Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

chanson française

  • A présent (Vincent Delerm, la chanson, pas l'album)

    Nous sommes Marcia Baila
    Les cracheurs de feu de l'enfance
    Le trajet qui n'en finit pas
    Et la banquette arrière immense
    Nous sommes riverside park
    Les pelouses dans les centres-villes
    Les beaux jours qui débarquent
    Nous sommes les amours imbéciles

    Nous sommes le soleil blanc
    Juste en sortant du cimetière
    Le boulevard après l'enterrement
    Les visages pales dans la lumière
    Nous sommes la fin d'été
    La chaleur les soirs de retour
    Les appartements retrouvés
    La vie qui continue sous cour

    Nous sommes les yeux, les larmes
    En retrouvant 30 ans après
    Sur notre enfant les mêmes alarmes
    Pour les choses qui nous alarmaient.

    Nous sommes la vie ce soir
    Nous sommes la vie à cet instant
    Et je te suis sur le trottoir
    Et je te regarde à présent, à présent
    A présent
    A présent
     
    J'écoute beaucoup plus le dernier album de Julien Doré qui frôle la perfection, parce qu'il m'intrigue, qu'il cache bien des mystères et qu'en plus les mélodies sont bien enlevées et les arrangements parfaits mais il ne faut pas être exclusif. Et j'écoute aussi (entre autres) beaucoup le dernier opus de Vincent Delerm. Mais je ne l'écoute pas dans la même optique. Il y a une grosse différence entre une chanson de Doré et une chanson de Delerm. Doré exalte la beauté, la nature, la féminité, il y a un côté glamour mais un glamour qui frôle l'hermétisme. Le fait d'avoir fait jouer Pamela Anderson dans son clip "le lac" est purement anecdotique et la raison n'est pas celle que l'on pense. Le chanteur s'est expliqué là-dessus (et ce serait bien qu'il nous explique aussi ce qu'il veut nous dire dans certaines de ses chansons...). 
    Lorsque j'écoute Delerm, je ne cherche pas la même chose que lorsque j'écoute Doré. Delerm est un chanteur générationnel, il s'adresse aux quadragénaires, il nous parle des années 80, il nous dit la difficulté de vivre en couple, il évoque nos failles, nos fardeaux mais paradoxalement, dans ce flot de sombre nostalgie, il distille avec intelligence un positivisme et nous invite à vivre pleinement le présent. C'est le titre de l'album ! Et il se trouve que ces petites touches positives sont si fortes qu'on oublie les chansons plus tristes. Moi, après avoir écouté cet album, je me sens mieux. Et cette chanson en particulier. A présent. Tous les gens nés dans les années 70 se retrouvent un peu dans ce titre (Le trajet qui n'en finit pas et la banquette arrière immense....à qui ça ne parle pas ?). Je me revois dans la R6 orange ou la BX  quand on partait chez des amis de nos parents qui habitaient très loin et qu'on n'avait pas envie parce qu'on savait qu'on allait s'emmerder. Je me rappelle aussi d’enterrements divers, la procession jusqu'au cimetière et oui, les visages étaient pales dans la lumière. Etc etc.

    Vincent Delerm était en cours d'écriture quand il a appris l'attentat du Bataclan, le Bataclan qui est devenu un peu son antre, et l'album suinte de cette déchirure et plutôt que de l'évoquer platement, le chanteur a préféré prendre le contre-pied et nous inviter à vivre le présent intensément. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Alors, ce soir, 11 décembre 2016, nous sommes la vie en cet instant et il faut se dire que c'est une chance d'être entouré des gens qu'on aime. C'est l'hiver, les volets sont fermés, le sapin de noël est allumé. Mais...
     
    Nous sommes les yeux, les larmes
    En retrouvant 30 ans après
    Sur notre enfant les mêmes alarmes
    Pour les choses qui nous alarmaient.
     
    Mes filles ont grandi, elles ont chacune leur personnalité, leur caractère et je crois que cette jolie strophe s'adresse surtout aux parents qui ont des enfants plus jeunes car je ne vois dans la vie de mes filles que la joie de vivre, de l'insouciance et j'ai du mal à discerner ce qui peut les alarmer et qui m'alarmait aussi. Peut-être parce qu'un garçon et une fille ne s'alarment pas pour les mêmes choses. Je devine quand même les premières amours imbéciles et tout ce qui se passe dans leurs petites têtes de jeunes adolescentes.
    Par ailleurs, la mélodie de à présent est en phase avec le propos, c'est une mélodie gaie qu'agrémentent  des chœurs féminins (un classique chez Delerm)
    Alors, c'est entendu ?  Malgré tous nos problèmes, tous les drames, toutes nos tracasseries, aimons-nous vivant...ah non, zut, je me trompe de chanson -), mais n'empêche qu'il n'avait pas tort. Je ne sais pas ce que François Valéry disait dans la chanson mais tout était dans le titre, un titre très fort. Et finalement, c'est le message que Vincent Delerm veut faire passer aussi : 
     
    Nous sommes la vie ce soir
    Nous sommes la vie à cet instant
    Et je te suis sur le trottoir
    Et je te regarde à présent, à présent
    A présent
    A présent
     
    Loïc LT

  • tentative d'explication d'un texte : de mes sombres archives (Julien Doré)

    Le titre de mes sombres archives clôt l'album & de Julien Doré de la même manière que Corbeau blanc clôturait Love. Les deux titres sont de la même veine, deux textes très forts, torturés, faussement pessimistes et puis surtout, ce sont des morceaux qui sont écrits dans l'optique de terminer un concert et je mets ma main à couper que de mes sombres archives sera le dernier titre joué par Julien lors de sa prochaine tournée. En plus de textes un peu glauques, ils ont comme points communs d'être très forts musicalement avec une montée en puissance enivrante, comme si Julien voulait remercier ses musiciens. "Lâchez-vous les gars, moi, j'ai fait mon boulot".  

    Mais moi, lorsque j'ai pris connaissance de l'album, j'ai tout de suite été saisi par ce titre...de mes sombres archives. Sans même écouter le morceau, l'expression m'a littéralement scotché. Peu importe de quoi il parle dans le texte. Comment personne avant 2016 n'avait pensé à aligner ces quatre mots : de mes sombres archives ? Il y a des évidences qui mettent des années à sortir de la tête des artistes ou des contribuables lambda.

    De mes sombres archives m'évoque tous les fardeaux , toutes les casseroles qu'on traîne, toutes les erreurs etc. Les sombres archives sont une métaphore de tout ce qu'on voudrait effacer de nos vies. J'aime cette métaphore. Au sens propre, ce qu'on archive, c'est ce dont on n'a plus besoin mais qu'il faut garder. Alors quand elles sont sombres, c'est encore pire, cela veut dire qu'il faut ranger tout ce qu'on voudrait effacer. On ne peut pas les jeter, on doit juste les classer. 

    Deuxième strophe : Pris dans les lignes/De mes sombres archives. Je modifie un peu. Je suis pris dans les lignes de mes sombres archives. Les erreurs de mon passé m'empêchent d'avancer car je suis obligé de suivre une même ligne commencée dès ma naissance. 

    Voici le texte de Julien Doré :

    DSC09401.JPG

    Je n'ai pas la prétention de pouvoir expliquer un texte de Julien Doré mais celui-là est quand même assez clair. Entre parenthèse, il boucle la boucle. Le titre le lac était une ode à la féminité et à la beauté de la nature mais dans le lac évoqué ici, le chanteur évoque la cruauté de l'homme, et les sombres archives dont il est question représentent les méfaits de l'homme dont les ombres du lac se souviennent. Alors, le narrateur parle au cygne et le prévient de ce dont l'homme est capable mais lui rappelle sa force, qui est celle de pouvoir voler. Dès qu'un homme te regarde, envole-toi de tes ailes lascives, de tes ailes passives....

    Le narrateur rappelle l'ambivalence de l'être humain qui se prend parfois pour un ange, parfois pour de l'acide. C'est le combat entre le bien et le mal, c'est en fait tout simplement au premier degré un poème écologique. Certains se foutent de la protection de la nature quand d'autres en font leur cheval de bataille. Mais c'est aussi un texte sur nos propres dissensions. On est tiraillé par des forces contraires et surtout on doit supporter nos sombres archives.

    Ce texte qui me laisse sans voix est en plus servi par une superbe mélodie. Je ne vous parle même pas du morceau précédent (Caresse), j'en aurais pour la nuit. 

    Loïc LT

    De mes sombres archives. 


  • tentative d'explication : danser sur la table - Vincent Delerm

    Toi, tu disil me manque, tant de choses je n'sais pas, toutes les choses qui me manquent”.

     

    Toujours je reste là, effacé, incapable de parler fort comme ça, de danser sur la table

     

    Toi, depuis le départ, tu as raté cent fois, un amour, une histoire

    Un geste maladroit, un garçon inflammable

    Et une autre que toi a dansé sur la table

     

    Toi, tu dis ‘je préfère les étés sous les toits, La plage, le rayon vert’.

    Je fais ça juste là, pour retirer le sable. 

    Ne me demandez pas de danser sur les tables. 

     

    Toi, tu disil me manque tant de choses tu sais toi, 

    Toutes ces choses qu'il me manque, 

    Et ma vie passera, et ma vie incroyable

    Et je vivrai comme ça sans danser sur la table”. 

     

    . en italique : la femme parle

    . en caractère gras : le type parle

    Ce qui me perturbe dans cette chanson triste comme un dimanche soir pluvieux, c’est de savoir qui s’exprime à tel moment et surtout qui ne veut pas danser sur la table. Spontanément, je vois un couple avec un homme effacé, qui n’aime pas trop faire la fête, qui préfère les étés sous les toits, la plage, le rayon vert (?) et une femme plus délurée, qui s’ennuie dans le couple et à qui il manque un homme exubérant capable de danser sur la table, n’importe quand ou en fin de soirée. La femme s’ennuie à tel point que son mari finit par admettre que depuis le départ de leur relation, elle a raté cent fois un amour...une histoire, un homme inflammable et du coup c’est une autre qu’elle qui a dansé sur la table (donc, l’idée c’est que c’est la femme qui veut danser sur la table ? ) et donc le type qui dit qu'elle a raté tout ça accepte d'être trompé ?

    Donc, je vois ça comme ça mais le texte prête à confusion. De toute façon, l’histoire de ‘danser sur la table’ est une métaphore de ce grain de folie qui manque dans la vie de ce couple. 

    Le texte est très court, mon commentaire aussi. Il est très court et plus simple qu’il en a l’air..il faut juste bien placer la ponctuation parce qu’il n’est pas évident au départ que ce soit le mec qui dit ‘je préfère les étés sur les toits….’ On le devine juste par rapport à ce qu’on a lu avant. C'est le problème avec Vincent Delerm, c'est qu'il écrit comme il parle. 

    Dans la dernière strophe, la femme se fait fataliste, elle ne semble pas vouloir changer de vie ‘et je vivrai comme ça sans danser sur la table’. Et quand elle dit ‘ma vie incroyable’, c’est évidemment de l’ironie, sa vie de merde en fait.

    Vous pouvez retrouver ce titre sur Deezer ou autrement, en vidéo dans la note d'avant. 

    Bon, j'y vais, on va souper. Je vais m'installer à table et faire mon ronchon. Les paysans ne parlent pas à table !

    Loïc LT, psychanalyse de bazar.

     

  • nouvel album - Vincent Delerm répond présent.

    album "à présent". Vincent Delerm. octobre 2016

     

    chanson française,musique,variété française,vincent delermJ’allais intituler cette note en attendant Doré mais je me suis ravisé, ça aurait rabaissé Vincent Delerm. Bien sûr qu’on attend avec impatience la livraison finale du nouvel album de Doré (mais je pense que les quatre titres qu’il a déjà sortis sont les meilleurs) mais le nouvel opus de Vincent Delerm ne mérite pas cette soumission.

    Je n’ai lu aucun papier concernant à présent (genre dans Télérama, Libé ou la Gazette du Centre Morbihan) par peur d’être influencé. J’ai juste lu un gros titre je ne sais plus où sur l’air du temps que Vincent Delerm semble avoir capté et je suis obligé de reprendre cette expression tant elle colle bien à cet album aussi prévisible venant de Delerm que déroutant.

    Prévisible parce que ce chanteur  a, depuis le virage des piqûres d’araignée,  trouvé un filon et creusé un sillon qui peut toucher certains et laisser d’autres de marbre. Je fais partie des premiers. Grand fan du cinéaste Claude Sautet, je ne peux m’empêcher de retrouver dans les chansons de Delerm une façon de raconter son époque avec une sensibilité à fleur de peau qu’on retrouve chez le réalisateur. Et comme on gagne en sagesse avec l’âge (sauf moi), et que Delerm touche d’abord le public de sa génération, chaque nouvel album semble plus abouti et surtout parle encore plus au public en question, c’est à dire aujourd’hui aux jeunes quadras (dont je suis encore -).

    Déroutant, parce que pour enrober ses textes (qui ne sont pas travaillés façon Doré, Delerm préfèrant le style “parlé’, procédé qui peut donner du fil à retordre parfois, je sais de quoi je parle), il s’est entouré d’un orchestre symphonique où se succèdent cordes et cuivres et autres instruments. On notera également que le piano est mis en avant à tel point qu’on en perçoit toute la mécanique.

    Venons-en aux chansons. L’album compte 11 titres dont l’un un été, situé au milieu de l’album est une délicieuse symphonie comme pour reposer l’auditeur et le faire réfléchir sur ce qu’il a déjà écouté et le préparer à la suite.

    L’album parle d’amour, du couple (plus que jamais enclin à la monotonie lorsqu’on dépasse 40 ans - voir titre danser sur la table sur lequel je reviendrai-), du charme féminin (je ne veux pas mourir ce soir en écho à l'actualité), du bonheur présent (à présent), de la promesse de l’avenir (la vie devant soi), la nostalgie de l’enfance (le garçon, magnifique autobiographie)...

    Vincent Delerm maîtrise parfaitement l’art de la variété française et comme il sait que sa voix est un peu plaintive, des chœurs féminins l’accompagnent pour équilibrer le tout afin de donner sur le fond comme sur la forme à cet album une note plus optimiste qu’il n’y paraît.

    Cet album me touche profondément parce qu’il montre que l’homme même filant vers le quart de siècle est plein de failles, de doutes, empreint de nostalgie (et empreint d'emprunts), autant de raisons pour lesquelles il faut profiter du présent...

     

    Nous sommes les yeux, les larmes, en retrouvant trente ans après sur notre enfant les mêmes alarmes pour les choses qui nous alarmaient. Nous sommes la vie ce soir, nous sommes la vie à cet instant et je te suis sur le trottoir et je te regarde à présent...à présent. (titre à présent)

     

    Ma préférée est danser sur la table mais j’y reviendrai ; elle vaut une note à elle toute seule, voire une thèse. 

    Loïc LT 


  • Le Loir et Cher (Michel Delpech)...au pied de la lettre

    Ma famille habite dans le Loir et Cher,
    Ces gens-là ne font pas de manières.
    Ils passent tout l'automne à creuser des sillons,
    A retourner des hectares de terre.
    Je n'ai jamais eu grand chose à leur dire
    Mais je les aime depuis toujours.
    De temps en temps, je vais les voir.
    Je passe le dimanche dans l'Loir et Cher.

    Bon, qu'ils ne fassent pas de manières est une chose mais qu'ils passent tout l'automne à labourer est étonnant. L'automne est plutôt la période des récoltes. C'est vrai qu'on laboure aussi et pour peu que ce soient des céréaliers, c'est vrai que ça peut mettre du temps. Mais je ne sais pas pourquoi, je  les sens plus éleveurs que céréaliers. 

    Ils me disent, ils me disent :
    "Tu vis sans jamais voir un cheval, un hibou."
    Ils me disent :
    "Tu viens plus, même pour pécher un poisson.
    Tu ne penses plus à nous.
    On dirait que ça te gêne de marcher dans la boue,
    On dirait que ça te gêne de dîner avec nous.
    On dirait que ça te gêne de marcher dans la boue,
    On dirait que ça te gêne de dîner avec nous."

    Là, je n'ai pas grand chose à dire mais ils disent qu'il ne pensent plus à eux alors que dans le premier couplet, il affirme aller les voir de temps en temps. Tout dépend de ce qu'on entend par 'de temps en temps'. Bon autrement, même quand on va dans une ferme, il est tout à fait possible d'éviter d'avoir à marcher dans la boue, à moins de le vouloir, qu'il pleuve ou qu'on veuille s'amuser. 

    Chaque fois que je m'arrête dans le Loir et Cher,
    Ils ne m'laissent plus partir de chez eux.
    Je leur dis qu'il faut que je rentre sur Paris,
    Que je ne fais pas toujours ce que j'veux
    Et qu'il faut encore que je trouve un poste d'essence,
    Que j'n'ai pas le temps de finir ma bière
    Et que je reviendrai un de ces dimanches
    Passer la nuit dans le Loir et Cher.

    Le mec vient juste pour un dimanche et il est pressé. En plus, alors qu'il est du coin, il ne sait pas où se trouve le poste d'essence le plus proche. Par ailleurs, il n'a pas le temps de finir sa bière. Comment peut-on être pressé au point de ne pas avoir le temps de finir une bière ? Une bière, ça se finit en quelques secondes et perso, je n'ai jamais vu quelqu'un partir de chez moi ou sortir d'un bar sans finir sa bière parce qu'il est trop pressé. On lui demande pas de finir une barrique de cidre. Et en général, quand on prend la route, on ne prend pas une bière avant de partir. On prend un café au pire.  Il affirme ensuite qu'il reviendra un de ces dimanches, ce qui démontre qu'il vient régulièrement et donc qu'ils pensent à eux contrairement à ce que dit le refrain. Et oh surprise, on apprend qu'en plus, il dort chez eux, ce qui sous-entend qu'il arrive le samedi soir, ce qui signifie qu'il dîne avec eux le soir, qu'il dort sur place et qu'ensuite il passe le dimanche avec eux. C'est pas mal quand même. Je trouve que sa famille est dure avec lui. Surtout qu'on ne sait pas si c'est de la famille proche ou pas. Ça ne doit pas être ses parents puisqu'il dit qu'il n'a jamais eu grand chose à leur dire or on parle à ses parents. Ça peut être son frère et sa belle-sœur. 

    Mais on ne le saura jamais. Michel Delpech est parti avec son secret et a laissé une bière à moitié vide parce qu'il fallait qu'il trouve une station essence. 

    Loïc LT

  • Cap Farvel - Dominique A (tentative d'explication)

    Je crois que j’associerai longtemps ce printemps 2015 au nouvel album de Dominique A. Quand l’album est sorti, j’ai mis quelques jours avant de le découvrir et puis après, il a ‘tourné en boucle’, si je puis me permettre cette expression désuète lorsqu'on n'écoute plus la musique que sur des formats numériques. Donc, j’ai écouté et réécouté, voyagé, voyagé (car Eleor est comme un carnet de voyages)….le matin au petit dej, ma fille encore à table chantonnait avec moi et puis ma femme l’a aimé très vite aussi...et il y a eu le concert à Rennes, un moment magique, un concert qui débute par le titre Cap Farvel, le plus beau de l’album, mélodieux, sombre, énigmatique. Dominique A stipule souvent dans les médias qu’il ne sait plus après coup ce qu’il a voulu dire dans telle ou telle chanson. Cap Farvel a-t-elle un sens ? Il m’a fallu combien d’écoutes pour découvrir que les amants l’un à l’autre collés se suicident ? ...alors que c’est clair comme l’eau de la baie déserte cernée par les falaises. Le Cap Farvel se situe au sud du Groenland et fait partie de la commune de Nanotarlik, qui est également le titre d’une chanson de Dominique A sur un précédent album.  Il y a des rappels comme ça chez ce chanteur, il essaie de donner un cohérence à son oeuvre et en même temps chaque titre pris indépendamment est une énigme. Cap Farvel en est une belle. Je vais tenter brièvement de la résoudre aidé de mon cerveau cartésien, baigné dans mon quotidien linéaire.

    Je voulais avant tout faire part de ma surprise, voire même d’un certain agacement quant à ce mélange des temps au début de la chanson. Ont-il vu seulement que la brume s’était levée/Alors qu’ils allaient tout deux l’un à l’autre collés...sonne mieux quand même que ce que Dominique A a écrit ? Non, il a fallu que l’auteur nous perturbe au démarrage. On passera là-dessus. Ce dérapage grammatical (assumé sans doute) est largement compensé par l’orchestration avec au départ la grosse caisse seule et puis la guitare qui se glisse subrepticement...ensuite, ce sont guitare, basse, cordes et un rythme binaire bien calé. Un bijou de pop.

    Revenons au sens. Deux amants vont le long des falaises, ils pensent que la fin du monde est arrivée car il n’ont pas vu que la brume s’est levée, ils n’ont pas vu les lumières au loin, que la Terre ne s’est pas arrêtée, non, ils ont rêvé et ils sont restés enfoncés dans leur rêve apocalyptique, ils sont restés cramponnés à ce rêve alors l’un à l’autre accrochés et d’un même rocher, un jour ils ont plongé. Par contre, je ne comprends pas pourquoi l’histoire a usé le soleil...leur histoire à eux qui a brisé tout espoir de vie ?

     

    Loïc LT, recenseur de cabines qui tente de comprendre des textes bizarres.

     

    Ont-ils vu seulement

    Que la brume se lève

    Alors qu'ils vont tous deux

    L'un à l'autre collés

    L'un à l'autre accrochés

    Comme on s'accroche aux rêves

    Dont on sait en dormant qu'il va nous échapper

     

    La longe baie déserte

    Cernée par les falaises

    S'offre à eux quelques points lumineux, isolés

    Briller dans le lointain

    Ils vont se diriger

    Les amants cramponnés aux choses qui se taisent

    Aux choses qui ne disent rien le long du Cap Farvel

    Qui ne murmurent pas que les temps ont changé

    Ni les lumières au loin

    Ni la brume levée

    Ne diront que l'histoire a usé le soleil

    Ont-ils vu seulement que la brume se lève

    Ont-ils vu que la terre ne s'est pas arrêtée

    L'un à l'autre accrochés

     

    Enfoncés dans le rêve

    Ou d'un même rocher

    Un jour ils ont plongé

     

    Et si jamais Neptune, Eole ou bien Gaïa

    Viennent à glisser deux mots

    De ce qui s'est perdu

    L'un à l'autre collés

    Ils n'écouteront pas

    Cramponnés pour toujours

    Aux choses qui sont tues

    Aux choses qui ne disent rien le long du Cap Farvel

    Qui ne murmurent pas que les temps ont changé

    Ni les lumières au loin

    Ni la brume levée

    Ne diront que l'histoire a usé le soleil

    Ont-ils vu seulement que la brume se lève

    Ont-ils vu que la terre ne s'est pas arrêtée

    L'un à l'autre accrochés

    Enfoncés dans le rêve

    Ou d'un même rocher 

    Un jour ils ont plongé

     

  • avec un brin de nostalgie

    81yhDoHHj+L._SX425_.jpgLes derniers albums d'Aznavour m'avait déçu, je pensais qu'il avait définitivement perdu l'inspiration, ce qui est normal quand on a écrit des centaines de chansons, qu'on perd des forces, qu'on perd sa voix, l'ouïe. la vieillesse quoi...Mais il ne faut pas enterrer les poètes trop vite. A 91 ans, Charles sort un nouvel album intitulé encores (j'aime beaucoup ce s accolé à cet adverbe invariable comme pour dire qu'il y'a eu tant d'encore...) et cet album commence par un titre qui s'intitule avec un brin de nostalgie, un texte émouvant écrit par un vieil homme qui fait le point sur sa vie. La dernière strophe est déchirante de lucidité...

    Et ce que j'aime chez Aznavour, c'est quand il chante dans un souffle comme le succès hier encore...On devine en écoutant ce brin de nostalgie qu'il l'a écrit d'un trait de plume, sans préméditation, au bout de la nuit ou au petit matin sur une page blanche sur laquelle la veille il ne parvint pas à placer un mot. Par ailleurs, la mélodie est très belle. C'est le type de chanson qu'on voudrait tous écrire quand l'essentiel de la vie est dernière nous. Je ne vais pas casser l'ambiance en disant que c'est la chanson idéale à passer au crématorium mais bon, je ne vois pas ce qu'un homme peut dire de plus que ce que Charles dit dans cette chanson (si ce ne sont les quelques vieilleries qu'on peut aisément adapter). 

    Et puis, j'ai appris un mot : le pickup en question n'est pas le véhicule que l'on sait, c'est un appareil pour écouter de la musique. A toi, Charles !

     

    Avec un brin de nostalgie

    Je nourris mon ancien pickup

    De vinyles que j'avais acquis

    Dans mes folles années Be Bop

    Je me verse un fond de whisky

    Et laisse courir mes pensées

    Embuées de mélancolie

    Pour voyager dans mon passé

     

    Passé jalonné d'interdits

    D'amour secrètes et d'amour fou

    Qui viennent perturber mes nuits

    De solitude mais surtout

    Joue sur mes remords mes regrets

    Tandis que mon écran s'emplit

    D'images animées désormais

    Avec un brin de nostalgie

     

    Avec un brin de nostalgie

    Ma mémoire me joue des tours

    Était-ce Lorraine ou Sophie

    Qui m'a laissé tomber un jour ?

    J'avais quoi 16 ans et demi

    Jouant crânement les tombeurs

    Et je me retrouvais groggy

    Avec des larmes plein le cœur

     

    Mais à cet âge, on oublie

    On vit de rêves et d'illusions

    Les filles vont et se marient

    Quand draguent encore les garçons

    J'ai connu bien d'autres échecs

    Qui pourtant ne m'ont rien appris

    Depuis je fume et je bois sec

    Avec un brin de nostalgie

     

    Avec un brin de nostalgie

    De dispute en séparation

    Seul sans amour et peu d'amis

    Dans mon champs de désolations

    Je passe mes jours et mes nuits

    A ruminer mes déceptions

    Le cœur à tout jamais meurtri

    Sans état d’âme et sans passion

     

    Avec un brin de nostalgie

    Sur les ruines de ces amours

    Que j'ai gâchées que j'ai détruit

    Mon mal de vivre est sans secours

    Mes espoirs sont à l'agonie

    Mes années restent sans retour

    Je n'attends plus rien de la vie

    Et vis ma vie au jour le jour

    Le cœur brûlé de mes amours

     

    Et de nostalgie

     

  • radiocassette : Eléor - Dominique A

    dominiqueaeleor.jpg

    Coup de coeur pour :

    - Central Otago

    - Cap Farvel

    - au revoir mon amour

    et quasiment toutes les autres...

     

    J'aurai sans doute envie d'éplucher Central Otago en détail sur ce blog. Cette chanson m'intrigue au plus haut point, encore que pas surprenante venant de ce chanteur à l'univers si particulier. 

     

    dominique a,chanson française,variété française

    Dans un tout autre registre paroissial, le festival dans lequel j'ai le plus traîner mes guêtres annonce sa programmation mercredi. 

    dominique a,chanson française,variété française

     

     

  • On attendra l'hiver (Julien Doré) - tentative d'explication

     

    DSC01176.JPG

    la main à plume vaut la main à charrue. 

    Il faut s'y atteler...aussi modestes soient les moyens...car aussi loin que je suis allé dans la fonction recherche de ce moteur qui gouverne le monde, je n'ai trouvé personne qui ait cherché à trouver une explication à ce texte énigmatique. Tout au plus, quelques journalistes évoquent-ils une chanson mélancolique, qui parle d'une rupture, d'une plaie qui ne se referme pas. C'est un peu léger. Personne ne veut mettre la main à la pâte.  Pourtant, je connais plein de gens qui sauraient l'expliquer mais qui ne le font pas parce que sans doute le sens du texte leur semble évident ou parce que  la chanson les indiffère..ou pour quoi encore... parce qu'ils sont contents d'avoir trouvé la clé et qu'ils ne veulent pas la donner. 

    Je me disais que s'il y a un soir où la révélation peut arriver, c'est peut-être ce soir. Parce que j'écoute cette chanson dix fois par jour depuis des mois et parce qu'en ce moment même, un ami erre seul dans sa maison et il ne dormira pas cette nuit  parce que l'amour de sa vie vient de le larguer emportant ses enfants et vingt ans de vie commune. Il y a encore quelques jours, nous étions tous réunis, lui, sa femme, leurs enfants, nous  et en fin de soirée après avoir vidé quelques chasse-spleen, on a parlé de César et Rosalie, film qu'il met comme moi sur un piédestal...discussion prémonitoire peut-être. Je l'ai appelé ce midi et il était inconsolable. J'ai eu des mots malheureux peut-être sur la fin en lui disant qu'avec le temps, il arriverait à tourner la page et rencontrer quelqu'un d'autre...mais je crois, je suis sûr même que c'est le genre de propos qui énervent les gens qui sont en plein dans un drame. Donc, je pense beaucoup à lui, pour qui la rupture n'est pas une énigme littéraire mais une douleur présente et douloureuse. 

    Concernant cet hiver qu'on va attendre pour se dire qu'on se manque, mon soucis congénital est que j'ai un esprit trop cartésien et que j'ai du mal à comprendre les sous-entendus, le sens figuré, à deviner les métaphores. Or la poésie de Julien Doré n'est qu’ellipses et suggestions. C'est Mallarmé ressuscité (faut-il être très fatigué pour comparer un vainqueur de nouvelle star au maître de la poésie symboliste). 

    Mais ne cherchons pas d'excuses. Voici un texte qui s'intitule on attendra l'hiver (servi par ailleurs sur un plateau par une mélodie superbe avec des arrangements venus de Dézinio ou de Mané-Trévédec) et dont l'auteur est un être humain qui parle la même langue que moi et qui n'a pas fait plus d'études que moi...mais qu'est-ce que l'école vient faire là-dedans. Lui  est artiste, moi pas, point barre...mais il se trouve que l'artiste a jugé que cette chanson était susceptible de faire partie d'un album destiné au grand public et donc susceptible d''être comprise par ce dernier. 

    Mais ne cherchons pas d'excuses donc. Ce texte est simple comme le théorème de Herbrand-Ribet. Son amour l'a quitté pour une fille. Prisca m'a suggéré cette idée mais je l'avais préalablement sérieusement envisagée. Si c'est bien de cela qu'il s'agit, une partie du texte prend du sens..pas tout..presque rien en fait. 

    On s'en fout de la longe, il a trouvé ça dans un dictionnaire de rimes mais avec allongent, il pouvait trouver mieux. En tout cas, celles qui s'allongent sont deux femmes dont celle dont il pleure le départ. Elles veulent ronger la corde qui les lie encore à ce pot-de-colle d'hétéro. Ensuite, malgré la douleur, ses doigts résistent encore, il peut donc encore écrire..en s'aidant d'un bon Bordeaux (moi j'aurais pris un Madiran). Il est tard, il écrit vite et il porte le pull navy marine de son ex. Seule une lesbienne porte ce genre de pull pour homme. C'est peut-être n'importe quoi ce que j'écris mais il est tard et j'écris vite et je n'ai à portée de lèvres, qu'un café tassimo. Nous ne sommes pas à armes égales. Cherbourg et Séville nous ressemblent renforcent l'idée que le défunt couple n'avait rien à faire ensemble...et si sa langue à elle est celle de l'homosexualité (raison pour laquelle elle laisse tomber le Chanel, parfum trop conventionnel) , il y trouvait lui, quelques réponses... Mais en été, tout est superficiel et bestial, la vérité, celle d'un amour suprasexuel reviendra en hiver, saison du confort pour Rimbaud...mais des retrouvailles pour Julien. Alors il demande à son amour retrouvé de lui pardonner d'enterrer les pensées des blondes qu'elle a caressées sur le sable des baies (juste de passage espère-t-il).

    Après, il est possible que je me vautre totalement. Mais comme on dit dans ces cas-là, chacun peut se faire sa propre lecture. Voyelles de Rimbaud en a subi des kilomètres. Et chacun avait raison. Ma sœur m'avait raconté qu'un pilier de comptoir qu'elle connaissait comptait parmi ses maximes  : la vérité de chacun mérite le respect de soi-même. Preuve qu'il n'ait point besoin de s'appeler Julien Doré pour faire dans l'hermétisme et le confus. 

    Sur ce,

    Loïc LT