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CR16 - Cendrillon - Eric Reinhardt

01f0dc7a0731e09080ca3a3cb8b002e3.jpgCendrillon, que j'ai fini d'un souffle, dans un élan mystique  le soir de noël, est un roman énorme dans tous les sens du terme. Nous avons à faire dans ce livre à Eric Reinhardt, lui-même qui raconte la genêse de l'oeuvre et à ses avatars, Laurent Dahl, un trader épris de poésie, Patrick Neftel, une espèce de nihiliste frustré admiratif des attentats du 11/09, à Thierry Trockel, aussi, un chimiste désireux d'assouvir tous ses fantasmes sexuels. Je ne vais pas vous faire le résumé de tout ça, il y en a suffisamment sur le net. juste dire ce qui me traverse l'esprit.

Ce que j'ai là, à l'esprit, c'est Laurent Dahl. Après quelques années au back office où il est humilié par les traders du front, il se fait embaucher par un ami trader, en tant qu'associé dans un hedge fund qu'il décide d'appeler Igitur en référence au poème de Mallarmé (un truc dont je n'ai jamais rien compris mais qui curieusement m'a servi longtemps de pseudo sur le net ). La mission de Dahl est de récolter un maximum de dolls (pour dollars) auprès d'investisseurs privés. Il se débrouille à merveille et le fond démarre sur les chapeaux de roue. Son associé, Steve Stihl, un génie de la finance gagne à tous les coups en prenant le marché à contre-pied..En 1998, voyant se gonfler les valeurs internet, il décide de mettre le paquet et de parier sur l'effondrement de la valeur Softbank. Il est sûr de lui. Mais softbank continue à grimper..vertigineusement, boosté par la concentration qui s'opère dans le secteur. Dahl est chargé de continuer à faire rentrer de la trésorerie pour couvrir ce qu'on appelle les 'appels de marge'. Acculés, les deux associés sont obligés de magouiller en rachetant à prix d'or une start-up insignifiante. On embauche un expert qu'on achète, chargé de surévaluer cette valeur..Pendant ce temps, Softbank coninue à grimper. Dahl, en voyage en France, croise une inconnue dans un train dont il devient fou. Il l'a perd de vue et dans une fuite en avant, fait tout pour la retrouver, faisant confiance au hasard ou au destin. A ce moment, le sort d'Igitur semble lui importer peu. Seule compte pour lui, cette femme croisée dans le train (c'est la raison pour laquelle Dahl est mon préféré dans ce roman, une sorte d'idéal..un trader mallarmén...on n'en croise pas tous les jours).

J'ai envie aussi de vous parler d'Eric Reinhardt, l'écrivain. Attablé en terrasse du café le Nemours, il vante l'automne, saison de tous les possibles - 'l'atmosphère de l'automne inscrit du sens entre les choses, entre cet arbre et cette façade, entre ces branches et cette fenêtre, entre le kiosque à journaux et chaun des réverbères qui ponctuent l'esplanade, espace qui n'est plus vide mais substanciel, méditatif un espace qui a l'air de penser lui-même et de penser les êtres qui le traversent'. - Je vous le dis comme je le pense : Ce roman est la plus merveilleuse ode à l'automne que je n'ai jamais lu...ce qui est extraordinaire, c'est que ce poème à l'attention d'une saison côtoie sans heurt l'ambiance de folie qui règne sur les places boursières mondiales..Parralèlement, Patrick Neftel, looser incapable de trouver sa place dans la société rumine sa haine du système au fond de sa chambre dans la maison de maman. Ce qu'il voit à la télé le dégoute, sa mère le dégoute, le capitalisme le dégoute. Il voue une admiration sans borne à Patrick Durn, ce type qui assassina de sang froid plusieurs élus municipaux lors d'une réunion de conseil. Il prépare un attentat suicide à la télé. Chaque histoire finit dans la fuite en avant, Dahl dans la quête de cette femme croisée dans le train et suspendu au cours de l'action Softbank, Patrick Neftel, qui dispose d'armes et de munition prêt à comettre le pire, et Trockel qui s'en va avec sa femme rejoindre un couple en Allemagne afin d'assouvir le dernier de ses fantasmes...

On en reste là mais on est abasourdis par tant de maîtrise dans le récit, par tant de poésie, par tant de cruauté, tant d'instincts primaires et en même temps par tant de réflexions profondes. Ce livre est énorme...chapeau bas à Mr Reinhardt. Et je vais vous dire pourquoi je n'aimerais par être à sa place aujourd'hui : car il va lui être difficile de faire mieux..et je vais vois dire de quoi je suis dégouté : non seulement, ce roman n'a eu aucun prix littéraire mais il n'apparaissaitt même pas dans les sélection finales. Je suis sûr d'une chose : le temps travaille pour lui.

à venir dans une prochaine note, un nouvel extrait.

Loïc, 23h15

 

Commentaires

  • C'est un roman assez magnifique , effectivement , d'autant que l'auteur l'a écrit dans une sorte d'état d'urgence ; Et qu'il n'est obtenu aucun prix, quelle importance , l'essentiel étant d'être lu (et comme l'écrit M Assouline qui tient Blog sur Le Monde , ce ne sont que des hochets de vanité !)

  • l'état d'urgence dont tu parles, est-ce le cancer de sa femme ? Je l'ai appris l'autre jour en lisant les inrocks (d'ailleurs, la première fois de ma vie que je lisais ce machin).

    il y a dans ce livre aussi un dialogue avec l'ex président de Renault, Louis..Schweitzer (ortho ?)..qui perso m'a appris bcp. bien conçue cette partie : on est en plein dans la folie spéculative avec L.Dahl et ensuite on enchaine avec un dialogue posé en terrasse du Nemours sur les dérives du système..franchement bravo..

  • Je suis passée devant la librairie du centre ce soir à Dinard et j'ai remarqué ce roman. Fermée. Il était 19h07, mon mari et moi dépités. Je me suis prise d'une affection incompréhensible pour Beckett et voulais acheter une Bio, et je ne sais pas pourquoi, Dinard et Beckett s'associent à mes yeux comme un bon vin de Loire avec un foie gras fait maison. (Mari pas d'accord, mais décision appartient à celui qui possède la carte bleue...) Tu as la même réaction que moi quand j'aime un livre, je l'envoie par fnac.com à tous les gens que j'aime, qui ne comprennent pas pourquoi un cadeau sans raison. Ce fut le cas avec l'élégance du hérisson. En revanche, j'ai lynché Pennac. Demain je mettrai une petite robe qui flottera au vent dinardais, arborerai un diadème de circonstance et des petits souliers de vair et irai acheter Cendrillon. PS: les hôtels de luxe, c'est juste pour les vacances, et encore, on devrait me priver d'Internet ou m'attacher les mains...

  • avec le recul, 'l'élégance du hérisson', je trouve ça très moyen.

    quand j'aime un livre, j'ai envie de le crier au monde entier et fais tout pour qu'un conversation se dirige vers le thème de ce livre pour pouvoir en parler.
    Je n'ai pas lu 'chagrin d'école' mais j'ai tel mauvais priori sur ce roman qu'il va peut-être falloir que le fasse.

  • Avec tous les livres qu'il me reste à lire... je crois bien que je ferai l'économie du Pennac.
    Alabama Song attend dans ma valise que j'aie fini Godot. J'avoue être assez émoustillée par ce Goncourt...

  • C'est étonnant cette lettre ouverte dans les inrocks...Parce que justement, le livre est tellement empli de vie, de créativité, d'émerveillement, qu'on ne soupçonne pas un instant quelque chose d'aussi sombre qui le sous-tendrait...Le livre parle tellement bien de l'espoir, de la jeunesse, de l'ambition, il donne envie de dévorer la vie à pleine dents...et c'est pour cela que Reinhardt est vraiment un grand écrivain: là où d'autre nous assènent leurs douleurs égoïstes comme des parpaings, comme des blocs, lui il transforme cette douleur en beauté immanente dont il infuse toutes ses pages, même les plus dures. "Tu m'as donné de la boue et j'en ai fait de l'or", voilà vraiment ce qu'il peut dire à la vie. Qu'il n'ait eu aucun prix, on s'en fout vraiment, comme dit sa femme page 10, il leur renvoit à la gueule leur esprit" si précieux, si mesuré, si stupidement littéraire" !
    Comme toi, je n'avais pas envie de finir le livre mais il le fallait...Pourtant l'effet ne se dissipe pas à la fin...Cendrillon m'a réenchaté durablement. M'a fait penser à ce que c'était vraiment de vivre. Marque des grands...Vite, vite, qu'il s'y remette, qu'il nous aide et nous émerveille à nouveau ! Sinon on risque tous de redevenir des citrouilles.

  • Golem, je me suis fait la même réflexion que toi après avoir lu ce texte dans les inrocks..Rien dans le roman ne laisse transparaitre les moments difficiles que vit ER lorsqu'il écrit ce roman.
    Comme le futur ER n'est pas pour demain, je verrai à lire 'le moral des ménages' prochainement (mais quelle est donc cette émission de france culture dont parle l'écrivain..), et puis 'existence' aussi...

    loïc, 0h25

  • AHF..si je puis me permettre , "Alabama Song" est un livre très médiocre , tant qu'à se plonger dans l'univers des Fitzgerald , je te proposerai plutôt le book de Pietro Citati "La mort du papillon: Zelda et Françis Scott Fitzgerald (ED L' Arpenteur )
    "Depuis longtemps, toute la poussière avait disparu de l'aile du papillon , même si cette aile a continué à battre jusqu'à la mort du papillon"
    Beaucoup de finesse dans l'approche psychologique de ce livre, alors que Leroy s'évertue lui a représenté Scott comme un mari vampirique et s'évertue au fil des pages à le diaboliser.... A mon avis cà ne valait pas le Goncourt!

  • Merci Alessandra pour cet éclairage et ce conseil, je lirai les deux. J'ai quoi qu'il en soit toujours un problème avec les auteurs qui s'imiscent à la première personne dans les histoires d'amour des autres. Un problème pire encore avec ce que l'on appelle la "fiction historique", parce que tous les lecteurs ne lisent pas "fiction" en préfixe...

    Au plaisir de te lire

  • Poour Alessandra, consulter ma critique sur Alabama song sur mon blog brouillonsdeculture.blogspirit.com

    En voici la substance

    "Les garçons des clubs, les jeunes officiers du mess, je les tiens dans ma main gantée defil blanc. Je suis Zelda Sayre. La fille du Juge. La future fiancée du grand écrivain.
    Du jour où je l'ai vu, je n'ai plus cessé d'attendre.
    Et d'endurer, pour lui, avec lui, contre lui."
    Extrait du roman


    « Montgomery, Alabama, 1918. Quand Zelda, 'Belle du Sud', rencontre le lieutenant Scott Fitzgerald, sa vie prend un tournant décisif. Lui s'est juré de devenir écrivain : le succès retentissant de son premier roman lui donne raison. Le couple devient la coqueluche du tout New York. Mais Scott et Zelda ne sont encore que des enfants : propulsés dans le feu de la vie mondaine, ils ne tardent pas à se brûler les ailes... Gilles Leroy s'est glissé dans la peau de Zelda, au plus près de ses joies et de ses peines. Pour peindre le destin de celle qui, cannibalisée par son mari écrivain, dut lutter corps et âme pour exister... »

    Une quatrième de couverture entre les lignes de laquelle il faut savoir lire avec une très fine conscience de l’implicite pour ne saisir pourtant qu’un infime effluve du parfum capiteux de ce roman. Il faut savoir pallier les manques, aussi. Peut-être conviendrait-il simplement de ne lire cette quatrième de couv’ qu’après avoir lu le roman lui-même. Parce que le moins que l’on puisse dire est que ces quelques lignes qui se veulent accrocheuses ne rendent pas justice au roman une seule seconde.
    Bien que doté du prix Goncourt, le roman de Gilles Leroy ne fut pas salué par la critique, et à mon sens -sans faire insulte à l’intelligence des critiques dont c’est la profession-, cela peut provenir d’une mécompréhension de la démarche de l’auteur. Ce dernier campe le personnage à la psychologie complexe de Zelda Fitzgerald, et prend le risque d’écrire à la première personne. De là à considérer son ouvrage comme une biographie à charge contre Scott Fitzgerald, qui est pour le moins malmené tout au long du roman, il n’y a qu’un pas. Certes, ce livre est écrit à une voix, ne défend (ou plutôt ne dépeint) qu’un point de vue, celui de Zelda. Certes, le sujet n’est pas anodin et les personnages pas inconnus. Mais si l’on considère ce roman pour ce qu’il est, à savoir un roman mettant en scène des personnages ayant existé mais dans un cadre romancé se nourrissant de son lot de fantasmes, on ne peut que saluer le travail de l’écrivain.

    Gilles Leroy nous fait voyager de la pesanteur conservatrice de l’Alabama aux miasmes de la vie new-yorkaise underground, en passant par une Europe à peine esquissée, sous les traits d’un personnage dont il pénètre la psychologie jusqu’à l’impudeur, jusqu’à la crudité. Si l’auteur est sans complaisance avec Scott –dont il ne dénie pour autant jamais le talent, il nous livre une Zelda sans fard, instillant la folie de l’héroïne de manière progressive à mesure que le récit nous conduit à sa perte, à son ultime consomption.
    L’auteur donne voie au chapitre à cette âme damnée que fut l’inépuisable source d’inspiration de Scott Fitgerald. De Gatsby le Magnifique à Tendre est la nuit, tous les personnages féminins de Scott ne sont que des avatars de Zelda.

    Zelda est partout et nulle part à la fois. Eternel second rôle involontaire, fille de bonne famille mais pas de bonnes manières, danseuse classique frustrée, peintre n’assistant pas à ses propres expositions parce qu’internée, écrivain peut-être douée (le saura-t-on jamais) dont l’illustre mari pillait les textes, beauté du sud aussi vite exhibée en trophée que fanée en hôpital psychiatrique…mais compagne de tous les instants, de toutes les démesures et de toutes les transgressions. De Scott ou de Zelda qui avait le plus besoin de l’autre pour satisfaire ses penchants pervers inconscients ? Là encore, ce n’est peut-être pas à ce type d’interrogation que veut nous conduire ce roman. Ce que je veux en retenir, et cela ne concernera que moi, c’est le cri désespéré d’une femme qui voulait exister envers et contre tous, en particulier cet homme qu’elle a tant aimé et qu’elle a nourri à s’en suicider psychiquement. Scott, son alcoolisme, sa possessivité maladive, ses divers penchants transgressifs l’ont-ils rendu folle ? Assurément, un pareil contexte conjugal peut ne pas favoriser l’équilibre psychique. Il n’en demeure pas mois que le libre arbitre existe, qu’il est possible de se libérer de ses chaînes, et de cesser un jour de crier en vain que l’on existe, pour enfin commencer à vivre. Mais cette liberté vertigineuse qui ouvre la porte des possibles est parfois si effrayante que l’on préfère se draper dans la captivité. Où alors, et je pense que c’était le cas de Zelda, ne pouvoir faire autrement que de vivre avec, par et pour son bourreau. Et ceci est un choix, quoi qu’on en dise.

    Une dernière phrase pour saluer le style de Gilles Leroy, un véritable plaisir à lire, de la dentelle lexicale, de l’érudition qui passe à côté de toute prétention, une fluidité, un rythme, une prosodie qui m’ont values trois heures de plaisir intellectuel et émotionnel.

  • C'est vrai, ce roman est brillant !

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