Hors de l'antre à demi clos d'une bouche
j'ai vu jaillir l'oracle trouble des crachats
Venin d'azur
tu transformes mes yeux en deux crapauds cloués
sur le roc de ma face
au sommet de la montagne de mes années
Plusieurs rues s'étiraient jusqu'à l'extrémité des mares
des lacs à fond de bourbe que l'on nomme horizons
les trompettes y criaient comme crient les amarres
et secouaient leurs échos pareils à des regrets inoubliés
Ce n'était que fracas multiplié de boucliers
hennissements de chevaux enveloppés de longues
housses métalliques
crissements d'amour des lances frémissantes
Les horloges sonnaient les balances frissonnaient les
enseignes dansaient
mais les femmes qui passaient ne voyaient pas cet
homme
dont les pieds livraient une guerre sans pitié au trottoir
et qui allait
sa tête fanée emprisonnée dans ses idées
comme celle des guerriers du passé derrière la grille
de leur heaume
ou bien les cloches en haut des tours de cathédrale
Les femmes passaient et ne le voyaient pas
cet homme
vêtu d'un grand manteau taché de craie
Elles ne s'arrêtaient pas
lorsqu'elles croisaient cette silhouette dérisoire
ce lumignon funeste et pâle
Il aurait aimé être étendu tout nu sur la chaussée
foulé par les pieds des passants
ceux des femmes surtout charmants talons d'or fin
Il aurait aimé que les immeubles s'écartassent
pour laisser place à son désir d'une rupture violente
Elles ne le voyaient pas ces femmes qui passaient
elles ne le voyaient pas
parce qu'elles avaient oublié SON NOM
son nom à lui qu'un jour l'une d'elles avait nommé
l'Amoureux-des-crachats
Passez femmes passez votre chemin si tendre
On ne peut pas toujours se rappeler n'est-ce pas
le nom de cleui dont le fantôme vous frôla
Ombre d'ennui Deuil de l'ombre
Vampire triste Inquiétante larve quotidienne
On ne peut pas toujours se rappeler n'est-ce pas
puisque pareille aux mousses des menhirs
la mémoire sombre dans la nuit des temps parfois
malgré le tournoi passager des souvenirs
le galop de la terre aux abois
l'amoureux des crachats (recueil haut mal)