Écoutons cette chanson dans le silence de la nuit et alors que le printemps n'a que deux jours. C'est un nouveau printemps ! Je le sens bien à tous points de vue (personnel, professionnel, politique, jardin). L'année 2017 est prometteuse. Mais le printemps qu'évoque Etienne Daho est une métaphore. Ce n'est pas dans le genre du chanteur de faire dans la botanique.
Quand la chance les lâche,
Frangins à la dérive
Au merveilleux perdant, se débat dans l'eau vive
Frangins à la dérive
Au merveilleux perdant, se débat dans l'eau vive
Si sauvagement rejeté,
Nager vers l'autre rive
Parvenir de l'autre côté,
Et vivre vaille que vive
Nager vers l'autre rive
Parvenir de l'autre côté,
Et vivre vaille que vive
Apprendre à coups de crosses,
Et de cheveux tondus
Vois les plaies qui scintillent,
Aux torses des vaincus
Et de cheveux tondus
Vois les plaies qui scintillent,
Aux torses des vaincus
Mais si la cause est belle,
Peu importe le but
Peu importe le but
Dans la fraîcheur exquise,
De ce nouveau Printemps,
L'embarcation dérive
Si sauvagement rejetée,
De l'une, à l'autre rive
Parvenir de l'autre côté,
Ailleurs, enfin revivre
L'embarcation dérive
Si sauvagement rejetée,
De l'une, à l'autre rive
Parvenir de l'autre côté,
Ailleurs, enfin revivre
Apprendre à coups de crosses,
Et de cheveux tondus
Vois les larmes scintillent,
Aux paupières vaincues
Et de cheveux tondus
Vois les larmes scintillent,
Aux paupières vaincues
Mais si la cause est belle,
Peu importe le but
Peu importe le but
Cette chanson, 3e piste de l'album les chansons de l'innocence retrouvée me plait avant tout pour sa musique. On dirait que Daho a voulu composer une musique de film. Il y a du Philippe Sarde là-dedans, c'est indéniable. Du Sarde, version pop. La dimension cinématographique de cette musique est une évidence...et doit ouvrir des pistes quant à la compréhension du texte.
A première vue, pris au premier degré, je vois des gens, (des frangins par exemple) tenter de traverser une rivière ou un lac.La partie ne semble pas facile, l'embarcation dérive, on prend des coups de crosses. Il semble qu'il soit compliqué de parvenir de l'autre côté pour vivre un nouveau printemps, c'est à dire une nouvelle vie.
Je ne peux que penser aux migrants de Lampedusa ou d'ailleurs. D'ailleurs, si je me dis que c'est un texte sur les migrants, tout colle dans le texte. Un texte engagé donc, rare chez Daho. Certains échouent, voyez les plaies qui scintillent aux torses des vaincus, ces vaincus qui pleurent ne ne pas avoir pu rejoindre l'Eldorado. Mais si la cause est belle (fuir la guerre et la misère), peu importe le but...l'Europe, ce n'est pas le paradis mais ce n'est pas la Libye.
Je ne vois que ça et d'un côté, je ne suis pas surpris qu'Etienne soit sensible à ce thème lui qui est natif d'Algérie et en même temps, ça ne colle pas avec le titre de l'album. Ce texte est très dur. On tue des hommes qui veulent rejoindre la liberté.
Certains auront la chance de connaître ce nouveau printemps (relatif quand on sait comment on parque les migrants en Europe mais au mieux ils sont en sécurité), d'autres auront essayé et réessaieront et les plus malheureux y laisseront leurs vies. Je ne serais pas surpris que Daho ait lu Eldorado de Laurent Gaudé. Certains passages du roman me font penser exactement à des séquences de ce texte.
Donc, évidemment, avec un texte d'une telle gravité, serait-ce mal venu de dire que la musique et les arrangements sont superbes ? On peut considérer que c'est un hommage à tous ceux qui ont laissé leurs vies et leurs illusions de l'autre côté de la rive. Ils méritent bien une belle chanson. Et Daho, qui s'engage, c'est quand même une nouveauté.
Loïc LT