présentation de l’éditeur : Histoires sans chute, amorces de récits, nouvelles tronquées, expériences vécues et inventées, impressions et réflexions, ce livre rassemble, tel un carnet de voyage métaphysique et charnel, quelques facettes de la route américaine : chambres de motel, stations-service, resto-routes, parkings, centres commerciaux, etc. C'est là, dans cette banlieue illimitée, dévastée par la misère culturelle et la barbarie marchande, que l'auteur traque le presque-rien de nos existences standardisées, non sans y découvrir encore des possibilités de rencontres inopportunes, d'errances libératrices, de réveils enchanteurs.
mon avis : cela fait longtemps que je parle de Bruce Bégout sur ce blog fréquenté par quelques égarés de la toile. J’avais été séduit par son essai sur les motels ‘lieu commun. le motel américain” sans l’avoir lu entièrement. L’éblouissement des bords de route m’a ébloui. Ecrire sur le rien qui fait nos vies n’est-il pas le but ultime de la littérature ?
A travers les 21 chapitres, Bruce Bégout donne à réfléchir sur ces zones péri-urbaines où les gens passent, s’arrêtent parfois, se garent, consomment, dorment ou s’adonnent à diverses activités banales dont se composent nos existences occidentales. Rien de fondamental ne semble s’y jouer, tout y est provisoire. Les gens se croisent sans se parler.
Une nouvelle en particulier a retenu mon attention. Dans une région reculée de l’Utah, le narrateur a posé ses bagages dans l’une des chambres du motel 6 (on peut réserver en ligne). Le gérant lui raconte l’histoire d’un homme qui vit dans ce motel depuis 5 ans. Il travaille dans une scierie des environs, part le matin, rentre le soir. Il est réservé mais très poli. “iI paye sa chambre chaque fin de semaine”. Il ne reçoit aucune visite et n’a pas du tout personnalisé sa chambre. Il ne semble s’intéresser à rien et possède juste un livre écrit par un certain Thoreau (et wikipedia m’apprend que Henri David Thoreau est l’auteur d’un récit intitulé Walden ou la vie dans les bois, récit qui raconte l’histoire d’un type qui s’isole pendant deux ans dans une cabane perdue au fond d’une forêt).
Et puis, j’ai également été très sensible à la plume de Bruce Bégout..très raffinée sans être pédante...il suffit de lire cette phrase qui résume à elle seule l’éblouissement dont est victime le narrateur :
Quel plaisir, me dis-je sans remuer les lèvres, de se perdre dans la substance originelle et non individuée de la vie courante où tout possède une valeur égale et par là même nulle, et de coïncider avec le fond neutre et indifférencié du Commun.
recueil , paru en 2004
éditions Verticales, 138 pages
lecture du 21/11 au 27/11/ 2010
note : 5/5




J’ai acheté ce livre dès sa sortie tant il s’imposait à moi..Alain Veinstein et moi, c’est une longue histoire commencée à l’orée des années 90, une époque où j’écoutais beaucoup la radio, interrompue quelques années pour cause d’égarement de ma part vers des chemins sombres et tortueux et puis histoire qui a repris et continue depuis quelques années. Depuis la rentrée de 2009, Veinstein s’est vu amputé de son émission phare, surpris par la nuit (disparition qui n’a pas fait beaucoup de bruit d’ailleurs) mais il reste toujours ma préférée, du jour au lendemain qui s’écoute au milieu de la nuit et au cours de laquelle Veinstein reçoit un écrivain (pas trop connu de préférence). Je l’ai déjà dit ici mais j’aime beaucoup l’atmosphère de cette émission. Une vraie émission de nuit. La vie au ralenti. Les gens prennent le temps de parler, hésitent et font appel au silence pour se ressourcer.
Alain Veinstein insiste longuement sur l’importance du silence dans son émission et sur sa conception de la radio..à des années lumières du bruit qui s’entend sur toutes les ondes. Il est question également de ses affinités littéraires (Michel Leiris, Pascal Quignard entre autres..) et il assume totalement le fait d’inviter des gens en fonction de ses propres goûts. Cet essai m’a enfin révélé ce Veinstein dont jusque là je ne connaissais que la voix..
Ce matin, sur la route du travail, je suis tombé sur Fabrice Luchini qui s’exprimait à propos du Goncourt. Il cita comme exemple des grandes injustices, l’année 1932. Cette année là, voyage au bout de la nuit fut coiffé sur le fil par un roman intitulé les loups mais Luchini ne se souvenait plus du nom de son auteur..et il a clairement laissé entendre que toute façon, tout le monde s’en foutait de cet auteur.