J'avais sous le coude une note où il était question de toutes ces tracasseries qui nous arrivent dans la vie et surtout le matin : les objets qui ne se laissent pas faire, les gens qui font n'importe quoi, les divers incidents et obstacles saugrenus qui amènent souvent à penser qu'une sorte de Conscience subliminale s'efforce de compliquer la vie des êtres humains (et tout spécialement celle des travailleurs et des travailleuses). Je m'étais persuadé que tous ces embêtements atteignaient bien plus le moral des gens que les difficultés de leur vie sentimentale, leur situation financière brinquebalante ou la politique gouvernementale.
Mais en lisant le début du livre de Fred Vargas, je me suis aussi dit qu'elle savait mieux exprimer tout ça que moi (et y'a pas de mal...). Je laisse donc la parole à l'auteur de pars vite et reviens tard :
Joss avait compris depuis longtemps que les choses étaient douées d'une vie secrète et pernicieuse. Hormis peut-être certaines pièces d'accastillage qui ne l'avaient jamais agressé, de mémoire de marin breton, le monde des choses était à l'évidence chargé d'une énergie toute entière concentrée pour emmerder l'homme. La moindre faute de manipulation, parce qu'offrant à la chose une liberté soudaine, si minime fût-elle, amorçait une série de calamités en chaîne, pouvant parcourir toute une gamme, du désagrément à la tragédie. Le bouchon qui échappe aux doigts en était, sur le mode mineur, un modèle de base. Car un bouchon lâché ne vient pas rouler aux pieds de l'homme, en aucune manière. Il se love derrière le fourneau, mauvais, pareil à l'araignée en quête d'inacessible, déclenchant pour son prédateur, l'Homme, une succession d'épreuves variables, déplacement du fourneau, rupture du flexible de raccordement, chute d'ustensile, brûlure. Le cas de ce matin avait procédé d'un enchaînement plus complexe, amorcé par une bénigne erreur de lancer entraînant fragilisation de la poubelle, affaisement latéral et épandage du filtre à café sur le sol. C'est ainsi que les choses, animées d'un esprit de vengeance légitimement puisé à leur condition d'esclaves, parvenaient à leur tour par moments brefs mais intenses à soumettre l'homme à leur puissance larvée, à le faire se tordre et ramper comme une chien, n'épargnant ni femme ni enfant. Non, pour rien au monde Josse n'aurait accordé sa confiance aux choses, pas plus qu'aux hommes ou à la mer. Les premières vous prennent la raison, les seconds l'âme et la troisième la vie.
Mais j'avoue que je ne crois pas que les choses aient un esprit. Mais de le penser permet de trouver un bouc-émissaire facile et ainsi de donner du sens aux matin-galère. Et puis, il faut admettre que ça concerne surtout les gens gauches, maladroits et souvent impatients. Devant un paquet de café, en prenant son temps et en élaborant un plan d'attaque précis, on peut arriver à déposer du café moulu dans le filtre sans en mettre partout. Je suis persuadé que c'est une question de logique et de patience. Je me répète mais c'est important de dire que l'homme peut vaincre les choses, même quand elles semblent hostiles. Enfin merde, quoi. Regardez ce qu'on a fait de la planète en 3.000 ans. Au début, il n'y a avait que de l'eau, de la végétation, des montagnes..et aujourd'hui... non mais c'est hallucinant, tout ce qu'on a réussi à faire avec les choses, en connaissant bien la matière choses. Et ce par la seule force de l'esprit (dont seul l'homme dispose). Alors, c'est quoi ces petits grincheux qui veulent se pendre pour avoir pris un coin de porte dans la tronche ou avoir glissé sur une peau de banane. J'ai envie de leur dire qu'ils se trompent d'ennemi. L'ennemi, ce ne sont pas les choses, c'est le libéralisme économique. Pendant qu'on s'énerve inutilement contre les choses, le monstre libéral progresse.
Par rapport à tout ça, je vais arrêter de dire tous les matins où je suis pressé que l'eau chaude met deux fois plus de temps à arriver que d'habitude. Et donc je ne devrais pas illustrer ces propos par les vers dorés de Nerval.
| Vers Dores Eh quoi! tout est sensible. Pythagore |
| Homme! libre penseur! te crois-tu seul pensant | |
| Dans ce monde où la vie éclate en toute chose? | |
| Des forces que tu tiens ta liberté dispose, | |
| Mais de tous tes conseils l'univers est absent. | |
| Respecte dans la bête un esprit agissant: | |
| Chaque fleur est une âme à la Nature éclose; | |
| Un mystère d'amour dans le métal repose; | |
| "Tout est sensible!" Et tout sur ton être est puissant. | |
| Crains, dans le mur aveugle, un regard qui t'épie: | |
| A la matière même un verbe est attaché... | |
| Ne la fais pas servir à quelque usage impie! | |
| Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché; | |
| Et, comme un oeil naissant couvert par ses paupières, | |
| Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres! |

Après l'éblouissant lune sanglante de James Ellroy, je continue mon programme spécial congés de printemps : lire trois grands auteurs de polars jamais lus. J'ai dit tout le bien que je pensais d'Ellroy. Je suis plus sceptique concernant Didier Daeninckx. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on n'est pas dans la même catégorie. Mais le lire après Ellroy, c'était peut-être pas la chose à faire.
J'étais tranquillement en train de regarder Louis La Brocante avec ma tendre et chère. Louis, armé jusqu'aux dents, s'apprétait à effacer de la carte une centrale électrique à l'aide de son lance missile star 4432. Il fallait qu'il se dépêche car Roger de la ferme d'en bas se rameutait avec toute sa fine équipe, tous munis d'armes automatiques et prêts à les utiliser pour empêcher le Louison de faire des bêtises.
Et moi je retourne voir ce qu'il en est de mon
Hier, j'ai eu la surprise en ouvrant ma boite à lettre d'y trouver un télérama avec plein d'éclaboussure sur la couverture. C'est d'autant plus suprenant que le magazine était sous cellophane et que le cellophane est propre.
Question : qu'est-ce qui est plus moche qu'un skyblog ? réponse : un myspace. C'est d'un mauvais goût absolu certes, n'empêche que ça reste le meilleur moyen de s'enquérir de l'actualité des groupes un peu oubliés des médias.
Quand j'entends Lilicub (voyage en Italie, faire fi de tout), je sors mon carnet de chèque, non, quand j'entends lilicub, j'ai envie de me mettre à poil et d'aller courir dans les prés, m'y rouler, et puis à bout de force, rester sur le dos à regarder défiler les nuages. il fallait que je le dise. C'est important de savoir pourquoi dans la campagne, certains gens passent pour des originaux.
On m'avait parlé de James Ellroy comme étant l'un des meilleurs auteurs de romans noirs de sa génération. Il était temps pour moi de vérifier la chose...et bien que je ne sois pas fan d'histoires de tueurs en série traqués par des flics solitaires, je dois avouer qu'il m'a été difficile de lâcher le bouquin une fois bien lancé (il y a juste les 30 premières pages qui sont un peu poussives). Je n'ai d'ailleurs éteint ma lampe de chevet qu'à 3 heures du matin pour pouvoir finir. Il était en effet impossible pour moi de m'endormir sans savoir qui du sergent détective Lloyd Hopkins ou du détraqué Teddy Verplanck allait avoir le dernier mot. La morale est sauve, c'est le sergent qui l'emporte. Ceci dit, Ellroy ne faisant pas dans le manichéisme primaire, nous sommes en présence d'un flic tordu, avide de sexe et de sensations fortes et d'un tueur en série poète et secrètement amoureux d'une seule femme.
Aspects pratiques
L'ordre d'ingurgitation n'a pas encore été défini (mais il se pourrait qu'il décide de les lire dans le sens contraire des aiguilles d'une montre) . Il se pourrait aussi que le lecteur sympa mette un certain temps à lire tout ça attendu qu'il va se transformer pour quelques temps en jardinier sympa. Mais il se pourrait qu'il n'en soit rien tant le jardinier sympa est avant tout un jardinier fainéant.
Je choisis mes lectures par la méthode dite "du choix'. C'est une méthode qu'elle est bien.