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poésie - Page 4

  • le poème du dimanche : le pin des landes (T.Gautier)

    En cherchant un poème sur le pin maritime, je suis tombé sur celui-ci de Théophile Gautier. Il a des faux airs de l'albatros de Baudelaire (ou serait ce le contraire) mais l'ensemble tient la route (en dehors du deuxième alexandrin un peu tiré par les cheveux) et est malheureusement un peu d'actualité, pas pour les raisons évoquées par le poète mais à cause de cette tempête de ce début d'année qui a fait pas mal de dégats, pas à cause du réchauffement climatique comme l'ont annoncés les journalistes stupides (qui veulent toujours trouver un responsable à tout) mais parce que la nature et les éléments sont impitoyables. (loïc, 10h30)



    2744662brdjy.jpgLe pin des Landes

    On ne voit en passant par les Landes désertes,
    Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
    Surgir de l'herbe sèche et des flaques d'eaux vertes
    D'autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc,

    Car, pour lui dérober ses larmes de résine,
    L'homme, avare bourreau de la création,
    Qui ne vit qu'aux dépens de ceux qu'il assassine,
    Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon !

    Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte,
    Le pin verse son baume et sa sève qui bout,
    Et se tient toujours droit sur le bord de la route,
    Comme un soldat blessé qui veut mourir debout.

    Le poète est ainsi dans les Landes du monde ;
    Lorsqu'il est sans blessure, il garde son trésor.
    Il faut qu'il ait au coeur une entaille profonde
    Pour épancher ses vers, divines larmes d'or !

  • quand Lola récite du Robert Desnos

    21022009473.JPGQuand on rentre de la garderie, parfois je demande à Lola ce qu'elle a fait à l'école. Mais c'est peine perdue, je sais bien qu'elle ne me dira rien ou bien "je me rappelle plus" ou "j'ai pas envie de te dire" etc. On ne sait jamais rien avec Lola et en tout cas pas quand on lui demande. Surtout pas. Elle aime se faire désirer. Très calculatrice la gamine.
    Et puis alors, en soirée comme ça ou le weekend l'air de rien, elle va  sortir une poésie ou une comptine. Si on est dans son périmètre, on peut entendre quelque chose et si on entend quelque chose, on savoure, on écoute avec attention..mais souvent comme on n'a pas bien compris, on lui demande de répéter. Mais elle ne répétera pas. Les sorties de Lola sont un phénomène aussi rares que les flocons de neige en Bretagne ou la floraison d'un bambou.
    L'autre jour, j'étais dans la mezzanine et elle dans sa chambre et je l'entends réciter :

     

    Une fourmi de dix-huit mètres
    Avec un chapeau sur la tête
    ça n'existe pas, ça n'existe pas.

    Une fourmi traînant un char
    Plein de pingouins et de canards,
    ça n'existe pas, ça n'existe pas.

    Une fourmi parlant français,
    Parlant latin et javanais
    ça n'existe pas, ça n'existe pas.
    Eh ! Pourquoi pas ?

    Robert Desnos


    J'incorpore le nom du poète au texte car lola a prononcé son nom comme s'il faisait partie du poème. (j'ai retrouvé facilement le poème sur le web).  J'ai adoré le ton avec lequel elle a récité ça. Sacré Loulou

  • haut mal - Michel Leiris

    video_le.gifHors de l'antre à demi clos d'une bouche
    j'ai vu jaillir l'oracle trouble des crachats

    Venin d'azur
    tu transformes mes yeux en deux crapauds cloués
    sur le roc de ma face
    au sommet de la montagne de mes années

    Plusieurs rues s'étiraient jusqu'à l'extrémité des mares
    des lacs à fond de bourbe que l'on nomme horizons
    les trompettes y criaient comme crient les amarres
    et secouaient leurs échos pareils à des regrets inoubliés

    Ce n'était que fracas multiplié de boucliers
    hennissements de chevaux enveloppés de longues
    housses métalliques
    crissements d'amour des lances frémissantes
    Les horloges sonnaient les balances frissonnaient les
    enseignes dansaient

    mais les femmes qui passaient ne voyaient pas cet
    homme
    dont les pieds livraient une guerre sans pitié au trottoir
    et qui allait
    sa tête fanée emprisonnée dans ses idées
    comme celle des guerriers du passé derrière la grille
    de leur heaume
    ou bien les cloches en haut des tours de cathédrale

    Les femmes passaient et ne le voyaient pas
    cet homme
    vêtu d'un grand manteau taché de craie
    Elles ne s'arrêtaient pas
    lorsqu'elles croisaient cette silhouette dérisoire
    ce lumignon funeste et pâle

    Il aurait aimé être étendu tout nu sur la chaussée
    foulé par les pieds des passants
    ceux des femmes surtout charmants talons d'or fin
    Il aurait aimé que les immeubles s'écartassent
    pour laisser place à son désir d'une rupture violente

    Elles ne le voyaient pas ces femmes qui passaient
    elles ne le voyaient pas
    parce qu'elles avaient oublié SON NOM
    son nom à lui qu'un jour l'une d'elles avait nommé
    l'Amoureux-des-crachats

    Passez femmes passez votre chemin si tendre
    On ne peut pas toujours se rappeler n'est-ce pas
    le nom de cleui dont le fantôme vous frôla
    Ombre d'ennui Deuil de l'ombre
    Vampire triste Inquiétante larve quotidienne

    On ne peut pas toujours se rappeler n'est-ce pas
    puisque pareille aux mousses des menhirs
    la mémoire sombre dans la nuit des temps parfois
    malgré le tournoi passager des souvenirs
    le galop de la terre aux abois


    l'amoureux des crachats (recueil haut mal)

  • La Néréide de la mer Rouge - Michel Leiris

    « Huttes de paille et de pierres
    dans des ruines s’écoulant en morceaux
    Des jours durant
    j’y fus amoureux d’une Abyssine
    claire comme la paille
    froide comme la pierre
    Sa voix si pure me tordait bras et jambes
    À sa vue
    ma tête se lézardait
    et mon cœur s’écroulait
    lui aussi
    comme une ruine »

    Michel Leiris (recueil haut mal)

    Fig_7-Dawit-Castle_groot.jpg
  • le bateau ivre expliqué à Chloé : strophes 2 et 3

    24012009347.JPGJ'étais insoucieux de tous les équipages,
    Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
    Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
    Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

    définition de équipage. équipage : ensemble du personnel embarqué sur un navire, un avion, un char etc, dont il assure la manoeuvre et le service.
    On dirait que Rimbaud a étendu la notion d'équipage à l'ensemble des marchandises que le bateau transporte. Parce qu'à la base, un équipage ce ne sont que des gens. Mais bon, le poète fait ce qu'il veut, il est libre et Rimbaud, peut-être plus que tout autre. Débarrassé des haleurs (dont je t'ai donné la définition lors de l'étude de la strophe 1), le bateau file, emporté par les eaux.

    Dans les clapotements furieux des marées,
    Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
    Je courus ! Et les Péninsules démarrées
    N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.


    Ça se complique ! Le bateau continue de s'exprimer et nous apprend ici que sa folle aventure se déroula "l'autre hiver" et qu'il était plus sourd qu'un cerveau d'enfants. J'explique : quand tu ne veux pas manger ta soupe, tu n'en démords pas, et quand on t'oblige à la goûter, tu fais la sourde. Le bateau, c'est pareil : rien ne peut le faire revenir en arrière. Que sont "les péninsules démarrées" ? Je sais pas trop mais on va dire que ça signifie que le bateau entre juste en mer et qu'il fait tellement de vague qu'elle se ressentent jusqu'au large.

    tohu-bohu : grand désordre ; agitation confuse et bruyante

  • "le bateau ivre" expliqué à Chloé : strophe 1

    18 10 2008056.JPG

    Comme je descendais des Fleuves impassibles,
    Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
    Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles,
    Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

     

    - Un fleuve, Chloé, c'est une rivière qui se jette à la mer. C'est important que tu le saches, car à ton âge et pendant bien des années, je croyais qu'il n'y avait que quatre fleuves en France : la Seine, le Rhône, la Loire, la Garonne. Mais ce n'est pas vrai et d'ailleurs, il parait qu'il y a des fleuves qui ne font que quelques kilomètres.
    - Bon, alors, le "je" qui descend le Fleuve est un bateau. Tu me diras qu'un bateau ne parle et ne pense pas..mais le poète peut tout se permettre, c'est ce qui fait la beauté de la poésie. En l'occurrence, quand on fait parler un objet, on appelle ça "personnification". Le poète fait du bateau une personne. Pendant tout le poème, il en sera de même.
    - Le bateau descend un fleuve et non pas des fleuves comme dit Rimbaud. On ne peut pas descendre (c'est à dire aller vers la mer) plusieurs fleuves à la fois. Il ne s'agit pas d'une erreur évidemment mais je pense que pour des raisons métriques (je ne vais pas te parler de ça en détail), il a dû mettre fleuve au pluriel.. Et puis, ce n'est pas si choquant : en utilisant le pluriel, il veut aussi dire qu'il s'agit de n'importe quel fleuve.
    - Jadis, quand les bateaux n'avaient pas de moteur, des gens qu'on appelait des haleurs tiraient les bateaux depuis le chemin de halage. Mais je crois que ça pouvait être des chevaux aussi. Mais ici, Rimbaud parle d'hommes...capturés par des peaux-rouges, c'est à dire, des indiens. Les peaux-rouges capturent les haleurs, si bien que le bateau se retrouve tout seul. Non seulement, les haleurs sont capturés mais ils sont déshabillés et cloués à des poteaux. Assez cruel tout ça donc, mais ce n'est qu'une image utilisée par Rimbaud pour signifier qu'on se trouve dans un pays lointain et qui donne une touche d'exotisme au poème.
    Voilà pour le premier quatrain. Il y en a 24 à suivre !

  • dans la bibliothèque...

    IMGP5835.JPGDans la bibliothèque
    Que l'on vient d'acquérir,
    Y'a une boule aztèque
    Qui peut se mettre à luire.

    Tout en haut, la pléïade
    A le droit aux honneurs
    Bien qu'étant un peu fade
    Diront les emmerdeurs.

    Sinon, y'a comme une oeuvre
    D'art, me laissant pensif,
    Mais qui fournit la preuve
    De mes exploits sportifs.

    Un panier en osier
    Qu'on acheta d'occase,
    Semble s'être imposé
    Dans l'une des huit cases.

    Mais l'essentiel est dans
    Les objets qui viendront
    Remplir au fil des ans
    Ce meuble moribond.

    loïc lt, 07.11.08

  • printemps des poètes (7) - Charles Baudelaire, poète surestimé.

    20dbfc50627c3d12b6641d5d1d174e2b.jpg Charles Baudelaire occupe une place à part dans mon coeur parce que c'est le poète grâce auquel je suis entré en poésie. J'étais au lycée en seconde et comme souvent à cet âge-là , j'étais un peu con, voire très con, rebelle, antisocial, vêtu de noir et donc, je me retrouvais beaucoup dans les fleurs du mal. Je trouvais qu'il parvenait à mettre des mots sur des idées noires et me récitais par coeur des poèmes comme l'ennemi ou une charogne. (et puis surtout je laissais volontairement le recueil dépaser de ma poche pour que mes camarades et profs puissent voir que je lisais du Baudelaire...) Et puis avec les années, je suis devenu rieur et optimiste et alors Baudelaire m'est sorti par les trous de nez. Aujourd'hui, non seulement, je ne me retrouve plus dans ses vers mais en plus je trouve tout cela convenu et classique. Je ne vais pas vous dire qu'avec un bon dictionnaire de synonyme, on peut arriver à faire quelque chose d'approchant mais bon,y'a de ça. (par contre faire du Grand Corps Malade est à la portée de n'importe quel abruti).
    Aujourd'hui, les gens de lettres ou les philosophes se proclament facilement de Rimbaud, Mallarmé ou Aragon mais rarement de Baudelaire. Par contre, à une personne désireuse de connaître les règles prosodiques ou qui voudrait se mettre au sonnet, on  conseillera du lire du Baudelaire. Ce type avait l'obsession du vers bien construit et pour lui la poésie ne pouvait se faire sans respecter des règles ancestrales. ça peut sembler être contradictoire avec l'idée qu'on se fait d'un Baudelaire 'Moderne' et précurseur du symbolisme. ça l'est. Sur le fond aussi, il cultivait l'ambiguïté . Exemple : sa hantise de l'automne et de l'hiver alors qu'on aurait pu penser que ces périodes siéraient mieux à un mec vivant une sorte de dépression permanente. Mon idée est que là encore, il était trop imprégné de classicisme et suivant la trace des romantiques, il s'est senti obligé de condamner ces saisons où la nature décline et s'endort.
    Bon, maintenant que j'ai bien cassé le bonhomme, il me faut admettre que quelques poèmes échappent à cette ambiance morose. Non seulement, ils échappent mais ils sont aussi des hymnes à la beauté, à la nature et à la vie. Je pense au  'voyage' (pour l'enfant amoureux de cartes et d'estampes...) mais surtout aux correspondances, sonnet où le poète tente de déchiffrer des analogies entre l'homme et la nature. Ce poème a un sens profond mais est également de toute beauté. J'aurais pourtant une raison de le détester attendu que je l'ai étudié en classe de première de fond en comble, par tous ses bords et ses rebords.
    Mais globalement quand même, je trouve que Baudelaire est largement surestimé. (Par les gens de lettres et par l'éducation nationale).

    Voici les correspondances :


    La Nature est un temple où de vivants piliers
    Laissent parfois sortir de confuses paroles;
    L'homme y passe à travers des forêts de symboles
    Qui l'observent avec des regards familiers.

    Comme de longs échos qui de loin se confondent
    Dans une ténébreuse et profonde unité,
    Vaste comme la nuit et comme la clarté,
    Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

    II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
    Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
    - Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

    Ayant l'expansion des choses infinies,
    Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
    Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.



  • l'hiver des poètes (3) - O.V de L. Milosz

    ab6ae0caab75a23125ca7cb84d7ac4e8.jpgJ'ai ramené ce soir de la maison qui me vit grandir la grosse anthologie de Bernard Delvaille intitulée 'mille et cent ans de poésie française'. L'idée ayant motivé ce rapatriment était de la vendre sur ebay avec une mise à prix de 20€ afin de pouvoir boucler mon budget alimentaire de février. Cependant, comme ce soir j'avais l'esprit un peu triste ( comme on l'est souvent le dimanche soir), je me suis plongé dans ce bouquin...mais pas longtemps, juste le temps quand même de tomber sur un poème de Milosz. C'est beau, ça parle de terrains vagues...et de quoi d'autre, je sais pas trop. Je ne l'ai pas vraiment saisi. Mais je vais essayer. En tout cas, c'est beau, avec plein de noms propres délicieux à prononcer.

    Comment m’es-tu venu, ô toi si humble, si chagrin ? Je ne sais plus.
    Sans doute comme la pensée de la mort, avec la vie même.
    Mais de ma Lithuanie cendreuse aux gorges d’enfer du Rummel,
    De Bow-Street au Marais et de l’enfance à la vieillesse

    J’aime (comme j’aime les hommes, d’un vieil amour
    Usé par la pitié, la colère et la solitude) ces terrains oubliés
    Où pousse, ici trop lentement et là trop vite,
    Comme les enfants blancs dans les rues sans soleil, une herbe

    De ville, froide et sale, sans sommeil, comme l’idée fixe,
    Venue avec le vent du cimetière, peut-être
    Dans un de ces ballots d’étoffe noire, lisse et lustrée, oreillers
    Des vieilles dormeuses des berges, dans les terribles crépuscules.

    De toute ma jeunesse consumée dans le sud
    Et dans le nord, j’ai surtout retenu ceci : mon âme
    Est malade, passante, comme l’herbe altérée des murs,
    Et on l’a oubliée, et on la laisse ici.

    J’en sais un qu’obscurcit un cèdre du Liban ! Vestige
    De quelque beau jardin de l’amour virginal. Et je sais, moi, que le saint arbre
    Fut planté là, jadis, en son doux temps, afin
    De porter témoignage ; et le serment tomba dans la muette éternité,

    Et l’homme et la femme sans nom sont morts, et leur amour
    Est mort, et qui donc se souvient ? Qui ? Toi peut-être
    Toi, triste, triste bruit de la pluie sur la pluie,
    Ou vous, mon âme. Mais bientôt vous oublierez cela et le reste.

    Quand venait l’hiver des faubourgs ; quand le chaland
    Voyageait dans la brume de France, qu’il m’était doux,
    Saint-Julien-le-Pauvre, de faire le tour

    De ton jardin ! Je vivais dans la dissipation
    La plus amère ; mais le cœur de la terre m’attirait
    Déjà ; et je savais qu’il bat non sous la roseraie
    Choyée, mais là où croît ma sœur ortie, obscure, délaissée.

    Ainsi donc, si tu veux me plaire —après ! loin d’ici ! toi
    Murmurant, ruisselant de fleurs ressuscitées, toi jardin
    Où toute solitude aura un visage et un nom
    Et sera une épouse,

    Réserve au pied du mur moussu dont les lézardes
    Montrent la ville Ariel dans les chastes vapeurs,
    Pour mon amour amer un coin ami du froid et de la moisissure
    Et du silence ; et quand la vierge au sein de Thumîm et d’Urîm

    Me prendra par la main et me conduira là, que les tristes terrestres
    Se ressouviennent, me reconnaissent, me saluent : le chardon et la haute
    Ortie et l’ennemie d’enfance belladone.
    Eux, ils savent, ils savent.