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littérature - Page 25

  • CR78 - l'absolue perfection du crime - Tanguy Viel

    v_2707319449.jpgmot de l'éditeur : Marin, Andrei, Pierre, c'étaient tous des caïds. Et dans ce monde de traîtres, leur disait l'oncle, pour que " la famille " survive, il faut frapper toujours plus fort. Alors quand Marin est sorti de prison, lui, le neveu préféré, il a dit : le hold-up du casino, ça nous remettrait à flot.

    mon avis : Contrairement à ce que laisse présager le titre, la photo en couverture ainsi que la date de naissance de l'auteur (1973...), ce polar n'a pas beaucoup d'intérêt. Il est plaisant à lire, certes le récit est haletant, j'en conviens, (comme dans tout polar qui se respecte). Mais j'ai regretté que dans une histoire aussi convenue (qui m'a rappelé les romans de José Giovanni ou certains  films avec Lino Ventura et Jean Gabin ), l'auteur n'adopte pas un ton plus décalé et plus ironique, à la façon d'un Jean Echenoz qui sait faire de grands romans avec des intrigues minimales.
    Ceci dit, je donnerai une seconde chance à Tanguy Viel. Peut-être avec Paris-Brest, son dernier roman qui fait parti de la sélection finale pour le 4ème prix du livre France-Culture Télérama. Je reparlerai dans une future note de ce prix qui associe deux médias dont je suis très friand.

    Un avis que je partage ici.

    lecture : 22/02/09
    note : 3/5
    à venir : pastorale américaine, Philip Roth

  • CR77 - insecte - Claire Castillon

    9782213625065.jpgmot de l'éditeur : Insecte évoque les rapports entre les mères et les filles. Dix-neuf nouvelles qui sont l’expression libre de sentiments intenses, de pensées fulgurantes, irréelles quelquefois, qui s’installent pourtant sans relâche dans la tête des mères et des filles. Dans ces nouvelles, les pensées fugitives deviennent des récurrences, des poids, des raisons de vivre. La mère est un insecte et la fille son insecte. Vice-versa. Mante religieuse, lézard ou coccinelle, les femmes étudiées à la loupe ont sans doute des vies à facette.

    mon avis : lecture jubilatoire s'il en est. Ce livre m'a été fortement conseillé par la bibliothécaire de Camors après que j'eus lu et approuvé une autre oeuvre de la dame. C'est un recueil de nouvelles a qui on peut accoler pas mal d'adjectifs : savoureux, brillant, fin, subtil, hilarant, glaçant, dérangeant, pétillant. Ça se boit comme du petit lait. Je conseille fortement.

    C'est ma fierté d'être français que de compter parmi mes concitoyens tant d'esprits subtils. Et modestes avec ça. Pas fiers. Les américains sont tellement jaloux de nous qu'ils s'inventent des fausses morts de la culture française, histoire de se rassurer.

    lecture les 18 et 19 février 2009

    note : 4.5/5

  • CR76 - les accommodements raisonnables - Jean-Paul Dubois

    9782879295541.jpgmot de l'éditeur : Le grand roman de Jean-Paul Dubois très attendu depuis "Une Vie française". Jean-Paul Dubois retrouve le souffle romanesque d"Une Vie française" dans ce livre qui devrait enthousiasmer ses fans. Aucun des « fondamentaux » ne manque à l’appel : Toulouse, un anti-héros (Paul Stern) et son épouse (Anna), un père encombrant, l’actuel président de la République, l’Amérique, les bateaux, les petits-enfants, etc. Cette fois, Jean-Paul Dubois nous conduit à Hollywood. Paul doit y réécrire le scénario d’un film dont il est l’auteur, pour le compte d’un producteur qui prétend en tirer un remake. En réalité, Paul est parti pour oublier la maladie de sa femme, en dépression profonde, le remariage scandaleux de son père et, de manière plus générale, son échec personnel. Embauché par la Paramount, il découvre un autre univers où le sexe, l’argent, la drogue, la célébrité, mais aussi le désespoir occupent une place centrale. Et puis, il rencontre Selma Chantz, employée comme lui par la Paramount. Et sa vie bascule. Car Selma est le double parfait d’Anna, avec trente ans de moins…Une femme fascinante et dangereuse.
    Après un détour par le comique ( Monsieur Tanner) et l’inquiétante étrangeté ( Hommes entre eux ), Jean-Paul Dubois a écrit le grand roman que nous attendions. Tragique et drôle, jetant sur son époque un regard lucide, ce livre de la maturité garde néanmoins le charme des héros de Jean-Paul Dubois, éternels adolescents écartelés entre leur amour de la vie et leur sens aigu de la culpabilité.

    mon avis : En dehors de quelques scènes hilarantes (dont celle du crématorium au début), j'ai trouvé ce livre plutôt moyen. Agréable à lire, certes mais bien en dessous de Djian (qui écrit un peu ce type de choses avec jet-setters cyniques, drogue, sexe et tout et tout), mais peut-être quand même un peu au dessus de Foenkinos (dont les romans sont anecdotiques).
    Mais il se dégage quand même du roman,  cette idée que les étapes de nos vies ne sont que des successions d'accommodements raisonnables (avec 2 m à accommodements, à bons entendeurs salut) , que pour sauvegarder les apparences, nous devons sans cesse faire des compromis et tirer un trait sur d'autres possibles.
    Par ailleurs, j'aime beaucoup la couverture. Elle m'avait tapé à l'oeil dès la sortie du livre. Et je l'aime tellement qu'elle suffirait presque à me faire acheter ce livre (que j'ai emprunté pour cette lecture) et ce même bureau avec des tiroirs que d'un côté, mais peut-être pas la même chaise, encore que, dans un certain cadre pourquoi pas. Je me demande si on ne va pas revenir à une forme de rustique après cette folie du mobilier contemporain carré et translucide façon ikea.

    lecture du 13.02 au 17.02.09
    note : 3/5
    à venir : insecte, Claire Castillon

     

  • CR75 - la vie mode d'emploi - Georges Pérec

    IMGP6154.JPGrésumé (piqué sur wikipedia, oui je sais, je suis un peu fainénant ces temps-ci) : L'œuvre retrace la vie d'un immeuble situé au numéro 11 de la rue (imaginaire) Simon-Crubellier, dans le 17e arrondissement de Paris, entre 1875 et 1975. Elle évoque ses habitants, les objets qui y reposent et les histoires qui directement ou indirectement l'ont animé. Comme dans le tableau idéal de Valène, le professeur de peinture de l'immeuble, le lecteur découvre « une longue cohorte de personnages, avec leur histoire, leur passé, leurs légendes », comédie humaine où les destins entrecroisés se répondent, à l'image de la curieuse création de l'ébéniste Grifalconi, « fantastique arborescence », « réseau impalpable de galeries pulvérulentes ». Gravures populaires, tableaux de maître, affiches publicitaires offrent l'occasion d'autant de digressions et de récits : faits divers, rigoureuse description scientifique, recette de cuisine, listes en tout genre. De cette tentative d'inventaire et d'épuisement d'une portion de réel, surgissent des figures propres à l'imaginaire perecquien : escrocs et faussaires, aventuriers, savants faustiens, génies méconnus ou incompris, invalides et miraculés, milliardaires ruinés, inventeurs, négociants, humbles domestiques anonymes.

    mon avis : je pense qu'avec ce livre, Pérec a atteint l'objectif qu'il s'était fixé. Sur ce point, pas de problème. On devine l'organisation qu'il a fallu pour écrire ce roman, les schémas, les recherches etc etc. D'un point vue technique, c'est parfait et ça fait même froid dans le dos que de penser que tout est cohérent. Pour le reste, bon, je vais me  permettre d'apporter une petite note discordante dans les flot des éloges qui accompagnent toute critique de ce livre : je me suis globalement ennuyé, même si certaines histoires dans l'histoire sont amusantes ou dépaysantes. Et autant le dire franchement je n'ai rien compris au projet de Bartlebooth. Et puis, pas crédible : tous les habitants de l'immeuble ont des vie peu banales, sont chercheurs, voyageurs, artistes etc.
    Mais ce que je reproche le plus à ce livre est d'être trop parfait.

    lecture du 03.01.09 au 10.02.09
    note : 2.5/5

     

  • CR74 - un soupçon d'indigo - Michèle Gazier

    IMGP6119.JPGmot de l'éditeur : Que signifie disparaître ? Un homme, Maurice Gil, disparaît sur une île des Antilles. Qui était-il ? Pour Lucie, sa petite fille, qui ne connaît de lui que ce qu’on a bien voulu lui en dire, c’est tout à la fois un héros et un déserteur. Une icône floue et ambiguë. Quand, presque à son insu, elle en retrouve soudain la trace sur l’île de Marie-Galante, toute son existence en est rétrospectivement bouleversée. Pour Isabelle, la fille de Maurice, c’est une autre affaire. Elle l’a laissé s’enfuir dans son exil tropical, et a trop longtemps fermé ses beaux yeux indigo – de ce bleu si particulier que lui a donné son père et qu’elle a légué à Lucie. Elle n’a pas voulu voir l’immensité des sentiments de cet homme, de son amour, de son dépit, de sa colère. Pour elle, c’est l’histoire d’un deuil impossible. Quand au troisième narrateur de ce roman, ami du disparu, il raconte avec une rare émotion la fin flamboyante d’un homme révolté, déchu, et enfin libre.

    mon commentaire : Après quelques minutes de lecture, je me suis dit que je perdais mon temps avec un roman mineur, comme savent en pondre à la pelle les écrivains français d'aujourd'hui. Puis petit à petit, tranquillement mais sûrement j'ai été happé par cette histoire, un brin naïve certes, peu crédible (encore le récit d'un nanti qui quitte tout du jour au lendemain) et plein de bons sentiments, mais terriblement émouvante et incroyablement bien écrite. (récit à trois voix). Je vous avouerais même que sur la fin, je n'étais pas loin de pleurer. une réussite donc.

    Le Seuil, 272 pages, 02/2008
    Note : 4/5
    lecture du 10.02 au 13.02.09
    à venir : les accommodements raisonnables, Jean-Paul Dubois

  • CR73 - le rivage des Syrtes - Julien Gracq

    syrtes.jpg

    mot de l'éditeur : Aldo, à la suite d'un chagrin d'amour, demande une affectation lointaine au gouvernement d'Orsenna. S'ensuit alors la marche à l'abîme des deux ennemis imaginaires et héréditaires.

    Les pays comme les civilisations sont mortels. C'est à ce fascinant spectacle que Julien Gracq nous convie ici. Cette insolite histoire de suicide collectif laisse une subtile et tenace impression de trouble.

    mon avis : Le Rivage des Syrtes est une sorte de roman blanc où circulent des vents arides, des rumeurs infondées, des propos diplomatiques et des âmes qui s'ennuient et où l'on attend en vain que quelque chose se passe. Et si ce quelque chose était la résurgence d'un conflit ancestral entre Orsenna et le Farghestan, discret ennemi dont on devine les côtes depuis le rivage des Syrtes ? Aldo , jeune homme d'une grande famille est envoyé sur les lieux en qualité d'observateur et ressent très vite comme une rumeur évanescente, des indicibles bruits de fond et même une lumière différente enveloppant la lagune qui termine le territoire d'Orsenna. Il va faire, avec Le Redoutable, une brève incursion dans les eaux ennemies, incursion qui sonne comme une provocation puisqu'on lui répond par trois coups de canon. Mais le roman se termine comme il commence : dans l'atonie des palais d'Orsenna.

    Ce roman n'est pas sans rappeler le château de Kafka où l'intrigue minimale ne semble pas justifier le roman. Mais je trouve que dans les deux cas, c'est ce qui fait leur grandeur. Car, finalement, c'est un peu facile que de retenir le lecteur par des histoires étonnantes, avec des coups d'éclat, des rebondissement etc. Ce n'est peut-être pas à la portée de tout le monde que d'écrire un roman et  ce n'est pas à la portée de tout écrivain d'écrire un roman inconsistant.
    Mais aussi ténue soit-elle, il y a quand même une histoire dans le Rivage des Syrtes. Ma lecture personnelle est qu'Orsenna est peu l'image de nos nations occidentales : au fin fond de l'histoire, la vieille Europe s'invente des maux pour ne pas sombrer dans l'ennui.
    Le style est parfait, fait de longues phrases qui tombent comme autant d'évidences. une merveille.

    extraits. sur l'espèce de guerre (p14 et 15) :


    Les années s'accumulant d'une guerre aussi accommodante, on en vint peu à peu, à Orsenna, à considérer tacitement l'idée même d'une démarche diplomatique pacifique comme un mouvement immodéré, comportant quelque chose de trop tranché et de trop vif, qui risquait de retourner malencontreusement dans sa tombe le cadavre d'une guerre malencontreusement mort de sa bonne mort. La liberté extrême que donnait cette issue indéterminée d'exalter sans démenti les grandes victoires et l'honneur intact d'Orsenna était d'ailleurs un garant de plus de la tranquillité générale ; les derniers soupirs guerriers trouvaient leur exutoire à l'aise dans les fêtes qui continuaient à célébrer l'anniversaire du bombardement. [...]

    Ranimés ainsi subtilement dans les vers des poètes, il était significatif de remarquer que même la langue morte des actes officiels, de tous les jours s'employait au mieux, de son côté, à conserver intactes les cendres de ce cadavre historique ; ainsi on n'avait jamais consenti à la Seigneurie, sous un précieux prétexte de logique, à changer un mot au vocabulaire du véritable temps de guerre : la côte des Syrtes demeurait, pour les bureau "le front des Syrtes" - "flotte des Syrtes", les misérables carcasses que j'avais fonction de surveiller - "étapes des Syrtes", les bourgades qui jalonnaient de place en place la route du Sud. [...]


    On pouvait considérer assez rêveusement, à la lueur de ces vagues indices, que l'inachèvement même de cette guerre, signe en réalité d'une chute de tension sans remède, était l'essentielle singularité qui nourrissait encore quelques imaginations baroques - comme si une conspiration latente se fût ébauchée çà et là de mains obstinées encore à tenir absolumententr'ouvertes les lèvres prêtes à se sceller d'elles-mêmes de l'événement - comme si l'on avait chéri là inexplicablement  l'anomalie bizarre d'un événement historique mal venu, qui n'avait pas libéré toutes ses énergies, n'avaient pas  épuisé tout son suc.

     

    lecture du 01.02 au 09.02.09, note : 4.5/5.

  • CR72 - le paysan de Paris - Louis Aragon

    419MENH385L._SL500_AA240_.jpgTout est magique avec Aragon : la moindre vitrine banale, un reflet de lumière, un métier manuel, une impasse etc. Ce livre merveilleux est une suite de réflexions métaphysiques, philosophiques et surréalistes enrobées de poésie.
    Mais la notion précisément développée dans le paysan de Paris (paysan dans le sens "habitant le pays de Paris" ou aussi dans le sens où tel un paysan débarquant dans la ville, le poète s'émerveille de tout) est celle de mythologie moderne : l'architecture urbaine a remplacé les églises, et parce que tout dans les villes obéit à des règles fonctionnelles, le passant peut alors laisser libre cours à son imagination et voir telle chose derrière telle autre (par exemple une mosquée derrière une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d'un lac (celui des buttes-chaumont !)..ah non, ça c'est un autre mais Aragon quelque part rappelle Rimbaud et son Alchimie du verbe.


    Ces idoles ont entre elles une parenté qui les rend redoutables. Bariolés de mots anglais et de mots de création nouvelle, avec un seul bras long et souple, une tête lumineuse sans visage, le pied unique et le ventre à la roue chiffrée, les distributeurs d'essence ont parfois l'allure des divinités de l'Egypte ou de celles des peuplades anthropophages qui n'adorent que la guerre. O Texaco motor oil, Eco, Shell, grandes inscriptions du potentiel humain ! bientôt nous nous signerons devant vos fontaines, et les plus jeunes d'entre nous périront d'avoir considéré leurs nymphes dans le naphte.


    L'idée de Dieu est un mécanisme psychologique. Ce ne saurait en aucun cas être un principe métaphysique. Elle mesure une incapacité de l'esprit, elle ne saurait être le principe de son efficience.


    Une sorte de manifeste du surréalisme. Littéralement jubilatoire.

    note : 4/5
    lecture du 26.01 au 30.01.09
    à venir : le rivage des Syrtes, Julien Gracq

     

     

  • CR71 - le diable au corps - Raymond Radiguet

    29012009435.jpgIl m'aura fallu seulement deux heures ou un peu plus peut-être si je compte certaines phases de lectures un peu ponctuelles  (qui arrivent fréquemment comme par exemple dans les files d'attente qui peuvent se former ici ou là à certains endroits où trop de gens en même temps veulent accéder au même service, même désir, même guichet ou que-sais-je ; quand j'arrive au boulot deux minutes trop tôt et qu'il est hors de question que j'offre ces deux minutes au capitalisme, quand je surveille les pates), deux bonnes heures donc pour lire ce roman écrit par un certain Raymond Radiguet (qui n'a de Raymond que le prénom), écrivain qui fit un court passage sur terre au début du XXè siècle. Pratiquement inconnu du grand public, il bénéficie d'une certaine aura dans le petit public. Jean Cocteau a quand même dit de lui : "Raymond Radiguet partage avec Arthur Rimbaud le privilège d'être un phénomène des lettres françaises."


    Mais le diable au corps ne m'a pas spécialement emballé. Style très conventionnel avec utilisation pléthorique du subjonctif de l'imparfait ou du passé simple. Histoire somme toute banale d'un amour impossible entre un jeune homme et une femme mariée pendant la guerre 14-18. Moeurs provinciales vs amour impossible. Vieille rangaine de la littérature française, n'est-ce pas. Rien de rimbaldien dans cette affaire-là. Juste un bon moment de lecture.

    Deux courts extraits, sur lesquels on peut méditer :

    "la puissance ne se montre que si l'on en use avec injustice. "

    "Si la jeunesse est niaise, c'est faute d'avoir été paresseuse. Ce qui infirme nos systèmes d'éducation, c'est qu'ils s'adressent aux médiocres, à cause du nombre. Pour un esprit en marche, la paresse n'existe pas. Je n'ai jamais appris plus que dans ces longues journées qui, pour un témoin, eussent semblé vides, et où j'observais mon coeur novice comme un parvenu observe ses gestes à table."

    Sur le premier j'ai des doutes mais sur le deuxième, j'approuve totalement.


    lecture : 23.01.2009
    note : 3.5/5
    à venir : le paysan de Paris, Louis Aragon

  • un passage de Cendrillon où il est question d'un passage.

    DSCN2378.JPGDans  la première partie du paysan de Paris de Louis Aragon, il est question du passage de l'opéra et cela me rappelle un autre passage décrit par Eric Reinhardt dans Cendrillon, et qui se situe quelque part à l'entrée des jardins du Palais-Royal . Je ne fais aucun lien entre Louis Aragon et Eric Reinhardt mais le fait est que la lecture du Paysan de Paris m'évoque un quelque chose de Cendrillon. Je ne saurais trop dire quoi, c'est méta (comme dirait une personne qui se reconnaîtra )..Mais c'est peut-être le fait que les deux écrivains fantasment sur des lieux un peu comme ça, des lieux transitoires qui ne sont pas forcément des lieux touristiques. Et puis l'amour pour Paris.


    J'ai fouiné sur le net mais n'ai pas trouvé de photo de ce passage, et j'ai d'ailleurs du mal à me figurer à quoi il ressemble (si quelqu'un....) A ma prochaine escapade à Paris (et oui, il arrive aux paysans de se rendre à Paris), on ira voir ça de près donc. Car je trouve ce passage (-)) du livre (p255) vraiment très beau, métaphysique et poétique à souhait :

    Immédiatement à droite de la terrasse se trouve l'une des entrées des jardins du Palais-Royal. Il s'agit d'une brève galerie voûtée qui débouche sur la cour des colonnes de Buren qui est elle-même une manière de prologue aux jardins proprement dits : ils la prolongent derrière une colonnade qui constitue une frontière en pointillé entre les deux espaces. J'ai toujours été fasciné, en particulier la nuit (quand il s'emplit d'une mystérieuse obscurité) (quand on aperçoit par cet oeil emmuré comme une énorme réserve de rêves, de branches, de ténèbres) (et peut-être l'attraction qu'exerce sur moi ce point précis de la géographie parisienne s'explique-t-elle tout entière par ce détail architectural : métaphysique en réalité), j'ai toujours été magnétisé par cet étroit conduit. Il est intéressant de noter qu'on accède à l'immensité des jardins par un discret petit passage, par une virgule de cet ensemble grammatical de premier ordre, dont je précise à la hâte (n'étant pas un passionné d'histoire) qu'il a été voulu par le cardinal de Richelieu, dessiné au XVIIe siècle par Jacques Lemercier et amplement modifié au XVIIIe par Victor Louis, à qui l'on doit la cour et les arcades actuelles (que j'adore) ainsi que le Théâtre-Français (1785), dont il est décevant de se dire qu'il n'est pas exactement celui où a joué le grand Molière, l'un de mes écrivains préférés. Je disais qu'on accède à l'immensité des jardins du Palais-Royal par une virgule de cet ensemble grammatical de premier ordre. Cette virgule s'auréole dans la nuit d'un mystère inégalable car elle exalte le principe qui lui est constitutif, accentué par son étroitesse, de passage. J'ai déjà dit l'importance que revêtait dans mon imaginaire le principe du passage : le petit pont de Brigadoon et la bouche d'égout du Trou. Quand le soir, la nuit, l'automne, attablé en terrasse du Nemours , je plonge mon regard dans ce mince interstice ténébreux et que je voix, profonde, intérieure, onirique, impénétrable, la perspective nocturne qui s'y déploie, peuplé d'ombres, d'arbres, de silence, d'éternité devrait-on dire, j'éprouve la sensation que ce petit passage est comme la métaphore de ce passage métaphysique que je ne cesse de rechercher depuis l'adolescence -quelque chose de ce genre, aussi vague, imprécis, instinctif que cela. Il me suffit de jeter un regard sur ce petit passage et j'y crois : mes sens s'exaltent, mes rêves se réalimentent , je me mets à y croire à nouveau. Et puis, c'est comme un oeil, l'oeil d'une femme par rapport à son immensité intérieure, par rapport aux méandres, aux mystères, à la beauté, aux grâces, aux secrets, aux forêts, aux rêves, aux fables, aux illusions uniques et merveilleuses qui s'y devinent.