Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vincent Delerm

  • A présent (Vincent Delerm, la chanson, pas l'album)

    Nous sommes Marcia Baila
    Les cracheurs de feu de l'enfance
    Le trajet qui n'en finit pas
    Et la banquette arrière immense
    Nous sommes riverside park
    Les pelouses dans les centres-villes
    Les beaux jours qui débarquent
    Nous sommes les amours imbéciles

    Nous sommes le soleil blanc
    Juste en sortant du cimetière
    Le boulevard après l'enterrement
    Les visages pales dans la lumière
    Nous sommes la fin d'été
    La chaleur les soirs de retour
    Les appartements retrouvés
    La vie qui continue sous cour

    Nous sommes les yeux, les larmes
    En retrouvant 30 ans après
    Sur notre enfant les mêmes alarmes
    Pour les choses qui nous alarmaient.

    Nous sommes la vie ce soir
    Nous sommes la vie à cet instant
    Et je te suis sur le trottoir
    Et je te regarde à présent, à présent
    A présent
    A présent
     
    J'écoute beaucoup plus le dernier album de Julien Doré qui frôle la perfection, parce qu'il m'intrigue, qu'il cache bien des mystères et qu'en plus les mélodies sont bien enlevées et les arrangements parfaits mais il ne faut pas être exclusif. Et j'écoute aussi (entre autres) beaucoup le dernier opus de Vincent Delerm. Mais je ne l'écoute pas dans la même optique. Il y a une grosse différence entre une chanson de Doré et une chanson de Delerm. Doré exalte la beauté, la nature, la féminité, il y a un côté glamour mais un glamour qui frôle l'hermétisme. Le fait d'avoir fait jouer Pamela Anderson dans son clip "le lac" est purement anecdotique et la raison n'est pas celle que l'on pense. Le chanteur s'est expliqué là-dessus (et ce serait bien qu'il nous explique aussi ce qu'il veut nous dire dans certaines de ses chansons...). 
    Lorsque j'écoute Delerm, je ne cherche pas la même chose que lorsque j'écoute Doré. Delerm est un chanteur générationnel, il s'adresse aux quadragénaires, il nous parle des années 80, il nous dit la difficulté de vivre en couple, il évoque nos failles, nos fardeaux mais paradoxalement, dans ce flot de sombre nostalgie, il distille avec intelligence un positivisme et nous invite à vivre pleinement le présent. C'est le titre de l'album ! Et il se trouve que ces petites touches positives sont si fortes qu'on oublie les chansons plus tristes. Moi, après avoir écouté cet album, je me sens mieux. Et cette chanson en particulier. A présent. Tous les gens nés dans les années 70 se retrouvent un peu dans ce titre (Le trajet qui n'en finit pas et la banquette arrière immense....à qui ça ne parle pas ?). Je me revois dans la R6 orange ou la BX  quand on partait chez des amis de nos parents qui habitaient très loin et qu'on n'avait pas envie parce qu'on savait qu'on allait s'emmerder. Je me rappelle aussi d’enterrements divers, la procession jusqu'au cimetière et oui, les visages étaient pales dans la lumière. Etc etc.

    Vincent Delerm était en cours d'écriture quand il a appris l'attentat du Bataclan, le Bataclan qui est devenu un peu son antre, et l'album suinte de cette déchirure et plutôt que de l'évoquer platement, le chanteur a préféré prendre le contre-pied et nous inviter à vivre le présent intensément. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Alors, ce soir, 11 décembre 2016, nous sommes la vie en cet instant et il faut se dire que c'est une chance d'être entouré des gens qu'on aime. C'est l'hiver, les volets sont fermés, le sapin de noël est allumé. Mais...
     
    Nous sommes les yeux, les larmes
    En retrouvant 30 ans après
    Sur notre enfant les mêmes alarmes
    Pour les choses qui nous alarmaient.
     
    Mes filles ont grandi, elles ont chacune leur personnalité, leur caractère et je crois que cette jolie strophe s'adresse surtout aux parents qui ont des enfants plus jeunes car je ne vois dans la vie de mes filles que la joie de vivre, de l'insouciance et j'ai du mal à discerner ce qui peut les alarmer et qui m'alarmait aussi. Peut-être parce qu'un garçon et une fille ne s'alarment pas pour les mêmes choses. Je devine quand même les premières amours imbéciles et tout ce qui se passe dans leurs petites têtes de jeunes adolescentes.
    Par ailleurs, la mélodie de à présent est en phase avec le propos, c'est une mélodie gaie qu'agrémentent  des chœurs féminins (un classique chez Delerm)
    Alors, c'est entendu ?  Malgré tous nos problèmes, tous les drames, toutes nos tracasseries, aimons-nous vivant...ah non, zut, je me trompe de chanson -), mais n'empêche qu'il n'avait pas tort. Je ne sais pas ce que François Valéry disait dans la chanson mais tout était dans le titre, un titre très fort. Et finalement, c'est le message que Vincent Delerm veut faire passer aussi : 
     
    Nous sommes la vie ce soir
    Nous sommes la vie à cet instant
    Et je te suis sur le trottoir
    Et je te regarde à présent, à présent
    A présent
    A présent
     
    Loïc LT

  • tentative d'explication : danser sur la table - Vincent Delerm

    Toi, tu disil me manque, tant de choses je n'sais pas, toutes les choses qui me manquent”.

     

    Toujours je reste là, effacé, incapable de parler fort comme ça, de danser sur la table

     

    Toi, depuis le départ, tu as raté cent fois, un amour, une histoire

    Un geste maladroit, un garçon inflammable

    Et une autre que toi a dansé sur la table

     

    Toi, tu dis ‘je préfère les étés sous les toits, La plage, le rayon vert’.

    Je fais ça juste là, pour retirer le sable. 

    Ne me demandez pas de danser sur les tables. 

     

    Toi, tu disil me manque tant de choses tu sais toi, 

    Toutes ces choses qu'il me manque, 

    Et ma vie passera, et ma vie incroyable

    Et je vivrai comme ça sans danser sur la table”. 

     

    . en italique : la femme parle

    . en caractère gras : le type parle

    Ce qui me perturbe dans cette chanson triste comme un dimanche soir pluvieux, c’est de savoir qui s’exprime à tel moment et surtout qui ne veut pas danser sur la table. Spontanément, je vois un couple avec un homme effacé, qui n’aime pas trop faire la fête, qui préfère les étés sous les toits, la plage, le rayon vert (?) et une femme plus délurée, qui s’ennuie dans le couple et à qui il manque un homme exubérant capable de danser sur la table, n’importe quand ou en fin de soirée. La femme s’ennuie à tel point que son mari finit par admettre que depuis le départ de leur relation, elle a raté cent fois un amour...une histoire, un homme inflammable et du coup c’est une autre qu’elle qui a dansé sur la table (donc, l’idée c’est que c’est la femme qui veut danser sur la table ? ) et donc le type qui dit qu'elle a raté tout ça accepte d'être trompé ?

    Donc, je vois ça comme ça mais le texte prête à confusion. De toute façon, l’histoire de ‘danser sur la table’ est une métaphore de ce grain de folie qui manque dans la vie de ce couple. 

    Le texte est très court, mon commentaire aussi. Il est très court et plus simple qu’il en a l’air..il faut juste bien placer la ponctuation parce qu’il n’est pas évident au départ que ce soit le mec qui dit ‘je préfère les étés sur les toits….’ On le devine juste par rapport à ce qu’on a lu avant. C'est le problème avec Vincent Delerm, c'est qu'il écrit comme il parle. 

    Dans la dernière strophe, la femme se fait fataliste, elle ne semble pas vouloir changer de vie ‘et je vivrai comme ça sans danser sur la table’. Et quand elle dit ‘ma vie incroyable’, c’est évidemment de l’ironie, sa vie de merde en fait.

    Vous pouvez retrouver ce titre sur Deezer ou autrement, en vidéo dans la note d'avant. 

    Bon, j'y vais, on va souper. Je vais m'installer à table et faire mon ronchon. Les paysans ne parlent pas à table !

    Loïc LT, psychanalyse de bazar.

     

  • nouvel album - Vincent Delerm répond présent.

    album "à présent". Vincent Delerm. octobre 2016

     

    chanson française,musique,variété française,vincent delermJ’allais intituler cette note en attendant Doré mais je me suis ravisé, ça aurait rabaissé Vincent Delerm. Bien sûr qu’on attend avec impatience la livraison finale du nouvel album de Doré (mais je pense que les quatre titres qu’il a déjà sortis sont les meilleurs) mais le nouvel opus de Vincent Delerm ne mérite pas cette soumission.

    Je n’ai lu aucun papier concernant à présent (genre dans Télérama, Libé ou la Gazette du Centre Morbihan) par peur d’être influencé. J’ai juste lu un gros titre je ne sais plus où sur l’air du temps que Vincent Delerm semble avoir capté et je suis obligé de reprendre cette expression tant elle colle bien à cet album aussi prévisible venant de Delerm que déroutant.

    Prévisible parce que ce chanteur  a, depuis le virage des piqûres d’araignée,  trouvé un filon et creusé un sillon qui peut toucher certains et laisser d’autres de marbre. Je fais partie des premiers. Grand fan du cinéaste Claude Sautet, je ne peux m’empêcher de retrouver dans les chansons de Delerm une façon de raconter son époque avec une sensibilité à fleur de peau qu’on retrouve chez le réalisateur. Et comme on gagne en sagesse avec l’âge (sauf moi), et que Delerm touche d’abord le public de sa génération, chaque nouvel album semble plus abouti et surtout parle encore plus au public en question, c’est à dire aujourd’hui aux jeunes quadras (dont je suis encore -).

    Déroutant, parce que pour enrober ses textes (qui ne sont pas travaillés façon Doré, Delerm préfèrant le style “parlé’, procédé qui peut donner du fil à retordre parfois, je sais de quoi je parle), il s’est entouré d’un orchestre symphonique où se succèdent cordes et cuivres et autres instruments. On notera également que le piano est mis en avant à tel point qu’on en perçoit toute la mécanique.

    Venons-en aux chansons. L’album compte 11 titres dont l’un un été, situé au milieu de l’album est une délicieuse symphonie comme pour reposer l’auditeur et le faire réfléchir sur ce qu’il a déjà écouté et le préparer à la suite.

    L’album parle d’amour, du couple (plus que jamais enclin à la monotonie lorsqu’on dépasse 40 ans - voir titre danser sur la table sur lequel je reviendrai-), du charme féminin (je ne veux pas mourir ce soir en écho à l'actualité), du bonheur présent (à présent), de la promesse de l’avenir (la vie devant soi), la nostalgie de l’enfance (le garçon, magnifique autobiographie)...

    Vincent Delerm maîtrise parfaitement l’art de la variété française et comme il sait que sa voix est un peu plaintive, des chœurs féminins l’accompagnent pour équilibrer le tout afin de donner sur le fond comme sur la forme à cet album une note plus optimiste qu’il n’y paraît.

    Cet album me touche profondément parce qu’il montre que l’homme même filant vers le quart de siècle est plein de failles, de doutes, empreint de nostalgie (et empreint d'emprunts), autant de raisons pour lesquelles il faut profiter du présent...

     

    Nous sommes les yeux, les larmes, en retrouvant trente ans après sur notre enfant les mêmes alarmes pour les choses qui nous alarmaient. Nous sommes la vie ce soir, nous sommes la vie à cet instant et je te suis sur le trottoir et je te regarde à présent...à présent. (titre à présent)

     

    Ma préférée est danser sur la table mais j’y reviendrai ; elle vaut une note à elle toute seule, voire une thèse. 

    Loïc LT 


  • des jours et des vies (4)....et des mots

    Je décortique les piqûres d'araignée de Vincent Delerm et laisse mon imagination déborder de toute part en images, impressions, interrogations.. 

    Comme à certaines heures, les jeunes filles,
    Soudain vont griffer leurs chevilles,
    Commes elles réveillent un soir d'été,
    Les anciennes piqûres d'araignée.
    Le décor est planté. Nous sommes en été, 'à  certaines heures'. On s'en fout de l'heure précise. Ce sont les vacances. On imagine un groupe de filles en train de discuter, sur une pelouse, sur une pelouse avec des pins maritimes admettons. Elle ont des robes légères. Elle ont le temps. C'est le soir après le dîner. Leurs vélos blancs genre ancien modèle (avec les gros klaxons) sont posés par terre en vrac. Les pédales de l'un s'emmèlent dans les rayons de l'autre. Elles discutent de tout et de rien, des garçons, de coins sympas..et tout en discutant elles s'enlèvent de petites peaux et des points noirs..quand tout à coup, l'une en se grattant éclate un bouton qu'elle avait depuis quelques jours mais qui ne la gênait plus. C'était une piqûre d'araignée sans importance..ça saigne mais ce n'est rien..juste un petit filet rouge qui coagule très vite. Elle dit 'mince' ou 'zut'.
    Comme elle poursuivent la discussion,
    Par dessus la démangeaison,
    Comme elles peuvent sans nous regarder,
    Nous qui leur parlons nous parler
    Alors, là, j'identifie le 'nous' aux garçons. En fait, il y a des garçons avec les filles. Et l'on discute. Au loin, entend-on vaguement la mer ? Si tu veux. ça discute gentiment des choses de la vie. Par 'par dessus' la démangeaison, je pense qu'il faut comprendre 'malgré'. En fait, la fille qui s'est éclaté le bouton (par esprit de cohérence, on va considérer qu'une seule fille se l'ait fait..plusieurs se seraient bizarre même si le texte semble le signifier.) Donc la fille qui a ce petit soucis anodin à la cheville (si anodin que personne ne s'en est rendu compte à part peut-être quand elle a dit 'zut') continue à bavarder avec désinvolture, c'est à dire qu'elle est suffisamment fière - sans être malpolie, juste bien quoi -pour ne pas regarder le ou les mecs à qui elle s'adresse. C'est un genre d'esprit libre cette fille, dont le regard est irrésistiblement attiré par l'infini. Le derniers vers me gène. Je le trouve mal à propos. Il tombe tel un hiatus dans un texte qui jusque là coulait tranquillement. Pas grave. On en veut pas à Vincent. Peut-être qu'un camion poubelle passait à ce moment-là à la Terrasse du café (de Rouen) où il cherchait l'inspiration.
    Et 3000 cheveux de travers s'affairent,
    Deux épaules plus tout à fait blanches se penchent,
    Et c'est l'été sur les trottoirs ce soir,
    Elle dit "regarde là et là".
    Apparemment, c'est le refrain. On quitte la petite discussion pour des données générales sur l'été, les peaux qui bronzent et toujours on parle de rien. Au fait, pourquoi 3000 cheveux ? En moyenne, un être humain a 3000 cheveux sur le caillou ? je ne sais pas. Perso, si c'est la moyenne, j'en ai moins. J'ai le poil très clairsemé.
    Elles s'endormiront tout à l'heure,
    Sur un lit qui n'est pas le leur,
    Sur un matelas appartenant,
    En temps normal à d'autres gens.

    Voilà une strophe intéressante. Les filles sont en vacances dans quelque petite station balnéaire...allez, on va faire son chauvin..elles sont en Bretagne. A Carnac précisément (ça tombe bien, y'a des trottoirs à Carnac..et des menhirs aussi). Elles occupent une petite maison blanche assez typée prêtée par des amis riches de l'une d'elles et elle se situe à une centaine de mètres de la plage. Et là, elles discutent sur une pelouse entre la mer et leur maison, un endroit qui n'appartient vraiment à personne (pour peu qu'à Carnac, ça peut encore se trouver). Alors, en effet, elles iront dormir tout à l'heure dans un lit (ou des lits plutôt non ?) qui n'est pas le leur. Et fatalement, les matelas non plus. Quand on part en vacances dans une maison en bord de mer, on emmène pas son matelas avec soi..c'est ridicule et pourtant je trouve ce passage très beau, car le vide du propos semble s'effondrer sur lui-même. Tout ça est purement allégorique.
    Et 3000 cheveux de travers s'affairent,
    Deux épaules plus tout à fait blanches se penchent,
    Et c'est l'été sur le trottoir ce soir,
    Elle dit "tu vois je ne mens pas".
    rebelote avec une petite modif. La fille, un peu bronzée sur les épaules dit désormais 'tu vois je ne mens pas'. En fait, tout à l'heure elle a montré un truc à un garçon 'regarde là et là' et lui ne l'ayant pas vu avait du mal à la croire (ou il a fait exprès pour rigoler)...finalement, il voit la chose, alors elle dit 'tu vois je ne mens pas'. Mais j'y pense, peut-être que tout simplement, elle lui fait voir ses piqûres. Je sais pas trop..et ça n'a pas beaucoup d'importance.

    Ce texte m'a beaucoup marqué bien qu'il soit très léger, léger en taille et léger de par le sens. Vincent Delerm arrive par quelques mots bien choisis à restituer une certaine atmosphère estivale, éphémère, balnéaire. J'aime profondément ce texte.