il n'y a pas marqué CR3 devant le titre. ça veut dire que je n'ai pas encore lu ce livre. Mais ça ne saurait tarder. Avant toute chose, je dirais que j'ai stoppé ma lecture en cours. Il s'agissait d'un roman de Paul-Louis Rossi la villa des chimères, bouquin que j'ai pris à la biblio, par hasard, en fermant les yeux. Quand je trouve rien, c'est ce que je fais et parfois j'ai de bonnes surprises. Là, bon, c'est pas une mauvaise surprise, c'est juste que ça ne correpond pas à mes envies du moment. La villa des chimères est un road-movie moderne d'un couple français en quête, l'un d'un certain type d'architecture, et l'autre de ses origines. En même temps, il y a une sorte de course poursuite. Je n'ai pas tout compris en fait. Depuis que j'ai repris le boulot, je ne lis que 3 pages par jour et à ce rythme-là, on perd vite le fil de l'histoire. Je pense que pour bien s'imprégner d'un livre, il faut l'engloutir très vite. 3 jours, c'est bien.
Aujourd'hui, je commence la lecture d'un roman local-historique écrit par Gisèle Le Rouzic, une femme de mon coin. Elle est la fille d'un ancien ouvrier des forges d'Hennebont. Tapez 'forges d'Hennebont' dans wikipedia et vous saurez de quoi je parle. Comprenez que dans une région de paysan comme la notre, l'expérience des forges a marqué les esprits. Même si elles sont fermées depuis 1966, tous les environs sont encore marquées par cette époque, les luttes syndicales, les mobilisations diverses. J'aime l'idée de la non-résignation, que dans l'union, tout est possible
Du coup, je me promène souvent autour des ruines de l'usine. Je me dis que ça ferait un beau décor de film. Il y a de quoi faire. On a le cadre et le début du scénario : un paysan de Languidic laisse sa ferme pour aller bosser dans les forges et il se rend compte très vite des conditions de travail abominables. Il crée un syndicat et compte mener la vie dure aux patrons. Une sorte de Germinal, mais par ici, en Bretagne, sur les bords du Blavet.
C'est un peu de tout ça que doit parler Gisèle Le Rouzic dans son livre. Rappelons aux incultes que les mains de Jeanne-Marie est un poème de Rimbaud. Que voici (perso, j'aime pas la première strophe mais par la suite, c'est sublime..bien sûr, je vous parlerai du livre..)
Jeanne-Marie a des mains fortes,
Mains sombres que l'été tanna,
Mains pâles comme des mains mortes.
- Sont-ce des mains de Juana ?
Ont-elles pris les crèmes brunes
Sur les mares des voluptés ?
Ont-elles trempé dans des lunes
Aux étangs de sérénités ?
Ont-elles bu des cieux barbares,
Calmes sur les genoux charmants ?
Ont-elles roulé des cigares
Ou trafiqué des diamants ?
Sur les pieds ardents des Madones
Ont-elles fané des fleurs d'or ?
C'est le sang noir des belladones
Qui dans leur paume éclate et dort.
Mains chasseresses des diptères
Dont bombinent les bleuisons
Aurorales, vers les nectaires ?
Mains décanteuses de poisons ?
Oh ! quel Rêve les a saisies
Dans les pandiculations ?
Un rêve inouï des Asies,
Des Khenghavars ou des Sions ?
- Ces mains n'ont pas vendu d'oranges,
Ni bruni sur les pieds des dieux :
Ces mains n'ont pas lavé les langes
Des lourds petits enfants sans yeux.
Ce ne sont pas mains de cousine
Ni d'ouvrières aux gros fronts
Que brûle, aux bois puant l'usine,
Un soleil ivre de goudrons.
Ce sont des ployeuses d'échines,
Des mains qui ne font jamais mal,
Plus fatales que des machines,
Plus fortes que tout un cheval !
Remuant comme des fournaises,
Et secouant tous ses frissons,
Leur chair chante des Marseillaises
Et jamais les Eleisons !
Ça serrerait vos cous, ô femmes
Mauvaises, ça broierait vos mains,
Femmes nobles, vos mains infâmes
Pleines de blancs et de carmins.
L'éclat de ces mains amoureuses
Tourne le crâne des brebis !
Dans leurs phalanges savoureuses
Le grand soleil met un rubis !
Une tache de populace
Les brunit comme un sein d'hier ;
Le dos de ces Mains est la place
Qu'en baisa tout Révolté fier !
Elles ont pâli, merveilleuses,
Au grand soleil d'amour chargé,
Sur le bronze des mitrailleuses
A travers Paris insurgé !
Ah ! quelquefois, ô Mains sacrées,
A vos poings, Mains où tremblent nos
Lèvres jamais désenivrées,
Crie une chaîne aux clairs anneaux !
Et c'est un soubresaut étrange
Dans nos êtres, quand, quelquefois,
On veut vous déhâler, Mains d'ange,
En vous faisant saigner les doigts !