Thomas Mann fait partie de ces auteurs dont le nom juste, par son côté ramassé et par sa tonalité germanique suffit à provoquer une forme de respect (de la même façon que Herman Hesse ou Stéphan Zweig). Je n'avais pas prévu lire ce livre et n'avais que très vaguement connaissance de son existence. Je crois d'ailleurs que mon subconscient considérait la mort à Venise plutôt comme un film (ce qu'il est d'ailleurs devenu par la suite). Et puis, ce livre est tombé d'un carton alors que j'effectuais un déménagement. Je me suis baissé, l'ai ramassé et là, pour lui c'était trop tard. Sa lecture était devenue inévitable.
J'ai beaucoup aimé ce petit livre qui s'apparente plus à une nouvelle qu'à un roman. Il s'agit de l'histoire de Gustav Aschenbach, un romancier allemand relativement âgé qui part se reposer à Venise où il tombe en admiration devant un jeune polonais de 14ans logeant dans le même hôtel que lui. Il lui trouve un physique parfait, beaucoup de grâce lui évoquant quelque dieu mythologique. A partit de là, le récit est une suite de jeux de regards et d'effleurements entre les deux êtres, entrecoupés de réflexions diverses de l'artiste sur l'art et l'amour. Pendant ce temps, la mort rôde à Venise où la rumeur court que la peste a débarqué, situation qui créé une sorte d'urgence qui oblige G.A. a plus d'empressement dans l'approche.
La force de Thomas Mann dans ce roman est d'avoir réussi à maintenir une forme de suspense psychologique alors qu'il ne se passe rien en réalité (puisqu'à aucun moment, l'artiste et le jeune polonais ne vont entrer en contact) et qu'on devine très vite qu'il se passera rien. L'écriture est fluide, voire évanescente et le récit se ponctue en beauté par un final au romantisme exacerbé.
Très beau roman, qui se lit en moins de deux heures. C'est important de le dire ça pour ceux qui veulent augmenter leur bagage culturel en peu de temps. Et j'ai choisi ce petit extrait, p90 qui retranscrit finement une situation que l'on vit tous régulièrement :
il n'est rien de plus singulier, de plus embarrassant que la situation réciproque de personnes qui se connaissent seulement de vue, qui, à toute heure du jour se rencontrent, s'observent, et qui sont contraintes néanmoins par l'empire des usages ou leur propre humeur à affecter l'indifférence et à se croiser comme des étrangers, sans un salut, sans un mot. Entre elles règnent une inquiétude et une curiosité surexcitées, un état hystérique provenant de ce que leur besoin de se connaître et d'entrer en communication reste inassouvi, étouffé par un obstacle contre nature, et aussi, et surtout, une sorte de respect interrogateur. Car l'homme aime et respecte son semblable tant qu'il n'est pas en état de le juger, et le désir est le résultat d'une connaissance imparfaite.
le désir est le résultat d'une connaissance imparfaite.
lecture du 25.12 au 26.12.08
note : 4/5