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éric Reinhardt

  • CR264 : l'amour et les forêts - Eric Reinhardt

    l'amour et les forêts.jpgA peu peu près tous les trois ans, Eric Reinhardt  sort un nouveau roman avec toujours la même ambition : épuiser un sujet (ou une histoire plutôt car il ne traite jamais qu'un sujet) grâce à une écriture ample et fluide. L'amour et les forêts ne déroge pas à la règle. On y retrouve ce style unique, cette fougue, ce torrent dans lequel on s'engouffre sans pouvoir se défaire. Pour ce dernier, l'écrivain revient sur Cendrillon, son meilleur roman (qu'il craint ne jamais pouvoir égaler). Il reçoit une lettre remarquable d'une lectrice, Bénédicte Ombredanne qui lui explique en quoi Cendrillon a changé sa vie. Ils décident de se rencontrer à Paris, au café de Nemours ou ER a ses habitudes. Il ne sait pas encore que cette rencontre va bouleverser sa vie. 

    Julie se confie à Eric. Prof de collège (ou de lycée je ne sais plus), mariée à Jean-François, un employé de banque psychorigide, elle a deux enfants et vit dans l'est de la France. Elle s'ennuie, a soif d'idéal et décide suite à une sorte de bizarroïde pétage de plomb de son mari de s'inscrire sur Meetic où elle fait la connaissance de Christian chez qui elle  va passer une après-midi poético-sensuelle inoubliable. Quand elle rentre chez elle, c'est le début de la fin. Son mari la soupçonne de tromperie (ce qu'elle nie) et se fait de plus en plus oppressant. Elle devient dépressive et fait un séjour en hôpital psychiatrique. Et l'écrivain qui n'a plus de nouvelles d'elle depuis plusieurs mois n'est pas au bout de ses surprises. 

    ER qui nous avait habitué à étudier les gens par le prisme de l'analyse socio-économique (Cendrillon, le système Victoria) oriente avec l'amour et les forêts sa plume vers l'intimité et les rapports familiaux. Comme on pouvait s'y attendre, il s'en sort à merveille. On ne sort pas indemne de ce récit mené tambour battant. Une nouvelle fois, il utilise son arme favorite : les longs monologues dans lesquels se lancent les protagonistes à la façon du narrateur dans extinction de Thomas Bernhard (la référence qui tue et que personne ne va aller vérifier -) . Mais ces derniers ont le défaut de leur qualité : comment est-il concevable  que des discours portés par des personnes différentes (Jean-François, Marie-Claire) se ressemblent à ce point stylistiquement parlant et surtout s'avèrent être à chaque fois des monuments littéraires ? Mais que l'écrivain se rassure (et qui s'en fout surtout), le même reproche peut être fait à Choderlos De Laclos et à d'autres. Par ailleurs, soyons exigeants avec ceux qu'on aime, la fameuse après-midi avec Christian est dégoulinante de mièvrerie et Jean-François est trop peu complexe pour être crédible. 

    N'ayant pas lu d'interview de l'auteur au sujet de ce roman (qui sorti chez Gallimard bénéficie d'une grosse publicité), je ne suis pas en mesure de dire si cette histoire est vraie ou non...ce qui ne change rien à sa force ainsi qu'à celle de son analyse. 

    lecture : août 2014, kindle, 4/5. 

  • CR223 : le système Victoria - Eric Reinhardt

    Système-Victoria-Reinhardt.jpgEn 2007, j’avais eu un véritable coup de coeur pour Cendrillon, et j’en avais beaucoup parlé sur ce blog. Tous les blogueurs ont un peu comme ça leur auteur fétiche dont ils lisent tout. Entre temps, j’avais lu le moral des ménages qui m’avait laissé sur ma faim mais qui écrit avant Cendrillon, l’annonçait déjà.
    Voici donc, le système Victoria le dernier opus de Eric Reinhardt, sorti en août 2011 et que j’ai décidé de ne pas lire tout de suite tout comme on patiente devant un bon plat afin d’aiguiser l’appétit.
    Résumé : David Kolski, directeur de travaux est marié avec Sophie. Le couple a deux enfants. David est à la tête d’un chantier énorme : la construction de la plus haute tour de Paris. Un jour, par hasard, dans une galerie marchande, il a un coup de foudre pour Victoria de Winter, une magnifique quadragénaire, drh d’un groupe international de 12000 personnes et marié à un violoncelliste. Les deux amants  se retrouvent dans des chambres d’hôtel luxueuses que loue Victoria : on boit du champagne, on parle politique (elle est de droite et lui de gauche), et surtout on fait l’amour de façon totalement débridée. Professionnellement parlant, David subit les pressions du prometteur immobilier du fait du retard pris par le chantier. Victoria, quant à elle, voyage sur tous les continents et doit entre autres s’occuper d’une fermeture d’usine en Lorraine.
    Dès le début du roman, on est informé de la fin tragique de Victoria mais on ne sait pas pourquoi et comment. On sait juste que David n’y est pas totalement étranger mais on sait aussi qu’il n’est pas coupable. Petit à petit, l’auteur tisse sa toile. Il en profite, à travers le parcours des deux tourtereaux,  pour nous rappeler  ce qu’il  pense du système libéral, de l’impasse dans lequel il nous mène (toile de fond de Cendrillon également). Victoria, dans son combat quotidien avec les syndicats symbolise cette fuite en avant, ce jusqu’auboutisme et ce jusque dans sa sexualité dont elle ne s’interdit rien. Pendant qu’elle plane dans des sphères luxueuses de la jet-set planétaire, David (qui n’est pas trop à plaindre quand même avec son salaire de 4000€) est englué dans le cambouis de sa Tour Uranus. Il subit mais retrouve de la vigueur grâce à sa relation avec Victoria. Les deux amants en veulent toujours plus....jusqu’au drame final...

    Bien que ce roman soit passionnant, qu’il se lise comme un polar et qu’on ne s’ennuie pas un instant (mention spéciale pour les pages où il est question de la maladie de la femme de David), j’ai trouvé que l’auteur caricaturait beaucoup les choses (mais peut-être force-t-il volontairement le trait). Cette Victoria est vraiment "trop" pour être crédible : trop belle, trop raffinée, trop intelligente, trop “bonne”, trop cultivée, trop bien placée. David, lui est la caricature du bobo de gauche (ceci dit , ce type de bobos existe vraiment, c’est ce qui m’attriste...). Jusque la destination finale de David qui après le drame, seul et déprimé va s’enterrer dans un hôtel situé dans ...la Creuse, on ne fait pas plus cliché .
    Ceux qui n’ont pas aimé Cendrillon n’aimeront pas plus celui-là. Quant à moi, modeste smicard de province dont le monde écrit dans ce roman est totalement étranger, j’ai dévoré ses 522 pages en quelques jours, dont les 400 dernières le jour de l’an. J’aime cette introspection très poussée dont font preuve les personnages, cette auto-analyse qu’ils s’imposent, un peu à la manière de Milan Kundera, disais-je à Gambetti, mais en développant même plus. La prose de Reinhardt n’est pas minimaliste. Au contre, elle est ample et vertigineuse...et allez, je l’utilise..JUBILATOIRE. Par ailleurs, par rapport à Cendrillon, le système Victoria est plus classique dans sa construction. Pas de multiplication du même personnage cette fois ci mais un récit palpitant, enlevé qui  ne laisse pas indifférent.
    Malgré les quelques réserves, un coup de coeur encore une fois !

    lecture : du 28.12.2011 au 01.01.2012
    stock, 522 pages
    année de parution : 2011
    note : 4.75/5

  • CR193 : le moral des ménages - Eric Reinhardt

    514N19H2HRL._SS500_.jpgJe me suis procuré ce livre juste après avoir lu Cendrillon que je range au panthéon des romans français contemporains..Si le moral des ménages n’a pas la même ambition que son successeur, on y retrouve à peu la même verve, la même violence dans la description de la société française. Manuel Carsen, le narrateur qui est devenu un chanteur médiocre, revient sur son enfance et n’a pas de mots assez forts pour dénoncer le mode de vie de ses parents et en particulier son père, un giscardien  complexé, à qui il reproche de faire le jeu des puissants tout en restant un minable représentant en photocopieurs. La classe moyenne en prend pour son grade et cette charge dure les trois quarts du roman (et dans la forme, m’a rappelé un peu extinction de Thomas Bernhard) et puis alors que cela devient un peu longuet (même si émaillées de quelques scènes assez poilantes à propos de la libido naissante de Manuel dont le désir à la vue du corps d’une fille pas si belle qu’il l’avait imaginé s’éloignait comme les loupiotes d’une chalutier partant vers la haute mer), le propos se retourne dans la dernière partie lorsque le narrateur devient une narratrice en la personne de la fille de Manuel qui considère avec un profond mépris la triste vie de son “artiste’ de père à qui elle préfère la vie honorable de ses grands-parents.
    Du coup, on ne sait sur quel pied danser lorsque l’on referme ce roman dont j’ignore la part autobiographique..Mais on peut se passer de celui-ci et se concentrer sur Cendrillon qui reprend (entre autre) le thème de cette classe moyenne si chère à l’auteur.

    roman , paru en 2002

    le livre de poche, 222 pages

    lecture du 10/12 au 15/12/ 2010

    note : 3.5/5

  • un passage de Cendrillon où il est question d'un passage.

    DSCN2378.JPGDans  la première partie du paysan de Paris de Louis Aragon, il est question du passage de l'opéra et cela me rappelle un autre passage décrit par Eric Reinhardt dans Cendrillon, et qui se situe quelque part à l'entrée des jardins du Palais-Royal . Je ne fais aucun lien entre Louis Aragon et Eric Reinhardt mais le fait est que la lecture du Paysan de Paris m'évoque un quelque chose de Cendrillon. Je ne saurais trop dire quoi, c'est méta (comme dirait une personne qui se reconnaîtra )..Mais c'est peut-être le fait que les deux écrivains fantasment sur des lieux un peu comme ça, des lieux transitoires qui ne sont pas forcément des lieux touristiques. Et puis l'amour pour Paris.


    J'ai fouiné sur le net mais n'ai pas trouvé de photo de ce passage, et j'ai d'ailleurs du mal à me figurer à quoi il ressemble (si quelqu'un....) A ma prochaine escapade à Paris (et oui, il arrive aux paysans de se rendre à Paris), on ira voir ça de près donc. Car je trouve ce passage (-)) du livre (p255) vraiment très beau, métaphysique et poétique à souhait :

    Immédiatement à droite de la terrasse se trouve l'une des entrées des jardins du Palais-Royal. Il s'agit d'une brève galerie voûtée qui débouche sur la cour des colonnes de Buren qui est elle-même une manière de prologue aux jardins proprement dits : ils la prolongent derrière une colonnade qui constitue une frontière en pointillé entre les deux espaces. J'ai toujours été fasciné, en particulier la nuit (quand il s'emplit d'une mystérieuse obscurité) (quand on aperçoit par cet oeil emmuré comme une énorme réserve de rêves, de branches, de ténèbres) (et peut-être l'attraction qu'exerce sur moi ce point précis de la géographie parisienne s'explique-t-elle tout entière par ce détail architectural : métaphysique en réalité), j'ai toujours été magnétisé par cet étroit conduit. Il est intéressant de noter qu'on accède à l'immensité des jardins par un discret petit passage, par une virgule de cet ensemble grammatical de premier ordre, dont je précise à la hâte (n'étant pas un passionné d'histoire) qu'il a été voulu par le cardinal de Richelieu, dessiné au XVIIe siècle par Jacques Lemercier et amplement modifié au XVIIIe par Victor Louis, à qui l'on doit la cour et les arcades actuelles (que j'adore) ainsi que le Théâtre-Français (1785), dont il est décevant de se dire qu'il n'est pas exactement celui où a joué le grand Molière, l'un de mes écrivains préférés. Je disais qu'on accède à l'immensité des jardins du Palais-Royal par une virgule de cet ensemble grammatical de premier ordre. Cette virgule s'auréole dans la nuit d'un mystère inégalable car elle exalte le principe qui lui est constitutif, accentué par son étroitesse, de passage. J'ai déjà dit l'importance que revêtait dans mon imaginaire le principe du passage : le petit pont de Brigadoon et la bouche d'égout du Trou. Quand le soir, la nuit, l'automne, attablé en terrasse du Nemours , je plonge mon regard dans ce mince interstice ténébreux et que je voix, profonde, intérieure, onirique, impénétrable, la perspective nocturne qui s'y déploie, peuplé d'ombres, d'arbres, de silence, d'éternité devrait-on dire, j'éprouve la sensation que ce petit passage est comme la métaphore de ce passage métaphysique que je ne cesse de rechercher depuis l'adolescence -quelque chose de ce genre, aussi vague, imprécis, instinctif que cela. Il me suffit de jeter un regard sur ce petit passage et j'y crois : mes sens s'exaltent, mes rêves se réalimentent , je me mets à y croire à nouveau. Et puis, c'est comme un oeil, l'oeil d'une femme par rapport à son immensité intérieure, par rapport aux méandres, aux mystères, à la beauté, aux grâces, aux secrets, aux forêts, aux rêves, aux fables, aux illusions uniques et merveilleuses qui s'y devinent.

  • les sorties de la rentrée : la sélection france Culture/télérama + "Cendrillon" en poche.

    Voici la sélection France Culture/Télérama. La reconstruction d'Eugène Green me tente plus ou moins..ainsi que le Zone de Mathias Enard (ce dernier rien que pour le titre). Espérons en tout cas qu'il en sortira quelque chose de plus réjouissant que le pitoyable et mon coeur transparent, lauréat 07. 
    • Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy (Verticales)
    • Philippe de la Génardière , L’année de l’éclipse (Sabine Wespieser)
    • Mathias Enard, Zone (Actes sud)
    • Tristan Garcia, La meilleure part des hommes (Gallimard)
    • Sylvie Germain, L’inaperçu (Albin Michel)
    • Eugène Green, La reconstruction (Actes sud)
    • Régis Jauffret, Lacrimosa (Gallimard)
    • Laurent Nunez, Les récidivistes (Champ Vallon)
    • Mathieu Riboulet, L’amant des morts (Stock)
    • Olivier Rolin, Un chasseur de lions (Seuil)



     Sinon, mon roman coup de coeur 2007 sort en poche..avec une couverture bien dans l'esprit du livre.

    6b448874b501e9cebcfea502a94f7511.jpg

     

  • des jours et des livres (6) - le prix du livre Inter 2008

    Mon livre de chevet est en liste pour le prix du livre inter 2008. Il fait partie des dix ouvrages sélectionnés dont voici la liste :

    • Henry Bauchau - Le boulevard périphérique
    • Sorj Chalandon - Mon traitre
    • Vincent Delecroix - La chaussure sur le toit
    • Annie Ernaux - Les années
    • Nicolas Fargues - Beau rôle
    • Eric Laurrent - Renaissance italienne
    • Linda Lê - In memoriam
    • Michèle Lesbre - Le canapé rouge
    • Eric Reinhardt - Cendrillon
    • Olivia Rosenthal - On n'est pas là pour disparaître

    Bon, le prix Inter a ceci de particulier que les membres du jury sont des anonymes qui ont postulé via courrier. Le service culture de France inter s'est chargé d'en sélectionner 24 (douze femmes, douze hommes) sur des critères purement subjectifs avec les lettres comme seuls supports. Les 24 heureux élus recevront les dix romans à domicile. sympa. Délibération le 1er juin.

    Tout ceci ne m'inspire que des choses postives. On sait le problème que cela cause et toutes les polémiques suscitées lorsque les jurys littéraires sont des professionnels de l'édition sur lesquels les maisons d'édition sont susceptibles d'exercer des pressions. Par exemple, plus personne n'accorde le mondre crédit au lauréat du prix Goncourt.

    27a52f5af6ceea5f650cf2dcb2306d3e.jpgDonc, je vais suivre de près le prix du livre Inter. En espérant que Cendrillon de Eric Reinhardt l'emporte, car, on dira ce qu'on voudra mais ce roman mérite un prix. Trop de gens sont passés à côté. Je le constate tous les jours en parcourant la blogosphère littéraire (ou j'essaie tant bien que mal de transmettre mon enthousiasme pour ce livre) où il a été quasiment ignoré. Par ailleurs, avec l'affaire de la Société Générale, ce roman a montré combien il était d'actualité.

    Pour mesurer les adversaires, j'ai envie de lire le boulevard périphérique de Henry Bauchau (parce que j'aime tout ce qui est périphérique...) et la chaussure sur le toit de Vincent Delacroix (parce que je veux savoir ce qu'une chaussure peut foutre sur un toit...)

    Loïc, 23h00

     

  • des jours et des gens (4) - Jérôme Kerviel vs Laurent Dahl

    Ce soir, je suis plongé dans les vers de Stéphane Mallarmé..ce qui m'a ramené à Cendrillon d'Eric Reinhardt. N'en finirai-je donc jamais avec ce roman ? Après quoi en rendant ma visite quotidienne au blog ligne de fuite , j'apprends que l'écrivain a fait une courte apparition dans la seule émission du paf qui vaille le détour, j'ai nommé ce soir ou jamais présenté par Frédéric Taddéi. Reinhardt constate qu'il y a plein de similitudes entre son personnage et le trader Jérôme Kerviel...et le lecteur constate une fois de plus que Cendrillon n'est pas seulement une invitation à mettre plus de poésie dans nos vies mais également un roman d'une actualité brûlante. Un roman total donc. Voici l'extrait :

     

  • l'hiver des poètes (2) - Stéphane Mallarmé

    259bd212efa9bdef1b0f38faf25631c3.jpgJe n'ai jamais trop accroché à Stéphane Mallarmé. Jusque-là, je trouvais sa poésie trop hermétique, difficile et surtout pas très agréable à lire, ce dernier point étant important puisque je peux aimer un poème agréable à lire même si je ne le comprends pas. Il y a des quatrains entiers du bateau ivre de Rimbaud dont on ne comprend rien mais qui sont d'une splendeur sans égal.

    Mais c'est la personnalité même de Mallarmé qui peut agacer. Très exigeant avec la poésie, il faisait partie, à mon sens de ces poètes "professionnels" sculptant ses vers dans la difficulté et n'étant satisfait qu'après maintes et maintes retouches. En clair, tout cela manquait de spontanéité et de cet esprit dilletante qui fait qu'on est un poète dans l'âme..

    C'est après avoir lu Cendrillon de Eric Reinhardt où il est beaucouo question de SM que j'ai eu cependant envie de m'y replonger. Et finalement, - peut-être suis-je aujourd'hui assez mûr pour le lire - je me surpris à me délecter de nombreux vers du grand Mallarmé. La poésie de Mallarmé est très profonde et très riche en mots 'extrêmes' ou 'absolus'. Concernant la prosodie, beaucoup regretteront l'obsession du poète à respecter scrupuleusement toutes les règles du sonnet. Perso, j'ai toujours préféré la poésie clasique à la poésie en vers libres. sans doute mon côté cartésien.

    Tiens et Mallarmé peut-être joueur à certains moments..comme le prouve ce poème où il transcrit en vers son carnet d'adresse :

                                                                                                                        

     Leur rire avec la même gamme                                  
    Sonnera si tu te rendis
    Chez Monsieur Whistler et Madame,
    Rue antique du Bac II0.

    Rue, au 23, Ballu.
    J’exprime
    Sitôt juin à Monsieur Degas
    La satisfaction qu’il rime
    Avec la fleur des syringas.

    Monsieur Monet, que l’hiver ni
    L’été, sa vision ne leurre,
    Habite, en peignant, Giverny
    Sis auprès de Vernon, dans l’Eure.

    Villa des Arts, près l’avenue
    De Clichy, peint Monsieur Renoir
    Qui devant une épaule nue
    Broie autre chose que du noir.

    Paris, chez Madame Méry
    Laurent, qui vit loin des profanes
    Dans sa maisonnette very
    Select du 9 Boulevard Lannes.

    Pour rire se restaurant
    La rate ou le charmant foie
    Madame Méry Laurent
    Aux eaux d’Evian, Savoie.

    Dans sa douillette d’astrakan
    Sans qu’un vent coulis le jalouse
    Monsieur François Coppée à Caen
    Rue, or c’est des Chanoines, I2.

    Monsieur Mendès aussi Catulle
    A toute la Muse debout
    Dispense la brise et le tulle
    Rue, au 66, Taitbout.

    Adieu l’orme et le châtaignier !
    Malgré ce que leur cime a d’or
    S’en revient Henri de Régnier
    Rue, au six même, Boccador.

    Notre ami Viélé Griffin
    Savoure très longtemps sa gloire
    Comme un plat solitaire et fin
    A Nazelles dans Indre-et-Loire.

    Apte à ne point te câbrer, hue !
    Poste et j’ajouterais : dia !
    Si tu ne fuis II bis rue
    Balzac chez cet Hérédia.

    Apporte ce livre, quand naît
    Sur le Bois l’Aurore amaranthe,
    Chez Madame Eugène Manet
    Rue au loin Villejust 40.

    Sans t’étendre dans l’herbe verte
    Naïf distributeur, mets-y
    Du tien, cours chez Madame Berthe
    Manet[^Berthe Morisot^], par Meulan, à Mézy.

    Mademoiselle Ponsot, puisse
    Notre compliment dans sa fleur
    Vous saluer au Châlet-Suisse
    Sis route de Trouville, Honfleur.

    Rue, et 8, de la Barouillère
    Sur son piano s’applique à
    Jouer, fée autant qu’écolière
    Mademoiselle Wrotnowska.

    Si tu veux un médecin tel
    Sans perruque ni calvitie
    Qu’est le cher docteur Hurinel
    Treize, entends- de la Boétie.

    Prends ta canne à bec de corbin
    Vieille Poste (ou je vais t’en battre)
    Et cours chez le docteur Robin
    Rue, oui, de Saint-Pétersbourg 4.

    J'imagine la réaction du facteur lisant une adresse écrite de la sorte. Parait-il en tout cas que Mallarmé a utilisé toutes ces adresses telles quelles et que toutes les lettres sont arrivées..

    Loïc, 22h10

     

  • Cendrillon, Eric Reinhardt - passages choisis (2)

    Je crois que fondamentalement, ce que j'ai aimé dans le livre de Reinhardt, c'est qu'il aborde beaucoup de thèmes : l'économie, la spéculation,  le sexe, l'amour, la création, la frustration, la poésie, le stress etc, tout ce qui remplit la vie de l'homme occidental contemporain. Par exemple, j'ai beaucoup de mal à lire un roman qui parle uniquement de ' '..Si on prend 'la possibilité d'un île' de feu MH, on a une seule thématique bien identifiable. Or, nos réalités sont diverses et ce n'est pas parce que je serais le fruit d'une manipulation génétique que toute ma vie, tout mon quotidien dépendrait et se concevrait par rapport à ça. Un bon roman doit embrasser la réalité du quotidien dans toute sa grandeur et aussi toute sa faiblesse. Je repense à Laurent Dahl qui passe le mercredi après-midi chez sa petite amie, Marie Mercier, une petite bourgeoise. Il a quelques ennuis gastriques et se retrouve confronté à une situation peu plaisante : enfermé dans les toilettes des Mercier, il ne sait comment se débarasser de son slip dans lequel il n'a pas su retenir. Cette histoire n'est pas anodine. Souvent les ennuis qu'on a de ce côté-là de nos vies sont assez révélateurs de certains caractères. Je prends mon cas. Enfant puis ado, j'étais un mec très timide (je le suis encore un peu mais il apparait qu'avec l'âge l'expérience de la vie prend le dessus sur la timidité) et je me souviens d'un voyage scolaire en Grande Bretagne alors que j'étais en 3ème. Nous avions chacun notre famille d'accueil. Et pour moi, ce voyage a été un stress de tous les instants. Ce qu'il m'en reste aujourd'hui, c'est que pendant 7 jours, je n'ai pas du tout déféqué car je ne comprenais pas le système de chasse d'eau des toilettes de ma famille d'accueil (et j'aurais été trop gêné de leur demander de venir tirer la chasse d'eau étant donné les odeurs etc). En journée, nous quittions nos familles et allions en car visiter Londres et autres endroits sympathiques. Mais j'étais tellement omnibulé par cette maudite chasse d'eau au système assez complexe que je n'ai profité de rien et toutes mes pensées revenaient à la façon dont j'allais pouvoir accomplir mes besoins. Mes camarades riaient, draguaient les petites anglaises et moi, j'étais là, à me retenir..et à ne pouvoir non plus uriner de façon apaisée tellement j'avais peur qu'en me laissant aller par devant, tout ne parte à l'arrière.

     'J'ai remarqué que plus on est envahi par le doute, plus on s'attache à une fausse lucidité d'esprit avec l'espoir d'éclaircir par le raisonnement ce que le sentiment a rendu trouble et obscur.' écrivait Moravia. Dans ce sentiment que j'avais d'être un bon à rien, j'ai été incapable pendant cette semaine horrible de trouver une solution à un problème pourtant simple. Je focalisais tellement sur ce problème que dès qu'il me fallait envisager une solution, ma façon de raisonner la chose déraillait complètement.

    A la différence de Laurent Dahl, qui des années plus tard devient un des des traders les plus riches de la city, je n'ai jamais pu me sortir de cette hyper-timidité et cela évidemment a eu des conséquences sur ma vie professionnelle. Pourtant je me trouve quelques points communs avec Dahl : une adolescence difficile, l'amour de la poésie et de la culture en général, l'envie de réussir par tous les moyens légaux (mais pas forcément éthiques). Je dirais même qu'au début des années 2000, j'ai découvert à mon humble niveau l'argent facile, celui qu'on pouvait se faire très vite avec les produits de placement à fort effet de levier. Il m'est arrivé de faire  du 900% sur un warrant qui ne montait que si le cac baissait. Mais il m'est arrivé aussi de tout perdre. résultat des opérations : je n'ai rien gagné dans ces folles années et j'y ai même laissé quelques plumes. J'étais à cette période obsédé par les indices boursiers et au boulot, je ne cessais d'actualiser boursorama pour voir comment évoluait mon panier de valeurs minutes après minutes. C'était devenu n'importe quoi..et aujourd'hui que je ne joue plus à ça, j'ai remplacé ces obsessions par d'autres (et j'en parlerais qu'avec un peu de recul..)

    Je ne me souviens plus trop du caractère de Laurent Dahl. (déjà..je sais, on oublie vite)...mais dans cette fuite en avant, pendant qu'il perd des millions de dollars sur la hausse du titre softbank, il croise une inconnue dans le train..et alors, et c'est ce qui fait la différence entre Laurent Dahl et Nick Leeson, c'est que Dahl, après avoir croisé le regard de cette fille, se fout complètement du cours de la bourse. Une seule chose importe pour lui : retrouver cette fille. Après l'avoir recherché grâce à quelques indices sur les hôtels d'aéroport où elle aurait pû descendre, il n'y croit plus qu'en invoquant le hasard, qui devrait une nouvelle fois lui venir en aide..Dahl, après avoir gagné un max de thunes en profitant à fond des dérives du système abandonne tout pour un regard. Laurent Dahl vous parle (ce qui justifiera le titre de cette note):

    'Une situation désastreuse, je la retourne assez vite et j'en envisage le bon côté, les avantages et les vertus. Chez la plupart des gens les années s'empilent, toutes semblables, indistinctes. Moi je voudrais que ma vie se déploie comme un dallage dans un jardin... que chaque année constitue un progrès sur la précédente... que chaque année ait sa couleur, son identitié, ses spécificités. Cela requiert de la part de celui qui s'est fixé cette ambition des efforts considérables. Et une sort de fétichisme insensé du temps qui passe... des souvenirs que l'on laisse derrière soi... des sensations qu'on en retire... Je me souviens précisément de toutes mes dates importantes. Mon passé est ponctué comme par des monuments par des dates et des événements fondateurs. C'est un système dialectique qui unit passé, présent, futur. Sinon, je meurs. Sinon, c'est terminé pour moi. Sinon, je serais balayé dans l'instant par la terreur que m'inspire l'existence.  Et c'est logique d'une certaine manière. Durant toute mon adolescence je me suis évadé dans des images - des images de mon avenir que je fabriquais, des sensations, des tableaux, des situations rêvées. Et à présent que j'ai rejoint le futur de cet adolescent... que je suis devenu le jeune homme de vingt-trois ans qu'il fantasmait...puis-je les trahir, puis-je trahir l'adolescent que j'ai été et les images qu'il fabriquait ? Je ne peux y échapper, je dois continuer à produire, à engranger des images... c'est un système trop ancien... je dois m'y plier...Je suis dans chaque instant celui que j'ai été, celui que je suis et celui que je serai' (p272/273)

  • CR16 - Cendrillon - Eric Reinhardt

    01f0dc7a0731e09080ca3a3cb8b002e3.jpgCendrillon, que j'ai fini d'un souffle, dans un élan mystique  le soir de noël, est un roman énorme dans tous les sens du terme. Nous avons à faire dans ce livre à Eric Reinhardt, lui-même qui raconte la genêse de l'oeuvre et à ses avatars, Laurent Dahl, un trader épris de poésie, Patrick Neftel, une espèce de nihiliste frustré admiratif des attentats du 11/09, à Thierry Trockel, aussi, un chimiste désireux d'assouvir tous ses fantasmes sexuels. Je ne vais pas vous faire le résumé de tout ça, il y en a suffisamment sur le net. juste dire ce qui me traverse l'esprit.

    Ce que j'ai là, à l'esprit, c'est Laurent Dahl. Après quelques années au back office où il est humilié par les traders du front, il se fait embaucher par un ami trader, en tant qu'associé dans un hedge fund qu'il décide d'appeler Igitur en référence au poème de Mallarmé (un truc dont je n'ai jamais rien compris mais qui curieusement m'a servi longtemps de pseudo sur le net ). La mission de Dahl est de récolter un maximum de dolls (pour dollars) auprès d'investisseurs privés. Il se débrouille à merveille et le fond démarre sur les chapeaux de roue. Son associé, Steve Stihl, un génie de la finance gagne à tous les coups en prenant le marché à contre-pied..En 1998, voyant se gonfler les valeurs internet, il décide de mettre le paquet et de parier sur l'effondrement de la valeur Softbank. Il est sûr de lui. Mais softbank continue à grimper..vertigineusement, boosté par la concentration qui s'opère dans le secteur. Dahl est chargé de continuer à faire rentrer de la trésorerie pour couvrir ce qu'on appelle les 'appels de marge'. Acculés, les deux associés sont obligés de magouiller en rachetant à prix d'or une start-up insignifiante. On embauche un expert qu'on achète, chargé de surévaluer cette valeur..Pendant ce temps, Softbank coninue à grimper. Dahl, en voyage en France, croise une inconnue dans un train dont il devient fou. Il l'a perd de vue et dans une fuite en avant, fait tout pour la retrouver, faisant confiance au hasard ou au destin. A ce moment, le sort d'Igitur semble lui importer peu. Seule compte pour lui, cette femme croisée dans le train (c'est la raison pour laquelle Dahl est mon préféré dans ce roman, une sorte d'idéal..un trader mallarmén...on n'en croise pas tous les jours).

    J'ai envie aussi de vous parler d'Eric Reinhardt, l'écrivain. Attablé en terrasse du café le Nemours, il vante l'automne, saison de tous les possibles - 'l'atmosphère de l'automne inscrit du sens entre les choses, entre cet arbre et cette façade, entre ces branches et cette fenêtre, entre le kiosque à journaux et chaun des réverbères qui ponctuent l'esplanade, espace qui n'est plus vide mais substanciel, méditatif un espace qui a l'air de penser lui-même et de penser les êtres qui le traversent'. - Je vous le dis comme je le pense : Ce roman est la plus merveilleuse ode à l'automne que je n'ai jamais lu...ce qui est extraordinaire, c'est que ce poème à l'attention d'une saison côtoie sans heurt l'ambiance de folie qui règne sur les places boursières mondiales..Parralèlement, Patrick Neftel, looser incapable de trouver sa place dans la société rumine sa haine du système au fond de sa chambre dans la maison de maman. Ce qu'il voit à la télé le dégoute, sa mère le dégoute, le capitalisme le dégoute. Il voue une admiration sans borne à Patrick Durn, ce type qui assassina de sang froid plusieurs élus municipaux lors d'une réunion de conseil. Il prépare un attentat suicide à la télé. Chaque histoire finit dans la fuite en avant, Dahl dans la quête de cette femme croisée dans le train et suspendu au cours de l'action Softbank, Patrick Neftel, qui dispose d'armes et de munition prêt à comettre le pire, et Trockel qui s'en va avec sa femme rejoindre un couple en Allemagne afin d'assouvir le dernier de ses fantasmes...

    On en reste là mais on est abasourdis par tant de maîtrise dans le récit, par tant de poésie, par tant de cruauté, tant d'instincts primaires et en même temps par tant de réflexions profondes. Ce livre est énorme...chapeau bas à Mr Reinhardt. Et je vais vous dire pourquoi je n'aimerais par être à sa place aujourd'hui : car il va lui être difficile de faire mieux..et je vais vois dire de quoi je suis dégouté : non seulement, ce roman n'a eu aucun prix littéraire mais il n'apparaissaitt même pas dans les sélection finales. Je suis sûr d'une chose : le temps travaille pour lui.

    à venir dans une prochaine note, un nouvel extrait.

    Loïc, 23h15