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CR89 - Rouge fort - Nicolas Rithi Dion

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présentation de l'éditeur : Y a-t-il un lieu où la ville cesse, à partir duquel il n’y a plus la ville ?
Et dans le développement de nos mégapoles, en quoi d’explorer cette transition nous renseigne sur la ville elle-même, son territoire, ses usages, ses craquelures, ses signes ?
C’est ce qu’a entrepris Nicolas Rithi Dion. Si, quand il était étudiant aux Beaux-Arts Paris, la photographie était son outil principal, ce qu’il y a à photographier ici ne peut se dispenser du journal d’enquête, du récit des micro-voyages, au bord de l’autoroute A3, entre Rosny-sous-Bois et Noisy-le-Sec. Puisque, au passage, c’est aussi l’idée de banlieue qu’on volatilise, obsolète.
Mais ce travail d’écriture devient autonome, cherche les signes, s’ouvre aux récurrences, aux fragmentations.
Ainsi, chaque nouvelle page du récit s’ouvre par le thème du motif, façade, parking, plan, déplacement, détail.
Et c’est une forme d’écriture neuve qui paraît, que je suis fier d’accueillir. Un travail sur la résolution, sur le champ, sur le cadre. La question du voir, et celle de l’expérience de soi-même comme sujet, pour débusquer le signe, le voir et le temps.
C’est cette relation, la photographie dans et par l’écriture, pour la réouvrir – en ce lieu, en ces signes, en ce temps – à la plus vieille tragédie du monde, et que la phrase, si la langue comme expérience c’est la poésie, puisse se charger de là où ce que nous avons fait du monde nous déborde.
Rouge fort est accompagné d’un cahier de douze photographies, que Nicolas Rithi Dion a souhaité insérer après le texte, et non pas de façon intercalée.
Un deuxième volet va suivre, Aller. C’est un champ neuf qui s’ouvre ici.

mon avis : Encore un livre sur la géographie des banlieues...il faut dire que j'ai un faible pour ce genre de bouquins (voire un petit soucis m'ont dit certains) où il est question de zones périphériques, de lieux résiduels etc. La dernière lecture en date fut les passagers du Roissy Express de François Maspero, une sorte de road-movie du côté de la banlieue Nord de Paris, et puis il y a eu aussi le fameux livre blanc de Philippe Vasset dans lequel l'écrivain s'attachait à décrire les zones restées en blanc sur les cartes ign, ou encore zones de Jean Rolin (dont étrangement, je n'ai plus aucun souvenir).
Et j'ai pris beaucoup de plaisir avec cet essai de Nicolas Rithi Dion. Le style est très contemporain (et qui ressemble un peu à de l'écriture automatique -on devine l'écrivain en train de griffonner ce qu'il voit sur des bouts de papier et puis ne pas retoucher)  et ça m'a fait l'effet d'un long poème en prose, riche en vocabulaire,  avec en personnage principal la zone (quelque part aux alentours de Noisy Le Sec, de l'A3, d'une impasse des Guillaumes) et ses dépendances : des décharges sauvages, des bagnoles abandonnées et dépecées, des ouvrages pas terminées et si on lève la tête, des fils à haute tension et puis le grondement de l'autoroute au lointain et encore plus loin peut-être quelque chose qui commence à ressembler à de la campagne.
Sinon, que signifie Rouge fort ? J'avoue là, je ne sais pas. Peut-être une antiphrase en fait, pour dire, pas rouge fort du tout...mais gris très pale. Peut-être. page 95, on lit "rouge fort, vermillon de géraniums". Avec ça -))
Pour terminer douze photos qui rappellent des scènes décrites dans le livre
Mais ça manque de bambous dans ces coins-là -)))

extrait 1 (page25)(avec la photo qui va avec):

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l'autre jour, deux paysagistes, plus ou moins sur une butte ou motte de terre, en discussion, allongeant le regard qui seul arpente, infatigable, léger, feuilles (plans) en mains, comme cartes pour se diriger, diriger l'oeil, aidé du doigt, parfois. alors seuls ils contemplent, seuls ils imaginent, enfin analysent selon des schémas plus ou moins en tête (c'est un binôme), vues répertoriées, débattues, projetées selon un certain idéal selon une certaine vie pratique selon une certaine conception, de base, longuement débattue, mais à cela on n'y revient pas, comme un refus, une perte de temps, à reformuler l'acquis, le tout, le démontré, le débattu, le prouvé, seulement l'espace, déjà configuré, ne pas y revenir.

extrait 2 (page35) :

toute l'après-midi la vaste zone, sorte de cuvette de fourmilion où se construit la nouvelle route cernée d'habitations, que ce soient des tours ou des pavillons étagés chacun ayant pignon sur rue, sa part du paysage que contourne un bras d'autoroute, sans oublier le cimetière ainsi que le chemin menant au coin des caravanes sans roue. incursion dans ce grand débarras (une voiture échouée, en terre, près du bitume encore frais, neuf, sans ces brûlures de pneus dérapant), encore qu'il soit davantage question d'une aire, lande, terrain à broussailles grimpantes, quelques potagers et arbres, surtout des plantes vivaces, rudérales et autres brousses, quand le pied ne foule pas de la terre désolée, asséchée ou simplement pas remuée, une croûte formée d'anciennes traces de tracteurs ou gros camions, de sorte que sont relégués à la lisière, tout autour de cet espace, comme une dernière écume au vent devenant mousse putride, ces amas de ferrailles, détritus, produits ménagers et tout ce qui peut passer allant du radiateur au frigo, de la conserve au canapé, ou du rideau à la chemise trouée. derrière une dune, petite élévation tout en long, repéré tout un chemin servant de dépotoir (c'est ici la fin de vie pour quelques voitures), ou juste dépôt puisque ça tourne, que la voiture brûlera bientôt, que d'autres carcasses viendront, certaines parties disparaissantes, désossées, réutilisées dans cette longue chaîne de la casse.

lecture du 25.04.09 au 27.04.09, note : 4/5, on trouve Rouge Fort ici.

 

Commentaires

  • merci pour lecture de ces hachures. plus que le plus dur cinquième à gravir.

    ND

  • C'est moi.
    Et la suite est déjà en ligne !

Les commentaires sont fermés.