Il serait vain de me demander pourquoi j'ai un faible pour les zones industrielles et autres endroits périphériques, abandonnées, oubliées...Je n'ai pas la réponse. Mais de façon générale, je dirais que j'aime ce dont les gens se désintéressent et ce dont les gens n'auraient même pas idée qu'on puisse s'intéresser. Et surtout j'aime le quotidien, et la banalité des paysages qu'il nous ait donné de voir en allant au boulot ou ailleurs.ça se lit comme un long poème industriel, comme une addition de questionnements à savoir ce qu'untel peut faire ici ou comment on peut appeler un bar le vieux Moulin alors qu'il n'y a pas de plan d'eaux dans les environs. Derrière l'anonymat des batîments, des usines, des pavillons, François Bon imagine les vies ou les non-vies, note l'incongru, l'insolite (comme ce famueux dancing de Foug...)
Vue de Vitry-le-François
C'est un jour de pluie et la lumière ne lève pas, tout ce qu'on reconnaît est là comme couché faisant gros dos, les chemins de bord de champs comme hésitant à disparaître dans les flaques qui se rejoignent, la glaise plus glaise et les sillons autant de ligne parallèles plus lumineuses qui n'importe quoi d'autre, le ciel même. Et les maisons toutes comme mortes, rien au fenêtres, ce matin on n'aère pas, les garages sont clos derrière leurs portes, et plus vides même les parkings des supermarchés malgré les réverbères encore allumés, et ce violet sombre de bitume où les quelques voitures se refléteraient presque. Qui est donc rentré au café Le Champ de Mars, ils sont trois véhicules garés et derrière les vitres en plein jour c'est éclairé, il doit faire noir quand même....
Un régal. Des pointes d'humour. De la passion de la part de FB. richesse de vocabulaire, en tout cas, bonne connaissance du fer et de ses alliages. Petit hommage à Georges Simenon, que l'auteur apprécie (évidemment, j'ai envie de dire)
on aime chez Simenon cette dégustation du monde, par quoi chaque objet qu'on en sépare, à partir d'une nappe et d'une odeur de cuisine, d'une rue selon ses heures er d'habitudes qui s'érigent en univers, avec une couleur et une saison, éloigne de soi toute idée qu'il pourrait en être autrement, et la parfaite connivence, si parfaite qu'elle s'annule, de la phrase qui le nomme avec l'objet dont on ne doute pas qu'il existe de cette façon, à cet endroit.
Le livre fut publié en 2000. On devine que depuis, avec le tgv est, ça n'est plus pareil et qu'il est encore plus difficile de se faire une idée des paysages qui défilent...à 300kmh. D'ailleurs à plusieurs endrotis du récit, FB pressent les changements. Mais peut-être que le corail y circule encore ? A raison d'une fois par jour, ça suffit. ça me suffit en tout cas si dès fois j'avais l'envie de tenter l'expérience et de voir si 10ans après il est toujours inscrit "dancing" sur un batîment qui n'a l'air de rien dans un bourg paumé entre Paris et Nancy.
Quelques critiques sur le site de éditions Verdier
note : 4/5
Dans la foulée, il est impératif que je lise ferroviaires de Sereine Berlottier. On ne change pas une équipe qui gagne. Nancy Huston et Gabriel Garcia Marquez attendront..sans doute le sable fin..qui arrive. La faute sur mer, quelque part plus au sud, dans une quinzaine de jours..
loïc lt, 23h50
"On attend parfois tout le voyage pour ce qui surgira quelques secondes et ne délivrera rien que ce que la vue en sait déjà, le temps de refaire ses repères et réorganiser la vue globale. Le train va trop vite et tout a passé, on ne voit plus rien, on a juste vérifié que le mystère était encore là, c'est à Foug un peu avant Toul , où on ne ralentit pas, qu'il y a a cette place de la gare avec encore une fois la rue perpendiculaire, et sur la place l'étrange renvoi des deux taches roses pourquoi, un même propriétaire mais on ne peut s'avancer, d'abord sur le fronton du bâtiment le mot Dancing écrit en très gros, et en face, symétriquement, de l'autre côté de la rue perpendiculaire toujours vide, la rue où on aimerait marcher, où on aimerait faire même inventaire de détail mais jamais on ne le fera, jamais on n'y viendra : sur un fronton un peu large et à peine dix mètres en arrière, l'inscription en trois lignes Bar Restaurant Café de la Gare en même graphisme sur un même rose, et qui vient danser à Foug on ne le sait pas, on n'a jamais rencontré personne de Foug comme eux ici probablement seraient en peine de s'y repérer entre Chapelle-Bâton, Availles-Limouzine, Sauzé-Vaussais et Civray où on a vécu et dont on sait pour toujours le détail. Étrange l'inscription Dancing sur son pignon parce que c'est une maison étroite aux trois étages vue en perpendiculaire sans façade, on ne saura que ce pignon et qu'au rez-de-chaussée comme aux deux premiers étages sont deux fenêtres, que les six fenêtres donc sont exactement superposées par trois avec leurs volets étroits et les rideaux (donc, c'est habité), qu'au deuxième étage entre les fenêtres sont deux minuscules lucarnes avec barreaux, comme on en mettrait pour aérer des toilettes ou une salle de bains, et tout en haut au troisième en mansarde sous le toit, les deux mêmes lucarnes accolées, mais sans fenêtres : on danserait donc, dans l'étroite maison avec escalier, toilettes, rideaux et étages ? Et pourquoi pas, comme on faisait dans les anciens palais à suite de salons (dans les livres) pour les bals d'apparat c'est peut-être plus excitant, avec les cuisines et salles à manger qu'ici on suppose, téléviseurs et paliers de faire la fête d'un soir. Le café hôtel de la Gare est dans l'angle lui aussi sous bannière rose, une vitrine et une porte comme tout un chacun des collègues et quand bien même le train va vite on sait reconnaître sur la vitre de la porte que sont comme partout les affiches tenues au scotch, avec les matches de foot (snif...ndlr), les loteries et les voyages en autobus : on s'arrêtera vérifier à Foug."