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roman - Page 19

  • CR63 : le livre d'un homme seul - Gao Xingjian

    lelivredunhommeseul.jpgLe livre d'un homme seul est le récit d'un chinois seul, ...et qui veut le rester malgré l'oppression communiste. Trouvant refuge dans la littérature, il survit tant bien que mal à la révolution culturelle (qui n'a évidemment, comme beaucoup ne le savent pas encore en France de Révolution et de Culturelle que le nom) en se faisant oublier par un opportunisme de bon aloi. Dans cette Chine maoïste où l'on peut mourir pour un geste ou un regard mal placés ou pour avoir parmi ses ancêtres quelque oncle potentiellement droitiste, il vaut mieux se ranger en attendant que ça passe.
    Des années plus tard, exilé en Europe et devenu un artiste reconnu, il témoigne de ces années de souffrance tout en mordant à pleines dents tous les plaisirs qu'offre la vie en alignant les partenaires -sexuelles- et les pièces de théâtre.

    J'ai failli abandonner à plusieurs reprises ce roman-fleuve mais je crois que je l'aurais regretté. Car en plus d'avoir une valeur documentaire indéniable, il s'agit aussi d'une oeuvre littéraire savamment construite (le même narrateur est il ou tu selon qu'il se situe avant ou après l'exil).
    Tiens, mais pas inspiré sur ce coup-là. Peut-être parce que je ne suis pas trop fan des oeuvres où l'on dénonce quelque chose...Mon côté proustien.


    extrait : 
    Sachant bien que l'utopie de la nouvelle société constitue au même titre que l'homme nouveau un mythe moderne, aujourd"hui, chaque fois que tu entends les gens soupirer en disant que les idéaux sont détruits, tu te dis qu'il vaut mieux qu'il en soit ainsi. Tu comprends bien que ceux qui continuent à proclamer leurs idéaux sont de nouveaux vendeurs de poudre de perlimpinpin. Et ceux qui veulent te convaincre par d'intarissables flots de paroles, qui te donnent des leçons, tu te hâtes de leur dire, ça va, ça va, vieux frère, à demain - et tu files à l'anglaise.

    lecture du 30.11 au 24.12.08
    note : 4/5
    compte-rendu à venir : la mort à Venise, Thomas Mann

     

  • CR52 : lignes de faille - Nancy Huston

    7dcf0bb1688adbdc6d3c3582f5636451.jpgLe principe de ce roman est original : il s'agit de 4 récits dont les narrateurs successifs sont des enfants de six ans dont chacun est le parent du précédent. Le premier récit (de Sol) m'a globalement ennuyé, le deuxième un peu moins et ainsi de suite jusqu'au quatrième..car petit à petit on devine qu'un secret de famille plane sur ces générations qui se suivent et on sent monter la tension jusque la révélation finale.
    En même temps, il s'agit d'une plongée dans l'histoire contemporaine des États-Unis, en commençant par la fin (le 11.09.01 est évoqué) et en démarrant dans les années 40 (quelque part en Allemagne). Pas inintéressant de revisiter l'histoire sous le point de vue parfois naïf et en tout cas plein de candeurs des enfants.
    C'est savamment construit et plaisant à lire. Mais ça manque peut-être de souffle épique ( à la manière d'un middlesex, qui utilise - de mémoire - un peu le même procédé).


    On va dire que ça vaut 3.5/5. Pas 4...car j'ai été sans cesse agacé par le fait que dans les dialogues, Nancy Huston inverse systématiquement la disposition du verbe et du sujet (genre, elle va écrire :
    - quelle heure est-il, elle demande ?
    au lieu de
    - quelle heure est-il, demande-t-elle ? ). Ce qui sonne très mal.

    lecture du 07.09 au 14.09.08
    en poche (collection babel)
    note : 3.5/5
    lecture à venir : le rêve, Emile Zola

     

    - la place, Annie Ernaux ;
    - Doggy Bag saison 3, Philippe Djian ;
    - Paysage fer, François Bon
    - Le rêve, Emile Zola
    - Le complot contre l'Amérique, Philippe Roth
    - Le café de la jeunesse perdue, Patrick Modiano
    - Cent ans de solitude, Gabriel Garcia Marquez
    - Le mépris du bon sens, Benoit Godrillon
    - Terminal Frigo, Jean Rolin
    - Le nom de la Rose, Umberto Eco
    - Ferroviaires, Sereine Berlottier
    - Lignes de faille, Nancy Huston
    - C'était bien, Jean D'ormesson
    - Hoffmann à Tokyo, Didier Da Silva
    - Tours et détours de la vilaine fifille, Mario Vargas Llosa
    - Les noces barbares, Yann Queffélec

    - Mémoires secrets pour servir à l'histoire de ce siècle, Pierre-Jean Rémy
  • CR51 : Tours et détours de la vilaine fille - Mario Vargas Llosa

    3a5ea7b51902e8f6007b35fc71168903.jpgVoici le compte-rendu du meilleur roman que j'ai lu cette année. En 2007, ce fut Cendrillon de Eric Reinhardt. En 2008, cela risque fort d'être ce tours et détours de la vilaine fille de Mario Vargas Llosa. Car ce livre, ce n'est que du bonheur du début à la fin, l'essence même de la littérature.
    Tout le long du roman, le narrateur Ricardo, un traducteur péruvien vivant à Paris est amoureux d'une vilaine fille qui ne cessera de changer de nom au fur et à mesure de ses vies successives. Du coup, pour se simplifier la tâche, très vite il l'appelle la vilaine fille. Et ça lui va très bien. Car la vilaine fille se fiche de tout et de tout le monde. Complètement désinvolte, avide d'émotions fortes et attirée par le fric facile, elle ne satisfait pas de la vie un peu trop ronflante de Ricardo , qui se sent juste bien dans sa petite vie d'interprète et de traducteur. Alors, elle ne cesse de le quitter sans crier gare pour quelque amant fortuné rencontré ici ou là en France, dans les milieux aristocratiques anglais ou dans la mafia japonaise. La vilaine fille, si belle, si gracieuse et si féminine ne se fixe aucune règle. Elle va de par le monde (en commençant par être l'épouse d'un révolutionnaire castriste) pour finalement retomber, souvent un peu par hasard dans les bras de son Ricardo chéri , qui est vraiment le seul à l'aimer pour ce qu'elle est. C'est d'ailleurs là le seul petit défaut du roman : sur cette Terre peuplé de 6 milliards d'êtres humains, il semble inconcevable pour deux individus de se retrouver aussi facilement et et à chaque fois par hasard (sauf lors des retrouvailles à Madrid ). Cette histoire d'amour complètement déjantée qui durera 40ans se termine plutôt bien, on va dire puisque la vilaine fille, à bout de souffle, à bout de force, épuisée, malade, amaigrie, vient passer ces derniers jours sur Terre dans les bras de Ricardo . A ce moment, je n'ai pas pleuré mais j'ai eu comme un commencement de boule dans la gorge. Mais j'ai fermé le livre le sourire aux lèvres.
    Tours et détours de la vilaine fille se boit comme du petit lait. C'est frais, enjoué, comme l'est toujours la plume de Mario Vargas Llosa, qui fait partie de mes écrivains vivants préférés.
    Merci à lui. Vive la littérature..et les femmes comme la vilaine fille -))
    lecture du 29.08.08 au 06.09.08
    note : 4.5/5
    lecture à venir : ligne de faille de Nancy Huston

  • CR40 - Cosmopolis - Don DeLillo

    547bcc4b553780a2670152c913226878.jpgCe roman, c'est l'histoire d'un golden Boy portant le doux nom d'Eric Packer. ça commence le matin quand il rentre dans sa limousine qui fait trois kilomètres de long. A l'intérieur, il y a tout ce qu'il faut pour vivre et surtout il y a des écrans qui lui permettent de suivre le cours des marchés, et en ce jour d'embouteillages dans les rues de New-York, Eric suit tout spécialement le cours du Yen dont il a parié des milliards sur la baisse. Mais c'est le contraire qui se produit. Quasiment tout le roman se situe dans la limousine, en compagnie d'Eric, le chauffeur, du garde du corps et des secrétaires et amantes qui se succèdent, venant d'on ne sait où. A la base, Eric cherche un coiffeur mais du fait du bouchon monstre, ça avance lentement et il se retrouve spectateur de tout un tas d'évènements comme le passage de l'enterrement d'un ancien rappeur très connu, le happening d'un groupe d'anarchistes. Eric se risque parfois à quelques petites escapades en dehors de sa Twingo. Essentiellement dans des bars pour rencontrer des maîtresses. Il y a aussi cette rave party en sous-sol, qui provoque l'éblouissement de notre héros.
    Parallèlement, une type, quelque part dans la ville, veut tuer Eric. Il a échafaudé tout un plan pour ça. Il veut la peau d'Eric, pour ce qu'il représente et parce que sa limousine déplace l'air dont les gens ont besoin pour respirer au  Bangladesh. Eric sent qui quelqu'un le cherche. Eric se prépare à la confrontation finale. Et il s'y prépare par tout un discours métaphysique, à la limite du démentiel. Les deux hommes finissent par se retrouver.

    Ce n'est qu'une fois le livre fermé qui je me suis dit que tout ça allait peut-être me marquer. Et parce que le style de Don DeLillo est très particulier, très fouillé, virant souvent au surréalisme, ce qui est très rare pour un écrivain américain (si je considère ceux que j'ai lu en tout cas). J'ai haï pendant toute la lecture la personne d'Eric Packer. Pas au point d'en souhaiter la mort mais au point de souhaiter la fin d'un système qui génère de tels monstres de cynisme.

    Loïc, 15h00

     

  • CR39 - la chaussure sur le toit - Vincent Delecroix

    449932fab00cb7d1536c2e9e3b210081.jpgA la fin de ce livre, il est indiqué " ce livre a été achevé à la villa Marguerite-Yourcenar, au Mont-Noir. Que toute l'équipe de la ville soit ici remerciée'. ça ne m'aurait pas fait réagir plus que ça si, il y a quelques jours, en regardant un reportage consacré à la villa Medicis, je n'avais appris que l'écrivain Vincent Delecroix y cherchait l'inspiration pour son nouveau roman. Je ne sais vraiment pas quelle conclusion tirer de ça.
    Voilà qui est dit. En tout cas, je me suis régalé avec la chaussure sur le toit, roman qui s'avère être une succession de nouvelles dont le point commun est qu'à chaque fois et pour des raisons différentes, il finit par être question d'une chaussure sur un toit. A priori aussi, toutes les histoires ont comme point central un même immeuble parisien, situé près de la gare du Nord. Chaque nouvelle est indépendante même si l'écrivain trouve un malin plaisir à glisser des détails ou des allusions, ce qui créé des petites correspondances, qui prêtent à sourire. 
    Le jeu consiste pour le lecteur, en cours de lecture d'une histoire, à se demander par quel subterfuge, cela va finir par amener à ce qu'une chaussure, une seule, finisse par se retrouver sur le toit de l'immeuble. Dans la première nouvelle, il s'agit d'une chaussure laissé par un ange, vu par une petite fille depuis sa chambre, dans une autre, c'est un bandit qui vient de rater un braquage et qui se réfugie sur le toit de l'immeuble et qui doit abandonner une chaussure car sa jambe et son pied sont enflés...etc
    lecture agréable. Je finis, ce soir, je suis en retard !
    Loïc, 8h15
    Me revoilou. Je rajouterais que c'est un roman divertissant, mais pas transcendant non plus.  Il sera oublié dans un an. Et je viens de me renseigner sur wikipedia concernant les pensionnaires de la villa Médicis.En fait, en étant sélectionné par un jury après avoir posé sa candidature, un artiste peut séjourner dans cette villa afin d'y produire une oeuvre.
    Pour les arts plastiques, on peut  comprendre mais pour un écrivain, je suis un peu surpris. En quoi le fait de vivre dans une villa romaine, favorise-t-il la création littéraire ?
    Loïc, 17h74

  • CR31 : Et mon coeur transparent - Véronique Ovaldé

    f14c0aadb75db7d34dfece36af810b52.jpgA chaud, je le dis tout de suite : j'ai détesté ce livre. Pas tant l'histoire que ce style complètement tordu. D'ailleurs, plus qu'un style, je pencherais plutôt pour des carences de l'auteur, incapable de dire simplement des choses simples. Ou bien alors, c'est moi qui suis trop vieux jeu et qui aurais du mal avec des oeuvres trop avant-gardistes. Non, je ne crois pas. Je suis ouvert à tout...sauf peut-être à la médiocrité.

    Des mauvais livres, ça existe, là n'est pas le problème. Par contre, que des mauvais livres soient récompensés par des médias comme Télérama ou France Culture, là, je ne comprends plus. Je me disais pourtant qu'il ne pouvait sortir que quelque chose de bon d'un prix du livre France Culture-Télérama. Je me suis trompé.

    C'est dommage car j'étais depuis quelques semaines à la recherche d'un nouvel écrivain fétiche et j'avais eu le pressentiment que Véronique Ovaldé pouvait être l'heureuse élue. Non, elle rejoindra juste David Foenkinos, Balzac et Willian Faulkner dans ma liste des écrivains imbuvables.

    Je vais quand même mettre 1/5 : 0.5 points pour les saints, 0.5 points pour la chapelle. Euh non, 0.5 points pour le titre, qui est pas trop mal (tiré d'un poème de Verlaine où il fait ce rêve étrange et pénétrant...) et 0.5 points parce que ça m'a permis de lire pour la première fois un roman des éditions de l'Olivier.

     

    extrait : aucun

    note : 1/5

  • CR30 : Middlesex - Jeffrey Eugenides

    d7d99c51e62a9cbe8b25b70744c1693e.jpgMiddlesex de Jeffrey Eugenides pèse 322 grammes, ce qui en fait un gros livre de poche. J'aime beaucoup les pavés car ça donne vraiment le temps d'habiter les personnages, de les comprendre et de se sentir aussi lié à leur destin. Mais là, la lecture s'étant faite sur trois semaines, je dois dire que j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire. Ce n'est pas par manque d'intérêt...mais en ce mois de mars, je me suis fait doublement exploiter au boulot, si bien que le soir, je m'endormais littéralement devant mon bol de soupe. Alors, vous comprenez qu'il était difficile de me concentrer sur des choses aussi éloignées du quotidien où j'étais enfermé dans des considérations très terre à terre.

    Pensant à tout cela, vendredi soir, je me suis promis de le finir pour la fin du weekend..ce qui j'ai réussi, et sans forcer tant le récit était limpide et l'histoire assez haletante. Ce roman se déroule sur trois générations et raconte le destin d'une famille grecque qui émigre vers les Etats-Unis au début du XXème siècle. Tout aurait été en somme très banal si les émigrants, un frère et une soeur n'avaient pas décidé de se marier sur le paquebot les emmenant vers le rêve américain. Les conséquences de cet inceste se dévoileront deux générations plus tard, un bébé (prénommé Caliope et qui est aussi la narratrice) qui se présente comme étant une fille s'avère être aussi un garçon. Ce que personne ne remarquera pendant toute son enfance. Alors que toutes ses amies voient leurs corps se transformer à l'adolescence, rien ne se passe chez Caliope. Après moulets péripéties, quelques années plus tard, Caliope devient un garçon et se fait appelé Cal.

    A travers l'histoire de Caliope, le narrateur embrasse toute l'histoire de Etats-Unis et plus précisément de Détroit, ville où la famille Stéphanides a décidé de s'implanter en 1922. Lecture très instructive sur la dévouvert de soi-même, de son corps, sur la condition du réfugié et sur le modèle américain.  note : 4/5

    un extrait : en arrivant à Détroit, Lefty se fait pistonner par un cousin pour entrer dans l'usine Ford, principal employeur de la ville. Lefty et sa femme Desdemona ( qui est aussi sa soeur) sont, dans un premier temps, logés chez les cousins, Zizmo et Lina. Un jour, des envoyés de Ford lui rendent visite :

    Deux hommes se tenaient sur la paillasson. Ils portaient des costumes gris, des cravates rayés, des chaussures noires. Ils avaient des favoris courts. Ils tenaient à la main des mallettes identiques. En enlevant leurs chapeaux, ils révélèrent des cheveux du même châtain, soigneusement séparés par une raie au milieu. Zizmo retira la main de sa veste.

    " Nous appartenons au service social de l'entreprise Ford, dit le plus grand. Mr Stephanides est-il à la maison ?

    - oui ? dit Lefty.

    - Mr Stephanides, laissez-moi vous expliquer la raison de notre présence.

    - la direction estime, enchaîna le plus petit, que cinq dollars par jour entre les mains de certains hommes peuvent constituer un handicap énorme sur les voies de la droiture et de l'honnêteté et faire d'eux une menace pour la société en général.

    - Il a donc été décidé par Mr Ford - reprit alors le plus grand - que cet argent ne peut être alloué à qui ne saurait en faire usage en toute conscience et avec retenue.

    - Egalement - de nouveau le petit - que si un homme semble avoir les qaulités requises mais qu'il en vient à faiblir, l'entreprise est en droit de le priver de sa part de bénéfices jusqu'à ce qui se soit réhabilité. Pouvons-nous entrer ?

    Une fois à l'intérieur, ils se séparèrent. Le grand sortit un bloc de sa mallette. " Je vais vous poser quelques questions, si vous voulez bien. Buvez-vous, Mr Stephanides ?

    - non." Zizmo répondit pour lui.

    " Et qui êtes-vous, si je puis me permettre ?

    - M'appelle Zizmo.

    Vous êtes en pension ici ?

    - Je suis chez moi.

    - Ce sont donc Mr et Mrs Stephanides qui sont pensionnaires ?

    - C'est ça.

    - ça ne va pas. ça ne va pas, dit le grand. Nous encourageons  nos employés à souscrire un emrpunt-logement.

    - Il y travaille", dit Zizmo.

    Entre temps, le petit était entré dans la cuisine. Il souleva les couvercles, ouvrait la porte du four, scrutait le contenu de la poubelle. Desdemona allait s'y opposer, mais Lina la retint d'un regard. (Et remarquez comment le nez de Desdemona s'est mis à bouger. Depuis deux jours, son odorat est incroyablement fin. Les aliments commencent à avoir une drôle d'odeur pour elle, la feta sent les chaussettes sales, les olives la crotte de chèvre.)

    " Vous vous baignez souvent, Mr Stephanides ? demanda le grand.

    - Tous les jours, monsieur.

    - Vous vous brossez les dents souvent ?

    - Tous les jours, monsieur.

    - Avec quoi ?

    - De la poudre."

    Maintenant le petit était en train de monter les escaliers. Il envahit la chambre de mes grands-parents et inspecta les draps. Il entra dans la salle de bains et examina le siège des toilettes.

    A partir de maintenant, utilisez ceci, dit le grand. C'est un dentifrice. Voilà une brosse à dents neuve."

    Déconcerté, mon grand-père saisit les objets. "Nous venons de Bursa, expliqua-t-il. C'est une grande ville.

    - Brossez le long des gencives. De bas en haut pour le bas et de haut en bas pour le haut. Deux minutes matin et soir. Essayez.

    - Nous sommes des gens civilisés.

    - Dois-je comprendre que vous refusez de vous conformer aux instructins d'hygiène ?

    - Ecoutez-moi, dit Zizmo. Les Grecsz ont construit le Parthénon et les Egyptiens ont construit les pyramides à une époque où les Anglo-Saxons étaient encore vêtus de peaux de bêtes." (jolie la réplique)

    Le grand regarda Zizmo et nota quelque chose sur son bloc.

    "Comme ça ?" demanda mon grand-père. Avec une grimace hideuse, il fit aller et venir la brosse dans sa bouche sèche.

    "C'est dela. Parfait."

    Le petit réapparut alors. Il ouvrit son bloc et commença : "premier point : poubelle de la cuisine dépourvue de couvercle. Deuxième point : mouche sur la table de la cuisine. Troisième point : trop d'ail dans la cuisine. Provoque l'indigestion."

    (Et maintenant Desdemona localise le coupable : les cheveux du petit. L'odeur de la brillantine lui donne la nausée.)

    "C'est très généreux à vous de venir vous intéresser à la santé de vos employés, dit Zizmo. Il ne faudrait pas que quelqu'un tombe malade, n'est-ce pas ? ça pourrait ralentir la production.

    - Je vais faire semblant de ne pas avoir entendu, dit le grand, puisque vous n'êtes pas un employé de l'entreprise Ford. Toutefois, se retournant vers mon grand-père, je dois vous dire, Mr Stephanides, que dans mon rapport, je mentionnerai vos relations sociales. Je recommanderai que vous et Mrs Stephanides vous installiez dans votre propre foyer dès que la chose sera financièrement possible.

    - Et puis-je vous demander quelle est votre profession, monsieur ? voulut savoir le petit.

    - Je suis dans le transport, dit Zizmo.

    - Très gentil à vous, messieurs, d'être passés, intervint Lina. Mais si vous voulez bien nous excuser, nous allions nous mettre à table. Nous devons aller à l'église ce soir. Et bien sûr, Lefty doit être couché à neuf heures pour se reposer. Il aime être frais et dispos au réveil.

    - C'est bien. Très bien."

    Ensemble ils mirent leurs chapeaux et s'en allèrent.

  • CR24 : Bel Ami - Guy de Maupassant

    cdf95f34763053a745a693e5e8fbdd08.jpgC'est avec beaucoup de mal que j'ai réussi à finir bel ami de Maupassant. Ce n'était sans doute pas le livre qu'il me fallait en ces temps où j'ai soif de modernité et de 'contemporainité'..et puis dans ce genre de héros arriviste que représente ici Georges Duroy, je préfère et de loin le Julien Sorel de Stendhal, plus sentimental et plus lyrique. Il y a quand même de bonnes pages où l'on rigole de bon coeur (notamment lorsque Georges se moque du côté un peu gamine-naïve-qui en fait trop de Mme Walter) .Mais dans l'ensemble, j'ai trouvé que ça manquait de souffle et d'ambition. Bel-ami est un petit roman sympa sans plus.

    Du même auteur, je garde par contre un excellent souvenir de une vie étudié à l'école.

    Sur ordre de ma petite soeur, je dois lire rien de grave de Justine Lévy pour mardi soir. J'aime bien qu'on me donne ce genre d'ordre. En contrepartie, je lui ai demandé de finir doggy bag 1 de Djian. En effet, elle en a lu cinquante pages et trouve que ça ressemble à un banal Harlequin...Le temps oeuvre pour l'oeuvre de Djian. La postérité saura reconnaître les grands.

    Loïc

  • CR16 - Cendrillon - Eric Reinhardt

    01f0dc7a0731e09080ca3a3cb8b002e3.jpgCendrillon, que j'ai fini d'un souffle, dans un élan mystique  le soir de noël, est un roman énorme dans tous les sens du terme. Nous avons à faire dans ce livre à Eric Reinhardt, lui-même qui raconte la genêse de l'oeuvre et à ses avatars, Laurent Dahl, un trader épris de poésie, Patrick Neftel, une espèce de nihiliste frustré admiratif des attentats du 11/09, à Thierry Trockel, aussi, un chimiste désireux d'assouvir tous ses fantasmes sexuels. Je ne vais pas vous faire le résumé de tout ça, il y en a suffisamment sur le net. juste dire ce qui me traverse l'esprit.

    Ce que j'ai là, à l'esprit, c'est Laurent Dahl. Après quelques années au back office où il est humilié par les traders du front, il se fait embaucher par un ami trader, en tant qu'associé dans un hedge fund qu'il décide d'appeler Igitur en référence au poème de Mallarmé (un truc dont je n'ai jamais rien compris mais qui curieusement m'a servi longtemps de pseudo sur le net ). La mission de Dahl est de récolter un maximum de dolls (pour dollars) auprès d'investisseurs privés. Il se débrouille à merveille et le fond démarre sur les chapeaux de roue. Son associé, Steve Stihl, un génie de la finance gagne à tous les coups en prenant le marché à contre-pied..En 1998, voyant se gonfler les valeurs internet, il décide de mettre le paquet et de parier sur l'effondrement de la valeur Softbank. Il est sûr de lui. Mais softbank continue à grimper..vertigineusement, boosté par la concentration qui s'opère dans le secteur. Dahl est chargé de continuer à faire rentrer de la trésorerie pour couvrir ce qu'on appelle les 'appels de marge'. Acculés, les deux associés sont obligés de magouiller en rachetant à prix d'or une start-up insignifiante. On embauche un expert qu'on achète, chargé de surévaluer cette valeur..Pendant ce temps, Softbank coninue à grimper. Dahl, en voyage en France, croise une inconnue dans un train dont il devient fou. Il l'a perd de vue et dans une fuite en avant, fait tout pour la retrouver, faisant confiance au hasard ou au destin. A ce moment, le sort d'Igitur semble lui importer peu. Seule compte pour lui, cette femme croisée dans le train (c'est la raison pour laquelle Dahl est mon préféré dans ce roman, une sorte d'idéal..un trader mallarmén...on n'en croise pas tous les jours).

    J'ai envie aussi de vous parler d'Eric Reinhardt, l'écrivain. Attablé en terrasse du café le Nemours, il vante l'automne, saison de tous les possibles - 'l'atmosphère de l'automne inscrit du sens entre les choses, entre cet arbre et cette façade, entre ces branches et cette fenêtre, entre le kiosque à journaux et chaun des réverbères qui ponctuent l'esplanade, espace qui n'est plus vide mais substanciel, méditatif un espace qui a l'air de penser lui-même et de penser les êtres qui le traversent'. - Je vous le dis comme je le pense : Ce roman est la plus merveilleuse ode à l'automne que je n'ai jamais lu...ce qui est extraordinaire, c'est que ce poème à l'attention d'une saison côtoie sans heurt l'ambiance de folie qui règne sur les places boursières mondiales..Parralèlement, Patrick Neftel, looser incapable de trouver sa place dans la société rumine sa haine du système au fond de sa chambre dans la maison de maman. Ce qu'il voit à la télé le dégoute, sa mère le dégoute, le capitalisme le dégoute. Il voue une admiration sans borne à Patrick Durn, ce type qui assassina de sang froid plusieurs élus municipaux lors d'une réunion de conseil. Il prépare un attentat suicide à la télé. Chaque histoire finit dans la fuite en avant, Dahl dans la quête de cette femme croisée dans le train et suspendu au cours de l'action Softbank, Patrick Neftel, qui dispose d'armes et de munition prêt à comettre le pire, et Trockel qui s'en va avec sa femme rejoindre un couple en Allemagne afin d'assouvir le dernier de ses fantasmes...

    On en reste là mais on est abasourdis par tant de maîtrise dans le récit, par tant de poésie, par tant de cruauté, tant d'instincts primaires et en même temps par tant de réflexions profondes. Ce livre est énorme...chapeau bas à Mr Reinhardt. Et je vais vous dire pourquoi je n'aimerais par être à sa place aujourd'hui : car il va lui être difficile de faire mieux..et je vais vois dire de quoi je suis dégouté : non seulement, ce roman n'a eu aucun prix littéraire mais il n'apparaissaitt même pas dans les sélection finales. Je suis sûr d'une chose : le temps travaille pour lui.

    à venir dans une prochaine note, un nouvel extrait.

    Loïc, 23h15

     

  • CR4 - les mains de Jeanne-Marie - Gisèle Le Rouzic

    M'est-il permis de vous dire ce que j'ai pensé de ma dernière lecture, à savoir les mains de Jeanne-Marie de Gisèle Le Rouzic ? Je vous en avais déjà touché un mot dans une précédente note.
    L'histoire se déroule dans la petite bourgade de Lochrist dans le Morbihan, au début du XXième siècle, en 1906 précisément. Un jeune instituteur, Yvon Le Braz débarque à l'école publique et se trouve mêlé au monde ouvrier des forges d'Hennebont, un monde où la lutte des classes et l'affrontement est une réalité quotidienne.  Petit à petit, il tombe amoureux de la mère d'un de ses élèves qui est justement la leader de la contestation ouvrière.  Lui est épris de liberté, de république, de laïcité, de poésie, de buccolisme et tente d'analyser la marche du monde avec hauteur et surtout dans la nuance. Elle, n'aime pas les livres et ne considère son salut et celui des siens que dans l'affrontement, la lutte, la 'grève à outrance'. Il essaie de la modérer. En vain. Elle essaie d'en faire un révolté. En vain. . La grève de 1906 éclate, dure et échoue. Les maîtres des forges n'ont pas cédé.
    En clair, tout le monde campe sur ses positions...car n'oublions pas qu'on est en Bretagne et que les bretons sont têtus.

    Mon commentaire : lecture forte agréable et très instructive. Je me suis senti d'autant plus intéressé que le décor m'est familier (Hennebont, le Blavet, la campagne bretonne, les noms de famille..). Un siècle plus tard, on réalise que tout ce qui semblait insensé en 1906 (la journée de 8 heures réclamée par les 'rouges' était considérée comme étant de l'utopie) est devenue une réalité..ainsi que les congés payés..la sécurité sociale...1936, 1968, 1981 sont passés par là.
    L'écriture est très agréable, sans temps mort, sans phrase inutile. Le narrateur est l'instituteur et il y dans le troisième tiers du roman quelques pages féériques, en dehors du temps lorsqu'Yvon et ses élèves vont en promenade dans un ancien bourg ouvrier. Je n'ai pas tout compris d'ailleurs à cet endroit mais juste saisi une petite musique du bonheur.

    un passage : ce fut Colette qui me révèla que la différence des classes se marque jusque dans le teint. Ses camarades, pour la plupart mal nourris, avaient les privilèges qu'accorde la nature à ceux qui vivent par force hors de l'abri des maisons. Leurs joues larges et rouges, avivées par le vent, se couvraient de hâle et de taches de son dès les premiers jours de Pâques.  Colette, en toute saison, gardait le tient pâle, en partie parce que sa peau prenait mal le soleil, mais surtout parce qu'en dehors des heures d'école elle vivait douillettement dans la belle demeure que la direction des usines avait mise à disposition de sa famille, à Langroix, de l'autre côté de la rivière.

    A savoir : Gisèle Le Rouzic est la femme de l'ancien maire socialiste de Inzinzac-Lochrist.

    le livre-objet : collection France-loisirs. pas d'odeur particulière. 3 semaines pour lire ce livre de 360 pages..lecture longue faute de temps.

    note (/5) : 3.5