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le droit à ceci et le droit à cela, vu par Alain Fleischer


9782020680158.jpg" Dans la France des débuts du vingt et unième siècle, le credo des citoyens est leur droit à tout : droit au travail, droit au logement, droit à l'éducation, droit à l'alimentation, droit aux vacances, droit de grève, droit à la médecine, droit à la sécurité, droit à la retraite, droit à la maternité,  et à la paternité... comme si la nation qui avait inventé les droits de l'homme n'avait désormais mieux à faire que de décliner les grandes idées en sous-produits, à mettre en application les idéaux par les services d'une Administration générale du Bien-être - le bonheur est encore une autre affaire, mais on y vient...-, et comme si le but d'une société était de décréter des droits, de définir le citoyen comme le bénéficiaire de ces droits, de lui en assurer la jouissance, la protection; d'enfermer l'individu dans cette prison de ses droits qui l'empêche de penser à tout ce qui ne lui est pas dû automatiquement, et qui ne lui serait accessible que par un désir singulier, un effort personnel, la volonté individuelle, l'ambition d'un seul  de refuser l'ambition commune à tous. Il serait bien beau et généreux de décréter que les aveugles ont le droit de voir, que les sourds ont le droit d'entendre, et que toute privation de la vue ou de l'ouïe est une injustice de la société plus encore qu'une erreur de la nature. Bien sûr, toute disposition est souhaitable pour diminuer la souffrance ou l'inconfort d'un handicap, et pour rendre la vie plus supportable parmi la société à ceux qui en sont frappés, mais combien belle serait la loi qui donnerait au citoyen la conscience des aveuglements et de la surdité auxquels conduit la perversion des idéaux ! Tôt ou tard, tout citoyen connaît une situation où il se sent lésé, tôt ou tard, lui vient l'idée qu'il peut obtenir un dédommagement, car tout malheur qui le touche, petit ou grand, doit avoir un responsable, un coupable, socialement, politiquement identifiable, et tout dommage, même affectif ou moral, est chiffrable en euros."

prolongations, Alain Fleischer, p178, éditions Gallimard.

 

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