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littérature - Page 4

  • Ad nauseam - Tristan J.

    Ce soir,  je vous présente un texte écrit par un type que je connais un peu pour l'avoir côtoyé quelques jours dans ma vie. Tristan a dans les 20 ans, prend soin de sa personne et il est conscient de son talent. C'est quelqu'un d'ambitieux et de prétentieux mais ne prenez pas ces adjectifs pour des défauts. Il ne se donne comme limites que celles fixées par la loi (et encore) et ne se prédispose pas à prêter allégeance à l'état islamique (il lui préfère l'Etat Poétique).  A ses heures perdues, il réalise des courts métrages et pour une raison que j'ignore, il a de la considération pour moi, mon avis compte pour lui mais il me surestime. Je devrais en être fier mais en même temps, ça me met un peu la pression car je ne crois pas être à la hauteur de son talent. J'ai 43 ans et je connais mes limites, lui en a 20 et ne  connait pas encore les siennes. Nonobstant toute considération sexuelle (car nous sommes tous les deux hétéros) et toutes proportions gardées, j'ai l'impression d'être son Verlaine quand lui serait mon Rimbaud. Rimbaud regardait Verlaine avec considération alors que Verlaine jalousait le talent de Rimbaud. 

    Le problème est que j'ai du mal avec la poésie contemporaine car depuis que la poésie a rompu les amarres avec les contraintes prosodiques, elles est devenue hermétique. Pas plus tard que tout à l'heure, ma sœur qui est prof de français m'informait qu'elle allait essayer de s'attaquer à la poésie de Yves Bonnefoy (recueil : les planches courbes) comme s'il s'agissait d'un défi. Comment se fait-il que les poètes du XXe aient tous eu cette obsession de ne pas se faire comprendre (et après, on s'étonne que la foule - pourtant sentimentale- s'est éloignée de la poésie ?). S'être débarrassé des rimes et des alexandrins ne voulait pas forcément dire se débarrasser du sens. Mais je sais ce qu'on va répondre : que la poésie n'est pas là pour expliquer le monde (pour cela il suffit d'ouvrir un journal) mais pour dire l'indicible, pour suggérer, pour faire réfléchir le lecteur en lui laissant  le choix entre plusieurs interprétations possibles. Et ce dernier point est rassurant ! Je ne comprends rien à ce qu'a voulu dire l'auteur mais je m'en fous, l'essentiel est ce que ce poème signifie pour moi. 

    Ad nauseam est le poème d'un jeune homme. Il y a quelques lourdeurs mais je ne me permettrais pas de critiquer un poème en vers libres. Je sais, c'est un peu facile mais après sa lecture, je proposerai quand même ma petite lecture personnelle. 

    Ad nauseam

    Un début est toujours dur à amputer,
    Un trépas qui ne fait que passer,
    Et je demande jusqu’où ira ma nausée.

    Un pardon telle une charnière,
    Qui se plie à ne plus faire de manière,
    Je m’excuse de mes prédictions,
    Le satyre qui m’attire sans interdictions.

    Oui, je ne peux continuer,
    Elle ne cesse la paresse,
    Mon fort est ruiné
    Mes mensonges ne sont vieillesses,

    Oui je n’ai plus le goût de t’aimer,
    Je ne veux plus goûter à ce que tu m’as apporté,
    Je brouillonne et te fais bouillonner,
    Laisse-moi coudre sur tes lèvres, la haine qui va te pénétrer.

    Femme, monde, infâme et immonde,
    Je suis mon propre bourreau qui va se faire sortir de sa tombe
    Ma tête fut coupée pour mieux percevoir mon corps se faire contrôler
    Qui es-tu ? Marionnette quelques peu coquette ?
    Un pantin sur une pente indolore qu’est ce globe de plaisantin.
    Âme désuète.

    Laissez-moi être fou allié,
    Je vais au bar prendre ma tournée
    Et y retourner pour me barrer
    Y être bourré toute la journée.

    Oui tu m’obsèdes, me taquines,
    Je veux nuire à ces mesquines
    Qui prennent ma haine pour épine.
    Ta jupe est courte laisse-moi soulever ta vie
    Et te souiller avec hâte moi qui plie sous le poids de tes tromperies.

    Oui je suis missionnaire, et entre deux coups d’avant arrière, mon nom sera sanctifié.
    La fournaise démoniaque de ces mots… Je me perds… Laisse-moi sauter de ton égo
    Chute mortelle. Je m’acharne à charmer ces chairs cambrées, ravagé de désir
    Cravaché par le temps, je béni de maudire ces regards qui me rendent esclaves.

    La voix des airs sera mon désert
    La nausée sera mon parterre
    Tes appâts seront mes ulcères.

     

    Un homme a la nausée car il ne fait plus confiance en celle qu'il a profondément aimé (mais je ne comprends pas le mes mensonges ne sont vieillesses..a-t-il voulu écrire ME au lieu de NE et signifier que ses propres mensonges sont si lointains qu'il y a prescription) ? En tout cas, cette femme ( -femme monde- pour montrer l'universalité de ce drame passionnel) infâme en prend pour son grade mais elle reste désirable alors il va se venger. Il va se bourrer la gueule et revenir et afin de lui faire payer  toutes ses tromperies il va lui faire l'amour bestialement afin de rétablir son honneur d'homme (mon nom sera sanctifié).

    Les trois derniers vers, qui sont aussi les plus courts sont les plus beaux. La voix des airs sera mon désert signifie qu'il n'y aura plus de dialogue entre eux, quant à lui, malgré sa prouesse sexuelle, garde sa nausée et puis pour finir de façon bien macabre (mais imagée va sans dire), ce qu'il reste de son amour sera la douleur. Tes appâts (tes restes) seront mes ulcères (ma douleur).

    C'est un poème brutal qui dit la difficulté d'accepter la trahison.

    Loïc LT (poème de Tristan J) 

  • le bateau ivre, Arthur Rimbaud # tentative première

    J'ai un projet encore diffus dans ma tête basé sur le poème 'le bateau ivre' de Rimbaud. Il s'agirait de le réciter dans les endroits les plus insolites, qu'il y ait des gens ou pas. On pourrait presque appeler ça du Street art mais ne nous prenons pas le chou. Mais dans un premier temps, il faut le connaître par cœur, que les strophes sortent de façon mécanique sans qu'il est l'ombre d'un doute. Je n'y suis pas encore. Je récite le texte par cœur dans ma voiture, dans ma tête mais dès qu'il y a quelqu'un qui m'écoute, je bloque...mais je m'améliore. Il faut que travaille la forme et pense aux endroits. C'est un projet qui a des chances de n'intéresser personne sauf moi, et c'est bien l'essentiel ! 

    En attendant, tentative première dans mon jardin :


     

    Loïc LT

  • CR299 : Poète et paysan - Jean-Louis Fournier

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    Il s'agit d'un tout petit ouvrage d'un auteur que je ne connaissais pas, un si petit roman que je n'ai pas envie d'en faire des longueurs. Pour résumer, un jeune parisien cultivé et côtoyant les milieux artistiques tombe amoureux d'une étudiante, fille de fermier du Pas-de-Calais. Il est si amoureux qu'il accepte d'aller travailler à la ferme avec comme objectif de devenir le patron quand son beau-père prendra sa retraite. Sauf qu'on se fait une idée de la campagne et le Nooord, c'est vraiment pas beau, c'est plat, c'est gris et la vie de fermier est difficile ce qui nous donne le droit à des situations cocasses. En attendant donc, le parisien est juste ouvrier agricole et voit sa future femme que lorsqu'elle rentre de Paris le week-end. Elle retrouve son futur mari qui est devenu son fiancé mais ce n'est plus le bellâtre bien sapé et qui sentait bon qu'elle avait connu à Paris. Entre temps, elle a trouvé un autre type plus fréquentable et le pauvre fermier qui n'arrive pas à se débarrasser d'une odeur de purin même après trois douches et qui accumule les bourdes sur l'exploitation se retrouve comme un con. Alors, il décide de partir. Il trouve un métier à la télévision lilloise et du coup intéresse à nouveau son ex-fiancée.
    Une fois de plus, le nord en prend pour son grade (il n’y a pas encore longtemps avec Eddy Bellegueule) et on va finir par croire que les clichés qu’on se fait des Hauts-de-France (puisque tel est le nouveau nom de cette région) sont vrais. Mais méfiance quand même. Ce petit roman est amusant et parsemé de passages poético-écologiques :

    Il y a des coquelicots dans les champs de blé.
    Il y a des bleuets dans les champs de blé.
    C’est beau
    Mais il commence à y avoir du maïs, de plus en plus de maïs. Dans le maïs, il n’y a plus de coquelicots. De toute façon, s’il y en avait, on ne les verrait pas. C’est trop grand, le maïs. Quand il y a du maïs, on ne voit plus la campagne, on ne voit plus rien. Sauf le maïs
    Les champs de maïs me font peur. J’ai l’impression que je vais en voir sortir un Vietcong avec une mitraillette et qu’il va m’abattre sans sommation.
    En plus, il paraît que ça boit beaucoup d’eau le maïs. A cause de lui, je ne peux plus prendre de bain l’été.
    Si les paysans en cultivent, ce n’est pas par amour de la plante, c’est par amour des subventions.
    Pourquoi on ne donne pas plutôt les subventions à ceux qui n’en plantent pas ?
    Il va y avoir moins de fleurs dans les champs. Heureusement, il reste les tournesols, on les voit de loin, les grands tournesols, on pense à Van Gogh.
    Les coquelicots, on commence à les tuer avec de la chimie.
    Heureusement, il y a des coquelicots qu’on ne tuera jamais. Ceux qui poussent dans les tableaux de Monet.

    Au moins, dans le Nord, ils ont des coquelicots. Il n’y en a pas en Bretagne car la terre est trop acide (sauf que hier j'en ai vu plein dans le jardin en friche de mon père mais il y a une raison particulière...et j'ai voulu en cueillir et à chaque fois que je coupais une tige, les fleurs tombaient snif ). Et je me permets de rectifier l’auteur. Les paysans sèment du maïs avant tout pour nourrir les bêtes. Ils le faisaient avant la politique agricole commune et le feront après. 
    Et bien, dans une bibliothèque, ce serait peut-être à ranger à côté des romans de Marie-Hélène Lafon. La démarche est différente. Jean-Louis Fournier prend plus de légèreté et fait plus dans la poésie alors que MH Lafon fait de la littérature haut de gamme, avec des mots compliqués et puis des situations souvent plus dramatiques. Mais c’est très bien d’écrire sur la France “profonde” comme on dit.
    Moi aussi, et je le dis sans fausse modestie, un éditeur m’a demandé de le faire mais pour l’instant, je ne m’en sens pas capable et pourtant en lisant chaque court chapitre de ce roman, je me dis que j’aurais été capable de les écrire mais de là, à les aligner....même pour n'en faire que 150 pages (en fait, je me demande s'il faut prendre la littérature au sérieux, je me pose trop de questions). 

    lecture mai 2016, sur livre papier, 155 pages, éditions Stock parution : février 2010, note : 3/5 

    Loïc LT

  • CR298 : le dernier ami - Tahar Ben Jelloun


    539813-gb.jpgParfois je me demande à quoi sert de commenter un roman lorsque la quatrième de couverture en plus d'être évidemment parfaite d'un point de vue critique reprend exactement ce qu'on a pensé du roman. C'est le cas pour celui-ci. En fait, je ne devrais pas lire les quatrièmes de couverture. Voilà encore un défaut des livres papier (parce que celui-là je l'ai lu en vrai), c'est cette foutue quatrième de couv qui en dit trop. Parfois, on peut ne pas être d'accord, alors pas de problème mais d'autres fois non. Il ne faudrait plus que je les lise. 

    Tahar Ben Jelloun ( que je n'avais jamais lu)  raconte l'histoire au long cours d'une amitié entre deux marocains s'étant rencontrés dans un lycée français de Tanger (ville portuaire  fantasmagorique pour les uns - Modiano- par exemple, ou affairiste pour les autres - Tanger fait tout pour attirer les entreprises étrangères-). Le tout se passe aux alentours de la guerre d'Algérie. L'un s'appelle Mohamed (mais tous ses amis l'appellent Mamed au grand désespoir du père) et l'autre s'appelle Ali. Le courant passe tout de suite entre les ados qui croquent la vie à pleines dents, additionnent les conquêtes et mènent des vies très libertines. L'un est repéré comme étant communiste et arrêté, l'autre est repéré comme étant son ami est arrêté également. 15 ans de galères commencent pour les deux compères, d'abord la prison, puis le redressement dans un camp militaire. Ensuite, remis en liberté, chacun s'installe et Mamed médecin de profession part exercer en Suède avec sa femme marocaine. Ali se sent seul, les courriers échangés ne suffisent pas et puis Mamed fait part de son désir de disposer d'un pied-à-terre au Maroc et le beau-père d'Ali se fait un plaisir de lui vendre un appartement beaucoup moins cher que le prix du marché. Ali s'occupe des travaux de rénovation et puis alors, j'abrège hein, Ali reçoit une lettre de Mamed dans laquelle celui-ci lui reproche de l'avoir trahi en ayant  survendu l'appartement et surfacturé les frais de rénovation. Ali ne comprend pas d'autant que c'est totalement faux. Mamed, en fait, atteint d'un cancer du poumon en phase terminale en veut à la Terre entière et c'est son ami de trente ans (les amitiés de 30 ans, ça finit toujours mal -) qui va prendre pour tout le monde. Il invente cette histoire d'arnaque qu'Ali apprend dans une lettre posthume de Mamed. 

    Bon, j'a été clair mais c'est un simple résumé. On dit souvent d'un auteur  que son écriture est limpide et je crois que cet adjectif ne peut pas coller mieux qu'à la prose  de Ben Jelloun tant elle  s'écoule comme une rivière indolente. Grâce au procédé (un peu démodé aujourd'hui) du roman à trois voix (Ali, Mamed et Ramon, un ami commun), l'auteur parvient à nous immiscer au cœur de cette amitié forte et en même temps tourmentée. Je ne vais pas faire une fois de plus le reproche que je fais souvent à savoir que bien qu'il y a trois narrateurs, il n'y a qu'un style, celui de l'auteur. (Il semble qu'il soit complexe pour un auteur de laisser sa plume à ses personnages). Parallèlement, ce roman nous permet de comprendre un peu mieux le Maroc et sa Monarchie autoritaire où la liberté n'est qu'apparence et où les sbires du pouvoir se mêlent subrepticement à la population. Je me suis toujours demandé pourquoi le Maroc avait échappé au printemps arabe (et avec le recul, quand on voit l'état des pays qui l'ont fait, on se dit que ce n'est peut-être pas plus mal) et bien, je crois que c'est cette liberté surveillée transparente et cette tolérance vis à vis des mœurs européennes qui ont permis à la Monarchie de ne pas trembler. 

    Le dernier ami convoque beaucoup de thèmes sur l'amour, l'amitié et le temps qui passe. Ce serait une histoire presque banale si elle n'avait pas subi un traitement littéraire de grande tenue. 

    lecture mai 2016, sur livre papier, 148 pages, éditions du Seuil, parution : février 2004, note : 4/5

    Loïc LT,19:30

  • CR297 : profession du père - Sorj Chalandon

    profession du père.jpgLorsque le général de Gaulle a rendu l'Algérie aux Algériens en 1962, il ne s'est évidemment pas fait que des amis. Parmi eux, André Choulans, père du petit Emile, narrateur de ce roman déroutant qui se déroule dans une ville de province (non nommée mais il paraît qu'il s'agit de Lyon) au début des années 60.  Le père d'Émile (ancien grand sportif et tout et tout n'a pas avalé que son vieil ami De Gaulle ait signé les accords d'Evian) est membre de l'OAS (organisation secrète luttant contre l'indépendance de l'Algérie, faut-il le rappeler).  C'est un homme fou et violent, surtout envers son fils à qui il veut transmettre ses idéaux et surtout plus concrètement l'entraîner afin qu'il tue de Gaulle - rien que ça -, ce qui d'ailleurs ne semble pas déranger Emile plus que ça. N’empêche qu'Emile, plus par jeu que par couardise décide de confier la mission à un ami d'école ( Luca, un nouveau venu) un peu naïf à qui il lui fait promettre monts et merveilles s'il parvient à ses fins. Dans un premier temps, il suffit juste d'envoyer des lettres anonymes ou de taguer OAS sur les murs. Mais le père d'Emile devient encore plus fou quand il apprend que son fils s'est choisi un complice alors qu'il était hors de question que l'OAS recrute n'importe qui n'importe comment. Alors le pauvre Emile en prend encore pour son grade. 

    Finalement, le meurtre du général n'aura évidemment pas lieu, d'ailleurs, jamais Chalandon ne nous explique comment André comptait s'y prendre, quand bien même il posséde une arme. L'auteur s'attache plus aux rapports humains (mère-fils, père-fils, Emile-Luca) qu'aux détails du projet qui est un peu la farce du roman. 

    La force de cette histoire rocambolesque dans laquelle les membres de l'OAS passent plus pour des barbouzes que pour des dangereux criminels tient dans le fait que l'auteur parvient grâce à une écriture dépouillée et truffée de dialogues à nous tenir en haleine alors qu'on n'est pas dupe que la folie du père ne peut mener nulle part. Profession du père est une sorte de huis-clos avec cinq protagonistes dont Emile est l'élément central  ; Emile dont on a du mal à savoir s'il mérite du dédain ou de l'affection tant on est troublé devant son détachement face à un projet qu'on n'aurait pas idée de confier à un enfant. La mère qui n'est qu'un second rôle n'est que d'un faible soutien pour son fils et symbolise la femme des années 60 tel qu'on l'imagine aujourd'hui. Luca prend le rôle du parfait naïf au destin pathétique. 

    Les années passent, tout ce petit monde vieillit et depuis 1970 le général mange les pissenlits par la racine. En plus d'être fou, le père devient grabataire. La fin traîne un peu en longueur si bien qu'on s'attend à un rebondissement qui ne vient pas. Mais ce roman qui mêle humour, violence et tendresse, grande et petite histoire, malice des uns et naïveté des autres, folie et lucidité nous trouble et nous interroge quant à la complexité de la nature humaine. 

    Vive la République et vivent l'Algérie et la Normandie libres !

    C'est le deuxième roman de rang que je lis dans lequel un enfant est maltraité. Il ne me reste plus qu'à relire vipère au poing et j'aurai réalisé un joli triptyque et bouclé la boucle (et cela m'a donné l'idée aussi de ressortir le fouet qui peut toujours servir -).

    lecture mai 2016, sur kindle, 320 pages, éditions Grasset, parution : août 2015, note : 3.5/5

    Loïc LT

    ps : correction des fautes d'orthographe à venir.

  • CR296 : dispersez-vous, ralliez-vous ! - Philippe Djian

    Comme Patrick Modiano, Philippe Djian fait partie de ces auteuPhilippe Djianrs qui écrivent toujours le même bouquin en changeant un peu l'histoire, le nom des personnages mais en gardant le fond et la forme. Et ce n'est pas un reproche, ce sont deux auteurs que j'adore et ce n'est pas parce que j'ai apprécié un repas avec des amis que je ne veux pas revoir ces amis. 

    Donc, la dernière livraison de Djian s'intitule "dispersez-vous, ralliez-vous!", extrait d'un poème de Rimbaud que, seul petit défaut du roman, l'auteur place pompeusement tout à la fin comme cela se fait souvent quand on veut placer le titre dans un récit.

    Le narrateur est une femme et c'est peut-être la particularité de ce roman. Elle s'appelle Myriam et vit quelque part dans une ville américaine imaginaire. Elle a un frère qui s'appelle Nathan avec qui elle entretient des relations tendues. De toute façon, toute son adolescence est un immense bordel, la mère part sans crier gare, Nathan fait n'importe quoi et le père périclite. Ensuite, elle rencontre Yann, un type bien plus âgé qu'elle avec qui elle va vivre moult péripéties. Myriam est le type même des personnages de Djian. Indifférente à tout, en même temps que lucide, on pourrait la qualifier d'existentialiste des temps modernes. Elle s'entoure de gens qui bossent plus ou moins dans le show-biz et qui finissent tous par péter un câble, elle a un enfant avec Yann mais ne ressent pas d'amour maternel. Sa vie sexuelle est débridée ainsi que celle des gens qui l'entourent, la drogue est la nourriture quotidienne et l'alcool coule à flots. Tous ces gens ne foutent pas grand chose mais mènent grand train. A l'image du titre, on ne s'étonne pas des retournements de veste et des décisions prises à l'emporte-pièce. Avec Djian, tout est toujours excessif jusque la météo qui est complètement détraquée. 

    C'est toujours plaisant à lire et on devine le plaisir que prend l'auteur à inventer des histoires aussi abracadabrantesques. Et comme d'habitude, Djian ne se soucie pas trop de la forme, même s'il a son propre style qu'on reconnaîtrait les yeux fermés (ça veut rien dire mais je suis fatigué). Lire Djian, c'est s'octroyer une folle parenthèse, c'est comme regarder un dessin animé ou un film érotique avec de grands acteurs. Une fois de plus, l'auteur remplit son contrat. Et c'est tout ce qu'on lui demande. 

    lecture avril 2016, sur kindle, 208 pages, éditions Gallimard, parution en mars 2016, note : 4/5

    Loïc LT

  • - Naissance, Yann Moix, lecture en cours. extrait.

    Facebook ne doit pas tout phagocyter alors j'avais promis de mettre un extrait de naissance sur mon mur mais non, je vais le mettre ici. C'est plus personnel ici. Je m'y sens mieux.  C'est un extrait émouvant en même temps qu'hilarant. Un grand-père vient de vivre le suicide de sa fille et de son mari qui étaient endettés jusqu'aux cous et donc ils laissèrent une orpheline, Anne-Marie déjà perturbée psychologiquement, qui était passionnée de dictionnaires et qui avait toujours à portée de mains le Nouveau Larousse illustré 1939 et son grand-père dut se résoudre à la tuer. Elle n'avait pas d'avenir. 

    Mais le grand-père, malheureux et abattu s'était mis l'idée, pour rendre hommage à l'enfant et se faire pardonner par-delà les cieux, d'apprendre par cœur le Nouveau Larousse Petit Larouse Illustré 1939. Pendant des années, il mit à exécution, dans le silence et le recueillement, au milieu des sépultures et des cyprès, ce projet masochiste, encyclopédique, débile.

    Le dictionnaire devenant un territoire parallèle où il régnait autrement, mon grand-père (car oui, c'est aussi le grand-père du nourrisson Yann Moix, note de moi-même) se fabriquait des jours à thèmes, j'entends : des jours à lettres. Sa vie commença de s'écouler non plus chronologiquement mais alphabétiquement. Les mois se composaient pour lui de vingt-six jours ou plutôt de vingt-six lettres. Un jour en d (quatrième jour de son mois dictionnarial) consistait par exemple à ne voir la vie qu'en d, ainsi que Piaf la vie en rose. Il s'arrangeait avec science pour que l'angle d'existence de cette journée particulière fût entièrement gouverné par les mots débutant par cette lettre, ce qui donnait à son discours (et par conséquent à sa pensée) une forme inédite et originale. Ce jour-là, il évitait par exemple la particule affirmative oui pour lui préférer jusqu'à minuit pile son équivalent russe da. Il allait poser sur la tombe d'Anne-Marie des dahlias, des daturas et des dauphinelles. Il planta autour de la pierre un daphné. Muni d'une daille, sorte de faux à manche court, il disparaissait dare-dare en forêt regarder des daguets, alias dagards, jeunes cerfs qui portent leurs premiers bois. Évitant les dardières (pièges à chevreuil, genre de mammifère ruminant de la famille des cervidés qu'il allait chasser les jours en c à cheval), il cherchait à apercevoir des daines, femelles du daim, que les chasseurs appelaient dines, mais l'honneur était sauf puisque dine débutait tout également par la lettre du jour. Pour vos calendriers, vous avez  vos saints. Lui avait ses lettres. Il était positiviste à sa manière.

    Au déjeuner ou au dîner, il exigeait, toujours en mode d, des plats des daubes, demandant expressément à ma grand-mère d'utiliser une daubière. Une daurade faisait aussi très bien l'affaire. Au dessert, une dariole ou un dartois lui étaient généralement servis. Il concluait ses repas par quelques dattes en dégustant un daïkiri. Il jouait avant de se coucher aux dames ou aux dés. Le lendemain, à la même heure, ce serait aux échecs. Une abeille appelée simplement abeille en jour a était rebaptisée dasypode en jour d. Jour d où, pour terminer cette fastidieuse mais bien réelle liste d'exemples, il déblatérait (ou daubait, encore) sur les gens dont le patronyme commençait par cette lettre ; les Dupuis en prenaient pour leur grade ("des débiles"), de même que les Da Costa (" des demeurés"). 

    La nuit, après avoir feuilleté Daudet ou Diderot ( à moins que ce ne fût Dickens), il sortait dans un dancing ( peut-être celui de Kergrist-Moëlou, note de moi-même). Au matin, quand il revenait, il était fin prêt pour entamer une journée sous les auspices de la lettre e, une lettre qu'il aimait particulièrement parce qu'elle était riche en mots. [...] Les jours les plus délicats étaient relégués en fin de mois, comprenez : en fin de dictionnaire, w, x, y, z. Ils n'étaient guère aisés à remplir et les auteurs à  lire, Walt Whitman, Xénophon, Yeats, Zola semblaient, une fois lues les aventures de Zig et Puce, moins accommodants qu'Alphonse Allais, Barjavel, Agatha Christie ou Georges Courteline, Walt Disney, Eluard, Feydeau, Sacha Guitry, Hergé, Ionesco, Alfred Jarry, Kipling, Loic Le Tortorec et Gaston Leroux, Marivaux, Nietzsche, l'Oulipo, Pagnol, Queneau, Jules Renard, Georges Simenon et Emmanuel Signoret, Mark Twain, Honré d'Urfé et Jules Verne. Se trouve dans cette liste un intrus. Trouve-le, lectrice (les hommes ne lisent pas). (et cet intrus, ce n'est pas le fait d'avoir mis mon nom, note de moi-même).

    Naissance (page 563-564)

    On retrouve à travers cet extrait un peu burlesque le style Moix. On n'a le droit de ne pas aimer. la prose de l'auteur est foisonnante, riche de références de toutes sortes et on doit souvent se coltiner des listes sans fin. On a l'impression que Moix veut épuiser son sujet, tout dire pour ne pas qu'on lui reproche après d'avoir oublié tel auteur, telle plante ou telle guerre ou telle espèce de papillons. En ce sens, sa démarche ressemble à celle de Pérec dans la vie, mode d'emploi, un pavé aussi (mais deux fois moins épais que Naissance) que j'ai lu et qui m'avait été conseillé par une fille qui me boude parce que je ne lui ai pas dit merci comme il faut pour un truc. Je ne lui en veux pas et je suis certain qu'elle adorerait Naissance

    Loïc LT  

  • CR294 : traversée - Marie-Hélène Lafon

    traverséemars2016.jpgC'est un tout petit essai composé d'une petite dizaine de courts chapitres dans lequel l'auteure* se remémore la géographie de son enfance, une géographie qui se résume aux abords de la ferme de ses parents dans le Cantal. Il y a la rivière (la Santoire dont elle a failli choisir le nom comme nom d'auteure), les prés, les bois, les chemins de terre. Les enfants participent aux travaux de la ferme mais déjà Marie-Hélène voit poindre en elle un horizon plus lointain dont ses escapades dominicales sont les prémices. Comme toujours avec Marie-Hélène Lafon, les phrases et les mots sont soupesés et dosés méticuleusement, la place de la virgule est ici et non là. Le texte doit être l'exact reflet de la pensée. En ce sens, chez M-H Lafon, la forme compte beaucoup mais ce n'est pas au détriment du fond, contrairement à certains écrivains français qui, à force de chercher la phrase idéale ne songent même pas à savoir s'ils ont quelque chose à dire. Je me suis retrouvé dans ce texte. Et j'en connais d'autres qui n'y seront pas insensibles.

    Plutôt que continuer à disserter et faire une note plus longue que l'essai, laissons Marie-Hélène Lafon s'exprimer :

     

    Je dis on, nous, les enfants, les trois ; j'écris aussi on et nous pour les lignées paysannes qui nous ont précédées, côté père et côté mère, et continuent jusqu'à ma génération, née au début des années soixante. Quelque chose du je commence là, entre nous et on, dans ce nom, dans ce on, et à cet infime endroit du monde, dans la fente où, dès l'enfance, je sais que je ne vivrai pas comme l'ont fait ceux qui, avant moi, furent paysans pour les siècles des siècles. La géologie et la géographie des choses ne se séparent pas de leur histoire ; je sais que je partirai parce que les adultes autour de moi le disent avec des mots et des phrases qui scandent la fin d'un monde. Les filles surtout sont vouées à partir et le font par l'école, les études, le travail qui se trouve dans les villes ; je ferai comme toutes, je serai les autres ; avant ça, entre dix ans et dix huit ans, je prends la mesure, ou les mesures comme on dirait les mensurations, pied à pied pas à pas, depuis le creux de la fente jusqu'au bord du ciel, de ce monde premier que je quitterai et qui ne me quittera pas. Le corps immuable du pays s'inscrit dans ma mémoire et dans mon corps qui grandit et devient, entre dix ans et dix-huit ans ; c'est un corps à corps ; ça se fait évidemment à mon insu, ça me traverse et je ne choisis pas ; la poussée des choses est sourde et puissante, organique, elle commande et puis c'est tout. (pages 19-20) 

    lecture en une demi-heure le 16 mars 2016, sur papier, collection 'paysages écrits'**, éditions Guérin, 48 pages, parution en  2013  non noté. 

    * auteure : Féminisation de auteur (barbarisme non reconnu par l'Académie française).

    **Collection 'paysages écrits' : chaque année, la collection invite un auteur contemporain à composer un texte inédit en toute liberté en s'inspirant de ses paysages familiers qu'ils soient intimes ou géographiques. 

    Loïc LT

  • rencontre avec Marie-Hélène Lafon (Larmor-Plage)

    Marie-Hélène Lafon ne fait partie de ces écrivains connus du grand public et elle ne fait pas partie non plus des goncourisables mais la dame, originaire du Cantal a fait son trou dans la littérature française, elle a trouvé une niche comme on dit et du coup a trouvé son public comme on dit aussi. J'ai lu deux romans d'elle : l'annonce (adapté au cinéma) et Joseph. La particularité de cette auteure est de décrire la campagne profonde, en l’occurrence ici le Cantal, ce que ne font pas beaucoup les autres écrivains français. A sa façon, elle est un peu la Annie Ernaux de la ruralité, même si, elle est romancière et non biographe. 

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    Elle était invitée ce soir par la médiathèque de Larmor-Plage (ma station balnéaire préférée), chose peu courante par ici et j'ai décidé d'y aller pour l'écouter évidemment mais avec la secrète intention de discuter avec elle après. On était à peu près 90 groupies dans la salle...dont 4 hommes ! On a compté. Elle est arrivée un peu en retard, plus coquette en vrai que sur les photos et n'a pas perdu de temps. J'ai moi-même posé deux questions que je retranscris à peu près ici :

    - Vous décrivez fort bien les petites fermes du Cantal qui fonctionnent à l'ancienne mais seriez-vous capable d'écrire un roman dont l'environnement serait celui d'une grosse exploitation laitière ou céréalière et par là-même décrire le malaise agricole (1 suicide tous les 2 jours) ? Elle m'a répondu que non, qu'elle ne pouvait écrire que sur ce qu'elle connaissait mais se souvenant de ma question, elle m'a interpellé quelques minutes plus tard pour lire un extrait d'un de ses essais où elle décrit avec poésie mais avec minutie le type de tracteurs-bolides qu'utilisent les cultivateurs de la Beauce. J'ai rebondi en lui répondant que si elle était capable d'écrire ça, elle était capable de faire un grand roman sur l'agriculture moderne. Elle m'a rétorqué qu'elle s'était beaucoup documentée sur les tracteurs (avait même appelé un ami je crois) mais qu'elle se voyait mal aller en immersion dans la ferme des mille vaches.

    - Votre livre l'annonce sorti en 2009 évoque le célibat des agriculteurs et le désir du fermier de trouver une femme via les petites annonces. Avez-vous même inconsciemment, été influencée par la célèbre émission de M6 ? L'assemblée a ri et elle a répondu que c'est une question qu'on lui pose souvent et que lorsqu'elle a écrit ce roman, elle ne connaissait pas cette émission (d'ailleurs, elle ne possède pas de télé).

    - Je lui ai fait une dernière petite remarque : avez-vous conscience que derrière le ton sérieux de vos romans, vous arrivez quand même à nous faire rire et presque plus qu'un auteur dont ce serait la marque de fabrique ? Je lui ai parlé des deux oncles muets qui regardent TF1 toute la journée dans l'annonce et de Joseph, qui, bourré comme un coing,  gare sa voiture au milieu du village, s'effondre sur le volant et met sans le vouloir en route le klaxon qui réveille toute la population, jusque ce qu'on vienne le sortir de cette mauvaise posture ? Elle acquiesce. 

    Elle a lu quelques passages (dont celui du tracteur qu'il faudrait que je retrouve), a répondu à d'autres questions et puis ensuite ce fut la traditionnelle séance de dédicaces. MH Lafon est plus déjantée qu'elle en a l'air. Il n'y a qu'à voir sa signature :

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    Je n'ai malheureusement pas pu discuter avec elle, parce qu'en bonne parisienne qu'elle est devenue, elle était pressée de rentrer (alors qu'elle venait juste d'arriver) et qu'il y avait trop de monde autour d'elle. C'était quand même une soirée sympathique et instructive. Excusez la médiocrité des photos, je n'avais que mon smartphone qui prend des photos pourries. 

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    On sent que ça bouillonne dans le cerveau de Marie-Hélène Lafon et qu'il faudra compter encore plus sur elle dans l'avenir ; elle a d'ailleurs laissé sous-entendre qu'elle n'allait pas forcément continuer à écrire sur la ruralité. 

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    Médiathèque de Larmor-Plage (Morbihan) , rencontre avec Marie-Hélène Lafon, 18h30/20h00, le 08 mars 2016

    Loïc LT

  • Un coin agréable dans les environs de Moscou (1972), Lucio Fanti

    A la page 425 de son roman (Naissance qui en compte 1601), Yann Moix évoque la figure d'un peintre en ces termes : 

    Pêche miraculeuse : mon père ne collectionnait pas les femmes, comme le faisaient des milliards de mâles torturés par l'instinct, mais ferait collection d'une seule, affrontant en propriétaire la monotonie, très consciencieux dans sa possessivité, polygame d'une épouse quasiment unique ( quelques "incartades" sans conséquences ni lendemain). Il venait de faire un trou dans ma mère, y passant un fil d'acier, la sanglant à son cou : il porterait cette femme, finirait par s'ennuyer avec, la poserait comme un canapé contre une fenêtre à double vitrage dans un salon aux baies blanches. Avec elle, peut-être et sans doute, il finirait par se noyer dans une grisaille à la Lucio Fanti (Un coin agréable dans les environs de Moscou, 1972, huile sur toile) : mais elle lui appartenait comme la mort appartient à l'éternité, le bruit au silence. Il pourrait faire fusiller ses propres enfants, à condition de la garder, même folle et refluante de baves, même ruine devenue, barbouillée de ses excréments - il avait soif de durée comme, dans cette métaphore indigne de moi, le vampire a soif de sang

    Voici la toile en question : 

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    Comme je mets du temps à lire ce roman, cette note est l'occasion de distiller un morceau de la prose de Yann Moix. Âmes sensibles s'abstenir ! C'est du brut de décoffrage mais en même temps, le narrateur (Yann Moix tout bébé) nous explique la fidélité sans faille de son père envers sa mère donc on l'excuse un peu de présenter la chose de façon un peu triviale. Et puis, il y a cette toile évoquée dans le passage.  Après une demi-heure de recherche, Lucio Fanti reste un mystère: pas de page wikipedia, très peu de réponses de google. Il dispose quand même d'un site internet mais sa biographie est très courte : Lucio Fanti, né à Bologne en 1945, vit et travaille à Paris. 

    Au début, quand je suis tombé sur cette toile, je me suis dit que le peintre était un communiste mettant son talent au service du pouvoir soviétique. On y voit une famille heureuse, la belle berline est garée derrière et l'on s'amuse dans les environs de Moscou donc. Lucio Fanti met quand même en évidence des nuages gris et menaçants mais en tout cas, prise comme ça, cette toile ressemble à une commande des autorités russes ou à une réelle envie du peintre de nous décrire la façon dont il voit le quotidien de l'URSS en 1972. On a vu plein de tableaux narratifs de ce genre ventant le bonheur de vivre en URSS et en tout cas, moi, je n'en voudrais pas dans mon salon, ni pour le fond ni pour la forme. Mais en fait, les choses sont plus compliquées car en poussant les recherches, je suis tombé sur ce site où l'on peut lire :

    Lucio Fanti naît en 1945 à Bologne. Il s’installe à Paris en 1965 et débute son activité plastique en 1967. Il expose dès 1968 au Salon de la Jeune Peinture avec les peintres de la Figuration Narrative réunis autour du critique Gérald Gassiot Talabot. Sa première manière, réalisée d’après des clichés photographiques russes, dénonce la dérive du régime communiste avec mélancolie. Comme Louis Althusser le faisait remarquer, « Lucio Fanti joue avec les clichés, non pour s’en jouer, mais pour les faire voir à nu. Il n’y a que les rois nus qui règnent ». Une mise en abyme mélancolique à l’image de Maïakovski, son double poétique, dont la figure et l’œuvre accompagne symboliquement la production du peintre.

    Je ne suis pas un grand spécialiste de peinture mais j'en conclue que par ce tableau, le peintre a voulu se moquer de l'art communiste et des artistes à la solde du pouvoir. Maintenant, il s'agit de trouver le rapport entre ce tableau et le propos de Yann Moix. Les choses sont assez claires. On peut comparer ce père russe jouant avec son enfant auprès de sa femme (belle et souriante comme la maman de Martine) au père du narrateur qui met la fidélité au dessus de tout. Mais quand même, on se demande pourquoi l'écrivain est allé chercher cette toile derrière les fagots. Comme il vit et travaille encore à Paris et que Yann Moix a des entrées un peu partout, peut-être se connaissent-ils et que l'écrivain a voulu rendre hommage à son ami italien. Mais ce ne sont que supputations. De toute façon, ce passage se noie dans cet océan romanesque mais il paraît évident que Naissance est le premier roman dans lequel Lucio Fanti est cité. 

    Je me coucherai moins bête ce soir, comme on dit et vous aussi, même si connaître cette toile ne sert à rien. Je continue à assister à la naissance du chroniqueur de Laurent Ruquier. Heureusement que l'accouchement de mes deux filles n'a pas duré aussi longtemps, d'ailleurs aucune naissance n'a connu une telle longévité. Yann, je ne sais pas si t'es un génie ou un mythomane  ( je trancherai plus tard), en tout cas, tu envoies du bois comme disent les canadiens et quand je vois tout ce qu'il me reste à ranger (les trois quarts), je me demande si j'aurai fini avant l'hiver prochain et si j'aurai de la place pour tout mettre. 

    Loïc LT