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  • Un coin agréable dans les environs de Moscou (1972), Lucio Fanti

    A la page 425 de son roman (Naissance qui en compte 1601), Yann Moix évoque la figure d'un peintre en ces termes : 

    Pêche miraculeuse : mon père ne collectionnait pas les femmes, comme le faisaient des milliards de mâles torturés par l'instinct, mais ferait collection d'une seule, affrontant en propriétaire la monotonie, très consciencieux dans sa possessivité, polygame d'une épouse quasiment unique ( quelques "incartades" sans conséquences ni lendemain). Il venait de faire un trou dans ma mère, y passant un fil d'acier, la sanglant à son cou : il porterait cette femme, finirait par s'ennuyer avec, la poserait comme un canapé contre une fenêtre à double vitrage dans un salon aux baies blanches. Avec elle, peut-être et sans doute, il finirait par se noyer dans une grisaille à la Lucio Fanti (Un coin agréable dans les environs de Moscou, 1972, huile sur toile) : mais elle lui appartenait comme la mort appartient à l'éternité, le bruit au silence. Il pourrait faire fusiller ses propres enfants, à condition de la garder, même folle et refluante de baves, même ruine devenue, barbouillée de ses excréments - il avait soif de durée comme, dans cette métaphore indigne de moi, le vampire a soif de sang

    Voici la toile en question : 

    lucio fanti.jpg

    Comme je mets du temps à lire ce roman, cette note est l'occasion de distiller un morceau de la prose de Yann Moix. Âmes sensibles s'abstenir ! C'est du brut de décoffrage mais en même temps, le narrateur (Yann Moix tout bébé) nous explique la fidélité sans faille de son père envers sa mère donc on l'excuse un peu de présenter la chose de façon un peu triviale. Et puis, il y a cette toile évoquée dans le passage.  Après une demi-heure de recherche, Lucio Fanti reste un mystère: pas de page wikipedia, très peu de réponses de google. Il dispose quand même d'un site internet mais sa biographie est très courte : Lucio Fanti, né à Bologne en 1945, vit et travaille à Paris. 

    Au début, quand je suis tombé sur cette toile, je me suis dit que le peintre était un communiste mettant son talent au service du pouvoir soviétique. On y voit une famille heureuse, la belle berline est garée derrière et l'on s'amuse dans les environs de Moscou donc. Lucio Fanti met quand même en évidence des nuages gris et menaçants mais en tout cas, prise comme ça, cette toile ressemble à une commande des autorités russes ou à une réelle envie du peintre de nous décrire la façon dont il voit le quotidien de l'URSS en 1972. On a vu plein de tableaux narratifs de ce genre ventant le bonheur de vivre en URSS et en tout cas, moi, je n'en voudrais pas dans mon salon, ni pour le fond ni pour la forme. Mais en fait, les choses sont plus compliquées car en poussant les recherches, je suis tombé sur ce site où l'on peut lire :

    Lucio Fanti naît en 1945 à Bologne. Il s’installe à Paris en 1965 et débute son activité plastique en 1967. Il expose dès 1968 au Salon de la Jeune Peinture avec les peintres de la Figuration Narrative réunis autour du critique Gérald Gassiot Talabot. Sa première manière, réalisée d’après des clichés photographiques russes, dénonce la dérive du régime communiste avec mélancolie. Comme Louis Althusser le faisait remarquer, « Lucio Fanti joue avec les clichés, non pour s’en jouer, mais pour les faire voir à nu. Il n’y a que les rois nus qui règnent ». Une mise en abyme mélancolique à l’image de Maïakovski, son double poétique, dont la figure et l’œuvre accompagne symboliquement la production du peintre.

    Je ne suis pas un grand spécialiste de peinture mais j'en conclue que par ce tableau, le peintre a voulu se moquer de l'art communiste et des artistes à la solde du pouvoir. Maintenant, il s'agit de trouver le rapport entre ce tableau et le propos de Yann Moix. Les choses sont assez claires. On peut comparer ce père russe jouant avec son enfant auprès de sa femme (belle et souriante comme la maman de Martine) au père du narrateur qui met la fidélité au dessus de tout. Mais quand même, on se demande pourquoi l'écrivain est allé chercher cette toile derrière les fagots. Comme il vit et travaille encore à Paris et que Yann Moix a des entrées un peu partout, peut-être se connaissent-ils et que l'écrivain a voulu rendre hommage à son ami italien. Mais ce ne sont que supputations. De toute façon, ce passage se noie dans cet océan romanesque mais il paraît évident que Naissance est le premier roman dans lequel Lucio Fanti est cité. 

    Je me coucherai moins bête ce soir, comme on dit et vous aussi, même si connaître cette toile ne sert à rien. Je continue à assister à la naissance du chroniqueur de Laurent Ruquier. Heureusement que l'accouchement de mes deux filles n'a pas duré aussi longtemps, d'ailleurs aucune naissance n'a connu une telle longévité. Yann, je ne sais pas si t'es un génie ou un mythomane  ( je trancherai plus tard), en tout cas, tu envoies du bois comme disent les canadiens et quand je vois tout ce qu'il me reste à ranger (les trois quarts), je me demande si j'aurai fini avant l'hiver prochain et si j'aurai de la place pour tout mettre. 

    Loïc LT

  • Poutine ou l'ambivalence d'un type

    Je n’ai pas la prétention d’être un éditorialiste politique mais étant le taulier de ce blog, je me donne le droit d’écrire sur des sujets que je maîtrise à peine. Ce soir, je voulais évoquer la figure de Vladimir Poutine, que je ne vais pas appeler familièrement Vladimir comme le font trop souvent des journalistes quand ils veulent nommer certains dictateurs ( ce qui a été rappelé et condamné par l’un de mes contacts fb).

    Poutine est au pouvoir en Russie depuis 15 ans, la parenthèse Medvedev ne changeant rien. 15 ans au pouvoir dans une soi disante démocratie, ça fait déjà beaucoup. Vous me direz que Mitterrand a bien gouverné 14 ans. Certes mais Poutine ne va pas s’arrêter à 15 ans car si mes calculs sont bons et s’il respecte la constitution (qu’il a modifiée à sa guise), il a la possibilité de rester président de la fédération de Russie jusque 2024. Donc 24 ans de pouvoir. Seules les dictatures permettent ça. Pendant ce temps, les américains auront vu passer 5 ou 6 présidents

    Vladimir Poutine porte un costume beige pâle de démocrate mais il ne l'est pas. Comme je l’ai déjà dit, il a changé la constitution pour rester au pouvoir et puis il a éliminé des opposants avec une grande intelligence d’ailleurs puisqu'ensuite il a fait semblant de dire que tout serait fait pour retrouver les coupables (qui courent toujours évidemment). Des opposants ou des oligarques (qui lui faisaient de l'ombre ou menaçaient de se lancer en politique) croupissent dans les prisons suite à des simulacres de procès. Poutine est un dictateur point barre. Par contre, je suis prêt à croire qu’une grosse majorité des russes le soutient.

    C’est toute l’ambivalence du personnage. Poutine est un homme qu’on déteste, ne serait-ce que pour le sang qu’il a sur les mains mais en même temps qui fascine.

    Il fascine parce qu’il dispose d’une intelligence politique hors du commun que ce soit au sein de la Russie mais également (et surtout) sur la scène internationale. Regardez comment il a annexé la Crimée sans que personne ou si peu ne lève le petit doigt, voyez comment il entretient le flou dans lequel se trouve l’est de l’Ukraine. Et puis, alors que la situation était quand même assez bloquée dans la lutte contre daech, un avion de ligne russe est détruit par les terroristes et Poutine intervient. La donne change. Calme et impassible mais chaussé de gros sabots, il fait part de ses intentions de soutenir Damas et puis accessoirement de frapper daech. Les autres, chaussés de petits souliers s’offusquent courtoisement de ce discours ambiguë mais ne sont pas mécontents du renfort soviétique. En plus d’avoir le nez fin, Poutine est un grand diplomate. Regardez avec quels égards et quelle courtoisie il reçoit les grands de ce monde  dans son palais du Kremlin doté de grandes salles ayant gardé les meubles du temps de Brejnev. Toujours posé, légèrement souriant, dans un tête à tête, il semble toujours maîtrisé les débats qui cependant restent toujours assez froids à l'image de l'austérité des lieux.

    Physiquement déjà, Poutine en impose. Tout le monde a en tête les photos publiées où on le voit chasser torse nu, monter à cheval ou mettre à terre un adversaire lors d’un combat de judo. Alors à défaut de lui dire merde en face, il arrive qu’on le boude, qu’on punisse la Russie mais avec le recul, cela semble si dérisoire qu’il s’en sort même à chaque fois renforcé.

    Obama, à côté, on n’a pas grand chose à lui reprocher et pour cause, il ne fait rien, il subit les événements, s’offusque gentiment mais n’aura en fin de compte laissé aucune empreinte dans l’histoire. Sa seule force est d’être le président des États-Unis d’Amérique. Il faudrait que je fasse une note sur Obama (ma théorie étant qu'étant le premier président noir des USA, il a considéré que ça suffisait pour qu'il marque l'histoire). 

    Dans sa panoplie de chef d'état indéboulonnable, Poutine entretient aussi le mystère autour de sa personne. Il est capable de sortir des écrans radar pendant deux mois et  le monde entier commence à s’inquiéter de son état de santé et  alors que les rumeurs les plus folles courent, le revoici qui déboule sur son grand cheval avec un plan international pour défaire un nœud qu’était resté trop longtemps dans l’eau. Et je suis persuadé que contrairement à Hollande, il n’a pas besoin d’une armée de communicants pour mettre en place ses plans grandiloquents.

    N’empêche, il reste un dictateur, il a du sang sur les mains et ses alliés ne sont pas très fréquentables. Leader d’un grand pays dont on ne sait pas trop l’état de l’économie, il ne mène pas le monde dans la bonne direction, bloquant l’ONU grâce à son droit de véto. En plus de nous faire perdre du temps, on ne sait pas trop de quoi il est capable quand il n’est pas content comme récemment quand la Turquie a détruit un avion de chasse russe. Avec Poutine, on s’attend toujours au pire. Heureusement, il n’est pas encore venu. Mais a-t-il les moyens de ses obscures ambitions ?


    Loïc LT