Toi, tu dis “il me manque, tant de choses je n'sais pas, toutes les choses qui me manquent”.
Toujours je reste là, effacé, incapable de parler fort comme ça, de danser sur la table
Toi, depuis le départ, tu as raté cent fois, un amour, une histoire
Un geste maladroit, un garçon inflammable
Et une autre que toi a dansé sur la table
Toi, tu dis ‘je préfère les étés sous les toits, La plage, le rayon vert’.
Je fais ça juste là, pour retirer le sable.
Ne me demandez pas de danser sur les tables.
Toi, tu dis “il me manque tant de choses tu sais toi,
Toutes ces choses qu'il me manque,
Et ma vie passera, et ma vie incroyable
Et je vivrai comme ça sans danser sur la table”.
. en italique : la femme parle
. en caractère gras : le type parle
Ce qui me perturbe dans cette chanson triste comme un dimanche soir pluvieux, c’est de savoir qui s’exprime à tel moment et surtout qui ne veut pas danser sur la table. Spontanément, je vois un couple avec un homme effacé, qui n’aime pas trop faire la fête, qui préfère les étés sous les toits, la plage, le rayon vert (?) et une femme plus délurée, qui s’ennuie dans le couple et à qui il manque un homme exubérant capable de danser sur la table, n’importe quand ou en fin de soirée. La femme s’ennuie à tel point que son mari finit par admettre que depuis le départ de leur relation, elle a raté cent fois un amour...une histoire, un homme inflammable et du coup c’est une autre qu’elle qui a dansé sur la table (donc, l’idée c’est que c’est la femme qui veut danser sur la table ? ) et donc le type qui dit qu'elle a raté tout ça accepte d'être trompé ?
Donc, je vois ça comme ça mais le texte prête à confusion. De toute façon, l’histoire de ‘danser sur la table’ est une métaphore de ce grain de folie qui manque dans la vie de ce couple.
Le texte est très court, mon commentaire aussi. Il est très court et plus simple qu’il en a l’air..il faut juste bien placer la ponctuation parce qu’il n’est pas évident au départ que ce soit le mec qui dit ‘je préfère les étés sur les toits….’ On le devine juste par rapport à ce qu’on a lu avant. C'est le problème avec Vincent Delerm, c'est qu'il écrit comme il parle.
Dans la dernière strophe, la femme se fait fataliste, elle ne semble pas vouloir changer de vie ‘et je vivrai comme ça sans danser sur la table’. Et quand elle dit ‘ma vie incroyable’, c’est évidemment de l’ironie, sa vie de merde en fait.
Vous pouvez retrouver ce titre sur Deezer ou autrement, en vidéo dans la note d'avant.
Bon, j'y vais, on va souper. Je vais m'installer à table et faire mon ronchon. Les paysans ne parlent pas à table !
Loïc LT, psychanalyse de bazar.
Commentaires
Salut,
Comme toi, j'ai eu du mal à savoir qui parle à quel moment. Sur le livre du disque, c'est marqué "effacée" donc à ce moment là c'est elle qui parle.
Merci de cette info capitale..qui change tout.
Je n'ai pas acheté le cd.
bizarre quand même, une fille 'incapable de parler fort'.
Bonjour Loic - J'ai acheté l'album sur ITunes dès qu’il est sorti. Je le savais parce qu’il a été bien annoncé sur Facebook. Et j’ai une interprétation très, très différente. Il s’agit d’un couple d’Introvertis qui se comprennent justement parce qu’ils sont tous les deux plutôt introvertis. Ils aiment tous les deux le film de Rohmer, Le rayon vert.
J'ai l'impression d'ailleurs que la plupart des chansons de cet album parlent d'un film. Vincent est très cinema.
Synopsis : Delphine voit son projet de vacances en Grèce s'écrouler lorsque l'amie avec qui elle devait partir se décommande. Elle va chercher en vain une alternative qui la satisfasse. Tout en rêvant au grand amour et en se plaignant de sa solitude, elle se comporte au long du film de manière à renforcer cette solitude et à s'y morfondre. Elle suit un itinéraire initiatique où chacune de ses rencontres se présente comme une épreuve à surmonter. En effet, pour la sauver de cette solitude, chacun la pousse à renoncer à ce qu'elle est, une romantique qui croit au grand amour.
Le Rayon vert commence par le dernier vers de Chanson de la plus haute tour écrit par Rimbaud en 1872: "Ah! Que le temps vienne Où les coeurs s'éprennent". Voici le poème dans son entier: Oisive jeunesse À tout asservie; Par délicatesse J'ai perdu ma vie. Ah! Que le temps vienne Où les coeurs s' éprennent. Je me suis dit: laisse, Et qu'on ne te voie: Et sans la promesse De plus hautes joies. Que rien ne t'arrête Auguste retraite. J'ai tant fait patience Qu'à jamais j'oublie; Craintes et souffrances Aux cieux sont parties. Et la soif malsaine Obscurcit mes veines. Ainsi la Prairie À l'oubli livrée, Grandie, et fleurie D'encens et d'ivraies Au bourdon farouche De cent sales mouches. Ah! Mille veuvages De la si pauvre âme Qui n'a que l' image De la Notre-Dame! Est-ce que l'on prie La Vierge Marie? Oisive jeunesse À tout asservie Par délicatesse J'ai perdu ma vie. Ah! Que le temps vienne Où les coeurs s' éprennent!
Le rayon vert est le dernier rayon qu'émet un soleil couchant. Quand on regarde le coucher du soleil sur une plage, on a beaucoup plus de chance de voir le rayon vert. Ce n'est pas une illusion d'optique. Ça peut être photographié.
Donc, pour en arriver à identifier "le rayon vert" comme un film d'Eric Rhomer (réalisateur donc je connais essentiellement les contes moraux), il fallait quand même se prendre la tête ! Mais je me permets d'émettre un doute sur ton interprétation (bien argumentée cependant). Il y a des similitudes certes mais quand même assez lointaines.
Mais merci, Véro pour ton travail d'analyse et pour la retranscription de ce poème de Rimbaud (que je connais par cœur d'ailleurs), Arthur est toujours le bienvenu ici !
Benoit, j'adore les couchers de soleil sur la mer, surtout depuis la cale de Blainville et maintenant que tu le dis, c'est vrai que vers la fin, il y a des nuances vertes., un vert presque fluo (car marqué par le reliquat du pourpre à l'horizon).
'Chez la coiffeuse, feuilleté Paris-Match, interview de Vincent Delerm : il y parle de Danser sur la table. Il dit que c'est sa chanson préférée, la plus militante. C'est une invitation à rester à sa place alors que l'air du temps veut qu'on s'impose.'
Une lectrice
Je suis allé au concert de Vincent Delerm et juste avant de jouer "Danser sur la table", un extrait sonore du film "Le rayon vert" est diffusé.
Ce qui confirme les propos de Véronique. Excuse-moi Véronique, j'avais trouvé que tu allais chercher midi à quatorze heure !
Ici http://www.baz-art.org/archives/2016/10/20/34447218.html une belle explication de l´artiste..
Je pense que dans pratiquement toute la chanson, c'est la femme qui parle, une femme qui vit dans une espèce de retenue. L'homme n'est là que pour introduire ce qu'elle dit. ("Toi, tu dis il me manque).
Je n’ai pas du tout la même compréhension. La majorité de la chanson reprend les propos et ce qui arrive à la femme avec laquelle il parle qui est introvertie (c’est elle qui aime les etes sous les toits et qui ne danse pas sur la table, laissant ça aux autres) mais elle en souffre un peu puisqu’elle a « raté cent fois une histoire ».