Ici, toujours ici
Ici, dans le lieu clair. Ce n'est plus l'aube,
C'est déjà la journée aux dicibles désirs.
Des mirages d'un chant dans ton rêve il ne reste
Que ce scintillement de pierres à venir.
Ici, et jusqu'au soir. La rose d'ombres
Tournera sur les murs. La rose d'heures
Défleurira sans bruit. Les dalles claires
Mèneront à leur gré ces pas épris du jour.
Ici, toujours ici. Pierres sur pierres
Ont bâti le pays dit par le souvenir.
A peine si le bruit de fruits simples qui tombent
Enfièvre encore en toi le temps qui va guérir.
(recueil Hier régnant désert, 1958)
Le décor est planté. Un domaine minéral, que de la pierre partout. Trop de pierres surtout aux heures chaudes de la journée, c'est insoutenable, ça étouffe tout. Les désirs sont étouffés et des délices de la nuit, il ne reste que le scintillement des pierres.
On a tous connu de tels décors que ce soit dans l'enfance, en vacances ou ailleurs. L'été, un soleil de plomb qui brûle les pierres, à tel point qu'on évite de marcher pieds nus. Seules les roses bénéficiant de l'ombre peuvent survivre à la chaleur accablante. Les autres sont condamnées.
C'est un ici immuable et tout le pays a été bâti de la sorte. Cela évoque la Provence ou même pourquoi pas les quelques jours de canicules que la nature impose une fois tous les vingt ans à l'Armorique et ses chaumières en granit. Je me souviens de ces jours, de ces murs crevassés, des lézards qui s'y cachaient, des après-midi qui n'en finissaient pas et cette longère qui renvoyait la chaleur. On aurait aimé profiter du soleil mais on ne restait pas plus de 5 mns sur la terrasse de un mètre de large devant la maison.
Les premiers fruits tombent, les plus chétifs ou les plus précoces mais ils ne rassurent en rien. Ils ne nous évoquent pas l'automne, cet automne qu'on attend lorsque la chaleur est telle, alors oui, cette chaleur s'en ira mais ici, toujours ici, nos pas ne sont guidés que par une sorte de folie que provoque la fournaise.
Au cinéma, ce seraient des scènes de la piscine avec Alain Delon et Romy Schneider ou le mépris avec Michel Piccoli et Brigitte Bardot dans la villa Malaparte.
Rimbaud à Aden, tout de blanc vêtu et surveillant ses peaux de cuir, armé et abattant tous les chiens errants voulant s'y approcher.
Loïc LT
(merci à Alice pour la photo. région de l'Algarve au Portugal)