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littérature - Page 23

  • CR92 - treize mille jours moins un - Didier da Silva

    arton1312.jpgprésentation de l'éditeur : Sam vit à Marseille mais surtout avec son piano et son chat, Francisco Goya, dit Judas. Des sons subtils qu’il tire de son piano et de la présence douce et têtue de son chat. Sam raffolait des gnocchis jusqu’au jour où il ne les a plus supportés. Sam regarde le ciel comme un espace vide. Sam aime la pluie. Sam entretient des rapports ambivalents avec Marseille. Sam se sent éternellement touriste. Sam parle peu. Sam tousse quand il fume. Sam est douillet. Sam a peur de l’eau. Sam fait des cauchemars. Sam fréquente les lavomatics. Sam ne sait pas quoi faire de son poisson mort. Francisco Goya dit Judas, le chat, est intrépide. Ou maladroit. En tout cas, il tombe de la fenêtre pendant que la pédale du piano se casse.

    Voici la vie de Sam, racontée dans ce roman de l’infime dont la musique est l’un des personnages. D’une écriture sensible, Didier da Silva construit un anti-héros attachant et vaguement agaçant, comme peuvent agacer les miroirs. Un personnage qui habite sa vie d’une drôle de manière, toute en distance et en observations. On suit ses déambulations urbaines et ses défaites, narrées avec humour. On devient le voyeur satisfait de la douce cruauté de la vie quotidienne. Sam a peur de son ombre et nous, peur qu’il ne disparaisse une fois le livre refermé, tellement on s’habitue à sa présence, comme s’il avait toujours existé en voisin discret. Mais c’est le destin des personnages.


    mon avis : petit bouquin sympa qui se lit tranquillement et qui fait découvrir, à travers le regard un peu blasé mais très lucide de Sam, un autre Marseille, un Marseille secret, un Marseille des petites et un Marseille sous la pluie aussi, puisqu'il faut arrêter avec les clichés, il pleut de temps en temps à Marseille.
    87 pages, c'est court mais suffisant pour reconnaître à Didier Da Silva, un certain talent pour dire l'indicible, le néant dans lequel nos quotidiens sombrent parfois.
    et page 73, le narrateur se demande :  Son profond désintérêt pour la marche de la société était-il le signe de sa sagesse ou d'un manque de vigueur intellectuelle ?
    Dommage qu'on n'ait pas la réponse car j'aurais aimé l'avoir. Est-ce l'écrivain qui s'interroge à travers Sam.
    Et en quoi, peut-on se désintéresser de la marche de la société par sagesse ? Car cela sous-entend que plus on est sage (au sens philosophique du terme évidemment), plus on se désintéresse du monde ? Or on aurait tendance à penser le contraire.
    Cette question m'interpelle parce qu'à titre perso, je me fous de plus en plus ce qui se passe dans mon pays et dans le monde. Et pourquoi ? J'ai un début de réponse. C'est que ma vie personnelle me prend tellement de temps que je n'arrive plus à m'intéresser à ce qu'il y a en dehors de mon monde. Alors qu'ado et dans ma vingtaine d'années, c'était différent. J'avais tout mon temps pour essayer de comprendre et d'analyser ce que je voyais autour de moi puisque ma vie personnelle ne concernait que l'entretien de ma petite personne. C'est juste un début de réponse, qui m'éloigne du sujet mais qu'il me tenait à coeur de préciser.

    éditions Léo Sheer, 89 pages
    parution :5/11/08
    lecture du 17 au 19 mai 2009
    note : 3.5/5
    à venir : impuretés, Philippe Djian (?)

  • CR91 - passion fixe - Philippe Sollers

    2-07-041921-5.gifrésumé (par l'auteur lui-même p372 du roman)
    Un lecteur, ou une lectrice, ouvre ce livre, le feuillette, le fait traduire, comprend vaguement que l'auteur a dû faire partie d'un complot subversif difficile à identifier. Les événements dont il est question sont lointains, on n'en garde qu'un souvenir contradictoire, la plupart des historiens les classent parmi les révoltes sans lendemain. Le narrateur commence par avoir envie de se suicider, ne le fait pas, rencontre une femme qui transforme son existence. Dora est une jeune et jolie veuve, avocate, dont le mari, disparu prématurément, possédait une vaste bibliothèque. Des livres anciens, des manuscrits rares, l'ouvre d'un collectionneur. [..] Il y a aussi une pianiste célèbre, Clara, une personnage mystérieux, François, ce dernier étant peut-être un espion chinois.
    Le ton général est très critique sur la société du temps de l'auteur, mais la société, au fond, à quelques transformations techniques près, est toujours la même. Les références chinoises abondent, ce qui est plutôt curieux pour un auteur occidental de cette période. Que veut-il Que cherche-t-il ? Le narrateur semble mener une vie clandestine organisée très libre, notamment sur le plan amoureux. Comme il pense à des tas de choses à la fois, son récit donne souvent l'impression d'une un tableau cubiste. Parfois on est perdu, mais on s'y retrouve toujours.

    mon avis : L'oeuvre de Sollers me laisse l'impression d'un immense gâchis, car je trouve qu'il y a du génie chez cet écrivain de la suite et de la cohérence dans les idées et puis que le tout est écrit avec une verve éclatante mais que hélas, on est très vite agacé par une tendance qu'il a à se la péter, à se mettre en avant, à tout le temps à ramener la couverture à lui.
    En ce qui concerne ce roman en particulier,  je trouve que pour un type qui soi disant critique la société dans laquelle il vit (au point de souhaiter plus ou moins la révolution), il profite plus que bien de cette société, volant de capitales en capitales, couchant (dans tous les sens du terme) d'hôtels en hôtels etc. Son analyse de la société est plus que sommaire et ils se contente de caricaturer le capitalisme en la personnifiant sous les membres de la  famille Leymarcher-Financier.
    Et Dora, la "passion fixe" du narrateur (qu'on devine être Sollers, hein, ça se sent que la narrateur et l'écrivain ne font qu'un) est trop parfaite pour être vraie (mais chez Sollers, les femmes sont toujours comme ça, intelligentes, super canons, raffinées, super baiseuses et tout).
    Et le tout est truffé de références à la culture chinoise, et comme personnellement je ne connais rien à la Chine, ça ne m'a pas aidé.
    Sentiment mitigé donc entre un style flamboyant et un nombrilisme trop affirmé. Mais l'agacement l'emporte.

    lecture du 01.05 au 08.05.09
    folio, 399 pages
    note : 2.5/5
    à venir : Mytal, Ayerdhal

  • CR89 - Rouge fort - Nicolas Rithi Dion

    arton232.jpg

    présentation de l'éditeur : Y a-t-il un lieu où la ville cesse, à partir duquel il n’y a plus la ville ?
    Et dans le développement de nos mégapoles, en quoi d’explorer cette transition nous renseigne sur la ville elle-même, son territoire, ses usages, ses craquelures, ses signes ?
    C’est ce qu’a entrepris Nicolas Rithi Dion. Si, quand il était étudiant aux Beaux-Arts Paris, la photographie était son outil principal, ce qu’il y a à photographier ici ne peut se dispenser du journal d’enquête, du récit des micro-voyages, au bord de l’autoroute A3, entre Rosny-sous-Bois et Noisy-le-Sec. Puisque, au passage, c’est aussi l’idée de banlieue qu’on volatilise, obsolète.
    Mais ce travail d’écriture devient autonome, cherche les signes, s’ouvre aux récurrences, aux fragmentations.
    Ainsi, chaque nouvelle page du récit s’ouvre par le thème du motif, façade, parking, plan, déplacement, détail.
    Et c’est une forme d’écriture neuve qui paraît, que je suis fier d’accueillir. Un travail sur la résolution, sur le champ, sur le cadre. La question du voir, et celle de l’expérience de soi-même comme sujet, pour débusquer le signe, le voir et le temps.
    C’est cette relation, la photographie dans et par l’écriture, pour la réouvrir – en ce lieu, en ces signes, en ce temps – à la plus vieille tragédie du monde, et que la phrase, si la langue comme expérience c’est la poésie, puisse se charger de là où ce que nous avons fait du monde nous déborde.
    Rouge fort est accompagné d’un cahier de douze photographies, que Nicolas Rithi Dion a souhaité insérer après le texte, et non pas de façon intercalée.
    Un deuxième volet va suivre, Aller. C’est un champ neuf qui s’ouvre ici.

    mon avis : Encore un livre sur la géographie des banlieues...il faut dire que j'ai un faible pour ce genre de bouquins (voire un petit soucis m'ont dit certains) où il est question de zones périphériques, de lieux résiduels etc. La dernière lecture en date fut les passagers du Roissy Express de François Maspero, une sorte de road-movie du côté de la banlieue Nord de Paris, et puis il y a eu aussi le fameux livre blanc de Philippe Vasset dans lequel l'écrivain s'attachait à décrire les zones restées en blanc sur les cartes ign, ou encore zones de Jean Rolin (dont étrangement, je n'ai plus aucun souvenir).
    Et j'ai pris beaucoup de plaisir avec cet essai de Nicolas Rithi Dion. Le style est très contemporain (et qui ressemble un peu à de l'écriture automatique -on devine l'écrivain en train de griffonner ce qu'il voit sur des bouts de papier et puis ne pas retoucher)  et ça m'a fait l'effet d'un long poème en prose, riche en vocabulaire,  avec en personnage principal la zone (quelque part aux alentours de Noisy Le Sec, de l'A3, d'une impasse des Guillaumes) et ses dépendances : des décharges sauvages, des bagnoles abandonnées et dépecées, des ouvrages pas terminées et si on lève la tête, des fils à haute tension et puis le grondement de l'autoroute au lointain et encore plus loin peut-être quelque chose qui commence à ressembler à de la campagne.
    Sinon, que signifie Rouge fort ? J'avoue là, je ne sais pas. Peut-être une antiphrase en fait, pour dire, pas rouge fort du tout...mais gris très pale. Peut-être. page 95, on lit "rouge fort, vermillon de géraniums". Avec ça -))
    Pour terminer douze photos qui rappellent des scènes décrites dans le livre
    Mais ça manque de bambous dans ces coins-là -)))

    extrait 1 (page25)(avec la photo qui va avec):

    rougefort2.jpg

    l'autre jour, deux paysagistes, plus ou moins sur une butte ou motte de terre, en discussion, allongeant le regard qui seul arpente, infatigable, léger, feuilles (plans) en mains, comme cartes pour se diriger, diriger l'oeil, aidé du doigt, parfois. alors seuls ils contemplent, seuls ils imaginent, enfin analysent selon des schémas plus ou moins en tête (c'est un binôme), vues répertoriées, débattues, projetées selon un certain idéal selon une certaine vie pratique selon une certaine conception, de base, longuement débattue, mais à cela on n'y revient pas, comme un refus, une perte de temps, à reformuler l'acquis, le tout, le démontré, le débattu, le prouvé, seulement l'espace, déjà configuré, ne pas y revenir.

    extrait 2 (page35) :

    toute l'après-midi la vaste zone, sorte de cuvette de fourmilion où se construit la nouvelle route cernée d'habitations, que ce soient des tours ou des pavillons étagés chacun ayant pignon sur rue, sa part du paysage que contourne un bras d'autoroute, sans oublier le cimetière ainsi que le chemin menant au coin des caravanes sans roue. incursion dans ce grand débarras (une voiture échouée, en terre, près du bitume encore frais, neuf, sans ces brûlures de pneus dérapant), encore qu'il soit davantage question d'une aire, lande, terrain à broussailles grimpantes, quelques potagers et arbres, surtout des plantes vivaces, rudérales et autres brousses, quand le pied ne foule pas de la terre désolée, asséchée ou simplement pas remuée, une croûte formée d'anciennes traces de tracteurs ou gros camions, de sorte que sont relégués à la lisière, tout autour de cet espace, comme une dernière écume au vent devenant mousse putride, ces amas de ferrailles, détritus, produits ménagers et tout ce qui peut passer allant du radiateur au frigo, de la conserve au canapé, ou du rideau à la chemise trouée. derrière une dune, petite élévation tout en long, repéré tout un chemin servant de dépotoir (c'est ici la fin de vie pour quelques voitures), ou juste dépôt puisque ça tourne, que la voiture brûlera bientôt, que d'autres carcasses viendront, certaines parties disparaissantes, désossées, réutilisées dans cette longue chaîne de la casse.

    lecture du 25.04.09 au 27.04.09, note : 4/5, on trouve Rouge Fort ici.

     

  • CR88 - Ravage - René Barjavel

    ravage.gifrésumé (wikipedia): Ravage présente le naufrage d'une civilisation technologique, dans laquelle, un jour, l'électricité vient à disparaitre. Les habitants, anéantis par la soudaineté de la catastrophe, sombrent dans le chaos, privés d'eau courante, de lumière et de moyens de déplacement. Un thème typique de la science-fiction post-apocalyptique, brossant le portrait de la fin de l'humanité technologique.

    Un étudiant en chimie agricole, François Deschamps, décide avec quelques autres personnes, de quitter Paris en proie à l'anarchie et aux flammes pour retrouver son village d'enfance en Provence. Il espère pouvoir y reprendre une vie normale... Mais le chemin est long et difficile, pour ceux qui n'ont jamais connu autre chose que le confort qu'offrent la technologie et la science.

    Plus qu'un simple roman de science-fiction, Ravage est une dystopie révélant le pessimisme de l'auteur vis-à-vis de l'utilisation du progrès scientifique par les hommes. Véritable parcours initiatique, le voyage des personnages pour retrouver l'Eden perdu se révélera encore plus terrible que la catastrophe elle-même.


    mon avis : Je n'ai vraiment pas aimé ce livre et c'est en tout cas pas lui qui va me réconcilier avec la sf (toujours - ou très souvent - cette même vision pessimiste de l'avenir : société hyper-technologique, dictatures à la big brother etc). La seule chose est qu'avec Ravage écrit en 1943, on s'amuse un peu de ce monde futuriste (2052) imaginé par un écrivain en 1943 et qui donc ne parle pas d'ordinateurs (et qui n'a toujours pas enterré les PTT -))).
    Par ailleurs, j'ai trouvé le propos général du roman rance, voire carrément fascisant (culte du chef, retour à la Terre, importance de la procréation...). Je sais, c'est pas très original que de le dire (on ne lit presque que ça dans les critiques de ce roman) mais c'est vraiment ce que j'ai pensé, donc je le dis. Il m'arrive parfois de partager l'avis de la majorité.
    Style quelconque.
    Un "classique" plus que moyen.
    Mais j'ai un très bon souvenir de l'enchanteur du même auteur.

    lecture du 17.04 au 25.04
    note : 1.5/5
    à venir...

  • CR87 - chroniques de San Francisco - Armistead Maupin

    9782264029959.jpgmot de l'éditeur : Le dernier quart de siècle sonnant, Mary Ann gagne San Francisco, où la libération sexuelle s'affiche en couleurs outrancières. Elle choisit d'être logée par Mme Madrigal, dans un refuge où se côtoient amicalement des "chats errants" de toutes origines. C'est le début d'une saga. Véritable phénomène depuis leur parution en 1976 sous forme de feuilleton, ces chroniques locales sont aujourd'hui traduites dans toutes les langues. Outre leur côté dépaysant, leur charme universel réside peut-être dans leurs personnages abandonnés, venus dans la ville libre trouver une famille différente, fondée sur des liens nouveaux.

    mon avis : Évidemment, ça se boit comme du petit lait, les chapitres sont courts et les dialogues abondent mais ce roman s'apparente juste à un bon roman de plage (ou de train). Ce n'est pas être méchant que de l'écrire, je pense que le but de Maupin était de toucher le plus grand nombre. Mais il y a aussi que j'ai trouvé que ces chroniques vieillissaient mal. (même si elles peuvent avoir une petite valeur documentaire et à ce titre, je me suis dit plusieurs fois "bon sang que les années 70 furent superficielles..et quand on pense qu'elles sont suivies par les années 80...).
    Bon voilà, je vais faire court. Et pour conclure, je dirai que je n'ai pas envie de lire la suite. Dans le même genre (si si), je préfère la série Doggy Bag de Philippe Djian (plus contemporaine, plus spirituelle, plus marrante, normal Djian est français -)

    Editions 10/18 (3 mars 2000), 382 pages
    lecture du 13/04 au 17/04
    note : 3/5

  • CR86 - le désert des Tartares - Dino Buzzati

    488029279_L.jpgle mot de l'éditeur : Heureux d'échapper à la monotonie de son Académie militaire, le lieutenant Drogo apprend avec joie son affectation au fort Bastiani, une citadelle sombre et silencieuse, gardienne inutile d'une frontière morte. Au-delà de ses murailles, s'étend un désert de pierres et de terres desséchées, le désert des Tartares.

    A quoi sert donc cette garnison immobile aux aguets d'un ennemi qui ne se montre jamais ? Les Tartares attaqueront-ils un jour ?

    Drogo s'installe alors dans une attente indéfinie, triste et oppressante. Mais rien ne se passe, l'espérance faiblit, l'horizon reste vide.

    Au fil des jours, qui tous se ressemblent, Drogo entrevoit peu à peu la terrible vérité de fort Bastiani.


    mon avis :  Le désert des Tartares est un peu le roman du temps qui passe et surtout de l'attente, l'attente interminable, l'attente érigée en mode de vie mais je l'ai trouvé inférieur au rivage des Syrtes dont on le compare souvent (ce dernier lui étant postérieur) et ce pour deux raisons :
    un, le style du Gracq est plus limpide et on y atteint des sommets littéraires, alors qu'avec le désert des tartares, on est en face d'une écriture plus blanche, avec en plus quelques lourdeurs de style dûs sans doute à la traduction (là je fais mon difficile mais bon c'est mon blog)  avec par exemple des phrases de ce type :
    les illusions jadis si faciles et si souhaitées, on les repoussait maintenant avec rage. Bon, vous allez me dire, c'est pas grand chose, certes mais ce genre de phrases lourdes revient assez souvent. Et donc cette phrase aurait bien plus belle ainsi : on repoussait maintenant avec rage les illusions si faciles et si souhaitées.
    deux, sur le fond, j'ai été un peu déçu par le dénouement, à savoir que le fort Bastiani est effectivement attaqué, bien que le récit se termine avant l'attaque proprement dîte. Mon avis est que Dino Buzatti aurait dû aller au bout de sa logique, à savoir faire perdurer l'attente jusque la dernière ligne et faire en sorte que pour le lecteur toute attaque ennemie reste jusqu'au bout une hypothèse totalement fantasque.
    Mais la force du roman est que malgré le fait qu'il ne s'y passe rien, on ne peut pas y décrocher et ce n'est pas tant dû à l'hypothétique attaque des tartares (dont on ne croit pas) qu'à la description des fantasmes et élucubrations dont sont victimes les soldats voulant oublier la vacuité de leurs fonctions.  J'ai réussi à rire quelques fois aussi devant le degré de maniaqueries de certains officiers obsédés par le règlement (Tronk et son obsession des mots de passe) et ça m'a rappelé mon passage sous les drapeaux à Compiègne lorsqu'en pleine nuit, je devais surveiller avec mon casque et mon famas, une réserve de munition dont la rumeur disait qu'elle était vide, et que par ailleurs, même si elle ne l'était pas, le régiment était déjà surveillé de toutes parts par d'autres soldats (dont la surveillance était de toute façon aussi vaine que la mienne). Et je me souviens que je trouvais toute cette mise en scène purement grotesque et que même, tout seul dans le froid, dans la nuit ou sous la pluie, il m'arrivait d'en rire. Je m'égare mais pas tant que ça.
    Le désert des Tartares est un grand classique de la littérature mondiale, en ceci que son thème a une porté universelle : nous sommes tous concernés par la fuite du temps, tous plus ou moins ligotés par une bureaucratie implacable et tous nous espérons que le meilleur reste à venir (le meilleur pour les officiers du fort Bastiani étant la guerre...).

    année : 1940
    lecture du 11/04 au 12/04
    note : 4/5
    à venir : chroniques de San Francisco, tome 1, Armistead Maupin

  • CR84 - les gens d'en face - Georges Simenon

    romanpatr_Gens%20den%20face%204.jpgnote de l'éditeur : aucune (mais résumé ici )

    mon avis : Après la route des flandres, que je conseille à tout le monde  (non pas vraiment à tout le monde mais au moins à toi cher lecteur, - hypocrite  lecteur, mon semblable, mon frère - car si tu es ici c'est que tu n'es pas indifférent à la littérature) car c'est vraiment une expérience à faire, une expérience douloureuse peut-être mais dont on sort grandi (et fier aussi), un petit Simenon s'est imposé à moi car il traînait dans ma pal depuis quelques temps (depuis quelques années même) et puis quelque part, Simenon, dans le style, c'est quasiment de l'anti-Simon : pas de phrases interminables, tout est sobrement et efficacement présenté, on sait où on va, avec qui et quand (-)
    Avec les gens d'en face, GS nous emmène en URSS dans les années 30, dans la ville de Batoum (dont le plafond bas et les rues désertes en font un cadre simenonesque idéal) située au bord de la mer Noire. Le principal protagoniste s'appelle Adil Bey et vient d'être nommé au consulat turc en remplacement du précédent mystérieusement mort. Très vite, Adil Bey s'ennuie dans cette ville où les gens meurent de faim, où la police communiste se débarrasse des récalcitrants, où tout le monde se fout de tout et il se rend compte très vite qu'on cherche à l'empoisonner.
    Comme souvent avec Simenon, l'atmosphère est étouffante, les protagonistes, d'une banalité affligeante et l'air de rien, parallèlement au récit mené tambour battant et sans fioriture, Simenon nous décrit avec justesse le désœuvrement de la population russe et les excès de la bureaucratie.
    Un petit polar sympa. Une parenthèse en quelque sorte (avant un Leiris dont j'attends beaucoup).

    lecture du 08.04 au 09.04
    note : 4/5
    à venir : l'âge d'homme, Michel Leiris

  • CR83 : la route des Flandres - Claude Simon

    41ZH4GFRK3L._SL500_AA240_.jpgnote de l'éditeur : Le capitaine de reixach, abattu en mai 40 par un parachutiste allemand, a-t-il délibérément cherché cette mort ? un de ses cousins, Georges, simple cavalier dans le même régiment, cherche à découvrir la vérité.
    Aidé de blum, prisonnier dans le même camp, il interroge leur compagnon Iglésia qui fut jadis jockey de l'écurie Reixach. après la guerre, il finit par retrouver Corinne, la jeune veuve du capitaine...


    mon avis : La Route des Flandres est sans doute le roman le plus difficile qu'il m'ait été donné de lire. Je cherche dans mes souvenirs de lecteur et je ne vois aucun autre où j'ai peiné à ce point. Deux raisons essentielles à cela :
    un : le style très heurté, avec peu de ponctuation et une utilisation pléthorique du participe présent et surtout l'impression que les mots s'entrechoquent, se heurtent, s'anéantissent plutôt que de se suivre harmonieusement.
    deux : la conduite du récit. pas vraiment de plan structuré mais une succession d'images désordonnées comme sorties d'un rêve absurde, d'un cauchemar plutôt parce qu'il s'agit (à ce que j'ai cru comprendre) de l'histoire de 3 soldats errant après la débâcle de 1940. Alors, à force d'inattention, j'ai failli plusieurs fois perdre le fil et d'ailleurs je l'ai perdu des pages entières avant de me ressaisir à la faveur de passages un peu plus explicites, mais le soucis c'est que l'auteur semble prendre un malin plaisir à dérouter le lecteur en brouillant les cartes et par exemple en passant d'une scène à l'autre dans la même phrase, voire même d'un narrateur à l'autre (le je de la fin d'une phrase n'est pas forcément le même je qu'au début..). Alors est-ce que j'ai aimé ou pas ce roman. La réponse est plutôt oui. Je pense que ça vaut la peine de le lire, qu'il faut prendre ça comme un challenge et puis accepter de ne pas tout saisir, de mettre l'intrigue au second plan pour se laisser emporter par l'écriture, qui est, comme je l'ai lu je ne sais plus où, le personnage principal de ce roman. Et quelques passages sont à ce point sublimes qu'ils valent à eux seul l'ingurgitation des 300 pages.

    J'ai choisi 3 extraits . Avec, pour commencer, la description p234 (collection "double" éditions de minuit) du système d'ouverture d'un poulailler. savoureux.

    ...puis, plus à gauche, jaillissant juste de l'arête du dièdre comme d'une fissure entre la terre et le mur, il y avait une de ces plantes sauvages : une touffe, ou plutôt une corolle de feuilles réparties en couronne (comme un jet d'eau retombant), déchiquetées, dentelées et hérissées (comme ces anciennes armes ou harpons), vert foncé, râpeuses, puis, après cela, encore la tige - celle-ci légèrement inclinée vers la droite - d'une de ces mêmes hautes plantes, puis fixé au mur par un (sans doute y en avait-il encore un autre plus haut, mais il ne pouvait pas non plus le voir) tenon de fer, le montant ou plutôt le chevron de bois sur lequel était articulée une porte de poulailler : le tenon complètement rouillé, scellé dans le mur de briques, le ciment autour de l'épaisse lame de fer formant une collerette crémeuse dans laquelle on pouvait encore voir les traces de la truelle qui en lissant le mortier y avait laissé des empreintes dessinées par une bavure (léger bourgeonnement grumeleux de la matière pressée) en relief, le chevron - le montant de la porte, comme d'ailleurs son châssis lui-même - décoloré par la pluie, grisâtre, et, pour ainsi dire feuilleté, comme de la cendre de cigare, le châssis, lui, à moitié déglingué une des deux chevilles de bois qui tenaient l'angle inférieur presque sortie de son logement, le tout ayant pris du jeu, la traverse inférieure faisant donc avec le montant vertical un angle non pas droit mais légèrement obtus de sorte qu'elle devait racler le sol quand on ouvrait la porte...


    (j'ai mis 3 petits points au début et à la fin car je n'ai trouvé ni le début de la phrase (qui devait se trouver sans doute quelques pages avant) ni la fin. Et puis un autre extrait, un brin baroque, où il est question de l'envol d'un cavalier (p149-150) (idem pour les ...)


    ...je vis Wack qui venait de me dépasser penché sur l'encolure le visage tourné vers moi la bouche ouverte lui aussi essayant sans doute de me crier quelque chose qu'il n'avait pas assez d'air pour faire entendre et tout à coup soulevé de sa selle comme si un crochet une main invisible l'avait attrapé par le col de son manteau et s'élevant lentement c'est à dire à peu près immobile par rapport à (c'est à dire animé à peu près de la même vitesse que) son cheval qui continuait à galoper et moi courant toujours quoi qu'un peu moins vite de sorte queWack son cheval et moi-même formions un groupe d'objets entre lesquels les distances ne se modifiaient que lentement lui se trouvant à présent exactement au-dessus du cheval dont il venait d'être enlevé arraché s'élevant lentement dans les airs les jambes toujours écartées en arc de cercle comme s'il continuait à chevaucher quelque Pégase invisible qui d'une ruade l'eût fait basculer en avant exécutant donc au ralenti et pour ainsi dire sur place...


    et p285, on croit rêver, on croit pas, on rêve (et je signale au passage que pour cet extrait comme pour les deux précédents, je respecte scrupuleusement syntaxe et ponctuation -je dis ça parce que ça peut surprendre)


    mais comment savoir, comment savoir ? les quatre cavaliers et les cinq chevaux somnambuliques et non pas avançant mais levant et reposant les pieds sur place pratiquement immobiles sur la route, la carte la vaste surface de la terre les prés les bois se déplaçant lentement sous et autour d'eux les positions respectives des haies des bouquets d'arbres des maisons se modifiant insensiblement, les quatre hommes reliés entre eux par un invisible et complexe réseau de forces d'impulsions d'attractions ou de répulsions s'entrecroisant et se combinant pour former pour ainsi dire par leurs résultantes le polygone de sustentation du groupe se déformant lui-même sans cesse du fait des incessantes modifications provoquées par des accidents internes ou externes


    lecture du 05.04 au 08.04
    note : 4/5
    à venir : les gens d'en face, Georges Simenon

  • procrastination aiguë

    06042009857.jpgDepuis quelques jours, je souffre de procrastination aiguë et ce mal touche toutes les parois de mon existence. C'est ainsi que j'ai considérablement baissé mon rythme de lecture car je trouve que la littérature est difficile et contraignante. C'est ainsi aussi que lassé de la nausée, je l'ai purement et simplement abandonnée. Et là j'ai peut-être fait l'erreur de m'attaquer à un roman que je savais un peu prise de tête, à savoir la route des Flandres de Claude Simon, une sorte de roman expérimental conçu pour étudiants en lettres modernes. Car la  route des Flandres est un roman difficile, avec peu de ponctuation, j'au du mal à m'y retrouver car les choses ne sont pas explicitées et l'auteur passe du coq à l'âne sans crier gare et sans même changer de phrase.
    J'ai pensé abandonné également mais dans un sursaut d'orgueil, j'ai dit "non !". L'idée est de vaincre le mal par le mal comme on dit et donc je poursuis la lecture. Pour m'aider dans cette audacieuse entreprise, j'ai cherché sur la toile des résumés un peu plus complets que la toute petite chose écrite* en quatrième de couverture mais je n'ai rien trouvé. Soit, on fera sans. Et on tentera de comprendre quelque chose à cette affaire et on aidera même les futurs courageux en tentant de faire soi-même un résumé.

    * voici le résumé : Le capitaine de Reixach, abattu en mai 40 par un parachutiste allemand, a-t-il délibérément cherché cette mort ? Un de ses cousins. Georges, simple cavalier dans le même régiment, cherche à découvrir la vérité. Aidé de Blum, prisonnier dans le même camp, il interroge leur compagnon Iglésia qui fut jadis jockey de l'écurie Reixach. Après la guerre, il finit par retrouver Corinne, la jeune veuve du capitaine... Résumé assez trompeur car semble augurer un récit conventionnel, ce que n'est pas du tout la route des Flandres.

    Ensuite..
    - l'âge d'homme, Michel Leiris
    - le désert des Tartares, Dino Buzzati
    - Un Balzac mais lequel

  • la nausée

    9782070368051.jpgJe ne suis pas trop du genre à arrêter les romans en cours et pourtant là, avec la nausée, je suis bien tenté, tant ce livre me déprime et c'est à tel point que je le juge responsable d'une certaine tristesse qui s'est abattue sur moi depuis quelques jours. A chaque fois que je reprends la lecture, ça m'emmerde de retrouver ce héros désabusé, revenu de tout et  qui traîne dans une ville portuaire moche telle une âme en peine. Il passe ses journées dans une bibliothèque à réaliser la biographie d'un type assez banal mort il y a longtemps et le soir, il erre dans les rues, croise des vieilles dames et rentre chez lui où il trouve que son rapport aux objets a changé. Et c'est apparemment l'intrigue du roman. Quelque chose ayant rapport avec la perception du monde est en train de changer en lui.
    Qu'est ce que je vais faire avec un roman comme ça moi ?

    Il m'arrive aussi parfois de trouver le nom des objets bizarres. Par exemple, je peux être à côté d'une cabane et puis trouver tout à coup étrange que cette chose en face de moi s'appelle CABANE. Mais combien de fois dans ma vie ai-je prononcé ce mot pour désigner la chose s'en m'en étonner et voici que là, je trouve la sonorité bizarre et je ne trouve pas que CABANE soit le son adéquate pour désigner cette chose où je range mon boui-boui . On m'a toujours dit qu'on devait désigner ça CABANE et ça m'a toujours semblé naturel de le faire, et voici que là, non, ça ne colle plus, c'est pas ça.
    Ou bien, ça m'arrive aussi de me retrouver en face d'un visage très connu, que je vois tous les jours et dans ce moment particulier,j'ai l'impression de le regarder pour la première fois et d'en mesurer la singularité. Avant je ne regardais pas ce visage, je le voyais juste, comme le visage de untel point barre. Et puis, plus rarement, ça peut se doubler d'un autre effet : voilà, ce visage connu qui m'était cependant inconnu, et bien est le visage d'un individu qui s'appelle Untel. Je le savais, ça, je l'appelle par ce prénom tous les jours, mais là, à ce moment précis, savoir qu'il s'appelle Untel me surprend.
    Ça m'arrive parfois mais ce sont des idées qui me semblent si singulières et si peu exprimables que je n'aurais pas l'idée de les exprimer dans un roman par exemple. Sartre lui le fait. Tant mieux pour lui si ça le soulage de quelque chose. Et puis les philosophes sont peut-être capables de disserter sur des faits anodins pour en donner une portée universelle. Mais je ne vais pas avoir la patience. Au revoir Sartre. Adieu même sans doute.