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littérature - Page 32

  • CR34 - métropolice - Didier Daeninckx

    0c9c7de72f1f2eeedef6d4890e717d2a.jpgAprès l'éblouissant lune sanglante de James Ellroy, je continue mon programme spécial congés de printemps : lire trois grands auteurs de polars jamais lus. J'ai dit tout le bien que je pensais d'Ellroy. Je suis plus sceptique concernant Didier Daeninckx. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on n'est pas dans la même catégorie. Mais le lire après Ellroy, c'était peut-être pas la chose à faire.

    L'originalié de ce roman est qu'il se passe entièrement dans le métro parisien. Au passage, il faut admettre que Daeninckx maîtrise très bien la géographie de ces lieux (contrairement à moi). Nous sommes au début des années 80 et le socialisme prend le virage de la rigueur (et le roman baigne un peu dans cette atmosphère désanchantée).  Un type, récemment sorti de l'hôpital psychiatrique de Rodez (où séjourna Antonin Artaud apprend-on) veut règler ses comptes avec un accident l'ayant meurtri par le passé. Son but sera de sévir dans les stations commençant par la lettre C en poussant des quais des individus ressemblant à celui qui le poussa par le passé. Il commet trois crimes de la sorte. Commence une course poursuite entre la brigade du métro et le type en question.

    Le tout se laisse lire tranquillement mais ça ne donne pas vraiment envie d'en lire d'autres. Une sorte de roman de plage en quelque sorte (pour peu que le métro puisse faire rêver les plagistes).

    lectures à venir :

    • Pars vite et reviens tard - Fred Vargas
    • Cent ans de solitude - Gabriel Garcia Marquez
    • Le nom de la rose - Umberto Eco.

    Se profile à l'horizon un nouveau triptyque (pas sûr que le mot soit approprié) : lire à la suite 3 auteurs mal aimés. On ira chercher du côté de Christine Angot, Camille Laurens et Marie Darrieusecq (ce qui pourrait également constituer un spécial auteur féminin français contemporain.)

    Loïc, 14h20

     

  • CR33 : lune sanglante - James Ellroy

    20a47123bc50b92beb2e246cc3960be1.jpgOn m'avait parlé de James Ellroy comme étant l'un des meilleurs auteurs de romans noirs de sa génération. Il était temps pour moi de vérifier la chose...et bien que je ne sois pas fan d'histoires de tueurs en série traqués par des flics solitaires, je dois avouer qu'il m'a été difficile de lâcher le bouquin une fois bien lancé (il y a juste les 30 premières pages qui sont un peu poussives). Je n'ai d'ailleurs éteint ma lampe de chevet qu'à 3 heures du matin pour pouvoir finir. Il était en effet impossible pour moi de m'endormir sans savoir qui du sergent détective Lloyd Hopkins ou du détraqué Teddy Verplanck allait avoir le dernier mot. La morale est sauve, c'est le sergent qui l'emporte. Ceci dit, Ellroy ne faisant pas dans le manichéisme primaire, nous sommes en présence d'un flic tordu, avide de sexe et de sensations fortes et d'un tueur en série poète et secrètement amoureux d'une seule femme.

    Cette lecture m'a sacrément secoué. Coup de chapeau aussi  à Freddy Michalski, le traducteur pour le style et le vocabulaire très riche.

    De toute façon,  je n'ai jamais été déçu par les polars sortis dans la collection rivages/noir. J'aime beaucoup cette collection, pour les romans eux-même évidemment mais aussi pour ses couvertures très soignées et son papier si particulier. Ce sont vraiment des livres qu'on a envie de toucher et de dévorer, au sens propre comme au figuré.

    Je continue dans le roman noir avec cette enflure de Didier Daeninckx (métropolice). Suivra Fred Vargas (pars vite et reviens tard). Après quoi, pour renverser la vapeur, j'aurai mérité mon petit harlequin (car c'est important de savoir qu'en ce bas monde,  l'Amour a encore un sens pour certains).

    Loïc, 21h30

  • CR32 : la plaisanterie - Milan Kundera

    61dba885f01247a927013982da5cd865.jpgAspects pratiques : ce livre pèse 420 grammes et mesure 20.5cm/14cm pour une épaisseur de 3 cm. Ce qui en fait un bel objet, d'autant plus que c'est un Gallimard de la collection du Monde Entier. Il comprend 400 pages (dont 392 pour le récit proprement dit). Selon certaines projections personnelles, il compte aux alentours de 146.000 mots. La lettre la plus utilisée est le E qu'on rencontre 93.300 fois. J'ai commencé à le lire le 06.04 pour le terminer le 17.04, ce qui fait donc 11 jours. Le rythme de lecture fut donc de 35 pages par jour. Mais ce n'est qu'une moyenne car j'ai lu 250 pages sur les 3 derniers jours. Mais bon, si on considère la moyenne, je trouve ça assez décevant. Voici les différents lieux qu'a connu cette lecture (par ordre décroissant) :

    • - mon lit (le soir de 23h à 0h)
    • - le canapé (en début de soirée)
    • - à table
    • - la voiture (quelques minutes ici ou là quand j'arrive un peu trop tôt sur mon lieu de travail)
    • - debout appuyé contre la cheminée (lorsque le feu est allumé).
    • - à dos de chameau (deux ou trois fois seulement).

    Que s'est-il passé dans ma vie pendant cette lecture ? : rien de particulier.

    Météo : temps plus frisquet sur toute la période, peu de précipitation.

    Que s'est-il passé dans le Monde : le pétrole s'installe durablement au dessus des 100 dollars.

    Aspects théoriques :  Lorsque j'ai commencé à lire Kundera, j'avais peut-être la moitié moins d'années qu'aujourd'hui. J'étais un adolescent branleur plein de certitudes, plein de certitudes sur le monde, sur Dieu, sur le bien et le mal etc. Avec les années, on s'assagit évidemment, on nuance ses propos et aujourd'hui, à presque 35 ans, je suis l'antithèse de celui que je fus à 18 ans, à savoir que je ne suis sûr de rien et que je peux sur un sujet précis avoir le soir une opinion totalement différente de celle que j'avais le matin. Ou bien, je peux avoir un avis en discutant avec quelqu'un, et, sur le même sujet, avoir un avis diamétralement opposé en discutant avec une autre personne. Mes opinions sont donc très circonstancielles, et même d'ailleurs sur des sujets importants (philosophiques et politiques).

    Je m'égare. Tout ça pour dire que j'avais envie de relire Kundera du haut de mes 35ans. Et comme je ne pense avoir avoir lu le plaisanterie, j'ai donc choisi ce roman, qui est aussi le premier de Kundera. Il faudrait que je cherche à quel âge il l'a écrit mais peu importe l'âge, s'agissant d'un premier roman, on aurait pu s'attendre à des imperfections ou à un style un peu lourdaud. Et c'est le contraire. En refermant ce livre, on se dit qu'avec Kundera l'art du roman atteind des sommets, que ce soit au niveau de la construction (très subtile), du style (épuré) et de la profondeur du propos. Ce qu'il y a de sympa avec MK, c'est que son style est tellement limpide qu'on arrive même à s'enthousiasmer pour des considérations sur les racines de la musique folklorique tchèque (à ce propos, il faut souligner le savoir de MK en musicologie, qu'il tient de son père, je crois).

    Le roman se passe dans les années 50 en Tchécoslovaquie. Le régime communiste est installé. L'un des narrateurs, Ludvik, est un cadre du parti. Un jour, il envoie une carte postale à celle qui aime qu'il clot par un l'optimisme est l'opium du genre humain ! L'esprit sain pue la connerie. Vive Trotski. Pour Ludvik, ce n'est qu'une plaisanterie. hélas, le courrier est intercepté et Ludvik est exclu du parti et de la faculté où il étudiait. Il se retrouve à faire un service militaire forcé pendant quelques années. On suit son parcours, ses amours, ses doutes,  via sa propre voix et aussi, par celles des gens de son entourage.

    Ce qui m'a étonné dans tout ça, c'est de voir tous ces cadres communistes constater la dureté du parti, son autoritarisme et en fait, garder foi en lui et en le communisme. Pas une fois, de la part d'un des narrateurs, il n'est question de remettre en cause le fait que le communisme n'est peut-être pas la bonne voie. Pour eux, il est acquis, que le communisme est LE système, et que par ce fait, en le soutenant et en le construisant, ils font l'histoire avec un grand H. Pour eux, l'absence de démocratie et de liberté d'expression semble être un mal pour le bien et les dérives à l'intérieur du parti, de simples dérives individuelles.

    Moment de lecture agréable, va sans dire et pédagogique. Tiens, il me vient une idée concernant les romans de MK : jamais il n'y a un trait d'humour..et lorsqu'il est question d'humour, c'est sur un ton détaché. Et ce livre, malgré son titre,  n'échappe pas à la règle.  Excellent roman. 4.5/5

  • des jours et des livres (6) - le prix du livre Inter 2008

    Mon livre de chevet est en liste pour le prix du livre inter 2008. Il fait partie des dix ouvrages sélectionnés dont voici la liste :

    • Henry Bauchau - Le boulevard périphérique
    • Sorj Chalandon - Mon traitre
    • Vincent Delecroix - La chaussure sur le toit
    • Annie Ernaux - Les années
    • Nicolas Fargues - Beau rôle
    • Eric Laurrent - Renaissance italienne
    • Linda Lê - In memoriam
    • Michèle Lesbre - Le canapé rouge
    • Eric Reinhardt - Cendrillon
    • Olivia Rosenthal - On n'est pas là pour disparaître

    Bon, le prix Inter a ceci de particulier que les membres du jury sont des anonymes qui ont postulé via courrier. Le service culture de France inter s'est chargé d'en sélectionner 24 (douze femmes, douze hommes) sur des critères purement subjectifs avec les lettres comme seuls supports. Les 24 heureux élus recevront les dix romans à domicile. sympa. Délibération le 1er juin.

    Tout ceci ne m'inspire que des choses postives. On sait le problème que cela cause et toutes les polémiques suscitées lorsque les jurys littéraires sont des professionnels de l'édition sur lesquels les maisons d'édition sont susceptibles d'exercer des pressions. Par exemple, plus personne n'accorde le mondre crédit au lauréat du prix Goncourt.

    27a52f5af6ceea5f650cf2dcb2306d3e.jpgDonc, je vais suivre de près le prix du livre Inter. En espérant que Cendrillon de Eric Reinhardt l'emporte, car, on dira ce qu'on voudra mais ce roman mérite un prix. Trop de gens sont passés à côté. Je le constate tous les jours en parcourant la blogosphère littéraire (ou j'essaie tant bien que mal de transmettre mon enthousiasme pour ce livre) où il a été quasiment ignoré. Par ailleurs, avec l'affaire de la Société Générale, ce roman a montré combien il était d'actualité.

    Pour mesurer les adversaires, j'ai envie de lire le boulevard périphérique de Henry Bauchau (parce que j'aime tout ce qui est périphérique...) et la chaussure sur le toit de Vincent Delacroix (parce que je veux savoir ce qu'une chaussure peut foutre sur un toit...)

    Loïc, 23h00

     

  • CR31 : Et mon coeur transparent - Véronique Ovaldé

    f14c0aadb75db7d34dfece36af810b52.jpgA chaud, je le dis tout de suite : j'ai détesté ce livre. Pas tant l'histoire que ce style complètement tordu. D'ailleurs, plus qu'un style, je pencherais plutôt pour des carences de l'auteur, incapable de dire simplement des choses simples. Ou bien alors, c'est moi qui suis trop vieux jeu et qui aurais du mal avec des oeuvres trop avant-gardistes. Non, je ne crois pas. Je suis ouvert à tout...sauf peut-être à la médiocrité.

    Des mauvais livres, ça existe, là n'est pas le problème. Par contre, que des mauvais livres soient récompensés par des médias comme Télérama ou France Culture, là, je ne comprends plus. Je me disais pourtant qu'il ne pouvait sortir que quelque chose de bon d'un prix du livre France Culture-Télérama. Je me suis trompé.

    C'est dommage car j'étais depuis quelques semaines à la recherche d'un nouvel écrivain fétiche et j'avais eu le pressentiment que Véronique Ovaldé pouvait être l'heureuse élue. Non, elle rejoindra juste David Foenkinos, Balzac et Willian Faulkner dans ma liste des écrivains imbuvables.

    Je vais quand même mettre 1/5 : 0.5 points pour les saints, 0.5 points pour la chapelle. Euh non, 0.5 points pour le titre, qui est pas trop mal (tiré d'un poème de Verlaine où il fait ce rêve étrange et pénétrant...) et 0.5 points parce que ça m'a permis de lire pour la première fois un roman des éditions de l'Olivier.

     

    extrait : aucun

    note : 1/5

  • des jours et des blogs (4) - le doggy blog

    c877037fb759a6411be603ba70271bd5.jpgEn 2006, quelqu'un chez Julliard avait eu la bonne idée de créer un blog dédié à la série Doggy Bag. Hélas, le blog n'a quasiment pas été alimenté. Je trouve que l'idée était bonne car je pense que les lecteurs de Djian ont matière à  se fédérer en une communauté. Or internet est le meilleur moyen de le faire, dans un premier temps. On aime Philippe Djian ou on n'aime pas. Mais on n'est pas indifférent. Moi je trouve son écriture virevoltante, son style décapant. A certains égards, ce qu'il fait est quasiment révolutionnaire...à condition qu'on ne se prenne pas trop au sérieux, qu'on accepte une lecture au second degré avec une bonne louche de cynisme. Les anti trouvent ça gnan-gnan, à l'eau de rose, trop american way of life etc.

    Je m'imagine Djian en train d'écrire, le sourire aux lèvres, à l'affût d'une grosse connerie, cherchant un rebondissement inattendu qu'il trouve en buvant une bière en trainant sur sa terrasse. Comme ça, quand on lit ses romans, ça ne semble pas difficile, les événements s'enchainant tellement vite, avec tant de naturel et de grâce. Mais enfin de compte, quand on réalise la somme des Doggy Bag ( déjà 6 tomes je crois), on se dit que ça demande beaucoup d'imagination et de virtuosité. Je dis chapeau à Djian. J'aimerais vraiment l'entendre en interview, connaître son opinion sur plein de choses, sur Sarko, sur le football, savoir ce qu'il lit, ce qu'il regarde à la télé (en dehors de Six feet under )...etc. Je m'en fous complètement de savoir ce que pensent et aiment certaines personnes..et d'autres je m'en fous pas. Comme Djian par exemple.

    Mine de rien, son oeuvre est majeure. Alors, doggyphiles du monde entier, unissons-nous !

    Loïc

    0fe82117e8860a56ed9ef15f24609035.jpg
  • CR30 : Middlesex - Jeffrey Eugenides

    d7d99c51e62a9cbe8b25b70744c1693e.jpgMiddlesex de Jeffrey Eugenides pèse 322 grammes, ce qui en fait un gros livre de poche. J'aime beaucoup les pavés car ça donne vraiment le temps d'habiter les personnages, de les comprendre et de se sentir aussi lié à leur destin. Mais là, la lecture s'étant faite sur trois semaines, je dois dire que j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire. Ce n'est pas par manque d'intérêt...mais en ce mois de mars, je me suis fait doublement exploiter au boulot, si bien que le soir, je m'endormais littéralement devant mon bol de soupe. Alors, vous comprenez qu'il était difficile de me concentrer sur des choses aussi éloignées du quotidien où j'étais enfermé dans des considérations très terre à terre.

    Pensant à tout cela, vendredi soir, je me suis promis de le finir pour la fin du weekend..ce qui j'ai réussi, et sans forcer tant le récit était limpide et l'histoire assez haletante. Ce roman se déroule sur trois générations et raconte le destin d'une famille grecque qui émigre vers les Etats-Unis au début du XXème siècle. Tout aurait été en somme très banal si les émigrants, un frère et une soeur n'avaient pas décidé de se marier sur le paquebot les emmenant vers le rêve américain. Les conséquences de cet inceste se dévoileront deux générations plus tard, un bébé (prénommé Caliope et qui est aussi la narratrice) qui se présente comme étant une fille s'avère être aussi un garçon. Ce que personne ne remarquera pendant toute son enfance. Alors que toutes ses amies voient leurs corps se transformer à l'adolescence, rien ne se passe chez Caliope. Après moulets péripéties, quelques années plus tard, Caliope devient un garçon et se fait appelé Cal.

    A travers l'histoire de Caliope, le narrateur embrasse toute l'histoire de Etats-Unis et plus précisément de Détroit, ville où la famille Stéphanides a décidé de s'implanter en 1922. Lecture très instructive sur la dévouvert de soi-même, de son corps, sur la condition du réfugié et sur le modèle américain.  note : 4/5

    un extrait : en arrivant à Détroit, Lefty se fait pistonner par un cousin pour entrer dans l'usine Ford, principal employeur de la ville. Lefty et sa femme Desdemona ( qui est aussi sa soeur) sont, dans un premier temps, logés chez les cousins, Zizmo et Lina. Un jour, des envoyés de Ford lui rendent visite :

    Deux hommes se tenaient sur la paillasson. Ils portaient des costumes gris, des cravates rayés, des chaussures noires. Ils avaient des favoris courts. Ils tenaient à la main des mallettes identiques. En enlevant leurs chapeaux, ils révélèrent des cheveux du même châtain, soigneusement séparés par une raie au milieu. Zizmo retira la main de sa veste.

    " Nous appartenons au service social de l'entreprise Ford, dit le plus grand. Mr Stephanides est-il à la maison ?

    - oui ? dit Lefty.

    - Mr Stephanides, laissez-moi vous expliquer la raison de notre présence.

    - la direction estime, enchaîna le plus petit, que cinq dollars par jour entre les mains de certains hommes peuvent constituer un handicap énorme sur les voies de la droiture et de l'honnêteté et faire d'eux une menace pour la société en général.

    - Il a donc été décidé par Mr Ford - reprit alors le plus grand - que cet argent ne peut être alloué à qui ne saurait en faire usage en toute conscience et avec retenue.

    - Egalement - de nouveau le petit - que si un homme semble avoir les qaulités requises mais qu'il en vient à faiblir, l'entreprise est en droit de le priver de sa part de bénéfices jusqu'à ce qui se soit réhabilité. Pouvons-nous entrer ?

    Une fois à l'intérieur, ils se séparèrent. Le grand sortit un bloc de sa mallette. " Je vais vous poser quelques questions, si vous voulez bien. Buvez-vous, Mr Stephanides ?

    - non." Zizmo répondit pour lui.

    " Et qui êtes-vous, si je puis me permettre ?

    - M'appelle Zizmo.

    Vous êtes en pension ici ?

    - Je suis chez moi.

    - Ce sont donc Mr et Mrs Stephanides qui sont pensionnaires ?

    - C'est ça.

    - ça ne va pas. ça ne va pas, dit le grand. Nous encourageons  nos employés à souscrire un emrpunt-logement.

    - Il y travaille", dit Zizmo.

    Entre temps, le petit était entré dans la cuisine. Il souleva les couvercles, ouvrait la porte du four, scrutait le contenu de la poubelle. Desdemona allait s'y opposer, mais Lina la retint d'un regard. (Et remarquez comment le nez de Desdemona s'est mis à bouger. Depuis deux jours, son odorat est incroyablement fin. Les aliments commencent à avoir une drôle d'odeur pour elle, la feta sent les chaussettes sales, les olives la crotte de chèvre.)

    " Vous vous baignez souvent, Mr Stephanides ? demanda le grand.

    - Tous les jours, monsieur.

    - Vous vous brossez les dents souvent ?

    - Tous les jours, monsieur.

    - Avec quoi ?

    - De la poudre."

    Maintenant le petit était en train de monter les escaliers. Il envahit la chambre de mes grands-parents et inspecta les draps. Il entra dans la salle de bains et examina le siège des toilettes.

    A partir de maintenant, utilisez ceci, dit le grand. C'est un dentifrice. Voilà une brosse à dents neuve."

    Déconcerté, mon grand-père saisit les objets. "Nous venons de Bursa, expliqua-t-il. C'est une grande ville.

    - Brossez le long des gencives. De bas en haut pour le bas et de haut en bas pour le haut. Deux minutes matin et soir. Essayez.

    - Nous sommes des gens civilisés.

    - Dois-je comprendre que vous refusez de vous conformer aux instructins d'hygiène ?

    - Ecoutez-moi, dit Zizmo. Les Grecsz ont construit le Parthénon et les Egyptiens ont construit les pyramides à une époque où les Anglo-Saxons étaient encore vêtus de peaux de bêtes." (jolie la réplique)

    Le grand regarda Zizmo et nota quelque chose sur son bloc.

    "Comme ça ?" demanda mon grand-père. Avec une grimace hideuse, il fit aller et venir la brosse dans sa bouche sèche.

    "C'est dela. Parfait."

    Le petit réapparut alors. Il ouvrit son bloc et commença : "premier point : poubelle de la cuisine dépourvue de couvercle. Deuxième point : mouche sur la table de la cuisine. Troisième point : trop d'ail dans la cuisine. Provoque l'indigestion."

    (Et maintenant Desdemona localise le coupable : les cheveux du petit. L'odeur de la brillantine lui donne la nausée.)

    "C'est très généreux à vous de venir vous intéresser à la santé de vos employés, dit Zizmo. Il ne faudrait pas que quelqu'un tombe malade, n'est-ce pas ? ça pourrait ralentir la production.

    - Je vais faire semblant de ne pas avoir entendu, dit le grand, puisque vous n'êtes pas un employé de l'entreprise Ford. Toutefois, se retournant vers mon grand-père, je dois vous dire, Mr Stephanides, que dans mon rapport, je mentionnerai vos relations sociales. Je recommanderai que vous et Mrs Stephanides vous installiez dans votre propre foyer dès que la chose sera financièrement possible.

    - Et puis-je vous demander quelle est votre profession, monsieur ? voulut savoir le petit.

    - Je suis dans le transport, dit Zizmo.

    - Très gentil à vous, messieurs, d'être passés, intervint Lina. Mais si vous voulez bien nous excuser, nous allions nous mettre à table. Nous devons aller à l'église ce soir. Et bien sûr, Lefty doit être couché à neuf heures pour se reposer. Il aime être frais et dispos au réveil.

    - C'est bien. Très bien."

    Ensemble ils mirent leurs chapeaux et s'en allèrent.

  • CR29 - Camille - Bernard Fauren

    1b0e94f52a7016d15a933065512805ae.jpgIl y a une malédiction autour de Middlesex qui fait qu'à chaque fois que je me décide enfin à le lire, une lecture impromptue me tombe dessus qui retarde celle du roman de Eugenides. Cette fois-ci, il s'agit d'un roman intitulé 'Camille' écrit pas un certain Bernard Fauren. Il m'a été conseillé par le membre d'un forum littéraire où je traine mon pseudo depuis pas mal de temps. particularité : je n'ai pas acheté le livre mais l'ai imprimé depuis un site où des écrivains mettent leurs oeuvres à disposition. (si j'ai bien tout compris).

    Mon impression générale est plutôt positive. J'avais à la base des raisons personnelles d'être intéressé par ce roman qui se passe pour les deux premiers tiers dans un hôpital psychiatrique.

    Résumé rapide : un homme (Pierrot) et une femme (Camille) internés se rencontrent et il se noue entre eux une relation particulière plus forte que l'amitié mais pas vraiment de l'amour non plus. Ils décident de s'évader, y arrivent. Sont recherchés et se suicident en sautant sous un train au moment où ils allaient se faire interpeller. A cela, il ne faut pas oublier de parler de la quête mystique qui sous-tend cette fuite en avant (puisque Camille à la base est internée pour avoir fait croire qu'elle avait été témoin d'apparitions -en l'occurence de la vierge marie-).

    Tout cela se lit agréablement. Le style est sobre, efficace et sans fioritures. A partir de la décision de l'évasion, je n'ai plus lâché mes feuilles A4. On est tenu en haleine jusqu'au bout, jusque la dernière ligne. Mais je pense que le roman aurait été tout aussi réussi en ne s'embarassant pas de toutes ces considérations para-religieuses autour de la vierge noire et toutes ces choses un peu bizarres qui nourissent la fin du roman.

    En tout cas, Bernard Fauren  gagne être connu. On peut télécharger Camille et d'autres de ses romans depuis cette page

    3.5/5

    Loïc, 0h10 (en écoutant Sébastien Tellier...d'ailleurs en dira deux mots)

  • CR28 : zones - Jean Rolin

    373e1bdd4ada9ffc1be9e824d56d1b5b.jpgIl me semble que que j'ai appris l'existence de ce livre grâce à Philippe Vasset dans 'un livre blanc'. Il le cite plus ou moins. Et comme de fait, après lecture, il s'avère que Jean Rolin a écrit "zones' dans le même état d'esprit que Phillippe Vasset. Même état d'esprit mais procédé différent. Encore que. Le narrateur de 'zones' est plutôt un promeneur, un voyageur alors que Vasset serait plutôt géographe où cartographe. Mais les deux sont fascinés par tous ces lieux oubliés, les périphéries, lieux de passage où tout est éphémère..(mais où l'essentiel de nos vie se joue..c'est d'ailleurs ça la moralité de cette histoire).

    Chaque chapître de 'zones' correspond à une date. Cela se présente donc comme un carnet de voyage (qui commence le 4 juin pour se terminer le 8 décembre).  Le narrateur dort d'hôtels en hôtels et passe ses journées à marcher et à contempler le paysage urbain. Le tout est agrémenté de petites scénes de vie (discussions dans les bars, altercations dans les transports, agressions verbales) d'une banalité sans fin mais souvent très amusantes. A la manière de Modiano, Jean Rolin éprouve le besoin de nommer toutes les rues et les moindres impasses où il passe..Si on ne connait pas bien Paris et sa banlieue, c'est embêtant..mais bon pas tant que ça.

    Et enfin de compte, on ne sait pas bien les intentions de Rolin puisque nulle part il ne fait part de son projet et commence dès le premier chapître son carnet sans expliquer qui-que-quoi-donc-où. Est-il lui même un habitant de cette proche banlieue parisienne qui semble le fasciner ? On ne sait pas. Par deux fois seulement, il fait part de règles qu'il s'est assigné : 1-ne jamais se déplacer en automobile, 2- ne jamais aborder les gens. Les gens peuvent l'aborder mais lui ne doit pas faire le premier pas. A part ça, on ne sait rien.

    Mais au bout du compte, j'ai beaucoup aimé. J'ai trouvé ça grisant et poétique. Jean Rolin ne juge pas, il voit, constate et décrit (le délitement social et l'insécurité en banlieue par exemple). Mais comme on peut l'imaginer, ce n'est pas tant l'aspect sociologique qui m'a plu (on nous bassine assez avec la banlieue et l'insécurité -euh pardon, les insécurités dirait SR qui a pris l'habitude de mettre au pluriel des mots, des mots comment déjà ?..mais bon sang, comment appelle-t-on ces mots qu'on ne peut pas mettre au pluriel ?) que les descriptions d'endroits laids ou sans intérêts.

    extrait : sous l'échangeur de la porte de la Chapelle, niché dans une étroite ouverture triangulaire entre les piliers du périphérique et ceux d'autres voies aériennes se trouve un square, peut-être le plus saugrenu, le plus bruyant, le plus inaccessible et donc le moins fréquenté de tout Paris. Six arbres relativement vigoureux, gorgés de gaz carbonique, un bout de pelouse et trois bancs composent le décor de ce square. [..] Sur l'autre versant du périphérique, du côté  de La Plaine, l'impasse Marteau, dont il est difficile de déterminer si elle se situe encore à Paris ou déjà à Saint-Denis - peut-être nulle part -, marque l'ultime degré, au même titre que la cité du chemin des Burons à Gennevilliers, dans l'expérimentation des limites de la résistance humaine en matière de logement. Faufilée entre le soubassement du périphérique et le cimetière de La Chapelle, elle donne d'un côté sur des tombes et de l'autre sur des embouteillages.

    note : 4/5. du coup achat de 'terminal frigo' du même auteur effectué ce jour.

  • zones, Jean Rolin - passages choisis (1)

    extrait du roman 'zones', page 63 : 

    Qu'est-ce qui peut conduire un homme sain d'esprit à descendre d'un autobus de la Petite Ceinture à hauteur de l'arrêt Pont-National ? L'homme se trouve alors au milieu de rien, prisonnier d'un noeud de voies rapides qui ne lui laissent que peu d'espoir d'atteindre quoi que ce soit, pas plus la rive droite de la Seine, pourtant toute proche, que les voies ferrées de cette arrière-boutique de la gare de Lyon qui est désignée sur les plans comme la "gare supérieure de la Rapée". Or au milieu de ce dispositif si violemment hostile à la flânerie, et, comme insularisé par lui, il demeure pourtant tout un pan des anciennes fortifs, avec ses murs percés de quelques meurtrières et ses glacis herbeux plantés de grands arbres, et dans l'ombre de ces arbres on remarque une demi-douzaine de corps allongés à même le sol, déchaussés, environnés de sacs en plastique, comme rompus, désarticulés, par la misère, qui on ne sait trop pourquoi évoquent les suppliciés de la Semaine Sanglante, et cette chanson de l'époque où il est dit que "fleure rouge éclose sous la mousse, l'avenir pousse sur le tombeau des fusillés". Hélas, qui pourrait prétendre aujourd'hui que l'avenir pousse et , plus encore, comme une fleur rouge ?

    429a3ecb7ee7a62d6d03dbc1e52068ff.jpgMoi je le prétends ! Même d'ailleurs, sur le bord des autoroutes, je ne vois que merveilles et promesses. Je dis puisque tout à l'heure, en rentrant de Normandie par la A84, je me surprenais à ma régaler des environs dévastés, industries désaffectées et zones diverses n'étant ni de la campagne, ni de la ville. Dans ces environs bocageux, on remarque aussi beaucoup de fermes isolées à l'architecture quelconque entourées de champs plus ou moins boueux avec des arbres morts ou pas de temps en temps.

    Hélas, il est difficile de prendre des photos lorsqu'on roule à 130. Surtout quand on conduit et que déjà la main droite est occupée à zapper de stations de radio en stations de radios (puisqu'évidemment, dans ces non-lieux, on ne capte que dalle, si ce n'est des radios de djeunes déversant de la RNB dont on n'a que faire.

    Sinon, Jean Rolin, chapeau.