Jean-Paul Dubois est fan de l’auteur américain Philip Roth (qui n’a jamais obtenu le Nobel de littérature ce qui est scandale quand on sait que le chansonnier de bazar, Bob Dylan l’a obtenu) et cela se ressent dans ce roman (qui est sans doute un peu autobiographique).
Le parti pris de l’auteur a été d’associer la vie de ses protagonistes à celle de la vie politique française. D’ailleurs, les chapitres sont découpés en ce sens. On part de Gaulle pour finir en cour de mandat de Jacques Chirac. Tout commence au lendemain de la guerre à Toulouse. Le narrateur, Paul Blick est le fils d’un garagiste concessionnaire Simca et d’une mère corrigeant des articles de presse.
Ensuite, bien que modeste et désabusé , Paul vit mille et une vies. Un temps rockeur, un temps journaliste, un temps photographe etc etc, sa vie suit le cours de l’histoire. Pleinement acteur des événements de mai 68 et donc ultra gauchiste dans l’âme, comme beaucoup dans son cas, il se voit rattrapé par la vie réelle au point de vivre après plusieurs liaisons avec une fille patronne inflexible d’une boite vendant des piscines à l'international. Par ailleurs, en sa qualité de photographe, il publie deux livres à succès sur le thème des arbres qui le mettent à l’abri de tout souci financier.
Mais tout ce qui brille n’est pas or. Paul a du mal à se jeter dans ce monde ultralibéral à mille lieux de ses idéaux. Il trompe sa femme, Anna, comme il apprendra sur la fin qu’elle le trompait aussi et n’avait que faire de ses piscines.
Finalement, tout part à vau l’eau (décidément, je n’ai pas de chance avec mes romans d’été). Après la mort accidentelle de sa femme, il est au bord de la banqueroute devant payer les dette laissées par son épouse. A la fin, il finit jardinier à son compte (après avoir été un vendeur de best sellers).
On sent bien la patte de Phillip Roth dans ce roman mêlant la grande et la petite histoire. Son seul défaut est de manquer de crédibilité. Songez par exemple que Paul, non seulement devient millionnaire après avoir photographié des arbres (ce qui enlève au héros son côté français moyen) mais en plus il reçoit un coup de fil de Mitterrand lui demandant une série de photos ce qu'il refuse par idéologie. Ça en fait trop pour en faire un roman du genre “règne animal”. A l’actif, c’est un beau panorama de notre société de l’après-guerre jusqu’aux années Chirac et surtout rappelle le sérieux retournement de veste comme beaucoup de soixante huitards, d’un mec qui finalement accepte de plonger corps et âme dans le bain du libéralisme tout en étant conscient de ce rétropédalage.
Le drame pour le narrateur, c’est que dans cet univers économique impitoyable où la famille pourrait servir un peu de garde-fous, il n’y trouve que conflits politiques (avec ses parents dans un premier temps) et avec Anna, ouvertement de droite mais dont la fin funèbre fait semer le doute.
Des drames, de l’adultère, de la politique, le train-train quotidien (mais tumultueux souvent)...Jean-Paul Dubois fait évidemment du Philip Roth à la française dans un style simple et chronologique. Ce roman qui a reçu plusieurs prix (Fémina et Fnac) date de 2004 et nous replonge sans nostalgie dans la deuxième partie du XXème siècle avec ses francs et ses petits garages au coin de la rue.
lecture : juillet 2017, éditions de l’Olivier, parution 2004. note : 4 / 5 (oui j’en ai marre de mettre de 4.5/5)
Loïc LT