Le titre de mes sombres archives clôt l'album & de Julien Doré de la même manière que Corbeau blanc clôturait Love. Les deux titres sont de la même veine, deux textes très forts, torturés, faussement pessimistes et puis surtout, ce sont des morceaux qui sont écrits dans l'optique de terminer un concert et je mets ma main à couper que de mes sombres archives sera le dernier titre joué par Julien lors de sa prochaine tournée. En plus de textes un peu glauques, ils ont comme points communs d'être très forts musicalement avec une montée en puissance enivrante, comme si Julien voulait remercier ses musiciens. "Lâchez-vous les gars, moi, j'ai fait mon boulot".
Mais moi, lorsque j'ai pris connaissance de l'album, j'ai tout de suite été saisi par ce titre...de mes sombres archives. Sans même écouter le morceau, l'expression m'a littéralement scotché. Peu importe de quoi il parle dans le texte. Comment personne avant 2016 n'avait pensé à aligner ces quatre mots : de mes sombres archives ? Il y a des évidences qui mettent des années à sortir de la tête des artistes ou des contribuables lambda.
De mes sombres archives m'évoque tous les fardeaux , toutes les casseroles qu'on traîne, toutes les erreurs etc. Les sombres archives sont une métaphore de tout ce qu'on voudrait effacer de nos vies. J'aime cette métaphore. Au sens propre, ce qu'on archive, c'est ce dont on n'a plus besoin mais qu'il faut garder. Alors quand elles sont sombres, c'est encore pire, cela veut dire qu'il faut ranger tout ce qu'on voudrait effacer. On ne peut pas les jeter, on doit juste les classer.
Deuxième strophe : Pris dans les lignes/De mes sombres archives. Je modifie un peu. Je suis pris dans les lignes de mes sombres archives. Les erreurs de mon passé m'empêchent d'avancer car je suis obligé de suivre une même ligne commencée dès ma naissance.
Voici le texte de Julien Doré :
Je n'ai pas la prétention de pouvoir expliquer un texte de Julien Doré mais celui-là est quand même assez clair. Entre parenthèse, il boucle la boucle. Le titre le lac était une ode à la féminité et à la beauté de la nature mais dans le lac évoqué ici, le chanteur évoque la cruauté de l'homme, et les sombres archives dont il est question représentent les méfaits de l'homme dont les ombres du lac se souviennent. Alors, le narrateur parle au cygne et le prévient de ce dont l'homme est capable mais lui rappelle sa force, qui est celle de pouvoir voler. Dès qu'un homme te regarde, envole-toi de tes ailes lascives, de tes ailes passives....
Le narrateur rappelle l'ambivalence de l'être humain qui se prend parfois pour un ange, parfois pour de l'acide. C'est le combat entre le bien et le mal, c'est en fait tout simplement au premier degré un poème écologique. Certains se foutent de la protection de la nature quand d'autres en font leur cheval de bataille. Mais c'est aussi un texte sur nos propres dissensions. On est tiraillé par des forces contraires et surtout on doit supporter nos sombres archives.
Ce texte qui me laisse sans voix est en plus servi par une superbe mélodie. Je ne vous parle même pas du morceau précédent (Caresse), j'en aurais pour la nuit.
Loïc LT
De mes sombres archives.
Commentaires
Merci pour cette analyse !
Après avoir découvert cette œuvre, écoutée tout d'abord bien entendu, mais très rapidement lu les paroles car comme vous le dites si bien, si rien que le titre interpelle, je n'ai pas pu en faire une deuxième sans essayer de déchiffrer ce texte.
J'adhère à votre analyse même si dans un premier temps j'avais entrevu des propos un peu plus glauques. Je m'interrogeait principalement sur la métaphore que pouvait recouvrir le cygne. Je m'étais dit que ce cygne était une représentation d'une sombre archive particulière qui pèse sur l'auteur. Et que tant que ce cygne sera dans le lac, elle laissera une empreinte dont on ne peut se défaire. S'il souhaite que le cygne quitte le lac, c'est pour se libérer de cette archive. Julien Doré aurait-il qqchose à se reprocher aux abords d'un lac...? Ou vécu un événement particulièrement marquant ?
En tout cas les lacs l'inspirent beaucoup ! :)
Bien à vous,
Nicolas
C'est vrai que je n'ai pas trop saisi le sens du cygne dans cette chanson et peut-être es-tu dans le vrai. Le cygne comme métaphore d'un souvenir plutôt désagréable qui pèse sur l'auteur. Et le cygne est faible face à l'homme en même temps qu'il est fort car il peut voler. Et c'est au bord du lac que le sort de ce souvenir, cette "sombre archive" se joue.
Perso, je reste sur le sentiment que Doré enfile les mots pour se faire plaisir, mais bon, chacun son truc. Ceci dit, à propos de cette histoire de cygne, ça me rappelle le Cygne noir de Barbara qui lui aussi, cachait un secret bien terrible. Se pourrait-il que Doré en eut quelque réminiscence en écrivant son texte ?
Peut-être aussi !
Ce texte se prête à maintes interprétations. C'est selon la sensibilité, le passé...et les archives de chacun des auditeurs.
La sombre archive, il y a aussi l'histoire de cette petit fille de ça région Savoie retrouvé morte au fond du lac et qui a fait l'objet de documentaire.. j'ai vu une photo de lui avec il me semble le meme lac et je doute qu'il ne puisse ignorer le fait .. il suffirait d'une simple conversation " ce lac la montagne c'est assez placide " "oui mais sais tu ce qu'il c'est passé ici " une partie de l'album a été composé la bas au vu des infos
Je le vois mal évoquer un fait divers...et encore moins de cette façon...symboliste, on va dire.
Mais pourquoi pas, chacun voit un cygne à sa porte -)
C'est sans conteste ; vous avez eu les mêmes sensations que moi à la première écoute, et dès le titre évoqué. Sans y voir de mon côté une quelconque défense de la nature au moins pour cette écoute, ceci dit, tout se rapporte à ce besoin d'espace et de calme et de grandeur que la nature apporte par rapport à nos petites vies et ses sombres archives. Je pense tout comme vous qu'il va nous le servir à la fin, comme il l'avait fait pour "Corbeau blanc" et je l'espère... je vais donc préparer les mouchoirs pour le premier grand concert la semaine prochaine... Cette chanson est ma préférée désormais... après avoir eu une longue hésitation avec "Sublime et Silence"... j'attends avec impatience votre tentative d' explication sur "Caresse"... bien à vous.
Emmanuelle,
Pour la portée écologique du texte, j'ai un doute...je ne faisais que des suppositions.
Je vais le voir aussi à Rennes en avril...et pour la première fois. Je suis aussi capable de pleurer sur les ombres archives de Julien. Je pense que c'est un texte très personnel. Je l'envie d'avoir cette capacité à évoquer son intimité sans rien en dire.
J'aimerais qu'il rechante "corbeau blanc"...mais il va falloir qu'il fasse des choix. Il commence à avoir un répertoire conséquent. C'est comme Daho...on aimerait qu'il chante 50 titres en 2 heures de concert mais c'est impossible.
J'aime beaucoup "Caresse" mais plus pour la musique que pour le texte auquel je n'ai guère fait attention. J'aime cette ritournelle électronique. Faut que je prête attention au texte où il ne cesse de dire je crois "pourtant tu pardonnes"....comme ne cesse de le faire ma femme -)
Un de mes collègues ayant mis de la musique en fond sonore, pour bosser, c'est agréable, voilà que j'entends un truc super bien.... "c'est quoi, lui demande-je" "Julien Doré, Mes sombres archives". Damned. Voilà que je vais me convertir à la Dorémania de l'auteur de l'Espèce de Blog ;-)
Tu m'en vois ravi !
Cette chanson est déchirante. Texte mystérieux et grave, mélodie envoûtante qui monte en puissance.
Je ne m'en lasse pas.
Je pourrais écrire des pages sur ces sombres archives...
Oui, De mes sombres est de la même veine que Corbeau blanc... A l'écoute , le coeur est soulevé.. Hypnotique et totalement addictive.
J'y vois le Bien et le Mal, la notion de verticalité entre la faiblesse des hommes au plus bas ( fond du lac) et la force du divin au plus haut ( rejoindre la cime) Certains hommes prétendent transmettre la parole divine en se faisant passer pour des anges mais la transforme en acide par leurs actes fous.
Le cygne ne symboliserait-il pas la pureté originelle essayant de défaire les liens qui l'entraînent vers le fond... J'ai eu la chance de "voir"et d'écouter cette perle sur scène à Nice il y quelques jours...Simplement dément!
Beau commentaire, Nat. Julien, puisse-t-il te lire !
C'est prétentieux mais pas totalement improbable (même si peu envisageable), je suis le seul à m'être "attaqué" à ce texte sur le net. Quand on tape "explication de mes sombres archives", on tombe ici !
Alors Julien, un petit mot ? C'est bien de faire rire sur Twitter, mais les blogs existent encore et ne sont pas limités à 140 caractères !