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Colin sabre et tam-tam - Page 3

  • CR311 : Mémé - Philippe Torreton

    mémé.jpgL'année dernière, j'ai écrit un livre sur mon grand-père maternel que j'ai diffusé après impression à quelques membres de ma famille. Je n'ai pas eu beaucoup de retour pourtant j'ai donné beaucoup de ma personne. Je suis allé interroger des gens l'ayant connu, j'ai posé des questions à ses filles, je suis retourné sur les lieux où il avait vécu. Mais en fin de compte, ce projet, aussi louable fut-il a été un échec. Il lui a manqué ce que Philippe Torreton a su faire à propos de sa grand-mère : de la poésie, du symbolisme. A vouloir tout dire, j'ai tout gâché. je le savais déjà mais je l'ai encore plus réalisé en lisant ce récit.

    Mémé. Aujourd'hui, qui sont les gens qui ont appelé leur grand-mère "mémé" ? Je dirais les plus de 40 ans et encore, mamie est arrivée en ville très vite. On est très peu de privilégiés à voir pu appeler sa grand-mère "mémé". Et idem pour pépé. D'ailleurs, mon book raté que j'ai intitulé le bateau d'Emile évoquait mon pépé car je l'ai tout le temps appelé de la sorte. 

    Bref, Philippe Torreton a écrit un livre sur sa mémé, une mémé vivant dans une petite bourgade normande pas loin de la mer mais si loin en même temps à tel point qu'elle n'y allait jamais. Ce bourg s'appelait Triqueville et il est perdu dans la forêt quelque part dans l'Eure. 

    Tous les gens qui ont eu une mémé (comme moi, elle m'a même élevé suite au décès de ma mère alors que j'avais 6 ans) se retrouveront forcément dans le portait de cette femme qui portait la blouse-mémé, qui ne gaspillait rien et qui tout en étant avare de sentiment n'en cachait pas moins. Le narrateur voyait beaucoup sa mémé car ses parents qui en semaine vivaient en ville rénovaient une chaumière en face de la maison de la mémé. 

    La mémé a connu des guerres, a même divorcé, une mémé presque moderne dis donc et elle est une fois montée à Paris pour voir son petit-fils jouer le Barbier de Séville. Pour l'occasion, elle avait acheté une robe et tout et quand l'acteur a su que sa grand-mère était présente, il a eu le plus grand tract de sa vie (alors que s'il y avait bien une personne qui était mal placée pour juger une telle prestation, c'était bien la mémé)...mais ça en a dit long sur les sentiments qui priment sur le jugement objectif. 

    Triqueville donc, rarement évoqué mais suffisamment pour m'interpeller. Il se trouve qu'il y a quelques jours, je me suis rendu dans ce bourg de l'Eure qui se situe pas loin de Honfleur et de Pont-Audemer. J'ai atterri dans ce bourg par hasard et à mon grand regret je ne suis pas resté longtemps. Ce n'est qu'après coup qu'on m'a raconté l'histoire de la mémé qui avait sa maison là-bas, maison à colombage sans doute, maison que j'aurais pu voir et photographier si j'avais su. 

    Mais je retournerai.


    compte rendu de lecture,normandie,biographie,lecture,cultureL'affaire ne s'arrête pas là. Je vais vous raconter une anecdote. Ma sœur habite pas très loin de Triqueville et quand elle a su que Philippe Torreton avait écrit un récit sur sa mémé, elle l'a lu évidemment et puis une idée qui peut paraître saugrenue lui est venue. Elle a acheté cinq exemplaires de l'ouvrage et les a offert à des voisins en les postant dans leur boite à lettre avec lettre manuscrite à l'appui. Chacun est invité (je parle désormais au présent car c'est en cours) à lire ce récit et tout le monde est appelé à se retrouver pour en parler avant l'été. 

    Je salue l'initiative et en tant que journaliste pour Ouest-France (oui, je sais, je ne suis qu'un "simple correspondant" - la caste des journalistes insiste là-dessus - mais quand je vais à la rencontre des gens, je me définis comme un journaliste), si j'avais connaissance d'une telle initiative, je sauterais dessus. La littérature manque à notre société et c'est pourtant un moyen de fuir ce quotidien...ou de l'embrasser par des mots. Perso, je n'ai rien contre mes voisins mais une telle initiative venant de moi..ou d'eux me semble très improbable.

    Si la réunion a lieu, ce que j'espère, je devine que chacun aura beaucoup à dire sur le livre mais aussi sur sa mémé. La mémé. Rien que le mot mémé résume tout. Toutes nos mémés sont différentes mais elles ont le point commun d'être des mémés. 

    Et ma mémé qui s'appelait Elisa (mais qui s'est fait tout le temps appeler Marie)  avait plus d'un tour dans son sac..ou dans les poches de sa blouse, car après sa mort, on a trouvé un cahier où elle avait commencé à écrire sa vie...ou je ne sais plus, j'ai très peu vu ce cahier.  

    C'était une note sur les mémés. J'aurais bien mis des citations extraites du livre de Philippe Torreton mais le récit de 140 pages est une citation à lui tout seul. Il n'y a rien à jeter. 

    lecture : avril 2017,  édition papier J'ai lu, Flammarion: 141 pages, parution poche : janvier 2017, note 4.5/5

    Loïc LT

  • commentaire de texte : les aludes - Gambetti

    Aujourd'hui, enterré près du célèbre if du cimetière de Triqueville dans l'Eure, Gambetti a quitté la fourmilière le cœur en paix en nous laissant un dernier texte qui est d'ailleurs gravé dans le marbre de sa tombe. Pour info, les aludes sont des fourmis volantes. 

     

    Les aludes

    Vue d’en haut, la vallée de l’Huveaune. Tout en bas, la dépression est coupée en deux par un grand trait bruyant sur lequel de façon incessante passent, montant et descendant, les fourmis laborieuses, les fourmis pressées. Les fourmis obnubilées. Elles partent vers les champs, les vignes et les pinèdes en quête de nourriture, là bas, vers Saint Maximin et la Sainte Baume, quand d’autres retournent à la fourmilière, la dense Marseille. Elles suivent toutes le même chemin, mues par le désir d’amasser.
    Mais, parfois, à certaines, éprises d’un trop vif désir de liberté, poussent des ailes. Et elles s’envolent… Aludes ailées, envolez vous vers l’azur halluciné !

     

    Ce poème en prose est un peu un poème-testament. L'auteur qui du haut de la vallée de l'Huveaune (fleuve qui se jette à Marseille) contemple ce monde qui bouge à des fins diverses mais on sent un brin de moquerie voire de désespoir de la part de Gambetti qui ne se retrouve pas dans ces fourmis pressées, travailleuses et dont le seul désir est l'appât du gain. Si ce n'étaient des fourmis, elles seraient des moutons de Panurge.

    La dernière phrase a des allures baudelairiennes (envole-toi bien loin de ces miasmes morbides, va te purifier dans l'air supérieur et bois comme une pure et divine liqueur le feu clair qui remplit les espaces limpides....), voire même mallarméennes. Un peu des deux sans doute. 

    Les aludes contrairement à leurs congénères peuvent fuir ce monde insensé...fuir, là-bas fuir, car elles sentent que les oiseaux sont ivres....

    C'est un texte métaphorique avec son lot de champs lexicaux, le texte type à étudier en classe et en même sur le fond, un grand classique, au sens noble du terme...toujours cette volonté du poète de se placer au dessus de la mêlée et de ne pas se reconnaître dans cette société où l'on ne prend pas le temps de vivre. Mais j'ai ouï dire qu'à Marseille, quelques fourmis un peu paresseuses, n'exprimant cependant pas le besoin de fuir s'enivraient d'un alcool qui a des  tons jaunes (le plus jaune possible, c'est mieux, ça dépend du dosage avec l'eau) avant de se protéger du soleil sous les platanes en s'installant sur des bancs pour regarder d'autres fourmis tout aussi paresseuses lancer des boules de métal en direction d'une autre boule plus petite et pas en métal celle-ci. 

    Aludes ailées, envolez vous vers l’azur halluciné !

    Loïc LT

  • recensement des cabines # 83 - Triqueville (Eure)

    La vraie gloire est ici. 

    Pour arriver à Triqueville, il faut être armé de courage, de fusils et de tout ce qu'il faut pour se défendre. Car dans ce bourg de 300 habitants, on fait plus que de se méfier des étrangers. Mais je suis fort et libre. Je suis rentré dans le village la fleur au fusil et la rose à l'épée. Les habitants me surveillaient à travers les croisées. 

    J'ai garé l'auto près du cimetière où est enterré Gambetti. Je n'ai pas pas déposé de gerbe car je ne suis pas du genre. Je ne comprends pas l'utilité des cimetières. Non mais sérieux, je n'ai pas peur de la mort mais quand je me projette dans l'avenir, j'ai comme une crainte....enfin passons sur ces macabres considérations. 

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    Nos lieux, nos instants, à jamais uniques ! 

    L'hôte invisible

    Porte close,

    Songe ouvert, 

    Tel est l'accueil

    De la demeure humaine. 

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    Le village est tellement petit que je me demande comment peuvent y vivre 300 volubiles libéraux ? Sans doute disséminés dans la nature à clamer des poèmes de François Cheng... Je n'ai pas vu la mairie. Mais où les Triquevillais iront-ils voter pour François Fillon ? En tout cas, les panneaux d'affichage sont prêts. 

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    Mais venons-en au sujet. Une cabine, modèle de Paris est située sur un parking à la sortie du village. Je me suis permis de me garer sur ce parking interdit à tous véhicules motorisés, ainsi qu'aux vélos et tout ce qui peut aider un être humain à se déplacer. D'ailleurs, il n'est pas autorisé de s'aventurer sur ce parking. C'est indiqué à l'entrée. Sous peine d'amende. Alors, pour accéder à la cabine, il faut soit faire un grand bon en avant, soit se faire héliporter (t'imagines, Julie). On peut trouver d'autres systèmes, mais à quoi bon se casser le cul puisque ladite cabine est hors-service ?

    Pour se mettre à l'abri d'une horde de communistes sortis des bois ( Philippe Torreton, originaire du village en tête)  munis de gourdins et de hallebardes, peut-être ? Mais de toute façon, on ne pourrait pas y loger plus de quatre ventripotents ! 

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    visite le dimanche 16 avril 2017. Arrivé à  16:52, départ à 17:03.  Maire  : Mathias Baptist . Canton de Pont-Audemer. 300 libéraux vivant du RSA. cabine téléphonique, modèle de Paris numéro : 02 32 42 33 68.

    Ecrit à Conteville dans l'Eure le 17 avril 2017

    Loïc LT

    cabine téléphonique, recensement des cabines, eure, normandie, Triqueville

  • tentative (im)possible d'explication d'un poème de Sylvia Plath

     

    Messagers

    La parole d'une limace sur le plateau d'une feuille ?
    Ce n'est pas de moi, ne l'accepte pas.

    De l'acide acétique dans une boite scellée ?
    Ne l'accepte pas. Ce n'est pas authentique.

    Un anneau en or avec le soleil en prime ?
    Des mensonges ? Des mensonges et un chagrin.

    Du givre sur une feuille, le chaudron
    Immaculé qui discute et crépite

    Tout seul à la cime de chacune
    Des neuf Alpes noires.

    Un trouble dans les miroirs,
    Quand la mer grise vient fracasser le sien -

    Amour, amour, ma saison

    (recueil : Ariel, traductions de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau)

     

    ariel.jpgSylvia Plath fut une poétesse américaine du XXe qui a vécu une vie une intense en même temps que tragique. Elle s'est donnée la mort à 30 ans de façon macabre. Elle a toujours souffert de troubles psychologiques et ses poèmes sont le reflet de ses troubles alors c'est difficile pour un homme "normal" de se mettre en position de comprendre de tels écrits. Mais, je sous assure que l'on vit tous au bord du précipice mais qu'une force de vie nous en éloigne continuellement...en tout cas heureusement pour une majorité d'entre nous. Je me souviens qu'un médecin m'avait dit que le nombre de fous menant une vie normale était hallucinante. Le plus dur dans la vie, ce n'est pas de se lever tôt le matin, de bosser, d'élever ses enfants, d'avoir une vie sentimentale harmonieuse, le plus dur est de ne ne pas se laisser attirer par le précipice.

    C'est gai ce que je dis ! 

    Le premier vers me rappelle un vers de Guillevic. Imagine que tu te promènes en forêt, que tu as toute ta raison et que tout à coup sur le bord du chemin, un caillou se met à te parler, puis se tait pour toujours. Tu es certain de ne pas avoir eu de vision, tu as vécu une réalité. Et bien, lorsque tu vas rentrer chez toi, encore choqué (pour le moins !), vas-tu dire à ta femme (ou ton mari) ou tes enfants (ou pas) qu'une pierre t'a parlé ? Non, tu ne vas pas le dire car ce n'est pas crédible. 

    J'ai envie de considérer ce poème de Sylvia Plath de la sorte. La poétesse cherche à nier, à fuir sa folie. N'accepte pas d'avoir entendu parler une limace. Pour quelle raison on enfermerait l’inoffensif acide acétique dans une boite scellée ? Oublie cette vue.

    Ensuite, je pense qu'on est plus dans l'autobiographie. Sylvia Plath a aussi vécu des années heureuses et il n'est pas impossible que la vue d'un anneau en or offert par son mari  luisant au soleil n'était qu'un mensonge amoureux et les prémices d'un chagrin. 

    ...le chagrin, l'hiver, le retour à Londres peut-être. L'hiver 1962 où elle est rentrée seule à Londres avec ses deux enfants fut rude. Toujours ces visions, ce chaudron qui discute, on évite le reflet des miroirs et la mer du Nord est triste. La seule saison qui vaille, c'est l'amour mais cet amour n'est plus. Il est temps de partir.  

    Quelle cohérence à ce poème ? Le combat contre la folie.

    Loïc LT

  • Julien Doré - concert Rennes, le 08 avril 2017

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    Donc hier soir, Julien Doré a chanté devant au moins 5000 spectateurs à Rennes et je sais que vous l'attendez ce compte rendu....vous êtes venus 50 fois sur l'espèce de blog aujourd'hui pour le lire, je sais, je vois tout, je vois qui vient et pourquoi. Non mais !

    Alors, vous allez être déçus car ça va être court. J'ai beaucoup parlé de lui sur ce blog et je n'en démords pas, c'est le chanteur le plus inspiré du moment. Ses textes sont des poèmes et les mélodies sont accrocheuses. Ses deux derniers albums sont des perles. Je l'envie de pouvoir écrire de tels textes. 

    Mais à force de l'écouter, de le regarder sur Youtube, pendant le concert hier soir, j'avais comme un sentiment de déjà vu alors que je n'étais jamais allé le voir en concert. Il a fait le travail, on entendait clairement le son de sa voix (contrairement à beaucoup de concerts où la  ligne de basse est trop grave), il a communié avec le public, s'est beaucoup donné physiquement. Rien à redire. On en a eu pour son argent. 

    Le souci que j'ai, c'est que j'aime ce chanteur avant tout pour ses textes (même si ses musiciens forment une belle équipe et arrivent à transcender un titre qui n'en demandait pas tant) alors, toutes proportions gardées, contrairement à ce que chantait Michel Delpech, Rimbaud ne chanterait pas. Parfois les textes suffisent. 

    Alors, le vide aurait-il suffi ? Non quand même pas. Qu'aurait-il fallu qu'il fasse de plus pour que j'en garde un souvenir mémorable ? Rien. Ce fut une belle soirée poétique. 

    Loïc LT

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  • explication d'un texte : un nouveau printemps - Etienne Daho

    Écoutons cette chanson dans le silence de la nuit et alors que le printemps n'a que deux jours. C'est un nouveau printemps ! Je le sens bien à tous points de vue (personnel, professionnel, politique, jardin). L'année 2017 est prometteuse. Mais le printemps qu'évoque Etienne Daho est une métaphore. Ce n'est pas dans le genre du chanteur de faire dans la botanique. 


    podcast

     

    Quand la chance les lâche,
    Frangins à la dérive
    Au merveilleux perdant, se débat dans l'eau vive
     
    Si sauvagement rejeté,
    Nager vers l'autre rive
    Parvenir de l'autre côté,
    Et vivre vaille que vive
     
    Apprendre à coups de crosses,
    Et de cheveux tondus
    Vois les plaies qui scintillent,
    Aux torses des vaincus
     
    Mais si la cause est belle,
    Peu importe le but
     
    Dans la fraîcheur exquise,
     
    De ce nouveau Printemps,
    L'embarcation dérive
    Si sauvagement rejetée,
    De l'une, à l'autre rive
    Parvenir de l'autre côté,
    Ailleurs, enfin revivre
     
    Apprendre à coups de crosses,
    Et de cheveux tondus
    Vois les larmes scintillent,
    Aux paupières vaincues
    Mais si la cause est belle,
    Peu importe le but
     
    Cette chanson, 3e piste de l'album les chansons de l'innocence retrouvée me plait avant tout pour sa musique. On dirait que Daho a voulu composer une musique de film. Il y a du Philippe Sarde là-dedans, c'est indéniable. Du Sarde, version pop. La dimension cinématographique de cette musique est une évidence...et doit ouvrir des pistes quant à la compréhension du texte. 
    A première vue, pris au premier degré, je vois des gens, (des frangins par exemple) tenter de traverser une rivière ou un lac.La partie ne semble pas facile, l'embarcation dérive, on prend des coups de crosses. Il semble qu'il soit compliqué de parvenir de l'autre côté pour vivre un nouveau printemps, c'est à dire une nouvelle vie. 
    Je ne peux que penser aux migrants de Lampedusa ou d'ailleurs. D'ailleurs, si je me dis que c'est un texte sur les migrants, tout colle dans le texte. Un texte engagé donc, rare chez Daho. Certains échouent, voyez les plaies qui scintillent aux torses des vaincus, ces vaincus qui pleurent ne ne pas avoir pu rejoindre l'Eldorado. Mais si la cause est belle (fuir la guerre et la misère), peu importe le but...l'Europe, ce n'est pas le paradis mais ce n'est pas la Libye. 
    Je ne vois que ça et d'un côté, je ne suis pas surpris qu'Etienne soit sensible à ce thème lui qui est natif d'Algérie et en même temps, ça ne colle pas avec le titre de l'album. Ce texte est très dur. On tue des hommes qui veulent rejoindre la liberté. 
    Certains auront la chance de connaître ce nouveau printemps (relatif quand on sait comment on parque les migrants en Europe mais au mieux ils sont en sécurité), d'autres auront essayé et réessaieront et les plus malheureux y laisseront leurs vies. Je ne serais pas surpris que Daho ait lu Eldorado de Laurent Gaudé. Certains passages du roman me font penser exactement à des séquences de ce texte. 
     
    Donc, évidemment, avec un texte d'une telle gravité, serait-ce mal venu de dire que la musique et les arrangements sont superbes ? On peut considérer que c'est un hommage à tous ceux qui ont laissé leurs vies et leurs illusions de l'autre côté de la rive. Ils méritent bien une belle chanson. Et Daho, qui s'engage, c'est quand même une nouveauté.
     
    Loïc LT
  • Ici, toujours ici - Yves Bonnefoy

    Ici, toujours ici

    Ici, dans le lieu clair. Ce n'est plus l'aube,
    C'est déjà la journée aux dicibles désirs.
    Des mirages d'un chant dans ton rêve il ne reste
    Que ce scintillement de pierres à venir.


    Ici, et jusqu'au soir. La rose d'ombres
    Tournera sur les murs. La rose d'heures
    Défleurira sans bruit. Les dalles claires
    Mèneront à leur gré ces pas épris du jour.


    Ici, toujours ici. Pierres sur pierres
    Ont bâti le pays dit par le souvenir.
    A peine si le bruit de fruits simples qui tombent
    Enfièvre encore en toi le temps qui va guérir.

    (recueil Hier régnant désert, 1958)

    Le décor est planté. Un domaine minéral, que de la pierre partout. Trop de pierres surtout aux heures chaudes de la journée, c'est insoutenable, ça étouffe tout. Les désirs sont étouffés et des délices de la nuit, il ne reste que le scintillement des pierres. 

    On a tous connu de tels décors que ce soit dans l'enfance, en vacances ou ailleurs. L'été, un soleil de plomb qui brûle les pierres, à tel point qu'on évite de marcher pieds nus. Seules les roses bénéficiant de l'ombre peuvent survivre à la chaleur accablante. Les autres sont condamnées. 

    C'est un ici immuable et tout le pays a été bâti de la sorte. Cela évoque la Provence ou même pourquoi pas les quelques jours de canicules que la nature impose une fois tous les vingt ans à l'Armorique et ses chaumières en granit. Je me souviens de ces jours, de ces murs crevassés, des lézards qui s'y cachaient, des après-midi qui n'en finissaient pas et cette longère qui renvoyait la chaleur. On aurait aimé profiter du soleil mais on ne restait pas plus de 5 mns sur la terrasse de un mètre de large devant la maison. 

    Les premiers fruits tombent, les plus chétifs ou les plus précoces mais ils ne rassurent en rien. Ils ne nous évoquent pas l'automne, cet automne qu'on attend lorsque la chaleur est telle, alors oui, cette chaleur s'en ira mais ici, toujours ici, nos pas ne sont guidés que par une sorte de folie que provoque la fournaise. 

    Au cinéma, ce seraient des scènes de la piscine avec Alain Delon et Romy Schneider ou le mépris avec Michel Piccoli et Brigitte Bardot dans la villa Malaparte. 

    Rimbaud à Aden, tout de blanc vêtu et surveillant ses peaux de cuir, armé et abattant tous les chiens errants voulant s'y approcher. 

    Loïc LT

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    (merci à Alice pour la photo. région de l'Algarve au Portugal)

  • # poésie contemporaine : extrait - Yves Bonnefoy

    DSC00634.JPGJ'avais installé ma liseuse subrepticement à côté des deux plateaux sur lesquels étaient disposés des mets quelconques. En face de moi Prisca, trop occupée à me parler d'anecdotes diverses et variées comme seules les femmes ont le secret ne s'était rendue compte de rien. J'aurais bouffé un prospectus en face d'elle qu'elle n'en n'aurait rien vu. Oh, j'exagère ! Nous déjeunions en périphérie de Vannes dans une boulangerie-snack bien située par rapport à nos bureaux respectifs. J'ai remarqué que lorsqu'on se retrouve à deux en dehors du quotidien, le vrai, la maison, les enfants, la bouffe à préparer, et bien, c'est comme une parenthèse. On se dit qu'on est vraiment con de se prendre la tête pour des conneries. Le quotidien et la monotonie qui l'accompagne sont un tue-l'amour.  

    A la limite, je n'avais pas besoin de sortir ma liseuse. La poésie, ce n'est pas que de la littérature, c'est vivre et profiter de l'instant présent et réaliser le bonheur de vivre ensemble, de construire une histoire à deux. 

    Elle m'a parlé d'une amie qui n'allait pas très bien. Alors, j'ai tourné la tête et je lui ai dit : " Mais a-t-elle gardé claire son antique liberté ?". 

    Je n'avais pas sorti cette phrase tirée du poème de Bonnefoy au hasard car je connaissais un peu cette amie et son antique liberté. Mais Prisca, la surprise passée ( encore que je l'avais sortie de façon si naturelle que dans un premier temps elle a pensé que c'était de moi, ce qui aurait été possible mais pas à cet instant, dans ce court espace-temps entre nos activités professionnelles, je n'étais pas inspiré). Bref, elle a vu la liseuse. Et je ne sais plus après si je lui ai proposé de lui lire le texte. Non en fait, je crois qu'elle n'était pas disposée. On a commandé un café et oublié Bonnefoy, une bonne fois pour toutes. Que c'est drôle !

    Mais dans l'après-midi, j'ai copié le poème sur mon sous-main. J'ai réfléchi à la question. L'homme est plus fort que le cosmos car il a conscience de lui-même. Des planètes ou des galaxies sont entrées en collision, des comètes ont fait vaciller la Terre et malgré leurs puissances astronomiques, la fracture totale ne s'est pas produite et la vie est advenue. 

    La femme est la création ultime d'un dessein dont nul ne sait le pourquoi du comment. Elle est dépendante des éléments (astreinte) mais elle est libre, plus libre que la flore (les vents les plus hauts) qu'une tempête peut abattre. Et cette puissance humaine est innée, elle naît dès la naissance et est déjà plus forte que les étoiles qui sont tributaires des aléas du chaos de l'univers. 

    Loïc LT

    Poème de Yves Bonnefoy extrait du recueil Hier régnant désert ( 1958)

     

    Combien d'astres auront franchi
    La terre toujours niable,
    Mais toi tu as gardé claire
    Une antique liberté.

    Es-tu végétale, tu
    As de grands arbres la force
    D'être ici astreinte, mais libre
    parmi les vents les plus hauts.

    Et comme naître impatient
    Fissure la terre sèche,
    de ton regard tu dénies
    Le poids des glaises d'étoiles.

  • # poésie contemporaine : Élégie - Guillevic

    Élégie

    Lorsque nous tremblions
    L'un contre l'autre dans le bois
    Au bord du ruisseau,

    Lorsque nos corps
    Devenaient à nous,

    Lorsque chacun de nous
    S'appartenait dans l'autre
    Et qu'ensemble nous avancions,

    C'était alors aussi
    La teneur du printemps

    Qui passait dans nos corps
    Et qui se connaissait

    Guillevic ("Sphère" - éditions Gallimard, 1963)

     

    Ma stratégie fonctionne à merveille. Plus je parle de poésie contemporaine, plus l'audience du blog diminue. Ainsi, tout revient comme avant. Ceci va redevenir un  petit blog secret, que même Google ne référencera plus ou alors au bout d'une longue et laborieuse recherche. Pour vivre heureux, vivons cachés, entourés de recueils de Guillevic, Francis Ponge (ou Francis, ton tour viendra -), de Paul-Alexis Robic dont la bibliothèque de Quistinic porte le nom et tant d'autres encore.

    J'essaie d'être en osmose avec les saisons. Donc, continuons avec le printemps...qui est évident car, voyez cette photo prise cet après-midi au lieu-dit La Coulée Verte à Baud :

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    Ce poème de Guillevic aurait très pu être écrit au bord du ruisseau qui coule au milieu de ce parc. Après tout, il n'est pas exclu que Guillevic qui était de Carnac ne soit pas passé un jour par Baud. Qui peut dire le contraire ? (si un jour tu vois qu'une pierre te sourit, iras-tu le dire ?) Admettons. Il se promène dans le parc et invente des vers et puis rencontre une Baldivienne. Ils s'assoient sur un banc sur lequel on vient de refaire la peinture mais ils n'ont pas vu l'écriteau mais ils s'en foutent. Ils se sont reconnus au premier regard, ce sont des poètes tous les deux, des rêveurs, des êtres contemplateurs en marge de la société. Ils ne voient de la vie que ceux que les autres ne voient pas. 

    Il devait faire froid ce jour-là, comme souvent en mars ou en avril et d'autant plus lorsqu'on s'installe au bord d'un ruisseau, à même le sol humide. Ils se touchent quand même mais les corps ne se réchauffent pas si facilement par un simple contact. 

    Alors , ils se sentent bien, leurs corps leur appartiennent enfin et ne sont plus utilisés à des fins mercantiles ou autres affaires humaines.  Quand on se sent si bien et qu'on a le sentiment de se connaître depuis longtemps, il n'y a pas besoin de parler pour se rapprocher. Les corps suffisent. Le langage n'est utile que lorsqu'on n'ose pas laisser parler nos corps. Ce couple avançait par la simple communion des corps. Et puis, aidée de la nature qui s'éveille autour, comme ce saule, comme ces fleurs printanières, le couple n'est plus qu'un corps qui se connait. 

    Loïc LT

     

  • Philippe Jacottet, suite !

    Dans la série "tentative de compréhension d'un poème contemporain",  j'ai envie de continuer avec Philippe Jaccottet car je sais que vous êtes devenus amoureux de sa poésie depuis la dernière note qui lui fut consacrée. 

     

    Les eaux et les forêts, partie 1

    La clarté de ces bois en mars est irréelle, tout est encor si frais qu'à peine insiste-t-elle.
    Les oiseaux ne sont pas nombreux; tout juste si, très loin, où l'aubépine éclaire les taillis, le coucou chante.
    On voit scintiller des fumées qui emportent ce qu'on brûla d'une journée, la feuille morte sert les vivantes couronnes, et suivant la leçon des plus mauvais chemins, sous les ronces, on rejoint le nid de l'anémone, claire et commune comme l'étoile du matin.

     

    C'est un poème d'actualité, on est en mars ! C'est fou mais je n'ai pas vu passer l'hiver. J'ai l'impression qu'une seule nuit a séparé octobre et mars. C'est la première fois que j'ai ce sentiment. Je ne l'explique pas. Heureusement que je n'ai pas attendu l'hiver pour lui dire que je l'aimais car j'ai fait l'impasse sur la saison crépusculaire..

    Non, mais sérieux Philippe, tu t'affirmes comme un poète contemporain et tu écris encore encore sans E. Depuis Mallarmé, c'est ringard de ne pas mettre de E à encore !

    Oui, en mars, le soleil est encore trop faiblard et il fait encor(e) frais pour que la lumière éblouie. Inutile donc qu'elle insiste et le soleil a tout a fait le droit d'économiser de l'hydrogène. Je ne connais pas l'aubépine, je veux bien croire que comme le crocus ou la narcisse, elle fleurisse en mars par contre, une chose est certaine : le coucou ne chante pas en mars, en tout cas pas en Bretagne. On peut l'entendre au plus tôt mi-avril, je dirais...mais en mars, Philippe, non ! 

    On voit scintiller des fumées qui emportent ce qu'on brûla d'une journée

    C'est tellement simple à comprendre qu'on se demande si c'est vraiment du Jaccottet ou alors, il était vraiment fatigué le jour où il a écrit ça parce qu'avec les coucous, ça fait beaucoup ! Ensuite, et bien, je cherche encore que sont les vivantes couronnes qui servent aux feuilles mortes. Une feuille morte est très fragile et encore plus au mois de mars où elle est dans un état de décomposition avancé, alors en quoi peut-elle servir à quelque chose ? Les feuilles mortes sont au ras du sol, elles n'ont plus la force de s'envoler à part peut-être lorsque des tourbillons, annonçant souvent l'orage les dérangent. Mais ça nous avance pas sur les vivantes couronnes. Elles doivent signifier quelque chose dans l'esprit du poète. Il vit encore mais il est très vieux, on peut toujours lui demander.  

    Peut-être l'indication comme quoi il emprunte des mauvais chemins où poussent des ronces qui cachent des anémones peut-elle nous aider mais pas vraiment. Bon, les ronces gardent l'essentiel de leurs feuillages en hiver, on est d'accord. L'autre jour, j'ai taillé ma haie de thuyas et j'en ai enlevé plein et les méchantes m'ont griffé et je me souviens qu'elles avaient encore des feuilles. Les anémones qui sont avant tout des plantes couvre-sol (et qui peuvent donc se laisser envahir par les ronces)  survivent à l'hiver et commencent souvent à fleurir en mars. Mais qui est donc ce "on" qui rejoint le nid de l'anémone...un promeneur botaniste qui en a vu d'autres et qui trouve ça normal de trouver des anémones au bord des chemins perdus ? L'étoile du matin ne peut-être que le soleil et donc, le poète ferme la boucle ouverte avec la faible clarté que cette étoile diffuse.

    Je n'ai fait qu'un commentaire linéaire mais quel est le sens de tout ça ? Faut-il lire la suite du poème pour en trouver l'explication ou bien, doit-on se contenter d'un poème bucolique qui n'a d'autre but que de décrire un sous-bois au début du printemps ? Est-ce une réponse à Rimbaud qui embrassa l'aube d'été ? Trop bling bling, l'aube d'été, un poète contemporain va préférer l'aube d'une nouveau printemps. 

    Cette question ne devrait pas m'empêcher de dormir, ni Gérard Larcher, ni vous. Mais quand même...les vivantes couronnes. Là est la clé du poème.

    Chers amis de la poésie, bonsoir !

    Loïc LT