Pour faire descendre l'audience de son blog (que, sans fausse modestie, je trouve trop élevée ce ce moment), quoi de plus facile que de faire dans la poésie contemporaine !
Mais cette note est une note à part entière et je la dédie à ma sœur.
Frère et sœur
comme l'aiguille et le fil
comme la larme et l'œil
comme l'aile et le vent
Frère et sœur
comme la flèche et l'arc
comme la foudre et le nuage
comme les veines et le sang
Un vent dur soufflera
qui tarira la langue habile des sources
fendillera les poteries d'argile noire
dans la cave des gosiers
Retournerons-nous jamais
à nos moiteurs sacrées
néfastes seulement pour ce qui craint la rouille
nous qui sommes du fond de la mer?
Il vous faut une explication ou vous êtes grands maintenant ? Michel Leiris est quand même plus abordable que Saint-John Perse ( dont je reparlerai).
Les deux premières strophes se passent de commentaire. Ensuite, il faut comprendre que la complicité qui unit le frère et la sœur peut être mise à mal par le temps qui passe (métaphore du vent dur) et qui efface les joies de l'enfance et ce qui reste de l'enfance...au fond de la cave où sont entassés les vieilles bouteilles de cidre frelaté que faisait notre père. Je me souviens qu'on piétinait les pommes mélangées avec de la paille. Moi, je l'ai fait toujours, enfin, je crois. Pour bien écraser les pommes et faire couler le jus. Son cidre était imbuvable d'ailleurs, on n'en buvait jamais. Enfance ! On ne buvait jamais sauf quand on avait des invités. Notre père supportait peu l'alcool.
Dernière strophe. Cela se complique. Une question est posée qui sous-entend une réponse négative. On ne retournera évidemment pas à cette forme de "sacré" qui entoure l'enfance. Ma patrie, c'est l'enfance écrivait Marthe Bibesco. La patrie est un mot que je déteste mais si on lui retire sa connotation patriotique, il peut retrouver une certaine saveur et s'il s'agit de l'enfance, et bien, cette patrie a quelque chose de sacrée.
Un jour, il n'y a pas si longtemps, ma sœur avait scandé à des gens proches réunis autour d'elle "vous êtes mon terreau" et ça a fait son effet. Ce fut le clou de la soirée où étaient réunis des gens qui avaient partagés son enfance. Retournerons-nous jamais à nos moiteurs sacrées néfastes seulement pour ce qui craint la rouille nous qui sommes du fond de la mer ? Mon enfance ne fut pas un long fleuve tranquille - je ne vais pas m'étendre - mais je n'en garde pas un mauvais souvenir et je ne crains donc pas la rouille dont le temps la couvre inexorablement.
Le fond de la mer ? Oui, l'homme est né dans l'océan...la soupe primitive dont le hasard a fait naître une cellule vivante... ou bien le poète n'a-t-il pas voulu parler de cette même matrice dont sont tous les deux issus le frère et la sœur ?
Loic LT