J'ai remarqué que les hommes sont souvent naïfs voire ignorants sur les choses simples de la vie. Ainsi combien de fois ai-je entendu ces derniers temps, parce qu'il pleut et qu'il fait doux que c'était un temps d'automne, pas un temps d'hiver...alors je le redis, en Bretagne et sur une grosse partie de la France (qui est le finistère du continent européen ne l'oublions pas) , un temps doux et humide en hiver est la normalité. Bref, pour les gens, en hiver, il doit neiger, s'il ne neige pas, c'est pas normal.
Dans les albums pour enfants , les auteurs caricaturent le monde, c'est normal, leur public n'appréhende pas encore la complexité des choses. Ainsi en est-il de ma série préférée : Martine (je les possède tous sauf les derniers qui ont perdu un peu de leur innocence). Dans Martine et les quatre saisons, on voit la gamine avec son frère en train d'alimenter un abri pour les oiseaux.
Février n'a que vingt-huit jours : il est pressé de voir partir l'hiver. Mais l'hiver ne veut pas s'en aller. La neige tombe. Les chandelles des gouttières luisent au soleil et les moineaux sont malheureux. Martine a placé un petit nid en bois dans le verger. Ainsi les oiseaux seront bien à l'abri.
Voilà, tout y est. C'est l'hiver donc il neige. Et tout comme Martine entretient son jardin toute seule (cf Martine embellit son jardin), ici, elle semble avoir installé un nichoir sans problème et avec beaucoup d'intelligence (on voit qu'une grosse branche rentre dans le socle de l'objet qu'elle a sans doute fabriqué elle-même). Et puis évidemment, des oiseaux s'y posent et cerise sur le gâteau ne se barrent pas quand les enfants s'approchent pour leur donner à manger. Tout est parfait. Son frère Jean a foutu sa cagoule et porte un joli tricot bleu alors que Martine porte une sorte de bonnet qui s'accorde parfaitement à son duffle coat (j'ai envie d'appeler sa tenue comme ça). Elle pose sa main gauche sur l'épaule de son petit frère. Elle fait un peu petite maman (cf Martine petite maman).
Retour à la réalité. Nous possédons une mangeoire à piafs qui languissait dans notre cabanon. Je n'aime pas trop le terme 'mangeoire' mais cela s'appelle ainsi, je n'y peux rien. C'est une vieille mangeoire aux couleurs ternes qu'on avait accrochée dans l'arbre à muguets il y a quelques hivers mais comme nous n'avons pas de vue depuis la baie sur cet arbre, nous ne pouvions voir si des oiseaux venaient s'y sustenter. L'hiver passa, on l'oublia et le printemps venu, je rangeai la chose très abîmée par les pluies et les vents. Elle resta ainsi à prendre la poussière dans le cabanon quelques années avant que je me décide à la ressortir cette année. L'idée pour cette fois est d'avoir une vue directe sur ce spectacle simple de la nature. J'ai donc bricolé un truc moche que voici :
J'ai pris cette photo depuis la baie vitrée. On distingue donc clairement une mangeoire (que j'ai évidemment alimentée en graines) installée sur un vulgaire pieu que j'ai planté de travers à la masse dans un sol spongieux. Mais je pense que les oiseaux ne me tiendront pas rigueur de ce côté tour de pise. Quand je parle des oiseaux...encore faut-il qu'ils s'y approchent. On a attendu longtemps...tout comme le chat qui est resté des heures les yeux rivés vers l'endroit...comme s'il se doutait du pourquoi de la chose (le plus probable étant que plus patient et passant plus de temps que nous il ait vu des oiseaux s'y poser). Non seulement dans la vie réelle les oiseaux ne vont pas spontanément vers ce genre d'installations humaines mais si en plus un ennemi les surveille à quelques mètres, on se complique la vie.
Dans la vraie vie, rien n'est simple. Et puis, quelques jours plus tard alors que je ne m'y attendais pas et que comme par hasard je prenais des photos du jardin triste, le miracle survint :
Un rouge-gorge s'est posé sur le toit de l'objet où j'ai eu la bonne idée de poser quelques graines également. C'est simple comme bonjour un oiseau qui mange des graines mais la simplicité n'est pas si évidente. Et ne doutant pas de la solidarité unissant les vertébrés tétrapodes ailés appartenant au clade des dinosaures (je cite wikipedia l'air de rien, comme Houellebecq), celui-ci va sans nul doute faire part de sa découverte à ses amis. Comme de fait le lendemain, lorsque je suis rentré du boulot et qu'il faisait déjà nuit, les filles rentrées plus tôt m'informent avoir vu d'autres oiseaux s'y nourrir. Depuis, c'est devenu un peu notre petite attente quotidienne...et celle des félins installés sur la table en bois et qui pensent bêtement pouvoir en attraper quelques-uns...
Loïc LT (08.01.15)