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poésie - Page 5

  • dans la bibliothèque...

    IMGP5835.JPGDans la bibliothèque
    Que l'on vient d'acquérir,
    Y'a une boule aztèque
    Qui peut se mettre à luire.

    Tout en haut, la pléïade
    A le droit aux honneurs
    Bien qu'étant un peu fade
    Diront les emmerdeurs.

    Sinon, y'a comme une oeuvre
    D'art, me laissant pensif,
    Mais qui fournit la preuve
    De mes exploits sportifs.

    Un panier en osier
    Qu'on acheta d'occase,
    Semble s'être imposé
    Dans l'une des huit cases.

    Mais l'essentiel est dans
    Les objets qui viendront
    Remplir au fil des ans
    Ce meuble moribond.

    loïc lt, 07.11.08

  • printemps des poètes (7) - Charles Baudelaire, poète surestimé.

    20dbfc50627c3d12b6641d5d1d174e2b.jpg Charles Baudelaire occupe une place à part dans mon coeur parce que c'est le poète grâce auquel je suis entré en poésie. J'étais au lycée en seconde et comme souvent à cet âge-là , j'étais un peu con, voire très con, rebelle, antisocial, vêtu de noir et donc, je me retrouvais beaucoup dans les fleurs du mal. Je trouvais qu'il parvenait à mettre des mots sur des idées noires et me récitais par coeur des poèmes comme l'ennemi ou une charogne. (et puis surtout je laissais volontairement le recueil dépaser de ma poche pour que mes camarades et profs puissent voir que je lisais du Baudelaire...) Et puis avec les années, je suis devenu rieur et optimiste et alors Baudelaire m'est sorti par les trous de nez. Aujourd'hui, non seulement, je ne me retrouve plus dans ses vers mais en plus je trouve tout cela convenu et classique. Je ne vais pas vous dire qu'avec un bon dictionnaire de synonyme, on peut arriver à faire quelque chose d'approchant mais bon,y'a de ça. (par contre faire du Grand Corps Malade est à la portée de n'importe quel abruti).
    Aujourd'hui, les gens de lettres ou les philosophes se proclament facilement de Rimbaud, Mallarmé ou Aragon mais rarement de Baudelaire. Par contre, à une personne désireuse de connaître les règles prosodiques ou qui voudrait se mettre au sonnet, on  conseillera du lire du Baudelaire. Ce type avait l'obsession du vers bien construit et pour lui la poésie ne pouvait se faire sans respecter des règles ancestrales. ça peut sembler être contradictoire avec l'idée qu'on se fait d'un Baudelaire 'Moderne' et précurseur du symbolisme. ça l'est. Sur le fond aussi, il cultivait l'ambiguïté . Exemple : sa hantise de l'automne et de l'hiver alors qu'on aurait pu penser que ces périodes siéraient mieux à un mec vivant une sorte de dépression permanente. Mon idée est que là encore, il était trop imprégné de classicisme et suivant la trace des romantiques, il s'est senti obligé de condamner ces saisons où la nature décline et s'endort.
    Bon, maintenant que j'ai bien cassé le bonhomme, il me faut admettre que quelques poèmes échappent à cette ambiance morose. Non seulement, ils échappent mais ils sont aussi des hymnes à la beauté, à la nature et à la vie. Je pense au  'voyage' (pour l'enfant amoureux de cartes et d'estampes...) mais surtout aux correspondances, sonnet où le poète tente de déchiffrer des analogies entre l'homme et la nature. Ce poème a un sens profond mais est également de toute beauté. J'aurais pourtant une raison de le détester attendu que je l'ai étudié en classe de première de fond en comble, par tous ses bords et ses rebords.
    Mais globalement quand même, je trouve que Baudelaire est largement surestimé. (Par les gens de lettres et par l'éducation nationale).

    Voici les correspondances :


    La Nature est un temple où de vivants piliers
    Laissent parfois sortir de confuses paroles;
    L'homme y passe à travers des forêts de symboles
    Qui l'observent avec des regards familiers.

    Comme de longs échos qui de loin se confondent
    Dans une ténébreuse et profonde unité,
    Vaste comme la nuit et comme la clarté,
    Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

    II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
    Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
    - Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

    Ayant l'expansion des choses infinies,
    Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
    Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.



  • des nouvelles sympas en provenance de Rimbaldie

    a33f0e44389dab3bb20b191a3bd572d0.jpgJ'étais tranquillement en train de regarder Louis La Brocante avec ma tendre et chère. Louis, armé jusqu'aux dents, s'apprétait à effacer de la carte une centrale électrique à l'aide de son lance missile star 4432. Il fallait qu'il se dépêche car Roger de la ferme d'en bas se rameutait avec toute sa fine équipe, tous munis d'armes automatiques et prêts à les utiliser pour empêcher le Louison de faire des bêtises.

    Quand tout à coup, un signal email se fait entendre. Et je ne sais pas pourquoi, malgré le suspense, je suis allé voir. Email groupé provenant de la webmatrice du forum mag4 consacré à Rimbaud. Elle informe tous les rimbaldiens, (avec ou sans papier) qu'un journaliste belge vient de découvrir un inédit du poète : un article paru dans le progrès des Ardennes du 25 novembre 1870. Dossier complet  avec l'article en question par ici

    Alain Borer n'a plus qu'à réactuliser son oeuvre-vie. 6ae870123aa9de08721306381d9994da.jpgEt moi je retourne voir ce qu'il en est de mon Rimbaud Rambo national.

    Loïc

  • printemps des poètes (6) - le printemps est évident, car...

    Le soucis, quand un blog commence à dater est qu'on ne sait plus si on a déjà parlé d'un truc dont on a envie de parler. On peut bien faire des recherches mais on n'a pas trop envie..Et puis, si j'ai déjà posté ce poème de Rimbaud, ça ne me coûte rien de le refaire..tant je le trouve beau, riche en vocabulaire et en rimes délicieuses. Désolé ppur le copier-coller de mauvais goût mais c'est le printemps et le printemps, c'est quand même assez moche. (explications après)

    Le Printemps est évident, car
      Du cœur des Propriétés vertes,
      Le vol de Thiers et de Picard
      Tient ses splendeurs grandes ouvertes
    Ô Mai ! quels délirants culs-nus !
      Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
      Écoutez donc les bienvenus
      Semer les choses printanières !
    Ils ont schako, sabre et tam-tam,
      Non la vieille boîte à bougies
      Et des yoles qui n'ont jam, jam...
      Fendent le lac aux eaux rougies !
    Plus que jamais nous bambochons
      Quand arrivent sur nos tanières
      Crouler les jaunes cabochons
      Dans des aubes particulières !
    Thiers et Picard sont des Éros,
      Des enleveurs d'héliotropes,
      Au pétrole ils font des Corots
      Voici hannetonner leurs tropes...
    Ils sont familiers du Grand Truc !...
      Et couché dans les glaïeuls, Favre
      Fait son cillement aqueduc,
      Et ses reniflements à poivre !
    La grand'ville a le pavé chaud,
      Malgré vos douches de pétrole,
      Et décidément, il nous faut
      Vous secouer dans votre rôle...
    Et les Ruraux qui se prélassent
      Dans de longs accroupissements,
      Entendront des rameaux qui cassent
      Parmi les rouges froissements !

    Concernant le printemps, je suis encore sous le coup de ce qu'écrit Eric Reinhardt dans Cendrillon, à savoir qu'au printemps, on se doit de repartir de l'avant de faire des projets et donc quelque part d'entrer en concurrence..après la douce léthargie - cocoon attitude - des mois d'hiver.

    Au printemps, le soleil encore bas rentre dans la maison et casse toute ambiance et permet à la poussière de s'épanouir. Alors il n'est plus besoin de laisser allumer ces petites lampes diffusant une lumière orangée qui rend une pièce si agréable. Il n'y a rien de pire qu'un jour de printemps ensoleillé.

    Au printemps, le soleil brille mais pas suffisamment pour en profiter pleinement. On est encore loin des journées caniculaires d'août où allongé sur une chaise longue ou à même le gazon,  on sent la crème de bronzage et on tombe dans un état semi-comateux tant le soleil est brûlant. Le printemps on est loin de tout ça. Le printemps, c'est l'adolescence de la nature. Or un adolescent est stupide, orgueilleux et souvent couvert de boutons. L'adolescent se cherche et pourtant croit tout savoir. Le printemps, c'est pareil.

    Vive l'automne.

    Loïc

     

  • l'hiver des poètes (3) - O.V de L. Milosz

    ab6ae0caab75a23125ca7cb84d7ac4e8.jpgJ'ai ramené ce soir de la maison qui me vit grandir la grosse anthologie de Bernard Delvaille intitulée 'mille et cent ans de poésie française'. L'idée ayant motivé ce rapatriment était de la vendre sur ebay avec une mise à prix de 20€ afin de pouvoir boucler mon budget alimentaire de février. Cependant, comme ce soir j'avais l'esprit un peu triste ( comme on l'est souvent le dimanche soir), je me suis plongé dans ce bouquin...mais pas longtemps, juste le temps quand même de tomber sur un poème de Milosz. C'est beau, ça parle de terrains vagues...et de quoi d'autre, je sais pas trop. Je ne l'ai pas vraiment saisi. Mais je vais essayer. En tout cas, c'est beau, avec plein de noms propres délicieux à prononcer.

    Comment m’es-tu venu, ô toi si humble, si chagrin ? Je ne sais plus.
    Sans doute comme la pensée de la mort, avec la vie même.
    Mais de ma Lithuanie cendreuse aux gorges d’enfer du Rummel,
    De Bow-Street au Marais et de l’enfance à la vieillesse

    J’aime (comme j’aime les hommes, d’un vieil amour
    Usé par la pitié, la colère et la solitude) ces terrains oubliés
    Où pousse, ici trop lentement et là trop vite,
    Comme les enfants blancs dans les rues sans soleil, une herbe

    De ville, froide et sale, sans sommeil, comme l’idée fixe,
    Venue avec le vent du cimetière, peut-être
    Dans un de ces ballots d’étoffe noire, lisse et lustrée, oreillers
    Des vieilles dormeuses des berges, dans les terribles crépuscules.

    De toute ma jeunesse consumée dans le sud
    Et dans le nord, j’ai surtout retenu ceci : mon âme
    Est malade, passante, comme l’herbe altérée des murs,
    Et on l’a oubliée, et on la laisse ici.

    J’en sais un qu’obscurcit un cèdre du Liban ! Vestige
    De quelque beau jardin de l’amour virginal. Et je sais, moi, que le saint arbre
    Fut planté là, jadis, en son doux temps, afin
    De porter témoignage ; et le serment tomba dans la muette éternité,

    Et l’homme et la femme sans nom sont morts, et leur amour
    Est mort, et qui donc se souvient ? Qui ? Toi peut-être
    Toi, triste, triste bruit de la pluie sur la pluie,
    Ou vous, mon âme. Mais bientôt vous oublierez cela et le reste.

    Quand venait l’hiver des faubourgs ; quand le chaland
    Voyageait dans la brume de France, qu’il m’était doux,
    Saint-Julien-le-Pauvre, de faire le tour

    De ton jardin ! Je vivais dans la dissipation
    La plus amère ; mais le cœur de la terre m’attirait
    Déjà ; et je savais qu’il bat non sous la roseraie
    Choyée, mais là où croît ma sœur ortie, obscure, délaissée.

    Ainsi donc, si tu veux me plaire —après ! loin d’ici ! toi
    Murmurant, ruisselant de fleurs ressuscitées, toi jardin
    Où toute solitude aura un visage et un nom
    Et sera une épouse,

    Réserve au pied du mur moussu dont les lézardes
    Montrent la ville Ariel dans les chastes vapeurs,
    Pour mon amour amer un coin ami du froid et de la moisissure
    Et du silence ; et quand la vierge au sein de Thumîm et d’Urîm

    Me prendra par la main et me conduira là, que les tristes terrestres
    Se ressouviennent, me reconnaissent, me saluent : le chardon et la haute
    Ortie et l’ennemie d’enfance belladone.
    Eux, ils savent, ils savent.

  • des jours et des gens (9) - Raimbault d'Orange

    514bf354e05d71cdeae1b12d86169f96.jpgConnaissant ma passion pour le poète, des gens bien intentionnés m'avaient offerts il y a quelques années une bouteille de Gaillac intitulée Raimbault..mais évidemment, il n'était pas question de ce cher Arthur. D'ailleurs, voici ce qu'indique l'étiquette :

    De Raimbault, on dit ici qu'il était troubadour. Qu'il allait de bastide en château. De ferme en village. Chantant le bonheur de vivre libre, l'amour et la bonne chère. C'est aujourd'hui en son hommage que ce vin chante à votre table, apportant à tous vos plats une douce convivialité.

    J'ai ouvert cette bouteille dimanche dernier et j'ai eu tort de goûter le vin aussitôt car cela m'a laissé une mauvaise impression. Toujours laissé chambrer le vin évidemment (et la carafer, c'est encore mieux). Mais, ensuite, pendant la semaine, je l'ai bu un peu tous les jours et je l'ai beaucoup aimé. Le nez très caractéristique du Gaillac est frais, sur la fraise bien mûre. Le terroir est présent avec des notes épicées et de la réglisse. En bouche, il m'a séduit par la souplesse de ses tanins. J'ai d'ailleurs trouvé ses fruits bien mûrs mais pas confiturés. Et surtout la descente finale est assez aérienne avec une belle longueur. (j'adore le vocabulaire oenologique -))).  J'ai donc passé une agréable semaine avec cteu vin qu'accompagnait un bel assortiment de fromages et des endives.

    Curieux, j'ai fait quelques recherches sur ce Raimbault. Il s'avère qu'il a vécu dans les années 1100 dans la région de Toulouse et qu'il avait la particularité d'écrire des poèmes avec des mots rares et des rimes difficiles, qu'il multipliait et entassait les synonymes, qu'il utilisait les voyelles aiguës et les consonnes sifflantes et chuintantes pour créer des effets variés imitant les chants d'oiseaux. A ce que j'ai pu lire sur des sites de spécialistes de littérature moyen-âgeuse, son poème la fleur inverse (que je mets ici dans sa transcription moderne) bénéficie d'une certaine aura dans le milieu pour son côté allégorique et hermétique. C'est fou ce qu'on apprend des choses quand on aime le vin rouge ! vin diou

    Quand paraît la fleur inverse
    Sur rocs rugueux et sur tertres,
    - Est-ce fleur? Non, gel et givre
    Qui brûle, torture et tronque! -
    Morts sont cris, bruits, sons qui sifflent
    En feuilles, en rains, en ronces.
    Mais me tient vert et joyeux Joie,
    Quand je vois secs les âcres traîtres.

    Car le monde ainsi j'inverse
    Que plaines me semblent tertres,
    Je tiens pour fleur neige et givre
    Et pour chaud le froid qui tronque,
    L'orage m'est chant qui siffle
    Et feuillues me semblent ronces.
    Si lié ferme suis à Joie
    Que rien ne vois qui me soit traître.

    Sinon gens à tête inverse
    (Comme nourris sur des tertres),
    Qui me cuisent plus que givre
    Car tous de leur langue tronquent,
    Parlant d'une voix qui siffle!
    Rien n'y sert, ni rains ni ronces
    Ni menace. Ils ont grand Joie
    Faisant ce qui les fait traîtres.

    D'un baiser, je vous renverse;
    Rien n'y peut, ni plat ni tertres,
    Dame, ni gel, neige ou givre,
    Car si Non-Pouvoir m'en tronque,
    Dame, pour qui mon chant siffle,
    Vos beaux yeux sont pour moi ronces
    Qui frappent tant mon coeur en Joie
    Que je n'ose avoir désir traître.

    Je vais comme chose inverse,
    Cherchant rocs et vaux et tertres,
    Triste, tel celui qui givre
    Tenaille, torture et tronque:
    Pas plus que clerc fou les ronces
    Ne m'ont conquis chants qui sifflent.
    Mais, grâce à Dieu, m'accueille Joie
    En dépit des faux flatteurs traîtres.

    Aille mon vers - je l'inverse:
    Qu'il résiste à bois et tertres! -
    Là où n'est ni gel ni givre
    Ni force de froid qui tronque.
    Qu'il le chante clair et siffle
    - Que ma dame ait au coeur ronces! -
    Celui qui sait chanter en Joie:
    Ce qui ne sied à chanteur traître.

    Douce Dame, qu'Amour et Joie
    Nous unissent malgré les traîtres!

    Jongleur, j'ai bien moins que de Joie;
    Vous parti, je fais mine traître.

  • l'hiver des poètes (2) - Stéphane Mallarmé

    259bd212efa9bdef1b0f38faf25631c3.jpgJe n'ai jamais trop accroché à Stéphane Mallarmé. Jusque-là, je trouvais sa poésie trop hermétique, difficile et surtout pas très agréable à lire, ce dernier point étant important puisque je peux aimer un poème agréable à lire même si je ne le comprends pas. Il y a des quatrains entiers du bateau ivre de Rimbaud dont on ne comprend rien mais qui sont d'une splendeur sans égal.

    Mais c'est la personnalité même de Mallarmé qui peut agacer. Très exigeant avec la poésie, il faisait partie, à mon sens de ces poètes "professionnels" sculptant ses vers dans la difficulté et n'étant satisfait qu'après maintes et maintes retouches. En clair, tout cela manquait de spontanéité et de cet esprit dilletante qui fait qu'on est un poète dans l'âme..

    C'est après avoir lu Cendrillon de Eric Reinhardt où il est beaucouo question de SM que j'ai eu cependant envie de m'y replonger. Et finalement, - peut-être suis-je aujourd'hui assez mûr pour le lire - je me surpris à me délecter de nombreux vers du grand Mallarmé. La poésie de Mallarmé est très profonde et très riche en mots 'extrêmes' ou 'absolus'. Concernant la prosodie, beaucoup regretteront l'obsession du poète à respecter scrupuleusement toutes les règles du sonnet. Perso, j'ai toujours préféré la poésie clasique à la poésie en vers libres. sans doute mon côté cartésien.

    Tiens et Mallarmé peut-être joueur à certains moments..comme le prouve ce poème où il transcrit en vers son carnet d'adresse :

                                                                                                                        

     Leur rire avec la même gamme                                  
    Sonnera si tu te rendis
    Chez Monsieur Whistler et Madame,
    Rue antique du Bac II0.

    Rue, au 23, Ballu.
    J’exprime
    Sitôt juin à Monsieur Degas
    La satisfaction qu’il rime
    Avec la fleur des syringas.

    Monsieur Monet, que l’hiver ni
    L’été, sa vision ne leurre,
    Habite, en peignant, Giverny
    Sis auprès de Vernon, dans l’Eure.

    Villa des Arts, près l’avenue
    De Clichy, peint Monsieur Renoir
    Qui devant une épaule nue
    Broie autre chose que du noir.

    Paris, chez Madame Méry
    Laurent, qui vit loin des profanes
    Dans sa maisonnette very
    Select du 9 Boulevard Lannes.

    Pour rire se restaurant
    La rate ou le charmant foie
    Madame Méry Laurent
    Aux eaux d’Evian, Savoie.

    Dans sa douillette d’astrakan
    Sans qu’un vent coulis le jalouse
    Monsieur François Coppée à Caen
    Rue, or c’est des Chanoines, I2.

    Monsieur Mendès aussi Catulle
    A toute la Muse debout
    Dispense la brise et le tulle
    Rue, au 66, Taitbout.

    Adieu l’orme et le châtaignier !
    Malgré ce que leur cime a d’or
    S’en revient Henri de Régnier
    Rue, au six même, Boccador.

    Notre ami Viélé Griffin
    Savoure très longtemps sa gloire
    Comme un plat solitaire et fin
    A Nazelles dans Indre-et-Loire.

    Apte à ne point te câbrer, hue !
    Poste et j’ajouterais : dia !
    Si tu ne fuis II bis rue
    Balzac chez cet Hérédia.

    Apporte ce livre, quand naît
    Sur le Bois l’Aurore amaranthe,
    Chez Madame Eugène Manet
    Rue au loin Villejust 40.

    Sans t’étendre dans l’herbe verte
    Naïf distributeur, mets-y
    Du tien, cours chez Madame Berthe
    Manet[^Berthe Morisot^], par Meulan, à Mézy.

    Mademoiselle Ponsot, puisse
    Notre compliment dans sa fleur
    Vous saluer au Châlet-Suisse
    Sis route de Trouville, Honfleur.

    Rue, et 8, de la Barouillère
    Sur son piano s’applique à
    Jouer, fée autant qu’écolière
    Mademoiselle Wrotnowska.

    Si tu veux un médecin tel
    Sans perruque ni calvitie
    Qu’est le cher docteur Hurinel
    Treize, entends- de la Boétie.

    Prends ta canne à bec de corbin
    Vieille Poste (ou je vais t’en battre)
    Et cours chez le docteur Robin
    Rue, oui, de Saint-Pétersbourg 4.

    J'imagine la réaction du facteur lisant une adresse écrite de la sorte. Parait-il en tout cas que Mallarmé a utilisé toutes ces adresses telles quelles et que toutes les lettres sont arrivées..

    Loïc, 22h10

     

  • l'hiver des poètes

    Tranquillement mais sûrement, années après années et la trentaine fleurissante, il semblerait bien que la poésie, en tant que que genre littéraire ne me parle plus. Je trouve de la poésie dans les romans, dans certains regards croisés mais je ne la cherche plus dans les vers. Ce que je cherche aujourd'hui dans les vers, ce sont de jolies tournures, des exercices de styles, des choses marrantes. par exemple, je me régale des enjambements (il faut que je retrouve le poème 'l'averse' de Goudezki, notre maître à tous.
    Le poème 'Zone' d'Apollinaire pourrait être, à la seule lecture du titre l'emblême de ces lieux. Mais bizarrement, il parle plutôt du centre de Paris, grouillant et lumineux. Trop à mon goût. Mais quand même, y'a de ça ! Je trouve par ailleurs qu'il a des airs du 'villes' de Rimbaud.

    A la fin tu es las de ce monde ancien

    Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

    Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine

    Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
    La religion seule est restée toute neuve la religion
    Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

    Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme
    L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X
    Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
    D'entrer dan une église et de t'y confesser ce matin
    Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
    Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
    Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventure policières
    Portraits des grands hommes et mille titres divers

    J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom
    Neuve et propre du soleil elle était le clairon
    Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
    Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
    Le matin par trois fois la sirène y gémit
    Une cloche rageuse y aboie vers midi
    Les inscriptions des enseignes et des murailles
    Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
    J'aime la grâce de cette rue industrielle
    Située à Paris entre la rue Aumont-Thieville et l'avenue des Ternes

  • improvisations sur Rimbaud # 1

    On reparle de Rimbaud (télérama de ce jour) pour une nouvelle édition des correspondances réalisée par un type que les rimbaldiens connaissent, à savoir Jean-Jacques Lefrère. Le père-noel devrait m'envoyer ce bouquin. Il a intérêt en tout cas ou je lui casse la goule. En attendant, petite analyse perso et sans prétention d'une lettre d'Arthur à sa famille depuis Aden...

    Aden, le 10 septembre 1884

    Mes chers amis,

    Il y a longtemps que je n'ai pas reçu de vos nouvelles. J'aime à croire que tout va bien chez vous, et je vous souhaite bonnes récoltes et long automne. Je vous crois en bonne santé et en paix, comme d'ordinaire.

    ça doit être la fatigue ou alors que je comprends plus rien à la langue française. ça veut dire quoi 'souhaiter un long automne' ? de bonnes récoltes, ok, c'est aléatoire mais que je sache, un automne, ça dure forcément 3 mois dans le calendrier. Après, pour le temps automnal, en général, c'est pas très agréable alors on en souhaite jamais que ça dure trop longtemps. Marrant aussi l'usage du mot 'croire' dans le sens de 'souhaiter'. un peu pédant de nos jours peut-être. 

    Voici le troisième mois de mon nouveau contrat de six mois qui va être passé. Les affaires vont mal ; et je crois que, fin décembre, j'aurai à chercher un autre emploi, que je trouverai d'ailleurs facilement, je l'espère. Je ne vous ai pas envoyé mon argent parce que je ne sais pas où aller ; je ne sais pas où je me trouverai prochainement, et si je n'aurai pas à employer ces fonds dans quelque trafic lucratif.

    là, c'est mon Arthur comme je l'aime, réaliste et fonceur. C'est pas la lettre de Guy Moquet qu'il fallait ressortir mais celle-ci lu devant un bataillon de grévistes de la ratp. Je vois d'ici leur goule. -))))

    Il se pourrait que dans le cas où je devrais quitter Aden, j'allasse à Bombay où je trouverai à placer l'argent que j'ai à de forts intérêts sur des banques solides, ce qui me permettrait presque de vivre de mes rentes. 24 000 roupies à 6% donneraient 1440 roupies par an soit 8 francs par jour. Et je pourrais vivre avec cela, en attendant des emplois.

    Et moi, il se pourrait que dans le cas où je devrais passer par la cuisine, je prenasse un café.

    Celui qui n'est pas un grand négociant pourvu de fonds ou de crédits considérables, celui qui n'a que de petits capitaux, ici risque bien plus de les perdre que de les voir fructifier ; car on est entouré de mille dangers, et la vie, si on veut vivre un peu confortablement, vous coûte plus que vous ne gagnez. Car les employés, en Orient, sont à présent aussi mal payés qu'en Europe ; leur sort y est même bien plus précaire, à cause des climats funestes et de l'existance énervante qu'on mène.

    Moi je n'ai que de petits capitaux et je t'emmerde. ( et je n'ai jamais trafiqué d'armes, parce que les armes, c'est pas bien car ça peut tuer les gens). Pour te rassurer, je pourrais bien te parler de la précarité en France car depuis le 6 mai 2007 à 20heures, non seulement on peut perdre son emploi d'une seconde à l'autre mais on est tous fichés, surveillés par des caméras de surveillance et si ça continue on sera flingué par la milice pour un oui ou pour un non..alors, qu'est-ce que t'en dit de ça ? Est-ce que tu crois que c'est pour ça que j'écris des lettres ?

     

    Moi, je suis à peu près fait à tous ces climats, froids ou chauds, frais ou secs, et je ne risque plus d'attraper les fièvres ou autres maladies d'acclimatation, mais je sens que je me fais très vieux, très vite, dans ces métiers idiots et ces compagnies de sauvages ou d'imbéciles.

    raciste en plus... 

    Enfin, vous le penserez comme moi, je crois : du moment que je gagne ma vie ici, et puisque chaque homme est esclave de cette fatalité misérable, autant à Aden qu'ailleurs ; mieux vaut même à Aden qu'ailleurs, où je suis inconnu, où l'on m'a oublié complètement et où j'aurais à recommencer ! Tant, donc, que je trouverai mon pain ici, ne dois-je pas y rester ? Ne dois-je pas y rester, tant que je n'aurai pas de quoi vivre tranquille ? Or, il est plus que probable que je n'aurai jamais de quoi, et que je ne vivrai ni ne mourrai tranquille. Enfin, comme disant les musulmans : c'est écrit - c'est la vie : elle n'est pas drôle !

    Arthur, il me semble qu'on t'a connu plus rebelle que ça dans les environs de Paris pendant le Commune. Mais quelque part, je te comprends. Moi depuis que j'ai passé la trentaine, je vire un peu comme ça. Mais quand même, je ne crois pas être si fataliste. Et les musulmans disent des choses que tu devrais pas entendre.  

    L'été finit ici fin septembre ; dès lors, nous n'aurons plus que 25 à 30° centigrades dans le jour, et 20 à 25 la nuit. C'est ce qu'on appelle l'hiver à Aden.

    Ici, c'est l'automne. Après une période très fraiche, voire froide, on vient d'entrer dans un cycle humide et les anciens disent déjà que c'est parti pour au moins 40 jours, ce qui fait dire à certains qu'on fêtera noel au balcon. C'est ce qu'on appelle l'hiver en Bretagne, un hiver comme on en trouve que dans l'Ouest de l'Europe. la la la la la

    Tout le littoral de cette sale mer Rouge est ainsi torturé par les chaleurs. Il y a un bateau de guerre français à Obock, où, sur 70 hommes composant tout l'équipage, 65 sont malades des fièvres tropicales ; et le commandant est mort hier. Encore, à Obock, qui est à quatre heures de vapeur d'ici, fait-il plus frais qu'à Aden, où c'est très sain et seulement énervant par l'excès des chaleurs.

    Arrête de te plaindre s'il te plait..et rentre au pays. j'ai une bonne cave, un canapé-lit et je te ferai lire des trucs de Proust. On regardera des films, tu vas voir, tu vas halluciné. Toi qui aimais la photographie et ba dans les films, les images bougent..et y'a même des films où on parle de toi. sinon, mes condoléances à la famille du commandant.

    Bien à vous,

    Rimbaud.

  • printemps des poètes (5)

    Au printemps 1871, Rimbaud avait résolu de nous donner une heure de littérature nouvelle et il commençait de suite par un psaume d'actualité :

    Le Printemps est évident, car
    Du coeur des Propriétés vertes,
    Le vol de Thiers et de Picard
    Tient ses splendeurs grandes ouvertes !

    0 Mai ! quels délirants cul-nus !
    Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
    Écoutez donc les bienvenus
    Semer les choses printanières !

    Ils ont shako, sabre et tam-tam
    Non la vieille boîte à bougies
    Et des yoles qui n'ont jam, jam...
    Fendent le lac aux eaux rougies !

    Plus que jamais nous bambochons
    Quand arrivent sur nos tanières
    Crouler les jaunes cabochons
    Dans des aubes particulières !

    Thiers et Picard sont des Eros,
    Des enleveurs d'héliotropes,
    Au pétrole ils font des Corots :
    Voici hannetonner leurs tropes....

    Ils sont familiers du Grand Truc !...
    Et, couché dans les glaïeuls, Favre
    Fait son cillement aqueduc,
    Et ses reniflements à poivre !

    La Grand'ville a le pavé chaud
    Malgré vos douches de pétrole,
    Et décidément, il nous faut
    Vous secouer dans votre rôle...

    Et les Ruraux qui se prélassent
    Dans de longs accroupissements,
    Entendront des rameaux qui cassent
    Parmi les rouges froissements !

    medium_cri_peuple_03.jpgJe ne vous retranscris pas ce poème parce que c'est le printemps. Contrairement aux apparences, Rimbaud se foutait du printemps. Non, pour une raison qui me dépasse, c'est le poème qui me trotte dans la tête en ce moment. J'ai toujours un truc qui me trotte dans la tête. Quand ce n'est pas une mélodie, c'est une expression et en ce moment, c'est ce poème. Ici, bien sûr, c'est du printemps révolutionnaire dont il s'agit (commune de Paris) Au delà du fond, c'est la rhétorique utilisée qui me plait ici. Tout ces noms propres, ces noms de villes et termes peu courants (banbochons, tropes..). Sur le fond des choses quand même, je vous invite à aller sur cette page : http://rimbaudexplique.free.fr/poemes/chantdeguerre.html

    Je ne suis pas si calé sur cette période de notre histoire dont tous les rimbaldiens débattent sur le fait de savoir dans quelle mesure le poète participa à la Commune. En tout cas, s'il n'y participa pas dans les faits, son coeur y était, à n'en pas douter. La révolte, c'est l'action.