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CR313 : règne animal - Jean-Baptiste Del Amo

règne animal.jpgComme ce blog est fermé, j’ai écrit ce que je pensais de ce bouquin sur Facebook mais il existe encore des réfractaires à ce réseau social. Ceux qui sont contre Facebook savent son côté pratique mais leur opposition est avant tout idéologique. On dit qu’on n’est pas sur Facebook comme on dit qu’on n’a pas la télé. C'est trop mainstream. Comparaison ne vaut pas raison mais quand tu veux traverser la France en voiture, tu as le choix entre prendre les autoroutes ou prendre les autres routes. Si t’es pressé et que t’a pas envie d’observer le paysage, tu prends les autoroutes. Par contre, si tu as tout ton temps, c’est mieux de prendre les petites routes, de traverser les petits bourgs, d’emprunter les voies cernées par les champs de  vigne ou de tournesol. Et bien Facebook, c’est l’autoroute, aires de repos comprises.

Voilà qui est dit, qui est hors-sujet et donc injuste à l'égard de ce  roman de Jean-Baptiste Del Amo qui est une totale réussite. Auréolé du prix livre Inter 2017 (y’a des prix de merde mais pas chez Radio France), il m’a été conseillé par une libraire de Vallon Pont d’Arc, ville située non loin de la grotte Chauvet dont ma famille a visité la réplique mais pas moi parce que je fais mon museau de cochon quand il s’agit de réplique, copie parfaite soit-elle. On en fait trop pour protéger les grottes ornées d’autant que visites humaines ou pas, elles sont promises à la disparition, comme toute chose.

Mais je m’égare encore. “Règne animal” raconte l’histoire d’une exploitation agricole (qui deviendra exclusivement porcine, d'où le museau de cochon ah ah ah -) tout au long du XXème siècle avec cependant un grand bon en avant puisqu’on passe des années 20 au début des années 80 d’un chapitre à l’autre. Ce grand écart est cependant bien géré par l’auteur qui revient sur l’entre deux régulièrement. Ce roman est avant tout naturaliste et donc un peu une version moderne de “la Terre” de Zola. Comme le stipule le titre, l’animal règne, l’homme en est tributaire au point d’en prendre les habitudes (saleté, sexualité, instinct primitif…). Du Zola aussi parce que la famille dont il est question et qui habite près du bourg de Puy-Larroque (qui n’existe pas mais qui semble se situer plutôt vers le sud, en tout cas loin de Triqueville dans l'Eure) et dont le récit couvre 5 générations, porte en elle les gènes de la folie et accessoirement de l’alcoolisme dont certains échapperont et d’autres moins tout en devenant fous quand même lorsque l’un revient défiguré de la Grande Guerre et d’autres sont complètement dépassés par l’élevage de porcs hors-sol vus l'impératif de rentabilité et les contraintes sanitaires qu'il nécessite. Autre trait de caractère de cette famille : l'absence de sentiments. Les hommes copulent et  crèvent comme copulent et crèvent les cochons. 

C'est avant tout le roman d’un effondrement. A la fin, il ne reste rien. Je ne vais pas rentrer dans les détails (en parlant de détail, le roman est très cru, et on a l’impression de sentir le cochon en quittant le livre) mais il reste juste un enfant (et son arrière-grand-mère, fil conducteur de l'ensemble un peu comme la centenaire Adélaïde Fouque dans les Rougon-Macquart), le dernier de la lignée dont on sait ce qu’il peut devenir, seul rescapé de la fuite en avant dans laquelle s’est engouffrée sa famille. Si on rajoute les ravages du cancer, de l'illettrisme, on dispose d’une belle palette de la misère humaine.

En tout cas, je ne sais pas qui est cet auteur mais il décrit cet élevage de porcs avec une telle précision et un tel sens du détail qu’on se demande s’il n’a pas passé 3 ans dans une porcherie avant de commencer à écrire. Ou il est du milieu mais j’en doute.

Alors, comme je le dis (trop) souvent, âmes sensibles s’abstenir. Une chose est certaine, Jean-Baptiste Del Amo, s’il garde cette verve et cette envie de décrire l’humanité sans cacher ce qu’elle a de plus sombre (même en se cantonnant  à la France) est promis à un grand avenir.  Je le conseille fortement à mon amie Julie Schittly.  

lecture : juillet 2017,  édition Gallimard, 419 pages, parution : 2017, note 4.5/5

Loïc LT

ps : corrections à venir

Commentaires

  • Tu me donnes envie de rentrer dans cette porcherie aux puanteurs cruelles, mais j'ai un retard fou. J'en suis à commencer la lecture d'Un amour impossible de Angot sorti il y a deux ans.

  • Et la "rentrée littéraire" qui arrive avec ses 600 livres ! Nos chairs peuvent être tristes mais on est loin d'avoir lu tous les livres.

  • J'ai une âme trop sensible, mais tu m'as tout de même donné envie de le lire. Je vais le chercher à la médiathèque Ah oui, la chair est triste, hélas...

  • Grand merci pour cette découverte, que je n'aurais jamais faite sans toi. J'ai beaucoup, beaucoup aimé ce Règne animal, cette écriture si riche, ce sujet si intéressant, et si bien traité. J'ai beaucoup appris en lisant ce roman. Tu évoques Zola, à raison car on pense forcément à lui. Mais j'ai trouvé ce Règne animal bien meilleur qu'un roman de Zola. Zola, je l'aime bien, mais il y a trop souvent chez lui un excès, une outrance, qui m'agacent. Point d'excès chez Del Amo, il sait tenir sa plume et cela m'a beaucoup plu. C'est un roman brutal, cruel, mais les personnages interdisent toute empathie, ce qui rend la lecture plus intéressante, ais-je trouvé. J'ai, enfin, beaucoup aimé les personnages, avec une mention particulière pour ce gamin autiste, auquel l'auteur prête un magnifique univers intérieur.

  • Oui, ce gamin est attachant, "pris dans les lignes de ses sombres archives". Ce besoin qu'il a d'aller ce recueillir sur la tombe de ses ancêtres en même temps qu'il représente l'avenir. Il est l'alpha et l'oméga de ce magnifique roman.

  • Je viens de l'entendre à la radio ( Radio-France) , et ça ne m'a pas du tout donner envie de le lire.pourtant j'ai grandi a la campagne avec les animaux, ceux qu'on peut trouver dans les fermes environnantes, et j'ai beaucoup joué avec et je les ai aussi mangé.j'ai appris à pêcher, j'ai vidé les poissons, j'ai plumé les poules et les canards,j'ai entendu les rituels saisonniers qui organisent la survie en prévision des hivers rudes. J'ai ramassé les oiseaux blessés pour les soigner, avant que les chats finissent par les rattraper et les croquer.bref , j'ai assez tôt pris conscience des nécessités des cycle de vie et de mort, sans pour autant prendre la mort pour un truc dramatique mais avec laquelle on apprend à vivre au quotidien..pour autant je ne mange a peine 3 par semaine de la viande, mais en manger de temps en temps me remet les idées en place.pour autant encore, pour avoir tronçonné du bois, j'affirme que les plants aussi souffrent , mais les plantes ne crient pas et personne ne s'en soucie..quant à comparer les animaux aux noirs , c'est faire la même chose que Singer qui,lui rajoute en plus à la comparaison ,les femmes...et dont les arguments sont fallacieux.c'est toujours l'homme blanc qui s'octroie le privilège du droit de penser.le noir et la femme en sont tjrs inaptes et comparables à des animaux dénués de rationalités mais toujours des sauvages tellement sensibles et objectivable s qu'il s'agit de mieux contrôler. L'animal n'est pas un serf, il ne s'asservit pas, à un autre animal, avec une conscience raisonnée.il n'est pas servile, il ne sait pas pourquoi on lui ferait faire un mouvement ou un geste..que ce soit labourer, ou s'encager. L'animal, c'est l'être qui regardera votre doigt quand vous lui montrerez la lune.

  • Merci de ton témoignage Anne. C'est presque un petit poème en prose...même si je ne saisis pas bien tout ce que tu stipules... notamment la dernière phrase, trop compliquée pour moi -)

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