les amoureux de cette bourgade sont mes amis. 

    * citation au début du livre

    lecture : juillet 2015, 220 pages, livre papier. éditeur inconnu (américain apparemment). note : 3/5. 

    Loïc LT, 28.07.2015

  • CR282 : Joseph - Marie-Hélène Lafon

     

    téléchargement (1).jpgMarie-Hélène Lafon est l'une des rares auteurs contemporaines qui s'attache à décrire le monde rural (voir mon compte rendu de l'un de ses précédents romans), si on enlève, sauf le respect tous les romans du terroir qui touche un public ciblé pas spécialement épris de littérature et cela fait du bien de sortir de Paris, des affres de la classe moyenne supérieure, des manigances des gens qui n'ont pas de problème d'argent et qui ne connaissent de la campagne que ce que les spots de pub donnent à  voir.  Je n'ai rien contre cette littérature boboïsante ou autofictive (Régis Jauffret, Emmanuel Carrère, Eric Reinhardt, Philippe Djian...) mais un moment, il faut aussi se dire que 90% du territoire national est rural (et que cette ruralité est diverse) et qu'il mérite qu'on l'écrive et avec style si possible (ce que fait MH Lafon)

    L'auteur raconte l'histoire d'un garçon de ferme, le genre de profession qui n'existe quasiment plus aujourd'hui (mais qui est peut-être appelé à renaître sous une autre forme du fait de l'agrandissement des exploitations). Joseph est à l'aube de ses 60 ans et se souvient de toutes les fermes où il a travaillé, des bons et des mauvais patrons, les bons et les mauvais moments. Joseph ne s'intéresse à rien d'autre qu'à l'élevage ; on n'a aucun reproche à lui faire sur ce point. Toute sa vie est contenue dans une valise qu'il traîne de ferme en ferme et dans laquelle entre autres, il amasse un petit pécule en prévision de ses obsèques car il a entendu dire que ça coûtait cher. Il ne voit plus beaucoup sa famille (son frère jumeau est restaurateur à Paris). Il n'a connu qu'une fille pendant quelques années et elle s'est barrée. Rien d'autres. Le travail à la ferme, les tristes veillées, et comme seul intérêt télévisuel, le patin artistique (étonnant d'ailleurs). 

    Mais la vie de Joseph n'est pas si tristement lisse qu'il n'y parait parce qu'alcoolique, sa vie de fermier modèle fut entrecoupée de cures dont il sortait frais comme un gardon avant de rechuter des mois ou des années plus tard. Comme dans ces campagnes reculées, on ne respecte pas la loi à la lettre, les flics avaient pour les conducteurs pris en flagrant délit des sortes de salles de dégrisement appelées les bleues, après quoi ils pouvaient repartir sans retrait de permis :

    Les gendarmes le lui disaient assez, tu devrais prévoir de finir par Ségur tu serais plus commode pour la bleue. Il se remplissait de vin ; l'été il cuvait dans la voiture qui lui servait de maison. Il dormait assis au volant, raide et la bouche ouverte, avec la ceinture de sécurité et la radio, les phares ou les codes allumés, les gens le connaissaient, dans chaque bourg il avait ses places pour se garer et le cantonnier ou quelqu'un d'autre, en passant, tournait la clef de contact pour que la batterie ne se décharge pas complètement. La voiture était la Peugeot du père qui tenait encore le coup ; après ses cuites Joseph nettoyait, surtout pour les odeurs. Il était très maigre, ses mains tremblaient, il n'envisageait pas les gens ; et quand on réussissait à attraper son regard qui vous traversait sans vous voir, on ne soutenait pas longtemps ce vertige. 

    Le portrait de Joseph est aussi l'occasion pour l'auteur de nous décrire cette France inconnue, composée de petites fermes en train de disparaître. Mais elles existent encore dans des coins reculés (mais plus beaucoup en Bretagne). Dommage que le roman soit si court, il y avait tant de choses à dire sur le sujet. Moi, mon arrière-grand-mère était verratière et quand j'en ai parlé l'autre jour lors d'un repas de famille, tout le monde voulait en savoir plus, comme quoi, les questions sur la ruralité restent dans le subconscient des gens dont la plupart sont enfants ou petits-enfants de paysans. 

    Je sens MH Lafon tout à fait à même de nous écrire un livre sur le quotidien des exploitations intensives, car bien que l'on nous parle beaucoup de 'l'essor' du bio (qui est une bonne chose), c'est l'agriculture intensive qui nourrit les français et qui participe grandement à ses exportations. Je m'éloigne du sujet mais je peux vous dire que le bio représente bien peu de choses à côté de l'agrandissement des exploitations agricoles qui deviennent de véritables sociétés qui pour certaines traitent directement sur les marchés internationaux (et leurs travers : les produits dérivés). Mais Joseph, s'il est encore en vie,  est bien loin de ces considérations...

    parution : Buchet Chastel, août 2014, 144 pages, lecture sur kindle en mai 2015. note : 4.5/5

    Loïc LT

     

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  • CR280 : les gommes - Alain Robbe-Grillet

    31TYKSSCKKL.jpgLa première idée qui m'est venue lorsque j'ai terminé la lecture de ce curieux roman est qu'il s'agissait d'un polar à l'envers, à savoir que l'on sait à peu près tout  sur tout dès le début (comme dans les Columbo) et puis plus on en avance dans la lecture, plus on commence à avoir des doutes sur la véracité des faits, sur le coupable du crime et sur la réalité du crime lui-même. L'auteur aurait même pu pousser le bouchon plus loin  en mettant en cause l'existence de la victime (un dénommé Daniel Dupont, un solitaire et chercheur en économie, vivant dans un pavillon cossu d'une ville lugubre du nord de la France). Le détective Wallas dépêché de Paris fait office de personnage principal de cette histoire sans queue ni tête. Il loge dans l'unique chambre d'un bar-hôtel paumé dans lequel des habitués alcoolisés se font des devinettes enfantines et discutent de problèmes arithmétiques. Pendant ce temps, Wallas erre dans la ville mais s'y perd très souvent bien qu'empruntant toujours les mêmes rues. Parfois, il s'arrête dans des papeteries pour acheter des gommes (pour quoi faire, on sait pas mais on peut voir dans ces gommes le symbole de ce roman où l'intrigue s'efface petit à petit comme s'effacent sous le frottement de la gomme les traits laissés par un crayon papier). Wallas doit rendre des comptes à Paris où l'on est persuadé que le meurtre du Dupont est le fait d'un groupe terroriste et doit composer aussi avec le commissaire du coin, le commissaire Laurent qui penche pour l'hypothèse du suicide. Pour compliquer les choses, Wallas se retrouve quasiment présumé coupable après que différents témoins lui trouvent une forte ressemblance avec un type louche qui traînait autour du pavillon la veille dudit crime (parce qu'en fait, Dupont n'est pas vraiment mort). 

    Bien qu'estampillé nouveau roman, ce qui signifie souvent lecture ardue, les gommes se lit aisément . Je suis rentré avec délectation dans l'univers étouffant et singulier mis en place par l'auteur dont certains aspects (l'allure de Wallas, l'absurdité de certaines scènes) m'ont fait pensé aux films de Jacques Tati. Cet ancien roman est à mettre entre toutes les mains d'autant plus que certains dialogues dans le bar sont à mourir de rire (en retranscrire un ou deux dans un prochaine note peut-être).

    éditions de minuit, 1953, 364 pages, lecture sur kindle en avril 2015. note : 4.5/5 

  • CR279 : le dahlia noir - James Ellroy

    c4a6cca771ea9f848c4360957f31b42b.jpgJe vous parlais il y a peu du syndrome James Ellroy et bien je crois que j'en suis guéri. Il m'a fallu faire preuve de beaucoup de courage et je tiens aussi à remercier mes proches qui m'ont soutenu dans ce défi insensé : lire un roman de cet auteur américain réputé pour son écriture hermétique et son système narratif déstructuré. Pourtant, j'avais déjà lu un de ses méfaits, ( lune sanglante ) et je crois que je ne m'en étais pas trop mal sorti (mais le roman était court et assez abordable par rapport aux autres).

    Le dahlia noir est le roman le plus connu de James surtout depuis qu'il a été adapté au cinéma par  Gerald de Palmas (qui fait des mauvaises chansons mais qui parait-il ne commet pas des films américains de merde), film que j'ai téléchargé et qu'on va regarder un de ces soirs (bien que je n'aime pas trop ces situations où l'on regarde un film à deux et dont l'un des deux a lu le livre et ne peut donc s'empêcher d'ouvrir sa bouche pour dire ce qui va arriver). 

    Nous sommes dans les environs de Los Angeles, 2 ans après la fin de la seconde guerre mondiale. On découvre dans un terrain vague le corps d'Elizabeth Short, une jeune mythomane et nymphomane un peu paumée et qui rêvait de devenir actrice. Le corps est retrouvé en plusieurs morceaux et vidé de tout son contenu (désolé mais bon, je dis ce qui est). Devant l'émoi suscité à L.A, la police décide de mettre tous les moyens possibles sur l'enquête. Deux flics  sont au centre des opérations : le narrateur, Dwight Bleichert et Lee Blanchard, deux amis boxeurs usant de méthodes peu conventionnelles. Lee vit avec Kay, une fille qu'il a connu lors d'une affaire de vols dont elle était une des complices (affaire à propos de laquelle Lee n'est pas très net). Comme de fait, Lee traîne un lourd passé et ça ne tourne pas rond dans sa tête. Il se gave de médocs et veut venger Elizabeth pour venger la disparition inexpliquée de sa sœur à 14 ans. L'enquête patine et je vous épargne les détails. Lee disparaît de la circulation et Dwight est affecté à un autre service mais continue quand même à enquêter. Il se lit avec Madeleine, une bourgeoise mangeuse d'hommes, fille d'un des plus grands promoteurs immobiliers de Los Angeles. Il faut suivre et ne pas se laisser distraire, une seule phrase mal comprise et on est bon pour repartir du début. 

    Je ne fais que donner les grands traits de l'histoire. Ce n'est pas très important, on trouve des résumés partout. Ce qui vaut la peine d'être stipulée par contre , c'est l'écriture de James Ellroy. Cet auteur n'est pas du genre à faire les présentations, à expliquer au lecteur qui est qui et quoi et quoi. Le roman commence et on se croirait déjà à la centième page. Abondance de dialogues, beaucoup de termes techniques concernant le fonctionnement de la police, une écriture à l'arrache, de combat même dirais-je, au plus près de l'événement. Le lecteur n'a qu'à bien se tenir. James Ellroy n'est pas un moraliste ou un donneur de leçon, il écrit ce qui est point barre. La violence est omniprésente et l'humanité ne sort pas grandie du récit (et encore moins la police et notamment le procureur qui fait tout pour étouffer l'affaire parce qu'il veut se présenter les cuisses propres aux primaires républicaines ou démocrates, je ne sais plus). On devine à la lecture de ce roman que c'est exactement de la sorte que les choses se passaient dans la police de Los Angeles à la fin des années 40 (d'ailleurs le récit est inspiré d'un fait divers ressemblant qui émut la ville), c'est à dire qu'on est loin de l'image policée qu'on se fait de cette ville de l'est des Etats-Unis, ensoleillée, bourgeoise et tranquille. Il faut donc saluer le travail de documentation de l'auteur. 

    Quand on est bien rentré dans le roman, et bien finalement, on s'habitue vite au style et malgré (ou grâce à) son côté rentre-dedans, James Ellroy parvient à percer la psychologie de ses personnages aussi bien voire mieux que l'un qui ferait des grandes phrases descriptives. Chez cet auteur, c'est la succession des événements et la façon dont agissent  ceux qui les vivent qui nous permet de cerner le fonctionnement et la complexité du cerveau humain dans lequel le bien et le mal ont du mal à savoir sur quel pied danser. 

    Rivages/Noir, 2006, 504 pages, lecture sur kindle en avril 2015. note : 4/5

    Loïc LT

  • CR278 : le tramway - Claude Simon

    letramway.jpgEn matière de lecture, je n'aime pas rester sur une défaite et d'avoir interrompu la lecture du tramway il y a quelques années, en fut une. Je m'étais juré d'y revenir et j'ai profité du propos d'une quincaillière me laissant entendre que je ne lisais jamais de roman de la mouvance nouveau roman (dont aujourd'hui les auteurs publiés aux éditions de minuit poursuivent un peu le projet), pour y revenir. Je viens de le terminer ce soir un oeil sur ma liseuse et l'autre sur la deuxième saison de Broadchurch (série anglaise potable, en tout cas moins pire que d'autres). Admirez la prouesse : lire du Claude Simon, l'un des auteurs les plus difficiles qui soit tout en faisant autre chose ! Autant faire cuire des œufs et préparer une vinaigrette en même temps. Et mieux encore, je n'ai pas perdu le fil de l'histoire 

    Je ne sais pas si mes trois lecteurs connaissent Claude Simon (prix Nobel de littérature en 1985  décédé en 2005) mais pour vous donner une idée, voici les premières lignes du roman où le narrateur (qui se souvient qu'étant enfant il avait le privilège de pouvoir aller dans la cabine de pilotage d'un tramway conduit par ce qu'il appelle un wattman ) explique le fonctionnement de la manette de pilotage :

    tram.jpg

    L'un qui ne connaîtrait pas la prose de Simon et qu'on n'aurait pas averti serait déjà tombé de sa chaise. Toute l'oeuvre de l'auteur se résume dans ses quelques lignes (je me souviens que dans la route des Flandres, il lui avait fallu trois pages pour expliquer le dysfonctionnement de la serrure rouillée d'un poulailler), mais je vous rassure Claude Simon ne s'occupe pas uniquement des objets, au contraire même, il y a bien comme ça dans ses romans - un peu comme des parenthèses - des descriptions précises de 'choses' souvent mécaniques mais l'essentiel chez Simon, ce sont les sensations, ce que le tri accompli par la mémoire  nous  laisse de souvenirs épars et en l'occurrence ici, le narrateur est un vieillard gisant dans une chambre d’hôpital (à Paris je crois) et qui se souvient de sa jeunesse au lendemain de la première guerre mondiale dans une ville de bord de mer dont un tramway reliait le centre à la côte. Il se souvient qu'il l'empruntait pour aller et rentrer du collège, de la vie autour de ce véhicule, des hommes mutilés par la guerre, et du quotidien autour du trajet, les différences de classe et puis très vite la lente agonie de sa mère (son père était mort au combat) rongée sans doute par le crabe. Devenu orphelin, il est pris en charge par son oncle et sa tante ou que sa tante, je ne sais plus, (avec Simon, on a le droit de ne pas tout suivre). Mais comme je le stipulais, le récit qui n'est pas linéaire s'avère être plutôt une succession aléatoire de tableaux de cette jeunesse jaillissant  au gré des poussées de fièvre du narrateur dans sa chambre d'hôpital où sa vie ne tient qu'à des tuyaux et des bonbonnes de gaz. 

    On a tort de considérer Claude Simon comme  élitiste ou trop pompeux. Quand on sait à quoi s'en tenir et bien, cela se lit assez agréablement. Et puis quelque part, il n'y a pas plus vrai que cette littérature. A l'orée de la mort, fiévreux et branché de toute part, que peut-il traverser notre esprit si ce ne sont des bribes, des sensations voire même quand on sombre dans une demi-conscience des détails incongrus dont l'intérêt peut échapper au bien-portant ? N'est-ce pas ce qui nous arrive à tous lorsque malades et parvenant à trouver le sommeil 5 mns, des rêves étranges naissent de la fièvre ? 

    Je ne suis pas le meilleur commentateur de Claude Simon. Il a ses adeptes qui se réunissent parfois secrètement en colloques (dans un château de Cerisy-la-Salle) lors desquels j'imagine on ne doit pas beaucoup se marrer (mais peut-être quand même plus qu'à un spectacle de Anne Roumanov ou lors d'un meeting de l'ump) .Vous savez, entre eux, les intellos ne se racontent pas de blagues de Toto mais ils possèdent leur propre sens de l'humour, un peu comme ceux qui s'esclaffaient lors de l'émission Apostrophe sur des sujets ne prêtant pas pourtant à l'hilarité. 

    éditions de minuit, 2001, 144 pages, lecture sur kindle en avril 2015. note : 4/5

    Loïc LT

  • CR276 : dans son propre rôle - Fanny Chiarello

    dans son propre rôle.jpgLors de la promotion de son précédent roman en 2013, je me souviens avoir été subjugué par son passage à l'émission la Grande Librairie sur France 5. Vêtue de rouge et rayonnante de beauté, elle illuminait le plateau et puis quand elle a pris la parole, il s'est avéré qu'en plus la dame, pourtant sans doute peu habituée de ces grands-messes télévisuelles savait trouver les mots et le ton pour vendre son roman une faiblesse de Carlotta Delmont (un roman au montage particulier qui ne me tentait pas)...mais je vais arrêter là sur le sujet de Fanny Chiarello (née à Béthune en 1974, c'est à dire comme moi, sous Pompidou) ma femme en deviendrait jalouse. Et je me suis juré de lire le suivant quoi qu'il advienne fut-il un éloge de la vie monastique ou une critique de la permaculture. 

    Depuis, l'auteur a écrit quelques romans pour l'Ecole des loisirs (maison que je connais très bien, mes filles y ont été abonnées via l'école..et il est loin d'être impossible que l'une d'elles a lu du Fanny Chiarello) et puis elle est revenue à la littérature proprement dite avec la sortie de dans son propre rôle en 2015. 

    Je le dis de suite : je n'aurais pas lu ce roman s'il avait été écrit par quelqu'un d'autre que cet auteur. La quatrième de couverture m'aurait laissé indifférent (et on ne peut pas tout lire) :

    Une farandole silencieuse au clair de lune accueille Fennella pour son arrivée à Wannock Manor, cette vaste demeure aristocratique où elle débutera dès le lendemain matin, à six heures, comme domestique.
    Pendant ce temps, Jeanette pleure rageusement sur le cadavre d'une mouche dans une suite du Grand Hôtel de Brighton, où elle est femme de chambre.
    Deux scènes de la vie quotidienne, en Angleterre, en 1947. Deux existences que tout semble séparer, dans ce pays où les différences de classe sont encore un obstacle infranchissable entre les êtres.
    Fennella a perdu la parole à la suite d'un traumatisme. Jeanette est une jeune veuve de guerre qui a perdu tout espoir dans la vie. Une lettre mal adressée et une passion commune pour l'opéra vont provoquer leur rencontre et bouleverser leurs destins.
    Le cheminement intérieur de deux femmes en quête d'absolu et d'émancipation, c'est ce que raconte ce roman sombre comme le monde dans lequel elles semblent enfermées, et lumineux comme l'amour qui les pousse à s'en libérer.

    Je rassure ceux qui ne sont pas attirés par ce genre (dont je fais partie), la passion pour l'opéra de ces deux domestiques sert juste de prétexte à leur rencontre. L'essentiel est ailleurs. Ce roman à l'écriture très riche mais sans afféterie est avant tout l'histoire de deux femmes aux tempéraments différents mais que les soubresauts de l'histoire additionné à une erreur d'adresse postale vont faire se rencontrer. On plonge au cœur des années d'après guerre et si l'Angleterre se reconstruit (en gardant évidemment son modèle aristocratique aujourd'hui encore loin d'être enterré), la population garde encore les stigmates du conflit, Fennella et Jeanette sont deux veuves parmi des milliers d'autres (encore que concernant Fennella, on ne peut pas parler de veuvage). Elle sont toutes les deux domestiques dans deux villes différentes et Fennella, muette depuis un traumatisme de guerre décide de rencontrer Jeanette parce qu'elle pense que cette dernière de par sa passion pour l'opéra (et pour Kathleen Ferrier en particulier) a quelque chose à lui apporter et parce que Fennella sans trop en avoir conscience est lasse de sa condition de domestique, tout comme Jeanette qui n'a que faire de ses collègues mais dont le chagrin est plus fort que l'ambition.

    Je serais trop macho en affirmant que ce roman est plutôt écrit pour les femmes...que la plume de Fanny Chiarello est d'une sensibilité avant tout féminine..mais dans son propre rôle est tout sauf un roman féministe. Il  nous rappelle avant tout la difficulté de faire le deuil de celui avec qui on voulait lier sa vie, l'aberration aristocratique anglaise et le déterminisme qu'elle induit. 

    Le petit reproche que je ferais (et que je fais souvent notamment concernant les liaisons dangereuses) est que les discussions entre les deux domestiques (Fennella s'exprimant via un carnet) sont trop raffinées pour être crédibles, l'auteur ne parvenant pas à prêter sa plume à ses personnages. 

    Pour le reste, c'est bien construit, Fanny Chiarello possède sans conteste l'art du roman et elle a ce génie, ce talent de tous les gens nés sous Pompidou -).

    Loïc LT

    éditions de l'Olivier, parution : janvier 2015, lecture : mars 2015, kindle, 236 pages. note : 4/5

  • CR275 : Vernon Subutex - Virginie Despentes

    compte rendu de lecture,virginie despentes,littérature,littérature française,livre,kindle,roman,culture,rockPendant que je traînais ma misère dans ces tristes bourgs de la Bretagne intérieure disposant de cabines en piteux état, je lisais aussi surtout le soir et souvent la nuit le dernier opus de Virginie Despentes intitulé Vernon Subutex. Du même auteur, j’avais déjà lu apocalyspe bébé en 2010, et il m’avait beaucoup plu me rappelle mon médiocre compte rendu que je viens de relire. D’ailleurs en le relisant, je me suis fait la réflexion qu'avec Vernon Subutex, Virginie utilise toujours la même technique : un personnage central, en l'occurrence ici Vernon autour de qui gravitent des personnages secondaires qui rentrent et qui sortent du roman, et qui reviennent parfois ou pas. Cette multitude de protagonistes représente la principale difficulté pour le lecteur, surtout pour moi qui ai la mémoire défaillante (et le rythme de lecture aléatoire). La prochaine fois, je prendrai des notes dans le carnet de moleskine qui ma sœur m’a offert.

    Le roman raconte l’histoire d’un disquaire parisien d’une cinquantaine d’années qui se fait appeler Vernon Subutex (j'ai oublié son vrai nom) et qui, dans les années 90, doit déposer le bilan comme tout disquaire qui se respecte (et comme tout quincaillier). Dans un premier temps, il vit de la vente de son fond de commerce (affiches, vinyles collectors) mais très vite il se retrouve sans rien. Il se met alors à squatter chez différents amis chez qui il lui arrive différentes péripéties. Par l'intermédiaire d'un de ses amis, il croise lors d'une soirée le chemin d'un scénariste qui songe à réaliser un documentaire sur Alex Beach, un chanteur à succès, ami de Vernon, qui vient de mourir d’une overdose dans sa baignoire. Or il se trouve que Vernon dispose d’un enregistrement d’une interview que le chanteur lui a accordée. Beaucoup de gens sont intéressés par cette cassette et une certaine femme qui se fait appeler la Hyène (une sorte de Lisbeth Salender ) et spécialisée dans les recherches de ce genre entre en jeu, engagée par le scénariste afin de retrouver celui qui détient l'enregistrement.

    Mais après avoir exégérément profité de la bonté de ses amis (tous anciens clients du disquaire et amateurs d’une musique aujourd'hui défunte qu’on appelait le rock - qui tient d’ailleurs une place prépondérante dans le roman -), Vernon qui a sa fierté se retrouve SDF et vit cette situation avec une certaine philosophie. Il fait des rencontres dans le milieu, des anciens amis essaient de le sortir de ce pétrin mais Vernon refuse. Ce premier tome se termine de la sorte. Il ne peut pas tomber plus bas.

    Tout comme dans apocalypse bébé, j’ai apprécié le style trash et brut de décoffrage de l’auteur qui ne s'embarrasse pas des tabous et du politiquement correct. Dans ce roman décoiffant, se côtoient, des lesbiennes, des transsexuels, des drogués, des fachos car c'est un fait que Despentes a un penchant pour les anticonformistes, genre de ceux qu’on ne risque pas de trouver au bar Le Celtic de La Chapelle-Neuve. C’est donc une vision lucide mais partielle de notre société que nous propose l’auteur. C’est son fil rouge et j’aime les auteurs qui gardent une certaine cohérence (comme Philip Roth ou Philippe Djian) dans leur oeuvre.

    Du coup, je vais être gentil et lui mettre une note supérieure à celle que j’ai mis sur Babelio: 3.5/5. Pas plus car je ne peux pas occulter le fait que j’ai été dans le dur au milieu du roman au point que je me suis demandé si je devais continuer..mais si vous avez le même soucis que moi, un conseil : ne le lâchez-pas.

    Le tome 2 est prévu pour mai 2015.

    Loïc LT

    éditeur : grasset, parution : janvier 2015, lecture : kindle, 400 pages (pour les 2 tomes ? ). lecture : février et mars 2015

  • CR274 : soumission - Michel Houellebecq

    soumission.jpgAu début, je n’avais pas prévu le lire et puis je me suis laissé tenter. C’est primordial d’humer l’air du temps et Michel Houellebecq bénéficie d’une certaine aura en France et dans le monde entier et puis il dispose de supporters à gauche et à droite. Oui, parce qu’avec Houellebecq, nous nous situons plus dans le champ de la politique et de la sociologie que dans la littérature. Et ce dernier roman le confirme. Littérairement parlant, c’est pauvre, presque journalistique et très wikipedia aussi (je rappelle quand même que dans son précédent roman, il n’a eu aucun scrupule à faire des copier-coller depuis l’encyclopédie en ligne). Mais je crois qu’il assume tout ça alors ne perdons pas notre temps et venons-en au fond.

    Je rappelle vite fait que dans soumission, l’auteur imagine qu’en 2022 les Français élisent à la présidence de la république un musulman modéré, Mohammed Ben Abbes qui obtient le soutien de l’ump et du ps et ce pour faire barrage au Front National. François, le narrateur est un universitaire de renom et vit cette révolution avec un certain détachement (comme souvent chez MH, le narrateur est un type blasé et obsédé par le sexe). La France aussi se soumet à ce nouveau régime et malin qu’il est, le président de la république nomme comme premier ministre un homme de paille, à savoir François Bayrou afin de montrer qu'il n'y a rien à craindre du nouveau régime. Comme de fait, Bayrou passe pour un comique arriviste (ce qu’il est dans la réalité) à la solde de Ben Abbes . Si la liberté d’expression semble maintenue, des bouleversements s’opèrent , l’éducation nationale n’est plus laïque et se scinde entre des écoles musulmanes ou chrétiennes (l’université où travaille le narrateur devient musulmane) et puis les femmes n’ont plus le droit de travailler (pas même dans les quincailleries), du coup le chômage disparaît et les femmes ne portent plus que des pantalons et des tuniques qui empêchent qu’ont voit leurs fesses.

    Tout cela n’a rien de crédible évidemment (car si cela arrivait vraiment, un véritable soulèvement populaire renverserait le pouvoir en quelques jours) mais sous la plume de Michel, tout cela coule de source, tous ces événements semblent naturels et suivent une logique historique imparable. Mais on peut tout se permettre dans un roman et celui-ci  parmi ses quelques intérêts permet aussi de se faire une idée plus précise des fondamentaux de l’islam à travers les longues discussions que le narrateur entretient avec un érudit musulman (au point de parvenir à troubler l'indécrottable athée que je suis).

    C’est un roman de politique-fiction que tout le monde peut lire. Il est court, il est clair et c'est plus un amusement qu'autre chose.

    Un amusement car personnellement, je ne crains ni l’arrivée d’un président musulman en France (encore qu’on a déjà eu des présidents catholiques (De Gaulle, Chirac) mais dans soumission le problème n’est pas que le président soit musulman, le problème réside dans le fait qu’il veut faire de l’islam une religion d’état..aussi modéré soit-il). Je ne ne crains pas non plus une arrivée du FN au pouvoir, parce que le Front républicain qui est tant décrié fonctionne quand même très bien et que le scrutin majoritaire à 2 tours est une digue que l'extrême droite ne peut franchir.

     

    Pour résumer, n’ayez-pas peur !

     

    lecture : février 2015, parution : janvier 2015, Flammarion, kindle, 3.5/5

     

    Loïc LT

  • CR271 : Moderato cantabile - Marguerite Duras

    MODERATO_CANTABILE.jpgLongtemps j’ai confondu Marguerite Yourcenar et Marguerite Duras. C’est ainsi, il y a des pans entiers de la littérature qui me sont encore totalement inconnus. J’assume. Mais si tout se passe bien, j’ai encore à peu près 50 ans à vivre. Et comme j’en ai fini avec le 2048, je vais pouvoir rattraper le temps perdu. 

    Tout ce que je sais à propos de Duras, c’est que pour des raisons de sécurité, elle n’a jamais mis les pieds dans une quincaillerie (le jeu c’est de placer le mot quincaillerie dans toutes les notes...quant aux raisons de sécurité, c’est dans l’air du temps, toute décision doit se prendre ou pas pour des raisons de sécurité).

    Avant d’écrire cette note, j’ai lu la fiche de la dame sur wikipedia. Il est stipulé que ses premiers romans dont celui-ci sont à ranger dans la catégorie fourre-tout nouveau roman (le pendant littéraire de la nouvelle vague au cinéma). La vie de Marguerite fut tumultueuse et souvent baignée dans l’alcool.

    L’alcool tient d’ailleurs une bonne place dans ce court et délicieux roman qui se déroule dans une ville de bord de mer, une ville qui pourrait être Rochefort ou La Rochelle, une ville dans laquelle des usines emploient des milliers d’ouvriers. Le personnage principal, Anne Desbaresdes est la femme d’un patron d’une de ces usines. Mais jamais il n’est question du mari ni de la vie du couple. On sait juste qu’ils possèdent une grande maison qui donne sur l’océan et que leur enfant prend des cours de piano chez Mlle Giraud, leçons auxquelles participent Anne. Le récit débute par une de ces leçons (que l’enfant déteste). Un moment, un bruit retentit. Il provient d’un bar de la rue. On apprend très vite qu’un homme vient d’y tuer sa femme. Anne est intriguée par ce meurtre qui semble être passionnel et fait la connaissance d’un type dénommé Chauvin qui fut témoin du drame. Mais Chauvin ne sait pas grand chose. Pourtant, Anne et Chauvin se retrouvent souvent dans ce même bar, ils boivent beaucoup de vin et elle lui pose des questions sur le meurtre mais au fil des jours, elle n’est guère plus avancée. Un soir, elle entre ivre et en retard chez elle où du grand monde est réuni pour un dîner.  Chauvin, son compagnon de l’autre monde erre entre la villa et l’océan et assiste au spectacle de cette bourgeoisie ennuyante.

    La trame de ce roman est ténue mais on le termine perclus de questionnements. Qu’est ce que Anne Desbaresdes cherche auprès de Chauvin ?  Une relation adultère ? Anne est-elle une sorte d’Emma Bovary à la sauce nouveau roman ? Pourquoi est-elle si intriguée par ce meurtre  dont elle  ne connaît ni le meurtrier ni la victime ? Pourquoi boit-elle autant ?

    Moderato cantabile ne laisse pas indifférent. Sa petite musique n’est pas sans rappeler celle de Patrick Modiano. Je suis rarement déçu par un roman publié aux éditions de minuit. Ce dernier ne déroge pas à la règle.

    Je suis en train de lire Meursault contre-enquête et il serait tout aussi amusant de donner une suite au roman de Duras afin d’en savoir plus sur ce crime passionnel. Il y a comme ça des personnages secondaires oubliés dans les limbes de la littérature qui mériteraient une résurrection.  

    lecture : janvier 2015. kindle. roman paru en 1958, éditions de minuit

    Loïc LT

    - le roman a été adapté au cinéma d'où l'illustration (JP Belmondo et Jeanne Moreau)

     

  • CR268 : pour que tu ne te perdes pas dans le quartier - Patrick Modiano

    ACH003569413.1413345308.580x580.jpgCela fait deux mois que j'ai lu ce roman et je n'ai pas été pressé d'en faire le compte-rendu...pour trois raisons : je me lasse un peu des comptes-rendus dans lesquels je trouve qu'il est difficile de partir en live, il y a des règles et des contraintes quand on fait une critique et je préfère digresser sur n'importe quoi comme dans mes précédentes notes. Deuxièmement, le lieu commun comme quoi un auteur écrit toujours le même livre n'est jamais si vrai que lorsqu'il est question de Modiano...et ce dernier roman qui est très bon est égal aux autres, reprend les mêmes thématiques, les mêmes méthodes...avec ceci dit peut-être encore plus de talent parce que forcément, l'auteur, à force de,  améliore son art. Enfin, troisième raison, il y a ce prix Nobel qui m'a un peu coupé l'herbe (des nuits) sous les pieds. Je ne voulais pas avoir l'air comprenez-vous...pas avoir l'air de m'être jeté sur le dernier Modiano parce qu'il venait d'obtenir la consécration ultime. 

    Alors, deux mois après la lecture, je me souviens vaguement d'un enfant abandonné, ballotté à droite et à gauche, qui ne comprend pas tout, qui vit avec des adultes louches qui trempent dans des affaires pas nettes (casinos, courses hippiques..) et cet enfant qui s'appelle Jean Daragane,  des années plus tard, devenu adulte est enfermé dans son appart situé quelques part en périphérie de Paris. Il n'a pas d'amis et ne répond pas au téléphone, il n'a plus de contact avec la société, sauf qu'un jour le téléphone se met à sonner sans arrêt..Lassé, il finit par répondre et un certain Gilles Ottolini lui annonce qu'il a retrouvé son carnet d'adresses et qu'il désire lui rendre. Mais Jean ne veut pas que Gilles vienne chez lui. On convient d'un rendez-vous  dans un café au 42, rue de l'Arcade, du côté de la gare Saint-Lazare. Jean s'en fout de ce carnet d'adresses dans lequel figure des noms de gens avec qui il n'a plus aucun lien. Sauf que hasard des choses, en voulant faire son curieux, Gilles trouve dans ce carnet le nom d'un type, Guy Torstel, qui l'intéresse parce qu'il fait une enquête sur lui. 

    Le personnage de Jean Daragane est le profil type du personnage modianesque. Nous sommes en effet en présence d'un type qui ne vit plus vraiment dans le présent. Ancien écrivain, il ne fait plus rien et ne sort plus de son appartement, ne répond plus au téléphone. Que dalle. Et puis, il se passe un petit événement de rien, en l'occurrence ici la perte d'un carnet d'adresses qui l'oblige à rencontrer des gens et à remonter dans son passé trouble.

    Modiano ne pouvait pas faire plus Modiano. Je comprends tout à fait qu'on puisse s'ennuyer de cette littérature et j'ai du mal à imaginer qu'un lecteur américain puisse y trouver son compte ( parce qu'il va être plus traduit évidemment). Par contre, je ne connais pas les arguments d'Eric Chevillard (je ne retrouve pas l'article du Monde dans lequel il écrit ne pas aimer ce dernier roman). Mais  je me souviens de ce qu'il avait écrit sur son blog :

    Je lis L’Herbe des nuits, le nouveau roman de Modiano, comme à chaque fois porté aux nues par la critique. Et certes l’auteur est attachant, certes il a un univers : Paris le soir il y a longtemps. Mais tout de même, c’est bien fluet, non ? Pauvre en sucre, pauvre en graisse. On ne va pas s’en crever la panse, sûr. Et si cette poignante nostalgie qui nous vient en le lisant était d’abord celle de la littérature ?

    lecture : octobre 2014, kindle, 4.5/5

    Loïc LT