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littérature - Page 27

  • CR62 : l'arrière-saison - Philippe Besson

    livre_besson.jpgJ'ai lu ce livre comme ça, comme un intermède entre deux œuvres de plus d'envergure. Ce fut une lecture agréable comme le sont les arrière-saisons dans les stations balnéaires (comme le chantait si bien Francis Cabrel...La mer quand même/ Dans ses rouleaux continue/ Son même thème/ Sa chanson vide et têtue/ Pour quelques ombres perdues/ Sous des capuchons/ On doit être hors-saison...). Philippe Besson a eu la très belle idée d'inventer une histoire à partir du célèbre tableau de Edward Hopper : un bar du nom de Phillies, un serveur affairé, trois clients au comptoir dont une femme vêtue de rouge et deux hommes portant costume et chapeau. A partir de ces éléments, l'écrivain imagine une histoire sentimentale dont la femme en rouge, Louise serait le centre. Elle retrouve dans le bar un homme avec qui elle vécut 5ans en même temps qu'elle apprend que son amant du moment, un homme marié,  la quitte.
    Tout ça est très bien. Le problème est qu'à aucun moment du roman, les deux hommes, Stéphen et Norman ne sont accoudés au comptoir ensemble. Et pareil, il n'est fait nullement mention que ceux-ci portent des chapeaux (type feutre). A partir de là, qui sont les deux hommes du tableau ? Le lecteur peu imaginer qui ce sont des  clients lambda qui sont là, en même temps que Louise, fidèle cliente du bar. Sauf que l'un deux est très proche de Louise et qu'on devine qu'ils se connaissent bien. Alors, il doit s'agir de Norman. Après tout, Ben, le serveur,  trouve Norman "guindé" et le narrateur n'était pas obligé de dire que'il portait un chapeau. Autre hypothèse : l'écrivain ne s'est arrêté qu'à la partie du tableau qu'on voit sur la couverture...Mais si j'avais été Philippe Besson, je crois que j'aurais été le plus fidèle possible au tableau..tant qu'à faire, autant aller au bout de son idée.
    Et je me pose trop de questions pour ce très bon roman atmosphérique. Les mots de l'écrivain sonnent très justes pour décrire les sentiments et l'automne approchant..aussi justes que fut le roman les jours fragiles dans lequel Philippe Besson imagine avec brio les derniers jours d'Arthur Rimbaud. Je conseille ces deux romans comme lectures lors de dimanches d'automne. C'est assez grisant, surtout au coin du feu, pour ceux qui disposent d'une cheminée. Pour les autres, près de la chaudière à fuel, ça peut être sympa aussi.

    note : 3.5/5
    lecture du 28/11 au 30/11

     

  • CR61 : le complot contre l'Amérique - Philip Roth

    9782070774678FS.gifCe livre de Philip Roth que je viens de terminer fait partie de ces romans qui marquent.
    L'idée de Roth fut d'imaginer ce que serait devenu l'Amérique (et du coup le monde) si l'aviateur Lindbergh, antisémite notoire, s'était présenté et avait gagné les élections de 1940 contre Roosevelt, et ce à travers le regard du petit garçon juif qu'il fut, vivant dans la ville de Newark. La prouesse de l'écrivain fut donc d'avoir imaginer comment aurait pu tourner l'histoire si les États-Unis avaient décidé de ne pas entrer en guerre contre l'Allemagne, tout en restant cohérent et crédible dans le propos. Parallèlement à la grande histoire, le lecteur suit la montée d'un antisémitisme rampant aux États-Unis, entretenu par une administration suffisamment intelligente pour inciter et entretenir de façon subtile les actes antisémites. 90% des américains soutiennent Lindbergh dans son désir de neutralité vis à vis du conflit mondial. Même des juifs influents sensibles à son aura en arrivent à le soutenir et à entrer dans son administration. Seuls quelques courageux dont le père de Philip osent dire tout haut ce que quasiment personne pense tout bas. Le père a une ligne de conduite claire et dès le départ sait où veut en venir Lindbergh. Il est donc séduit par les discours radiophoniques deWinchell , un anti-Lindbergh qui n'a de cesse d'avertir l'Amérique des intentions de leur président. Tout cela finit en guerre civile, Lindbergh disparaît et Roosevelt est réélu président.
    Moralité : rien n'est jamais acquis, le Monstre est toujours tapis quelque part au fond de nos plus sombres instincts. Une démocratie apaisée ne l'est jamais complètement.
    C'est mon premier Roth..et sans doute pas le dernier. D'ailleurs, on m'a conseillé la pastorale américaine.
    Par ailleurs, j'ai été très sensible au fait que Philip Roth ait récemment apporté son soutien à Milan Kundera (pour l'affaire qu'on sait).

    Je voudrais parler maintenant de l'idée que je me fais du roman américain : tous les romans d'auteurs américains que j'ai lus (une petite dizaine à tout casser, oui je sais, c'est peu) se ressemblent quelque part, à savoir qu'il s'agit d"histoires très bien racontées mettant en scène des familles américaines plus ou moins types avec leurs lots de tragédies, de personnages attachants (comme l'est le père Roth dans le complot contre l'Amérique) ou détestables avec toujours pour la plupart des protagonistes le rêve américain comme idéal. Si je prends par exemple middlewest de Jeffrey Eugenides ou trente ans et des poussières de Jay Mcinerney, c'est à peu près ça. Les récits sont bien construits, bien enlevés comme on dit et en général ce sont des bouquins de 500 pages. Le lecteur est pris dans l'histoire comme dans un tourbillon. Mais en fin de compte, si je prends beaucoup de plaisir à lire ces romans, je ne leur trouve que peu d'intérêts littéraires, contrairement aux romans d'auteurs français contemporains (Jean Echenoz, Alain Fleischer, Régis Jauffrey...), qui sont plus introspectifs, plus subtils, plus profonds et plus expérimentaux aussi. Chaque type a un intérêt évidemment mais le fait est que je trouve plus mon compte dans la littérature française. Maintenant, c'est vrai qu'il faudrait que je lise plus d'auteurs américains (en commençant par Faulkner) pour voir si cette idée se confirme.
    Mais en fait, à bien y réfléchir, mon malaise avec le cinéma américain est du même type. Et toutes ces séries us que je ne peux pas supporter..J'ai un problème avec les États-Unis moi.
    Ceci dit, je relirai des romans américains.

    note : 3.5/5
    lecture du 15/11 au 25/11
    à venir : l'arrière-saison de Philippe Besson

  • l'élégance du portefeuille (citation de Marcel Proust)

    31aout05.jpg" Ma tante Léonie m’avait fait héritier en même temps que de beaucoup d’objets et de meubles fort embarrassants, de presque toute sa fortune liquide — révélant ainsi après sa mort une affection pour moi que je n’avais guère soupçonnée pendant sa vie. Mon père, qui devait gérer cette fortune jusqu’à ma majorité, consulta M. de Norpois sur un certain nombre de placements. Il conseilla des titres à faible rendement qu’il jugeait particulièrement solides, notamment les Consolidés Anglais et le 4% Russe. «Avec ces valeurs de tout premier ordre, dit M. de Norpois, si le revenu n’est pas très élevé, vous êtes du moins assuré de ne jamais voir fléchir le capital.» Pour le reste, mon père lui dit en gros ce qu’il avait acheté. M. de Norpois eut un imperceptible sourire de félicitations: comme tous les capitalistes, il estimait la fortune une chose enviable, mais trouvait plus délicat de ne complimenter que par un signe d’intelligence à peine avoué, au sujet de celle qu’on possédait; d’autre part, comme il était lui-même colossalement riche, il trouvait de bon goût d’avoir l’air de juger considérables les revenus moindres d’autrui, avec pourtant un retour joyeux et confortable sur la supériorité des siens. En revanche il n’hésita pas à féliciter mon père de la «composition» de son portefeuille «d’un goût très sûr, très délicat, très fin». On aurait dit qu’il attribuait aux relations des valeurs de bourse entre elles, et même aux valeurs de bourse en elles-mêmes, quelque chose comme un mérite esthétique."

    Marcel Proust, à l'ombre des jeunes filles en fleurs, p442 édition la pléiade

  • CR60 : prolongations - Alain Fleischer

    9782070122189.jpgC'est lorsque j'ai appris que l'intrigue de ce roman se situait à Kaliningrad, enclave russe improbable située entre la Pologne et la Lituanie que je me suis dit que qu'il fallait que je le lise. Pour le reste, je n'en connaissais ni l'auteur ni le thème. Une bonne critique dans Télérama m'a fait franchir le dernier pas. Et il m'a fallu 15 jours pour lire ce pavé de 500 pages paru chez Gallimard dans la collection l'Infini.
    Le roman débute par l'arrivée du narrateur,
    Tibor Schwarz, à  Kaliningrad en sa qualité d'interprète-traducteur français-hongrois et ce, à l'occasion d'un congrès européen qui doit décider d'on ne sait trop quoi mais qui a l'air d'être important quand même. Il trouve son hôtel, et quelques vieilles connaissances dans le métier. Tout semble partir sur des bases rationnelles. Et puis petit à petit et surtout à partir du soir où il demande son chemin à trois individus traversant un pont, le roman bascule dans une sorte de rêve où les êtres humains sont des spectres et les situations totalement ubuesques. Le congrès lui-même sombre dans le grotesque. Tout le monde se fout de tout. Kaliningrad, dépravé est un immense bordel (dans tous les sens du terme). Seuls  quelques vieillards spectraux qui se réunissent dans un sous-sol le soir, se préoccupent du sort de Kaliningrad, qui fut par le passé prussienne sous le nom de Konigsberg. Sans trop comprendre pourquoi, Tibor Schwarz  en devient le mentor et comme le congrès s'accorde sa pause estivale, son unique préoccupation devient la possession sexuelle de trois filles, donc chacune semble représenter une sensibilité géopolitique. Je dis bien "semble" parce qu'en fait je n'ai pas tout saisi.
    Mais j'ai pris beaucoup de plaisir dans cette lecture et ce roman m'a rappelé Kundera et Kafka (dans le style pour l'un et les obsessions pour l'autre), et je ne dirais même pas en moins bien tant j'ai trouvé ça brillant, de par son ambition historique et philosophique. Le style est très fluide (cela vient-il du fait qu'Alain Fleischer n'écrit pas ses romans, mais les dicte ?). Il y a bien quelques longueurs, comme on dit (notamment, la scène de l'orgie sadomasochiste géante au congrès...qui n'en finit pas) mais Alain Fleischer maîtrise tellement bien son sujet qu'on trouve tout naturel lorsque dans les 30 dernières pages, alors qu'il pénètre sans fin et plus ou moins alternativement les trois héroïnes du roman, il arrive à nous faire un parallèle entre la chose et le devenir politique de la Vieille Europe, qui ne jouerait à Kaliningrad que de bien drôles de prolongations.

    note : 4/5
    lecture du 31.10 au 15.11
    à venir : le complot contre l'Amérique, Philip Roth

    1888149.jpg
  • le droit à ceci et le droit à cela, vu par Alain Fleischer


    9782020680158.jpg" Dans la France des débuts du vingt et unième siècle, le credo des citoyens est leur droit à tout : droit au travail, droit au logement, droit à l'éducation, droit à l'alimentation, droit aux vacances, droit de grève, droit à la médecine, droit à la sécurité, droit à la retraite, droit à la maternité,  et à la paternité... comme si la nation qui avait inventé les droits de l'homme n'avait désormais mieux à faire que de décliner les grandes idées en sous-produits, à mettre en application les idéaux par les services d'une Administration générale du Bien-être - le bonheur est encore une autre affaire, mais on y vient...-, et comme si le but d'une société était de décréter des droits, de définir le citoyen comme le bénéficiaire de ces droits, de lui en assurer la jouissance, la protection; d'enfermer l'individu dans cette prison de ses droits qui l'empêche de penser à tout ce qui ne lui est pas dû automatiquement, et qui ne lui serait accessible que par un désir singulier, un effort personnel, la volonté individuelle, l'ambition d'un seul  de refuser l'ambition commune à tous. Il serait bien beau et généreux de décréter que les aveugles ont le droit de voir, que les sourds ont le droit d'entendre, et que toute privation de la vue ou de l'ouïe est une injustice de la société plus encore qu'une erreur de la nature. Bien sûr, toute disposition est souhaitable pour diminuer la souffrance ou l'inconfort d'un handicap, et pour rendre la vie plus supportable parmi la société à ceux qui en sont frappés, mais combien belle serait la loi qui donnerait au citoyen la conscience des aveuglements et de la surdité auxquels conduit la perversion des idéaux ! Tôt ou tard, tout citoyen connaît une situation où il se sent lésé, tôt ou tard, lui vient l'idée qu'il peut obtenir un dédommagement, car tout malheur qui le touche, petit ou grand, doit avoir un responsable, un coupable, socialement, politiquement identifiable, et tout dommage, même affectif ou moral, est chiffrable en euros."

    prolongations, Alain Fleischer, p178, éditions Gallimard.

     

  • CR59 : Meuse l'oubli - Philippe Claudel

    IMGP5681.JPGC'est en flânant cet été sur un marché de la région que je suis tombé sur ce bouquin. Je dois dire que le titre m'a tout de suite interpellé (bien plus que l'auteur que je n'avais jamais lu). Meuse l'oubli, Meuse comme le fleuve qui arrose Charleville, cette ville où j'ai passé il y a quelques années deux jours qui resteront à jamais gravé dans ma mémoire.


    Comme je descendais des Fleuves impassibles,
    Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
    Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles,
    Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.


    Dans ce petit roman, Philippe Claudel fait de petites allusions au poète mais guère plus. Il faut dire que l'action ne se situe pas dans les Ardennes mais en Belgique. Mais quand même zut, je n'y peux rien, pour moi la Meuse, cela reste le fleuve des rimbaldiens.
    Venons-en au roman proprement dit : le narrateur est inconsolable suite au décès brutal de sa compagne Paule. Il décide d'aller se réfugier dans un petit village belge, paumé de chez paumé. Il débarque, trouve une chambre et des mois duranttraîne dans le village, et notamment au bar l'Ancre où il se prend des bitures avec les habitués. Il se lie d'amitié aussi avec le fossoyeur du cimetière, avec sa logeuse Madame Outsander. Il tente de noyer sa peine dans cette atmosphère bucolique et loin de tout. Les mois passent et la lourde peine devient une petite cicatrice mais hélas pense-t-il, c'est plus la marque du temps (ce grand réparateur) que de son travail intérieur.
    Ce petit roman se lit bien et malgré le sujet, j'ai eu presque sans cesse le sourire aux lèvres. Le tout est baigné dans une poésie rieuse et chatoyante. Les anecdotes* se succèdent aux descriptions très colorées et il faut dire ce qui est : on passe un bon moment de lecture. Il s'agit du premier roman et sans doute le plus méconnu de PhilippeClaudel.

    * Le fossoyeur croise par hasard le narrateur qui se promène dans le cimetière : " quand je vous ai vu la première fois, cet hiver que je vous ai vu, je me suis dit tout de suite, 230x200x110 pour la fosse, il faut toujours compter plus large, et à vue de nez, 45x60x70 pour la taille de la caisse qu'il vous faudrait, la caisse à réduction, car vous êtes tout de même assez grand...Une vraie manie de métreur, je ne peux pas m'en empêcher, dès que je vois quelqu'un, il faut que je le réduise..."

    note : 3/5
    lecture du 29.10 au 31/10
    à venir : à voir

  • CR58 : la modification - Michel Butor

    modif.jpgÇa fait un petit moment que vous  aviez programmé la lecture de ce livre. Pour de multiples raisons dont deux principales :
    - vous aviez envie de lire un roman de ce Butor dont vous ne connaissiez que l'essai consacré à Rimbaud (improvisations sur Rimbaud) ;
    - vous aimez bien vous faire un classique de temps en temps ( ce roman fait partie des  49 romans français qu'il faut avoir lu selon la bibliothèque idéale de Bernard Pivot).

    La lecture est terminée et elle fut assez fastidieuse. Vous avez eu du mal à entrer dans l'histoire de ce type marié qui prend le train Paris-Rome pour rejoindre sa maîtresse. Tout le récit se passe dans le train. Et il ne s'y passe pas grand chose, sauf dans la tête du narrateur. Le fait que le tout soit écrit à la deuxième personne du singulier ne vous a pas dérangé, non c'est plutôt un vous-ne-savez-quoi dans le style qui vous a gêné. Vous avez eu l'impression de vous heurter à chaque phrase. Et du coup parfois vous avez eu mal au ventre, comme ça vous arrive parfois quand une lecture vous fait mal. Mais à partir de quoi, du 3/4 du roman, cela a semblé aller mieux, c'est à dire en fait à partir de la modification, c'est à dire à partir du moment où le narrateur (qui est vous) se rend compte qu'il se trompe, qu'il ne doit pas prolonger l'aventure avec Cécile, sa maîtresse. Dès ce moment, le roman prend une nouvelle dimension, plus éthérée, plus aérienne. L'auteur se détache un peu du train et des voyageurs qu'il s'obstinait à décrire (et vous ne compreniez pas bien l'intérêt) pour s'attacher à expliquer pourquoi et comment est intervenue cette modification. Mais alors il vous explique :


    Vous vous dîtes : s'il n'y avait pas eu ces gens, s'il n'y avait pas eu ces objets et ces images auxquels se sont accrochés mes pensées de telle sorte qu'une machine mentale s'est constituée, (...), s'il n'y avait pas eu cet ensemble de circonstances, cette donne du jeu, peut-être cette fissure béante en ma personne ne se serait-elle pas produite cette nuit, mes illusions auraient-elles pu tenir encore quelques temps...


    La dernière partie du roman est brillante, évanescente et met en relief l'ensemble du roman. Si bien que vous terminez cette affaire mal engagée sur une bonne impression. Mais vous dîtes que c'est bien indécent de votre part de juger de la sorte des romans qui ont fait leur preuve. Trouvez à redire à des oeuvres qui font partie du patrimoine ! alors que vous êtes incapable de pondre un note ridicule sans faire de faute de grammaire ou d'orthographe.  Vous n'êtes qu'un blogueur (pardon pour l'insulte) et demain, 29 octobre est votre fête.

    note : 3/5
    lecture du 17/10 au 28/10
    à venir : Meuse l'oubli, Philippe Claudel

  • espèces d'espaces, best-seller sur fnac.com

    espècesd'espaces.jpgDans l'espace littéraire du site fnac.com, il y a parmi les meilleures ventes une espèce de livre bizarre qui s'intitule espèces d'espaces. Le machin fut commis par Georges Péréc et n'est pas considéré en général comme un grand classique de la littérature française. Mais alors, pourquoi cette 84ème place ? Qui que quoi donc où ? Qui sommes-nous, où allons-nous ? En attendant de trouver une réponse, j'ai envie de vous donner une idée de la chose par un extrait chopé sur remue.net , un site de littérature contemporaine :


    d’un espace inutile

    J’ai plusieurs fois essayé de penser à un appartement dans lequel il y aurait une pièce inutile, absolument et délibérément inutile. Ça n’aurait pas été un débarras, ça n’aurait pas été une chambre supplémentaire, ni un couloir, ni un cagibi, ou un recoin. Ç’aurait été un espace sans fonction. Ça n’aurait servi à rien, ça n’aurait renvoyé à rien.

    Il m’a été impossible, en dépit de mes efforts, de suivre cette pensée, cette image, jusqu’au bout. Le langage lui-même, me semble-t-il, s’est avéré inapte à décrire ce rien, ce vide, comme si l’on ne pouvait parler que de ce qui est plein, utile, et fonctionnel.

    Un espace sans fonction. Non pas "sans fonction précise", mais précisément sans fonction ; non pas pluri-fonctionnel (cela, tout le monde sait le faire), mais a-fonctionnel. Ça n’aurait évidemment pas été un espace uniquement destiné à "libérer" les autres (fourre-tout, placard, penderie, rangement, etc.) mais un espace, je le répète, qui n’aurait servi à rien.

    Comment penser le rien ? Comment penser le rien sans automatiquement mettre quelque chose autour de ce rien, ce qui en fait un trou, dans lequel on va s’empresser de mettre quelque chose, une pratique, une fonction, un destin, un regard, un besoin, un manque, un surplus ?

    J’ai essayé de suivre avec docilité cette idée molle. J’ai rencontré beaucoup d’espaces inutilisés. Mais je ne voulais ni de l’inutilisable, ni de l’inutilisé, mais de l’inutile. Comment chasser la nécessité ? Je me suis imaginé que j’habitais un appartement immense, tellement immense que je ne parvenais jamais à me rappeler combien il y avait de pièces (je l’avais su, jadis, mais je l’avais oublié, et je savais que j’étais déjà trop vieux pour recommencer un dénombrement aussi compliqué) : toutes les pièces, sauf une, serviraient à quelque chose. Le tout était de trouver la dernière.

    J’ai pensé au vieux Prince Bolkonski qui, lorsque le sort de son fils l’inquiète, cherche en vain pendant toute la nuit, de chambre en chambre, un flambeau à la main, suivi de son serviteur Tikhone portant des couvertures de fourrure, le lit où il trouvera enfin le sommeil. J’ai pensé à un roman de science-fiction dans lequel la notion même d’habitat aurait disparu ; j’ai pensé à une nouvelle de Borges (L’Immortel) dans laquelle des hommes que la nécessité de vivre et de mourir n’habite plus ont construit des palais en ruine et des escaliers inutilisables ; j’ai pensé à des gravures d’Escher et à des tableaux de Magritte ; j’ai pensé à une gigantesque boîte de Skinner : une chambre entièrement tendue de noir, un unique bouton sur un des murs : en appuyant sur le bouton , on fait apparaître, pendant un bref instant, quelque chose comme une croix de Malte grise, sur fond blanc ; j’ai pensé aux grandes Pyramides et aux intérieurs d’église de Saenredam ; j’ai pensé à quelque chose de japonais ; j’ai pensé au vague souvenir que j’avais d’un texte d’Heissenbüttel dans lequel le narrateur découvre une pièce sans portes ni fenêtres ; j’ai pensé à des rêves que j’avais faits sur ce même thème, découvrant dans mon propre appartement une pièce que je ne connaissais pas.

     

  • CR57 : On n'empêche pas un petit coeur d'aimer - Claire Castillon

    On_n_empeche_pas_un_petit_coeur_d_aimer.jpgDans la boite où je bosse, j'avais un collègue avec qui je discutais beaucoup. Il était beaucoup plus jeune que moi mais on s'entendait bien. (on était d'accord sur rien et c'est pour ça qu'on s'entendait bien). Il en a eu marre de continuer à se faire exploiter alors il s'est barré. Et bien ce type, Kevin -je peux dire son prénom-, il m'avait dit un jour, pensant bien me connaître "toi, t''es tout à fait le genre de mec qui discute avec un ami invisible". Touché au vif, j'ai rigolé et lui ai dit que non. Mais en fait, c'était pas faux. Je dialogue pas mal avec une sorte d'autre-moi-même . Mais les choses sont plus complexes : dans mon système interne, j'ai créé une constitution, un gouvernement, des comités de réflexion et des commissions chargées de gérer ma vie et mon quotidien. Genre : je suis en train de dépasser mon autorisation de découvert...donc il faut réunir la commission financière...Et là, alors que le vrai Loïc bosse et rêvasse, la commission se réunit et décide pour moi. Je fais se discuter en moi-même des membres à qui j'ai donné un nom etc etc. (mais en fait c'est moi qui la prend mais je fais comme si c'était la commission).
    Véridique..et après je m'étonne qu'on dise de moi que je ne fais que rêver où d'avoir l'air absent. Mais rendez-vous compte de ce que j'ai à gérer en interne !!! Tout ça pour dire que quelque part, quand il a parlé de l'ami invisible, Kévin, pourtant si proche, était loin de s'imaginer l'ampleur du truc : j'ai des centaines d'amis invisibles avec chacun des fonctions bien précises. (putain, quelle galère !). D'ailleurs, chut, l'un deux reprend l'interview commencé précédemment :


    alors, ce recueil de nouvelles ?
    - sympa, caustique, grinçant, virevoltant, amusant. Ce sont 23 petites nouvelles indépendantes avec comme thématique des scènes de vie de couple. Le narrateur est parfois la femme et parfois l'homme. Chacune fait quelques pages mais certaines d'entre elles en disent plus longs que des pavés romanesques. Car la plume de Claire Castillon va droit au but et au fond de la pensée du narrateur. Aucun tabou, tout est dit sans retenu. Je pense que tous les couples se retrouvent dans au moins une des nouvelles.

    tu y a retrouvé le tiens ?
    - oui, sans problème.

    quelle nouvelle ?
    - je te dirai pas.

    IMGP5468.JPGautre chose à ajouter ?
    - pas sur ce recueil en particulier mais sur la forme qu'est la nouvelle oui : j'ai reçu hier par la poste une enveloppe ( de taille normale). Je l'ai ouvert et à l'intérieur il y avait un recueil de nouvelles. Je l'avais commandé quelques jours plus tôt aux éditions filaplomb mais j'étais loin de m'imaginer le livre si petit. Imagine un livre de 20 pages, d'environ dix centimètres de long sur 7 de large. Et en plus, ce n'est pas un texte qu'il y a à l'intérieur..mais deux ! Ce n'est plus de la nouvelle..c'est de la mini-nouvelle, du télégramme littéraire. A suivre donc, j'en reparlerais.

    Que vas-tu lire maintenant ?
    - Je suis justement en train de contempler ma pile à lire et j'hésite entre la modification de Michel Butor et prolongations d'Alain Fleischer. pour pouf, une vache qui pisse dans un tonneau, c'est rigolo mais ce n'est pas marrant....C'est Butor qui l'emporte !

    Le prix Nobel à Le Clézio, t'en penses quoi ?
    - C'est mérité. De lui, je n'ai lu que la quarantaine et ça m'a marqué. J'en ai pas mal d'autres dans ma bibliothèque que je ne vais pas tarder à consommer je pense. Sinon, je voulais quand même dire que je ne suis pas d'accord avec Le Clézio quand il dit qu'il faudrait supprimer la tva sur les livres. Je trouve ça stupide...Sur certains produits alimentaires de première nécessité, à la limite, pourquoi pas..mais sur des produits culturels, non, non et non ! Ce serait indécent vis à vis de ceux qui n'ont pas les moyens de s'acheter des livres et puis ce serait le début de la fin. Pourquoi pas les disques aussi..et les spectacles etc etc. La culture doit  participer à la solidarité nationale. De toute façon, c'est impossible et il n'y a pas de débat sur la question.

    Et en plus, là, tu fais de la politique.
    - En plus ! Faut pas. Excuse-moi

    pas de problème. A bientôt Loïc


    note : 3.5/5
    lecture du 15.10 au 16.10
    à venir : la modification, Michel Butor