Alors que fusent les dernières balles de la guerre 14-18 , Albert et Edouard, deux soldats de la même compagnie sont les témoins des méfaits de leur chef, le lieutenant d’Aulnay-Pradelle. Ce dernier, afin de motiver ses troupes et ainsi se couvrir d’honneur avant l’armistice assassine froidement deux poilus qu’il avait envoyés en éclaireurs. Edouard qui sauve Albert d’un ensevelissement provoqué par le lieutenant se fait démolir la tronche par un obus. Aidé d’Albert qui commet un vol de papiers, Edouard ne souhaitant pas retrouver sa famille bourgeoise se fait passer pour mort et prend l’identité d’un soldat tombé sur le front. Les deux hommes qu’un lien indéfectible unis emménagent dans un petit appartement poisseux de Paris. Edouard est défiguré, n’a plus de mâchoire, se cache derrière des masques et se drogue avec de la morphine qu’André a bien du mal à lui trouver. Artiste dans l’âme, il dessine pendant qu’Albert additionne les petits boulots. Puis, rendu fou par la morphine il décide de monter une escroquerie impensable : dessiner des monuments aux morts, en faire un livret et les vendre aux communes et se barrer avec les acomptes avant que l’on s’aperçoit de la supercherie. Dans un premier temps, Albert, plus raisonnable refuse..mais il finit par accepter. Parallèlement, comme le monde est petit (surtout dans les romans où ça aide quand même), Henri d’Aulnay-Pradelle qui fait des affaires un peu louches dans les cimetières militaires se marie avec la soeur d’Edouard…Albert qui a besoin d’argent pour monter l’escroquerie accepte un poste de comptable que lui propose le père d’Edouard (qui croit son fils mort, je le rappelle pour ceux qui suivraient pas).
Dans ce roman apocalyptique et désenchanté, on voit bien que tout le monde va droit dans le mur, consciemment et avec application. C’est une histoire absolument effrayante et qui fait mal aux êtres humains que nous sommes , incapables de tirer les leçons de l’histoire. La traîtrise, la cupidité et l’inconscience guident nos actes. La fraternité et l’amour mettent du baume au cœur mais trop peu.
Pierre Lemaitre est spécialisé dans le polar et cela se sent dans ce roman écrit à la façon des grands nouvellistes du début du XXème. L’écriture sobre est au service de l’histoire. C’est à tel point que bien que j’en ai pris l’habitude sur la kindle, je n’ai pas surligné un seul passage.
lecture : novembre 2013
Albin Michel
Kindle / 577 pages
note : 4/5