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lecture - Page 21

  • CR7 - mort sur la lagune - Giorgio Scerbanenco

    3cee403083ccb5273c8f70e347d37a90.jpgUne fois n'est pas coûtume, j'ai lu un petit polar..et je dois admettre que j'y ai pris beaucoup de plaisir. Adolescent j'étais accroc à ce genre et j'ai dû lire tous les Agatha Christie, PD James, Patricia Higsmith qui me passaient sous la main..puis ensuite, moins. Car très vite j'ai constaté  que je tournais en rond et que, en fin de compte et excusez de la banalité, je ne tirais aucun enseignement de ce type de lecture..à part que 'tuer c'est pas bien et il faut démasquer et punir ceux qui le font'.  Je le pense toujours aujourd'hui. Plus que jamais je demande aux livres à ce qu'ils m'enrichissent dans tous les sens du terme, que ces livres soient plaisants à lire ou non. Un polar, c'est plaisant à lire, certes mais une fois la dernière page tournée, on range le livre et tout est oublié.

    Il faut que je rajoute une autre chose sur les polars : l'aspect complètement irréaliste. Dans la plupart de ces romans (et dans mort sur la lagune aussi ) , il est question d'un meurtre. Déjà, dans la vraie vie, un meurtre n'est pas si courant. Contemplez votre petite vie et dîtes-moi combien de meurtres la jalonnent. Pour 99.9% d'entre vous, aucun. Maintenant, sur les 0.01% restant qui ont vécu un meurtre autour d'eux dans un passé plus ou moins proche, combien ont eu à faire à un meurtre dont dans un premier temps on ne connaissait pas le coupable ? Je dis ça en ma qualité de lecteur régulier des faits divers : dans la plupart des meurtres, l'assassin, soit se rend tout de suite, soit se suicide, soit est pédophile ou autre pervers. Cecit dit, c'est rare, mais ça arrive que les enquêteurs aient à rechercher l'identité du meurtrier  parmi les amis, les voisins ou la famille. Bon mais ça arrive (affaire Grégory par exemple)..mais ça arrive tellement rarement que lorsque ça arrive ça fait la une des journaux et que l'inspecteur qui dirige l'affaire (dont c'est sans doute la seule affaire criminelle de la carrière) devient célèbre.
    Où voulais-je en venir : les auteurs de polars ne mettent pas assez voire pas du tout l'accent sur ce côté rare et insolite du meurtre. A lire les polars, il semble naturel pour les protagonistes qu'une personne non seulement est morte mais en plus a été tuée..et en plus on sait pas par qui.

    Celui que je viens de lire est un excellent polar. bonne intrigue, atmosphère sympa. un meurtre..quelques personnages autour et à la police de trouver qui est le meurtrier. Le tout se passe dans une petite station balnéaire italienne au début de l'automne. L'auteur restitue très bien l'ambiance un peu hors-saison, les hôtels fermés, la brume, la plage quasiment déserte. C'est un polar très classique en fait..et en tant mieux, car mon idée est qu'en la matière plus c'est classique plus c'est bon. Les cent dernières pages sont haletantes et je les aies lu d'une souffle.

    Et comme dans tout bon polar, il y a pas mal d'incohérences dont celles énoncées plus haut puis celle-ci : Rick, l'un des personnages principaux pense qu'il va être accusé du meurtre et qu'il ne pourra pas prouver le contraire. Donc son amie Marta lui dit que la seule façon qu'il a de s'en sortir est de fuir..et elle pense tout de suite a des amis  riches habitant une grande maison perdue dans la Suisse profonde. Il ne fait aucun doute pour Marta qui ses amis vont être d'accord de loger Rick, des années s'il le faut (le temps que l'affaire s'endorme). Voilà l'incohérence : on a beau être des amis sympas, habiter en Suisse (pays où on aime bien cacher les choses et les gens), dans un coin perdu, on ne peut quand même s'estimer heureux de devoir cacher un type suspecté de meurtre, fusse-t-il le compagnon d'une des nos amis..et puis en dehors de l'aspect dangereux de la chose, quand on est chez soi en famille, on n'a pas forcément envie que du jour au lendemain débarque un inconnu susceptible de rester longtemps. En plus dans le roman, l'amie sympa qui habite en Suisse est mise au courant très vite, accepte très vite comme si tout cela n'avait aucune importance pour elle. Je suis désolé mais un inconnu qui débarque dans votre quotidien 24/24, du jour au lendemain, c'est pas anodin. zut, je radote.

    Je suis dur avec les romans policiers ? Je ne devrais pas me poser toutes ces questions et les lire sans me prendre la tête et prendre du plaisir, point barre..oui, c'est ce que j'ai fait...mais il fallait bien que je dise quelque chose. dire aussi que j'aime bien la collection rivages/noir, la taille du livre, la police de caractère et les couvertures qui sont souvent très évocatrices. Je ne connaissais pas Scerbanenco mais je vous le conseille si vous chercher à passer un bon moment dans un polar qui n'a d'autre prétention que de vous faire passer un bon moment.

  • des jours et des vies (5) et la nuit on dévie

    J'aime bien l'idée de mettre à jour son blog de temps en temps, comme ça au feeling, suivant une impression, pour un délire..D'un autre côté, je connais des 'blogueurs intégristes' dont le blog n'est pas seulement un moyen mais une fin. Je pense qu'il ne faut pas être esclave de ces machins-là. La vraie vie est ailleurs.

    Dans cet endroit désormais, vous aurez toujours des comptes-rendus de lecture (ça m'oblige de faire l'effort de rédiger une fiche de lecture...mais c'est avant tout pour moi) et puis des choses et d'autres. La politique, c'est fini...du moins jusqu'en 2012...suivez mon regard.

    En ce moment, je parcoure avec beaucoup de plaisir un recueil de poème intitulé les cent poèmes du bonheur..où l'on peut lire en quatrième couverture cette jolie citation :

    Le bonheur a cela de la mer et du flux

    Qu'il doit diminuer sitôt qu'il ne croît plus.

    C'est de Jean Maret, un contemporain de Molière. Ce livre recelle de trésors comme autant de petits bonheurs..

    Par ailleurs, j'ai peut-être trouvé le bouquin qui va révolutionner ma vie : un livre blanc de Philippe Vasset..Faîtes des recherches et vous comprendre pourquoi !!!

    L'automne s'installe..j'adore cette saison car c'est la saison préférée des casaniers, de ceux qui aiment la couette et les soirées au coin du feu..

     

    bisous à tous... 

  • CR6 - l'élégance du hérisson - Muriel Barbery

    5d71c3d4ce79fab57ed439a1b2c45457.jpgL'histoire : une concierge intelligente et cultivée d'une immeuble parisien cossu se fait passer pour une conne afin de rester dans son rôle. Elle lit et regarde des films d'art et essais en cachette en prenant le soin de laisser tf1 dans la loge. Pendant ce temps, une adolescente de 12 ans habitant l'immeuble, surdouée écrit dans un journal qu'elle veut se suicider car les gens qui l'entourent sont trop stupides et que le monde est absurde. Arrive un nouvel habitant. C'est un riche japonais qui ne met pas longtemps à remarquer toutes ces petites cachoteries. Autour de ces trois personnages principaux gravitent tout un tas de gens plus ou moins grotesques et caricaturaux.

    Voilà une lecture jubilatoire avec plein de pensées profondes et subtiles et d'anecdotes croustillantes, un livre que l'on ne voudrait jamais finir.
    A partir de là, ses quelques défauts n'ont que peu d'importance. Mais je vais quand même vous dire le plus gros histoire de faire preuve d'un peu d'esprit critique : la plupart du temps, les pensées philosophiques (sur la phénoménologie par exemple..) tombent comme un cheveu sur la soupe. On a le sentiment que l'auteur a voulu placer coûte que coûte des théories dans ce roman en utilisant la concierge comme support. Aussi intelligente et cultivée est-elle, ça sonne mal d'autant que dans ces intermèdes (exquis au demeurant), il n'est fait aucune mention de l'histoire.
    J'ai trouvé le journal de Paloma bien plus marrant que celui de Renée, plus direct, bidonnant..bien que j'ai du mal à croire qu'une enfant de 12 ans puisse avoir une telle intelligence et surtout l'envie de se suicider pour finalement des broutilles. L'idée générale qui sous-tend le roman est que plus on intelligent et plus on trouve le monde absurde. C'est un parti pris mais je ne le partage pas. Je pense au contraire que plus on comprend le monde, plus on comprend qu'on s'inscrit dans un certain dessein,  dans le 'cosmos'. Même si nos petits quotidien peuvent parfois sembler merdiques, en nous inscrivant dans un tout qui fait la marche du monde, on peut s'endormir en paix et remercier le hasard de nous avoir fait être.
    Une des conclusions de ce roman est que désormais il faut que je vois un film d'Ozu. La mule est déjà en action de ce côté-là.
    J'ai apprécié aussi dans ce livre les quelques attaques contre le socialisme (t'imagine..), attaques contre les gens riches socialistes et contre le socialisme en tant que philosophie. Je sais pas, je ne suis tellement pas socialiste que peut-être j'exagère sur les intentions de Barbery..
    Ce roman, ce n'est que du bonheur. En plus, la plume est virevoltante et les tournures de phrases sont toutes comme je les aime.

    extrait (journal de la concierge) : J'avais parcouru les allées de la bibliothèque, plutôt clairsemées et peuplées exclusivement de vieux messieurs très doctes ou d'étudiants à l'air prétentieux. Je suis toujours fascinée par l'abnégation avec laquelle nous autres humains sommes capables de consacrer une grande énergie à la quête du rien et au brassage de pensées inutiles et absurdes. J'avais discuté avec un jeune thésard en patristique grecque et m'étais demandé comme tant de jeunesse pouvait se ruiner au service du néant. Quand on réfléchit bien au fait de ce qui préoccupe avant tout le primate, c'est le sexe, le territoire et la hiérarchie, la réflexion sur le sens de la prière chez Augustin d'Hippone semble relativement inutile. Certes, on arguera sans doute du fait que l'homme aspire à un sens qui va au-delà des pulsions. Mais je rétorque que c'est à la fois très vrai (sinon, que faire de la littérature ?) et très faux : le sens, c'est encore de la pulsion portée à son plus haut degré d'accomplissement, en ce qu'elle utilise le moyen le plus performant, la compréhension, pour parvenir à ses fins. Car cette quête de sens et de beauté n'est pas le signe d'une nature altière de l'homme qui échappant à son animalité, trouverait dans les lumières de l'esprit la justification de son être : c'est une arme aiguisée au service d'une fin matérielle et triviale.
    note (/5) : 4.5
    signé Loïc
    edit le 28.12.07 : avec le recul des mois, je me ravise. Ce livre est très moyen. J'ai été sans doute aveuglé par ce déballage de cultures. alors 3/5

  • CR5 - J'irai cracher sur vos tombes - Boris Vian

    366052751be1426d50222c5e58d5f8e9.jpgL'histoire : L'histoire se passe dans une petite ville américaine dans les années 1940. Globalement les habitants sont de petits bourgeois blancs et racistes. Un type, Lee, métisse (mais plus blanc que noir)  y débarque dans l'unique dessein de venger aveuglément son jeune frère noir, mort lynché par des blancs. Il se trouve un boulot de libraire et fréquente assidument toute la jeunesse de la ville, consomme beaucoup d'alcool, se tape les filles de bonne famille les unes après les autres et jette son dévolu sur deux soeurs, deux jolies poupées vers lesquelles il cristallise toute sa haine du blanc.
    En fin de compte il les tue avec autant de froideur et d'animalité qu'il les baisait autant comme autant. Rattrapé par les flics, il est tué et quand même lynché pour le symbole.

    Mon avis : Ce qui est incroyable dans ce livre, c'est la façon dont par petites touches anodines, le narrateur fait part de ses intentions finales. Il en parle comme il parlerait de la pluie et du beau temps. Lee est un type intelligent miné par le désir de vengeance et ces obsession lui fait perdre toute humanité notamment dans son rapport aux filles dont il consomme les corps tel un animal. Ce qui est déroutant, c'est que dans cette Amérique que l'on croirait puritaine, les filles sont faciles et dénuées de tout scrupule.

    Ce livre m'a confirmé dans l'idée que Boris Vian avait définitivement beaucoup de talent. Le très poétique l'écume des jours m'a marqué pour la vie. Celui, je ne sais pas, faute de recul. Quelque part quand même, J'irai cracher sur vos tombes est l'antithèse de l'écume des jours....Mais c'est du grand Art, du très grand Art.
    note (5) : 4.5
    J'attaque l'élégance du hérisson de Muriel Barbery (enfin) et ensuite, ce sera sans doute Cendrillon de Eric Reinhardt.

  • CR4 - les mains de Jeanne-Marie - Gisèle Le Rouzic

    M'est-il permis de vous dire ce que j'ai pensé de ma dernière lecture, à savoir les mains de Jeanne-Marie de Gisèle Le Rouzic ? Je vous en avais déjà touché un mot dans une précédente note.
    L'histoire se déroule dans la petite bourgade de Lochrist dans le Morbihan, au début du XXième siècle, en 1906 précisément. Un jeune instituteur, Yvon Le Braz débarque à l'école publique et se trouve mêlé au monde ouvrier des forges d'Hennebont, un monde où la lutte des classes et l'affrontement est une réalité quotidienne.  Petit à petit, il tombe amoureux de la mère d'un de ses élèves qui est justement la leader de la contestation ouvrière.  Lui est épris de liberté, de république, de laïcité, de poésie, de buccolisme et tente d'analyser la marche du monde avec hauteur et surtout dans la nuance. Elle, n'aime pas les livres et ne considère son salut et celui des siens que dans l'affrontement, la lutte, la 'grève à outrance'. Il essaie de la modérer. En vain. Elle essaie d'en faire un révolté. En vain. . La grève de 1906 éclate, dure et échoue. Les maîtres des forges n'ont pas cédé.
    En clair, tout le monde campe sur ses positions...car n'oublions pas qu'on est en Bretagne et que les bretons sont têtus.

    Mon commentaire : lecture forte agréable et très instructive. Je me suis senti d'autant plus intéressé que le décor m'est familier (Hennebont, le Blavet, la campagne bretonne, les noms de famille..). Un siècle plus tard, on réalise que tout ce qui semblait insensé en 1906 (la journée de 8 heures réclamée par les 'rouges' était considérée comme étant de l'utopie) est devenue une réalité..ainsi que les congés payés..la sécurité sociale...1936, 1968, 1981 sont passés par là.
    L'écriture est très agréable, sans temps mort, sans phrase inutile. Le narrateur est l'instituteur et il y dans le troisième tiers du roman quelques pages féériques, en dehors du temps lorsqu'Yvon et ses élèves vont en promenade dans un ancien bourg ouvrier. Je n'ai pas tout compris d'ailleurs à cet endroit mais juste saisi une petite musique du bonheur.

    un passage : ce fut Colette qui me révèla que la différence des classes se marque jusque dans le teint. Ses camarades, pour la plupart mal nourris, avaient les privilèges qu'accorde la nature à ceux qui vivent par force hors de l'abri des maisons. Leurs joues larges et rouges, avivées par le vent, se couvraient de hâle et de taches de son dès les premiers jours de Pâques.  Colette, en toute saison, gardait le tient pâle, en partie parce que sa peau prenait mal le soleil, mais surtout parce qu'en dehors des heures d'école elle vivait douillettement dans la belle demeure que la direction des usines avait mise à disposition de sa famille, à Langroix, de l'autre côté de la rivière.

    A savoir : Gisèle Le Rouzic est la femme de l'ancien maire socialiste de Inzinzac-Lochrist.

    le livre-objet : collection France-loisirs. pas d'odeur particulière. 3 semaines pour lire ce livre de 360 pages..lecture longue faute de temps.

    note (/5) : 3.5

  • les mains de Jeanne-Marie - Gisèle le Rouzic

    il n'y a pas marqué CR3 devant le titre. ça veut dire que je n'ai pas encore lu ce livre. Mais ça ne saurait tarder. Avant toute chose, je dirais que j'ai stoppé ma lecture en cours. Il s'agissait d'un roman de Paul-Louis Rossi la villa des chimères, bouquin que j'ai pris à la biblio, par hasard,  en fermant les yeux. Quand je trouve rien, c'est ce que je fais et parfois j'ai de bonnes surprises. Là, bon, c'est pas une mauvaise surprise, c'est juste que ça ne correpond pas à mes envies du moment. La villa des chimères est un road-movie moderne d'un couple français en quête, l'un d'un certain type d'architecture, et l'autre de ses origines. En même temps, il y a une sorte de course poursuite. Je n'ai pas tout compris en fait. Depuis que j'ai repris le boulot, je ne lis que 3 pages par jour et à ce rythme-là, on perd vite le fil de l'histoire. Je pense que pour bien s'imprégner d'un livre, il faut l'engloutir très vite. 3 jours, c'est bien.

    23b2d55515d94bf426bfe07df52ebcdd.jpgAujourd'hui, je commence la lecture d'un roman local-historique écrit par Gisèle Le Rouzic, une femme de mon coin.  Elle est la fille d'un ancien ouvrier des forges d'Hennebont. Tapez 'forges d'Hennebont' dans wikipedia et vous saurez de quoi je parle. Comprenez que dans une région de paysan comme la notre, l'expérience des forges a marqué les esprits. Même si elles sont fermées depuis 1966, tous les environs sont encore marquées par cette époque, les luttes syndicales, les mobilisations diverses. J'aime l'idée de la non-résignation, que dans l'union, tout est possible

    Du coup, je me promène souvent autour des ruines de l'usine. Je me dis que ça ferait un beau décor de film. Il y a de quoi faire. On a le cadre et le début du scénario : un paysan de Languidic laisse sa ferme pour aller bosser dans les forges et il se rend compte très vite des conditions de travail abominables. Il crée un syndicat et compte mener la vie dure aux patrons. Une sorte de Germinal, mais par ici, en Bretagne, sur les bords du Blavet.

    C'est un peu de tout ça que doit parler Gisèle Le Rouzic dans son livre. Rappelons aux incultes que les mains de Jeanne-Marie est un poème de Rimbaud. Que voici (perso, j'aime pas la première strophe mais par la suite, c'est sublime..bien sûr, je vous parlerai du livre..)

     

    Jeanne-Marie a des mains fortes,
    Mains sombres que l'été tanna,
    Mains pâles comme des mains mortes.
    - Sont-ce des mains de Juana ?

    Ont-elles pris les crèmes brunes
    Sur les mares des voluptés ?
    Ont-elles trempé dans des lunes
    Aux étangs de sérénités ?

    Ont-elles bu des cieux barbares,
    Calmes sur les genoux charmants ?
    Ont-elles roulé des cigares
    Ou trafiqué des diamants ?

    Sur les pieds ardents des Madones
    Ont-elles fané des fleurs d'or ?
    C'est le sang noir des belladones
    Qui dans leur paume éclate et dort.

    Mains chasseresses des diptères
    Dont bombinent les bleuisons
    Aurorales, vers les nectaires ?
    Mains décanteuses de poisons ?

    Oh ! quel Rêve les a saisies
    Dans les pandiculations ?
    Un rêve inouï des Asies,
    Des Khenghavars ou des Sions ?

    - Ces mains n'ont pas vendu d'oranges,
    Ni bruni sur les pieds des dieux :
    Ces mains n'ont pas lavé les langes
    Des lourds petits enfants sans yeux.

    Ce ne sont pas mains de cousine
    Ni d'ouvrières aux gros fronts
    Que brûle, aux bois puant l'usine,
    Un soleil ivre de goudrons.

    Ce sont des ployeuses d'échines,
    Des mains qui ne font jamais mal,
    Plus fatales que des machines,
    Plus fortes que tout un cheval !

    Remuant comme des fournaises,
    Et secouant tous ses frissons,
    Leur chair chante des Marseillaises
    Et jamais les Eleisons !

    Ça serrerait vos cous, ô femmes
    Mauvaises, ça broierait vos mains,
    Femmes nobles, vos mains infâmes
    Pleines de blancs et de carmins.

    L'éclat de ces mains amoureuses
    Tourne le crâne des brebis !
    Dans leurs phalanges savoureuses
    Le grand soleil met un rubis !

    Une tache de populace
    Les brunit comme un sein d'hier ;
    Le dos de ces Mains est la place
    Qu'en baisa tout Révolté fier !

    Elles ont pâli, merveilleuses,
    Au grand soleil d'amour chargé,
    Sur le bronze des mitrailleuses
    A travers Paris insurgé !

    Ah ! quelquefois, ô Mains sacrées,
    A vos poings, Mains où tremblent nos
    Lèvres jamais désenivrées,
    Crie une chaîne aux clairs anneaux !

    Et c'est un soubresaut étrange
    Dans nos êtres, quand, quelquefois,
    On veut vous déhâler, Mains d'ange,
    En vous faisant saigner les doigts !

  • CR3 - bonjour tristesse - Françoise Sagan

    3ebc43d723cfeb03caf6a4ea0d37a3d0.jpgJ'ai lu ce petit livre en deux heures chrono, d'un souffle, sans boire un café, sans même lever la tête. Et pourtant il n'y a là-dedans aucune considération métaphysique, aucune pensée sybilline..non il y a juste le récit d'une adolescente bourgeoise en vacances avec son père dans une villa au bord de la Mediterranée, une fille qui aspire à tout ce que les filles de son âge aspirent, l'amour tout court, l'amour physique, la complicité avec le père, les bains de mer, la paresse etc. Mais elle se trouve empêchée de vivre ses idéaux par la nouvelle maîtresse (Anne) de son père, qui, sous prétexte qu'ils envisagent le mariage se croit déjà obligée de parfaire l'éducation de sa future belle-fille. Cécile (tel est son nom) reconnait à Anne des qualités intelellectuelles et morales mais regrette déjà le temps de l'insouciance et de la nonchalance qu'elle vivait avec son père depuis sa sortie de pension deux ans auparavant. Anne est le genre de personne, qui pousse les autres à s'expliquer, à expliquer les comportements alors que justement Cécile et son père (un don juan) vivaient pleinement leurs vies sans jamais avoir à se justifier. L'intrigue : Cécile va profiter des faiblesses de son père pour échafauder un plan visant à rendre Anne jalouse. Et cela va plus ou moins réussir. Ce roman se lit d'un trait. Les propos sont simples mais finalement l'ensemble est très subtil; On est bercé par une certaine atmosphère propre aux villas des bords de mer (canicule, terrasses, chaises longues, petites criques, voiliers, paresse...) Le style est vif et les phrases dépouillées de descriptions inutiles. Sagan va à l'essentiel tout en poussant loin l'introspection. J'ai d'autant plus aimé aimé ce livre qu'il s'agissait d'un vieux bouquin (acheté sur ebay il y a quelques années) et qu'il s'y dégage une odeur propre aux livres ayant quelques trentaines d'années. Jusque-là, de Sagan, je ne connaissais que la rencontre avec Pierre Desproges (culte), je connais désormais son talent d'écrivain. Mieux vaut tard que jamais.

    un extrait (p126, édition Juliard) : Elle s'en voulut donc et me le fait sentir. Quelques jours après, au dîner et toujours au sujet de ces insupportables devoirs de vacances, une discussion s'éleva. Je fus un peu trop désinvolte, mon père lui-même s'en offusqua et finalement Anne m'enferma à clef dans ma chambre, tout cela sans avoir prononcé un mot plus haut que l'autre. Je ne savais pas que qu'elle avait fait et comme j'avais soif, je me dirigeai vers la porte et essayai de l'ouvrir; elle résista et je compris qu'elle était fermé. Je n'avais jamais été enfermé de ma vie : la panique me prit, uen véritable panique. Je courus à la fenêtre, il n'y avait aucun moyen de sortir par là. Je me retournais, véritablement affolée, je me jetai sur la porte et me fis très mal à l'épaule. J'essayai de fracturer la serrure, les dents serrées, je ne voulais pas crier qu'on vïnt m'ouvrir. J'y laissai ma pince à ongles. Alors je restai au milieu de la pièce, debout, les mains vides. C'était mon premier contact avec la cruauté : je la sentais se nouer en moi, se resserrer au fur et à mesure de mes idées. Je m'allongeai sur mon lit, je bâtis soigneusement un plan. Ma férocité était si peu proportionnée à son prétexte que je me levai doux ou trois fois dans l'après-midi pour sortir de la chambre et que je me heurtai à la porte avec étonnement.

     

    note (/5) : 4

     

  • CR2 comment je suis devenu stupide - Martin PAGE

    0bca0d463527a5e3a5eb5c2c32be3496.jpgC'est l'histoire d'un type, Antoine, qui est malheureux car il se trouve trop intelligent et donc ne cesse de se morfondre sur l'absurdite de nos vies, sur la misère etc. Comme il en a marre de toujours chercher à comprendre tout, il décide de changer brutalement sa vie et de devenir stupide. Il essaie l'alcool mais il ne le supporte pas. Il essaie le suicide mais ça ne lui convient pas non plus. Finalement, grâce au médicament l'heurozac, il parvient à vivre pleinement. Par l'entremise d'un vieil ami, il devient courtier en bourse. Gagnant plein d'argent suite à de gros coups de bourse, il mord à pleine dent dans la société de consommation. Mais ses anciens amis rebelles le ramènent à la réalité. Avant de quitter sa boite, il provoque volontairement une crise financière mondiale et reprend sa petite vie de bohème. A la fin, il rencontre une fille qui lui ressemble..

    mon commentaire : l'idée est bonne et certains passages sont hilarants. Mais quand je lis un roman, de deux choses lune, l'autre le soleil. Soit il est encré dans la réalié, soit il ne l'est pas et celui-là je ne sais pas où il est. Alors qu'il raconte des scènes de vies banales, l'auteur se met à sortir des propos proprement surréalistes et puis reprend le cours normal de l'écriture. Exemple : Antoine se rend à la bibliothèque de Montreuil pour emprunter des bouquins sur l'alcoolisme. Le bibliothécaire trouve ça bizarre et alors voici ce qu'il devint par la suite : 'le bibliothécaire passa les jours suivants à se demander si cela était une plaisanterie, puis il mourut, mystérieusement étouffé sous un groupe de touristes allemands près de la Tour Eiffel'. Même en cherchant bien, je ne vois pas le message qu'a voulu faire passer Martin Page...et plein de passages comme ça.

    Autrement, pas mal de caricatures dans ce livre sur les excès de notre société. On passe quelques bons moments mais je ne recommande pas.

    le livre, l'objet : emprunté à la bibliothèque de Camors (la bibliothécaire est décédée quelques jours plus tard après s'être étouffée en mangeant des livres de Christine Angot), le livre (éditions France Loisirs, collection piment) a juste une petite odeur si particulière qu'ont tous les livres ayant séjournés quelques mois en biblio. La couverture représente un type dont les yeux sont couverts par des billets de banque. la symbolique ? sans doute que si tu veux ne pas voir l'absurdité de ce monde, cache toi en jouant son jeu..

    Note (/5): 2.5

     

  • CR1 - les années douces - KAWAKAMI Hiromi

    90b24540975ffa8ae34aed045e4a6b49.jpgFormat : poche

    collection : picquier poche (n°244)

    année de publication : 2001 (traduit du japonais en 2003 par Elisabeth Suetsugu)

    titre original : Sensei no kaban

    couverture : un coin de table avec une carafe aux motifs asiatiques, une baguette, une tasse, un peu d'un plateau...

    odeur du livre : colle industrielle sans beaucoup d'intérêt. rappelle peut-être l'odeur du bois dans une menuiserie

    prix : 7.50€

    lieu d'achat : Espace culturel dans la galerie Leclerc de Vannes.

    motif de l'achat : impulsif mais quand même, depuis quelques temps, l'envie de lire un roman asiatique.

    Présentation de l'éditeur : Tsukiko croise par hasard, dans le café où elle va boire un verre tous les soirs après son travail, son ancien professeur de japonais. Et c'est insensiblement, presque à leur cœur défendant, qu'au fil des rencontres les liens se resserrent entre eux. La cueillette des champignons. Les poussins achetés au marché. La fête des fleurs. Les vingt-deux étoiles d'une nuit d'automne... Ces histoires sont tellement simples qu'il est difficile de dire pourquoi on ne peut les quitter. Peut-être est-ce l'air du bonheur qu'on y respire, celui des choses non pas ordinaires, mais si ténues qu'elles se volatilisent quand on essaie de les toucher. Ce livre agit comme un charme, il capte en plein vol la douceur de la vie avant qu'elle ne s'enfuie.

    Mon commentaire : un petit livre comme je les aime fait des petites choses de la vie. Dommage que la fin soit aussi décevante (à savoir que Tsukiko et le maître décident de vivre une relation amoureuse). Sinon, on se trimballe dans un Japon 'moyen', où l'on boit du saké tous les soirs, où tout le monde a un emploi et trouve normal de se rendre au bureau le weekend etc etc. Ceci dit la narratrice parle très peu de son boulot. La lecture se fait au rythme de saisons et du temps qu'il fait.rien de révolutionnaire mais fort sympathique

    un extrait : Tant qu'à faire, je trouve plus agréables les journées d'hiver, si brèves qu'elles semblent vous chasser. Quand on se dit que de toute façon le jour va bientôt décliner, le coeur prêt à accueillir l'obscurité légère et élégante qui fait naïtre le regret. Maintenant que les jours ont rallongé suffisamment pour faire dire, tiens, il ne fait pas encore nuit, un peu plus et il fera nuit, on perd pied. Voilà, la nuit est tombée, et l'instant d'après, un sentiment de désolation s'empare de vous et vous enveloppe d'une solitude pesante et lancinante.

    Je trouve que cet extrait a de petits accents proustiens..non ?

    loïc

  • du côté de chez Proust # 1

     

    Depuis quelques jours, j'ai ressorti mes Proust, pas ceux de la Pléiade parce que ces derniers sont faits pour rester en bibliothèque mais les poches, déjà tous usés, écornés, marqués, fluorés. J'avais lu La Recherche pendant mon service militaire (non non pas par snobisme hein) et je me souviens que mes compagnons d'armes se moquaient. Je me souviens notamment d'un 31 décembre au soir où j'étais d'astreinte au régiment. Pendant que mes collègues jouaient aux cartes, je lisais. L'un d'eux, passablement émêché est venu vers moi, a piqué le bouquin que je le lisais et alors, avec ses amis, ils se le sont passés comme un ballon de basket. Ça semble anodin comme ça mais ça m'a marqué.

    Après un début de lecture difficile (cent premières pages de du côté de chez Swann), je me suis par la suite régalé, profitant pleinement de chaque phrase. Mon idée sur cette oeuvre majeure est qu'on s'en fout de cette histoire d'aristocrates dans le Paris (essentiellement) au début du XX. On s'en fout car ce qui compte, à mon sens, c'est la façon dont le narrateur analyse les comportements, le pourquoi du comment d'un geste ou d'un regard, la façon dont on peut se rendre ridicule et surtout la façon dont on envisage le temps qui s'écoule. Oui, on s'en fout de la trame qui se situe essentiellement dans les salons mondains et stations balnéaires huppées.

    Chacun de nous a ses petites manies intérieures, ses petites réflexions personnelles qu'on se fait sur une chose en particulier ou la vie en général et nous trouvons ces petites choses si bizarres que nous ne pensons pas un instant qu'une personne puisse se figurer intérieurement les mêmes bizarreries. Et bien, je me suis rendu compte avec Proust que nombre de mes petites philosophies à 2 balles pouvaient être très communes, la cerise sur la gateau étant bien sûr que Proust savait lui formuler à merveille ces non-dits intérieurs.

    Pendant ces fêtes, je me trimballe avec « le côté de Guermantes », troisième volume de La Recherche. Pour étayer mes propos, je ne peux m'empêcher de vous faire partager cette réflexion qui depuis tout petit me travaillait les méninges :

    Il en est du sommeil comme de la perception du monde extérieur. Il suffit d'une modification dans nos habitudes pour le rendre poétique, il suffit qu'en nous déshabillant nous nous soyons endormi sans le vouloir sur notre lit, pour que les dimensions du sommeil soient changées et sa beauté sentie. On s'éveille, on voit quatre heures à sa montre, ce n'est que quatre heures du matin, mais nous croyons que toute la journée s'est écoulée, tant ce sommeil de quelques minutes et que nous n'avions pas cherché nous a paru descendu du ciel, en vertu de quelque droit divin, énorme et plein comme le globe d'or d'un empereur.

    Exquis non ? Qui ne s'est pas endormi inopinément qui n'ait trouvé au réveil ce sommeil fortuit réparateur et magique ?Vous aimez Proust ? Ça tombe bien, moi aussi et j'ai décidé pour les jours (et les mois ?) à venir vous faire partager ces passages sybillins.