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enfance

  • Gambetti est bien vivant !

    Gambetti (qui n'est pas mort - et donc pas enterré à Triqueville, pas plus que la mémé de Philippe Torreton -) qui existe en vrai et qui est quelqu'un qui m'est très proche tout en étant physiquement éloigné) et Apolline ( qui m'est encore plus proche dont en étant également physiquement éloignée) sont des fin lettrés donc je me permets de leur dire que pseudo ou pas, j'aimerais qu'ils mettent une majuscule à la première lettre de leur pseudo, parce qu'étant maniaque sur la question, je m'emmerde à corriger cette erreur non fondamentale. 

    Mais ceci est peu de de chose avec l'objet de cette note qui a pour but avant tout de revenir sur le texte que Gambetti a posté hier en commentaire. Je le retranscris ici. 

    Bonjour Loïc,

    Pourquoi un texte personnel, égocentré comme "La promesse de l'aube" a-t-il connu un succès mondial ? Et "Vipère au poing?" Et..... Je pense que dans son enfance se trouve un monde. Que l'on veut fouiller ou pas. Que l'on exprime ou pas. Voilà deux textes: sur le père, sur la mère. A toi de dire si l'intérêt dépasse le personnel.

    Gambetti

    Lorsque je passe sur le quai logistique, après quelques cafés, alors que les palettes de poissons surgelés passent, se chargent et se déchargent ; quand les contrôles s'enchaînent avec logique, quand les gestes trouvent naturellement leurs places, comme les pièces idoines d'un puzzle, une sorte d'emphase, un lyrisme me prend. Alors, c'est bien moi qui siffle « Summertime », mais c'est une réminiscence de mon père qui s'accompagnait ainsi au piano, sur la mezzanine du salon. Etait-ce alors l'été de sa vie ? Ou alors comme tout, c'était plus compliqué ; comme cet air triste finalement, avec des paroles optimistes. 
    Des temps meilleurs sont arrivés, et je les siffle à ta manière, en ton honneur. Dans les entrepôts frigorifiques, hantés de fantômes capitonnés, j'entretiens ce dernier lien sonore, cet air simple, infiniment modulé de variations. 
    Et je les siffle en orchestrant mes journées frénétiques. Comme toi qui avais besoin de construire. Tout le temps. Soir et week-end. Toi qui transformas en vingt cinq ans une bergerie en mas provençal avec dépendances. Toi qui entretenais un hectare de terrain. Toi qui me traitais de cossard, me disais que j'aurais pu faire polytechnique. J'ai finalement, vingt ans après, pris le même chemin productiviste que toi. Pour quoi ? Pour qui ? A qui ai-je à prouver ma valeur, sinon toi ? Et toi, à ton époque, était-ce la même impérieuse et muette obligation d'être à la hauteur des attentes du père? Et ces attentes étaient-elles atteignables ?
    Le père semble être celui qui a le pas suffisamment sûr. Celui qui a assez voyagé dans ses émotions pour supporter le tremblement des générations.

    Notre propriété de Roquevaire se termine par un mur de pierres sèches, une restanque, comme on l'appelle couramment en provençal. Si l'on suit la déclivité du terrain, l'ouvrage prend de la hauteur, mais, soudain, il bute sur un banc de calcaire qui transperce terre et végétation et occupe tout le fond du vallon. Cette roche est fendue à sa base, et, de cette fente suinte un mince mais continu filet d'eau pure, transparente. Une eau qui étincelle parmi les herbes brûlées alentour et qui alimente un gourd, une vasque naturelle, immobile, ceinte de calcaire gris. Ce qui choque, c'est que la végétation avoisinante n'a pas connaissance de cette exception. Autour, tout est sec.
    Lorsqu'on plonge ses yeux dans cette épaisseur de pur, s'agite une multitude de gammares. Parfois, si l'on soulève une pierre, une sangsue se contorsionne, signe de ponctuation dérangé dans son repaire. Mais, ce qui finit par attirer l'attention, dans ces quelques vingt mètres carrés, dans ce lac miniature, ce sont ces traînées de fine poussière beige, qui, si on les suit du regard, nous amènent à détecter de petits fuseaux posés sur leurs nageoires. Des poissons ! De petits chevaines qui m'observent du plus loin que le cirque d'eau le permet. Ils sont la preuve que la vie existe, ici, en continu ! Et si l'on regarde attentivement plus bas, il y a bien ce même ru qui repart entre les pierres et dévale vers le village loin, en contrebas.
    Ce rêve est récurrent ces derniers temps. Pourtant, il n'y a jamais eu de source chez nous. Tout juste un flot de boue qui, lors des pluies méditerranéennes d'automne, emprunte le chemin de moindre pente trois ou quatre jours par an. 
    Une nouvelle vérité sur ma mère se trouve dans cette vision onirique, je le sais. C'est comme si ce climat de relations arides, théâtre de brèves et violentes explications pluvieuses, avait jusque là interdit de remarquer une constance, une présence. Muette et pure.

    Je reviens déjà sur le préambule. Gambetti écrit " Je pense que dans son enfance se trouve un monde". J'ai rajouté le "dans" car je pense qu'il l'avait oublié, sinon la phrase n'a pas de sens. Alors, oui, non seulement notre enfance est un monde à part entière et ce monde n'est pas fermé puisqu'il conditionne ensuite toute notre existence. Je suis intimement convaincu de cela (c'est Freudien donc banal,  je sais) et excusez-moi d'y revenir sans cesse mais c'est justement devant le constat que bien que l'enfant se construit beaucoup lui-même et sait "encaisser des coups" plus qu'on ne pense, le cadre et la stabilité familiale, l'attention que les parents lui portent, l'écoute, les confidences etc sont essentiels. Pour avoir vécu une enfance pour le moins perturbée, j'essaie avec ma femme d'apporter à nos filles ce que n'ai pas eu la chance d'avoir ; de l'affection et le bagage pour rentrer dans le monde adulte. 

    Ensuite, "le poème en prose". Je ne te le dis pas pour te faire plaisir, je n'ai pas envie de te cirer les pompes mais je le trouve sublime, extrêmement bien construit. Subrepticement, tu arrives à transporter le lecteur d'un entrepôt frigorifique à ta maison familiale au milieu de la garrigue dans le sud de la France et le lien se fait grâce à cet air qui te revient, comme une madeleine de Proust et qui te rappelle ton père le jouant du piano dans sa villa, ce père " bâtisseur" qui a cru en toi mais qui te traitait de "cossard". On se retrouve plongé dans une villa du sud, bien loin du quotidien et des odeurs de l'entrepôt. On devine que la description de cette maison de ton enfance, de son jardin sec, où la végétation règne tout en subissant la sécheresse est une métaphore. Tu fais aujourd'hui des rêves d'eaux, de lac, de poissons ( lien avec l'usine où tu travailles). Cette eau justement n'est-elle pas une image du liquide amniotique dans lequel tu as baigné ? L'image de la mère arrive ensuite naturellement, sa présence mais en même temps son mutisme et sa pureté. A la lecture de ce texte, elle me reste mystérieuse. 

    C'est un poème imagé, très fort, cruel aussi, sur la complexité de la relation parents-enfant et lorsqu'on réalise ce qui a nous a manqué dans les premières années de nos existences. Je ne sais pas si je suis dans le vrai mais même si nos parcours n'ont rien à voir, je me retrouve un peu dans ce texte (que j'aurais été incapable d'écrire). Et j'ajoute même si c'est hors-sujet que je suis toujours persuadé que l'on devient vraiment un homme que lorsque le père est mort, malgré toute l'affection qu'on peut lui porter, malgré le désarroi quand on apprend son décès. Le vide.  Tant que son père est en vie, le fils (et la fille aussi mais là, je suis moins certain) même inconsciemment ne vit que pour prouver à son père ce qu'il est capable de faire. Il ne vit que sous le regard (même absent) du père. Bon, désolé, si c'est de la psychanalyse de comptoir mais c'est tout ce que je peux écrire ce soir. En tout cas, chapeau bas pour le texte. 

    Loïc LT 

     

  • recensement des cabines # 14 Persquen

    Lorsque je suis arrivé à Persquen, il pleuvait des cordes et en plus j'étais pressé (un soi disant ami de Beauchamp m'avait donné rendez-vous dans un entrepôt désaffecté de Hennebont). Je ne suis resté qu'une demi-heure sur place seulement vêtu d'un tricot et courant tel un damné d'un abri de fortune à un autre. Tout était contre moi comme si le destin voulait m'empêcher de revenir sur une époque qui, je pense a un peu façonné mon être. 

    Carte avant tout, comme il se doit : Camors-Persquen : 29.6kms, 31mns. (rappel : les points rouges correspondent aux bourgs  recensés)

    recensement des cabines,persquen,enfance

    Je me suis garé sur la place de l'église et dieu merci, je ne voyais qu'elle, moche et rutilante accolée à un vieux mur que je crois être celui de l'ancien presbytère. Quel soulagement, j'aurais été si malheureux de ne pouvoir pas faire de reportage-cabine à Persquen. Ce n'était pas gagné, le bourg ne compte plus que 300 habitants mais comme il est mal desservi par les opérateurs mobile, ce publiphone (qui fonctionne et dont le numéro d'appel est le 02 97 51 23 42) conserve plus qu'ailleurs toute son utilité. 

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    L'église Saint-Adrien n'est pas sans charme. Elle m'a servi de refuge pendant le déluge (pour une fois qu'une église me sert à quelque chose) et je l'ai prise ici depuis l'ancienne école des nonnes. 

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    Mon grand-père et mes tantes n'étant pas pratiquants, je n'ai sans doute jamais posé les pieds dans cette église dont voici l'histoire (mais la cérémonie d'enterrement de mon grand-père y a sans doute eu lieu mais je ne me souviens pas y avoir participé) :

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    Ensuite, de l'autre côté de la route (la D130), un bar-alimentation ne peut échapper à la vigilance du voyageur  :

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    Ce bar se situe à l'emplacement d'un ancien bar (le café Guillemot où il me souvient être allé après les obsèques de mon grand-père ? )  a été racheté et rénové par la commune qui a ensuite lancé un appel à candidature  existe depuis 2005 depuis que  le fameux bar de Paulette baissa définitivement ses rideaux. 

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    Ce bistrot qui a longtemps fait également épicerie était une institution dans le bourg et je me souviens que lors de mes vacances à Persquen, nous allions nous approvisionner en denrées de première nécessité (je me rappelle surtout du jambon). Paulette, comme son nom l'indique était une femme adorable et je l'ai revue bien des années plus tard lorsque le hasard m'a fait travailler à Guéméné sur Scorff, un bourg situé à 5 kms au nord et il m'arrivait de m'y arrêter boire un café ou une bière en rentrant à Languidic. L'épicerie n'était plus mais les habitués n'avaient pas bougé comme si le temps s'était suspendu pendant 20 ans (nous étions en 1999). 

    A côté du nouveau bar-alimentation, une demeure délabrée fait froid dans le dos :

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    Je me suis évidemment renseigné sur l'endroit dans lequel je ne mettrais pas les pieds une nuit de pleine lune.Il aurait servi de lieu de stockage d'engrais en dernière fonction et puis avant encore, certains disent que des bals y eurent lieu. On allait donc guincher dans cette bâtisse sur viens poupoule et vlan passe moi l'éponge  mais je suis persuadé même qu'avant de servir de dancing branché , c'était une maison d'habitation. Mais qui saurait me me le dire ? Apparemment, selon certaines sources concordantes, la FNAC serait partante pour y ouvrir un magasin, plus sérieusement, la mairie planche sur le sujet (destruction à priori). 

    Remarquez qu'avec tout l'arsenal devant, il y a moyen de faire exploser cette ruine en moins de temps qu'il faut pour le dire :

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    Voici le bâtiment de la fameuse école de bonnes soeurs (où ma mère et Evelyne ont étudié - voir texte précédent) et puis l'intérieur du préau. Ma mère a dormi derrière l'une de ces fenêtres, plutôt à l'étage sans doute, à droite, à gauche ou les deux autres, qui saura, qui saura, qui saura, qui saura me dire dans quelle pièce ?

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    Une vue de Persquen depuis la mairie. On distingue l'ancien bar de Paulette, un ancien commerce à côté (une quincaillerie tenue par Noëllie Kervégant décédée en février 2015) et une ancienne forge (le mari de la quincaillière ) à l'intérieur de laquelle tout doit être resté tel quel. 

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    Il paraît que ça porte bonheur de mettre des branches de feuilles mortes (charme ?) à l'entrée des demeures m'a dit une ancienne vendeuse de chaussures avec qui j'ai discuté à Bubry avant de venir à Persquen.

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    Voici la maison où vécut mes arrière-grands-parents et ensuite mon grand-père et qui est toujours propriété de la famille. C'est une maison sans cachet particulier mais les souvenirs, les souvenirs, les souvenirs...Les souvenirs sont plus fidèles que les amis et les amants : ils reviennent nous voir lorsque notre âme grelotte toute seule.(Ferenc Mora)

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    En face, de l'autre côté de la route, cette maison néo-bretonne n'a pas changé en 20 ans et elle m'a toujours intrigué, ou du moins ses habitants. J'ai toujours pensé qu'on me cachait des choses à leurs sujets mais en fait, m'a-t-on dit dernièrement, 'fantasmes'.

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    Après, on quitte Persquen (direction Talvern entre autres, mais il y aura un # 2....J'ai l'impression de n'avoir fait qu'effleurer les choses (et je ne suis pas sûr que la personne en question connaisse Beauchamp mais au cas où, je lui dirais quand même qu'il me doit moins d'argent qu'il ne le pense pas). 

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    reportage réalisé le 14 mai 2015. suite à venir. 

    Loïc LT

  • avec un brin de nostalgie # 1

    Tôt le matin lorsque personne n'est levé, le silence règne dans la maison, j'ouvre les volets et la nature avec tous les tons de vert s'offre à moi. Les oiseaux chantent, je vois de temps en temps un chat passer, voire même un chevreuil. Rien ne bouge encore au front des palais. Je ris au wasserfall blond qui s'échevelle à travers les sapins : à la cime argentée je reconnais la déesseJe prépare un café, parcours le Ouest-France et ensuite, soit je lis, soit je surfe soit j'écris et en ce matin du 16 mai 2015, je suis décidé à écrire.

     

    Le 14 mai 2015, je me suis rendu au village de Persquen pour le fameux recensement que vous savez (qui viendra après).  Ce n'était pas un reportage photos comme un autre puisqu'il y a deux bourgs qui comptent dans mon enfance, Languidic, celui où j'ai grandi et Persquen, celui où vivait mon grand-père maternel, Émile LB.

    Mon grand-père est né en 1923 à St-Caradec-Tregomel dans une ferme de peu sans doute, toujours est-il que le père de mon grand-père, François en plus d'exploiter une petite ferme était le jardinier et garde-chasse du manoir de Kerohel en Persquen (connu pour avoir abrité Marion du Faouët aux alentours de 1740) . Sa femme, Marie, qui habitait avec lui dans une dépendance du manoir (je présume) était verratière, c'est à dire que les éleveurs venaient à Kerohel avec leurs truies.

    Mon grand-père n'a pas vécu toute sa vie à Persquen (bourg je précise situé dans le nord du Morbihan, c’est à dire dans le centre de la Bretagne, une zone où l’exode rural a dépeuplé les villages) puisqu'après la guerre, après avoir été maraîcher et livreur de lait en région parisienne, il s'est engagé dans la gendarmerie où il fut affecté à la surveillance des aéroports (Orly, Bourget). Il se maria avec avec Ambroisine Morvan (une femme de Persquen) dont je n'ai aucun souvenir car elle est décédée d'un cancer deux ans et demi après ma naissance. Le couple s'est donc installé à Paris, dans un logement de fonction je suppose (à Dugny) et je suppose aussi que ma grand-mère était mère au foyer. Ils eurent 4 filles, Marie-Claire, ma mère, l'aînée, Patricia, Evelyne et Brigitte. C'est à Paris que mon père a rencontré sa future épouse, Marie-Claire. Je ne me souviens plus très bien de ce que mon père faisait à Paris mais j'ai le vague souvenir qu'il m'avait dit qu'il gérait une auberge de jeunesse catholique ou un truc dans le genre. Donc, coup de foudre comme on dit et sans doute aussi le fait que tout le monde était originaire du même coin de Bretagne a-t-il créé des affinités.

    Dans les années 50 (ou début des années 60 ?) , ma grand-mère Ambroisine est tombée malade et pendant qu'elle était soignée de la tuberculose à l'hôpital Val-de-Grâce à Paris, ma mère et Evelyne furent scolarisées à l'école des soeurs de Persquen, Patricia fut mis en garde à Kerohel pendant que Brigitte encore toute petite était gardée par une nourrice. Guérie de la tuberculose, le destin s'acharna contre elle puisqu'elle décéda d'un cancer le 25 février 1976.

    Lorsque j'ai fait mon reportage photo le 14 mai, je suis rentré dans l'enceinte de cette école des soeurs où ma mère et Evelyne ne durent pas passer que du bon temps...et tout est à l'abandon, les tables et les pupitres sont entassés dans le préau. Par contre, l'intérieur des bâtiments n'est pas si insalubre et doit servir à quelque chose mais à quoi. Tout à l'heure, j'ai eu ma tante Patricia au téléphone et elle m'a dit qu'il n'y a encore pas longtemps, les locaux de cette ancienne école de bonne-sœur étaient utilisés par le curé pour faire la messe en hiver, la grande église Saint-Adrien n'étant pas chauffée.

    Mon grand-père rendit les armes en 1975 et passa dans le privé en devenant surveillant d'une maison d'édition, les éditions Rombaldi, situées boulevard Saint-Germain à Paris. On a quelques exemplaires des livres de cette maison à Berloch, ce sont de gros bouquins assez rébarbatifs avec des illustrations tristes. Cette maison rééditait des grands auteurs comme Bazin et Genevoix. Le couple LB vivait dans les locaux de cette maison d'édition et ma grand-mère s'occupait de l'entretien du hall et autres petites intendances .

    Après la mort de sa femme, mon grand-père étant né en 1923 avait donc 53 ans et décida de rentrer à Persquen peu après avec Patricia et Brigitte. Sa mère habitait une maison avec son mari François dans le bourg de Persquen. Je ne l'ai pas connu et j'ai toujours entendu dire qu'il est mort d'une crise cardiaque en se rendant aux toilettes (ou en y revenant). Toujours est-il qu'il n'y avait pas de place pour Émile dans cette maison où vivait aussi François, l'un de ses deux frères, un mécanicien agricole qui travaillait à Bubry (l'autre frère Raymond était ouvrier en menuiserie et selon moi plutôt artisan (il avait conçu pour mon père et ma mère un ensemble lit-armoire dans un style rustique typiquement breton, ensemble qui a toujours été un sujet de moquerie à Berloch tant nous le trouvions horrible mais qui à bien des égards est finalement un véritable chef d’oeuvre du genre) qui deviendra mon parrain et qui habitait une maison qu'il avait fait construire sur les hauteurs d'un village aux confins de Persquen (Talvern) en bas duquel un forgeron foutait un de ces bordels qui empiétait même sur la route.

    Mon grand-père loua donc une maison dans un corps de ferme abandonné au hameau de Kercher à quelques kilomètres du bourg. C'était une grande maison avec plein de bâtiments agricoles autour.

     

    Ma mère est décédée en 1979. J'avais six ans et ma sœur 4. Je n'ai pas bien réalisé les événements. Je n'étais pas malheureux et je n'ai pleuré que lorsque j'ai vu mon père pleurer.

    C'est la première fois que je le voyais ainsi et je pensais qu'il n'y avait que les enfants qui pleuraient. Lorsque ma mère est décédée, ma grand-mère, Elisa (dite Marie) est venue s'installer à la maison à Berloch pour aider mon père à nous élever. C'est à partir de cette période que j'ai commencé à aller régulièrement en vacances à Kercher. Les filles de mon grand-père travaillant et vivant à Paris (à part Patricia, mariée avec Gérard, un mécanicien travaillant à Guéméné) venaient passer quelques semaines de vacances auprès de leur père en été et elles en profitaient pour nous prendre quelques jours (quinze jours ?) avec elles. Ces séjours à Kercher étaient pour moi des moments de stress et en même temps d'excitation. J'adorais mon grand-père, il ne grondait jamais, il vivait tranquillement et mes tantes Brigitte et Evelyne étaient prévenantes à nos égards. Et puis, elles ramenaient avec elle leurs habitudes de Paris à des années lumière de ce que je pouvais vivre à Berloch. J'avais l'impression de vivre dans un autre pays. On avait le droit de faire des choses qu'il était insensé de faire chez nous comme lire le soir au lit ou bien regarder des films jusque la fin (comme Papillon avec Steve McQueen dont j’ai, je ne sais pas pas pourquoi gardé un souvenir inoubliable) . On se rendait dans un supermarché de Pontivy ce que jamais nous ne faisions à Berloch où le boulanger-épicier ambulant nous alimentait en denrées de base que mon père ou ma grand-mère complétaient par quelques courses dans les magasins du bourg de Languidic (genre la coop). Donc, ma première expérience du supermarché eut lieu lors d'un de ces séjours à Kercher. Je me rappelle avoir croisé une fois au supermarché (Continent ?) mon instit de l'école St-Donatien -une école rurale posée au milieu d'un champ à Languidic- et je trouvais insensé que ces deux mondes si différents puissent se rencontrer et en même temps j'étais fier de leur présenter mes tantes parisiennes (encore que j'étais excessivement timide alors je ne sais pas comment la rencontre a pu se passer).

    Je me souviens de ces vacances à Persquen comme de moments d'insouciance. Evelyne avait un fils qui avait un peu près mon âge alors nous jouions ensemble à des jeux divers, nous partions en vadrouille avec le grand-père (il cultivait un jardin au bout d'un chemin interminable, en descente qui menait à un endroit très humide où poussait du cresson), il nous montrait régulièrement son képi qu'il gardait religieusement et qui nous impressionnait mais j'avais quand même un complexe d'infériorité par rapport à mon cousin. Mieux habillé, plus classe en général, je l'enviais mais il ne se la ramenait pas. Nous avions moins de 10 ans et ce n'est pas une période où on se cherche des poux (dont ma tête était couverte d'ailleurs -). Il arrivait aussi que je fasse des séjours dans les séjours en allant passer quelques jours à Talvern chez mon oncle et parrain Raymond (frère de mon grand-père), sa femme Jeanine et leur fils Thierry (que je ne voyais jamais) dont la chambre était tapissée de posters de clubs de foot (impressionné j'étais) mais ces séjours n'étaient pas de tout repos parce que les scènes de ménage étaient récurrentes et les assiettes volaient souvent . Je me souviens même d'une bagarre générale dans le village dont j'ai du mal aujourd'hui à définir qui et pourquoi se battaient avec qui. Jennine est décédée d'un cancer très jeune en 1981, ensuite j'ai beaucoup moins vu mon parrain à part quand il venait à la maison à Berloch avec sa nouvelle campagne.

    A chaque fois qu'on partait en vacances à Persquen, c'était pareil. L'oncle Richard et la tante Evelyne venaient nous chercher à Berloch (moins souvent Brigitte et Antoine je crois ; on ne voyait pas beaucoup Antoine très occupé par son travail). Les adultes restaient discuter. Richard parlait beaucoup et son accent alsacien résonne encore dans mes oreilles. Evelyne était plus discrète et toujours très gentille avec nous. Le parcours Languidic-Persquen dans la R18 pourtant pas si long (une demi-heure à peu près) me semblait interminable, il y avait des virages et comme j'étais timide je n'osais pas dire que j'avais envie de dégobiller. L'envie souvent se concrétisait et je vous épargne les détails.

    Je ne sais pas combien j'ai fait de séjours à Persquen. Avec le temps, on a tendance à exagérer les choses. Mais une chose est sûre, lorsque mon arrière-grand-mère est décédée en novembre 1982, et ensuite François en 1984 (qui vécut donc seul dans la maison pendant deux ans environ), mon grand-père s'est installé dans la maison du bourg (après quelques rénovations) et jamais on n'a passé de vacances dans cette maison. Donc, nos vacances à Kercher se sont déroulées sur une période assez courte (4 ans à peu près quand même).

    Quand mon grand-père a emménagé dans le bourg, la donne a changé. J'avais grandi forcément. Nous rendions des visites à mon grand-père avec mon père, sa nouvelle femme, ma nouvelle petite sœur et ma sœur. A partir de cette période, j'ai commencé à perdre de vue mon grand-père et quand il est décédé en 1997, j'étais sous les drapeaux et je m'en suis atrocement voulu (alors que j'avais mon permis de conduire depuis des années)  de ne pas être allé le voir plus souvent. Je crois que je comptais pour lui. J'étais le fils aîné de sa fille aînée, et je l'ai abandonné. Mais je crois que les dernières années de sa vie ne furent pas simples (problèmes de santé et autres) . N'empêche.

    Loïc LT

    A venir : reportage photos à Persquen (qui malgré ces 300 habitants dispose d'une cabine!)

  • mon histoire du grand Meaulnes

    le grand meaulnes.jpgMon grand-père m'offrit pour mes dix ans plusieurs volumes de livres de la bibliothèque verte. C'était nouveau pour moi qu'on m'offre de tels livres. Je me souviens qu'il les avait emballés sommairement dans du papier journal. Je me souviens aussi que je m'étais fait tout un film à propos de l'achat. Je pensais que mon grand-père les avait achetés dans une petite librairie de Persquen (bourg improbable de 200 âmes où il habitait) et que dans cette bibliothèque, il n'y avait que livres de la bibliothèque verte. Des étagères pleines à craquer, des livres posés par terre. Partout ce n'était que livres verts et le libraire qu'on distinguait à peine tant les livres croulaient sur le comptoir, portait une belle et désuette moustache. Mon grand-père un peu perdu lui demanda ce qui pouvait plaire à un enfant de dix ans (et comme de fait je me souviens clairement qu'il fit part à mon père de sa diffficulté de choisir et qu'il dût demander conseil). La librairie n'était pas très bien éclairée. Autres détails importants : Avant d'en ouvrir la porte, il fallait monter trois marches et un lampadaire à trois têtes illuminait son entrée. 

    Parmi les livres, il y avait des 'Michel', des 'Marianne'. Il y avait aussi la case de l'oncle Tom (dont on parlait l'autre jour sur ce blog) et le grand Meaulnes de Alain-Fournier identique à celui illustrant cette note. Par contre, je ne me souviens plus quand je l'ai lu et pourquoi. Il me semble l'avoir étudié au collège mais je n'en suis pas sûr. Deux choses sont certaines : je l'ai lu dans cette édition offerte par mon grand-père et quelques années après qu'il me l'offrit. J'ai gardé de cette lecture un souvenir particulier. La fête étrange dans laquelle débarque Augustin Meaulnes m'a longtemps poursuivi. Meaulnes débarque par hasard dans une maison (dans mon esprit ce n'était pas un château comme il est question dans le roman et comme figurant sur la couverture du livre) situé au milieu d'une espèce de marais et y rencontre une jolie fille insaisissable, comme transparente. Il ne sait pas trop bien si c'est la réalité ou s'il rêve. La maison n'est pas très grande mais est très chargée en voileries et bibelots d'un autre âge. Dehors, un soleil timide réchauffe une nature évanescente. Tout semble éphémère et Meaulnes après être rentré au pensionnat aura beau revenir sur les lieux, il ne retrouvera jamais la demeure et la jeune demoiselle. 

    Depuis hier, je relis le grand Meaulnes. La magie n'opère plus de la même façon. Je suis déçu par la façon dont est décrite la demeure et par le déroulement de la fête. Par contre, je reste sensible à cette espèce de rêve réel dans lequel débarque l'écolier et cette campagne du Cher parsemée de chemins sur lequel évoluent des charettes et des enfants se rendant à l'école du village. Mon attirance pour ce roman est de la même famille que ma passion pour les romans de Modiano. 

    Mon grand-père m'offrit un paquet de bibliothèques vertes une seconde fois. Au noel suivant mon anniversaire peut-être. Il ne m'en reste aucun. Que sont-ils devenus ? Ont-il été jetés  alors qu'ils étaient en bon état (certains n'ont jamais été lus) ? Est-ce que parmi tous les livres que mes filles ont reçus et lus, certains vont les marquer comme le grand Meaulnes pour moi ? Est-ce que j'ai vraiment passé une nuit avec d'autres enfants dans une école que je ne connaissais pas ?

    Sinon, sans doute que mon grand-père a acheté ces bouquins dans un supermarché de Pontivy. 

    Loïc LT