J’ai dit que ce blog était fermé, je n’ai pas dit que je n’allais plus l’alimenter. C’est comme quelqu’un qui tient un bar. Il peut le fermer mais continuer à y errer et se boire des bières. Bon, comme c’est fermé, je peux me lâcher.
Cette première quinzaine de juillet, nous sommes allés en famille dans un gîte niché au cœur du petit village de Balazuc, creusé à flanc de falaise au bord de l’Ardèche. A notre arrivée, les propriétaires nous ont gentiment accueilli et à tout hasard, je leur ai demandé s’ils possédaient de la documentation sur le village. Quelques jours plus tard, Franck est revenu mais je n’étais pas là, il a transmis un livre à ma fille en lui disant que ce n’était pas le livre qu’il voulait me prêter mais que celui-là ferait l’affaire.
Et pour cause ! Je ne sais pas quel autre livre il avait en tête mais après la lecture et après des recherches, je n’ai pas repéré d’autres bouquins sur Balazuc. Il s’agit d’un essai un peu autobiographique écrit par John Merriman, un écrivain américain, amoureux de la France (de son histoire surtout) et qui est tombé sous le charme de ce village improbable au point d’y acheter une maison dans les années 80.
J’ai littéralement dévoré ce récit très documenté dans lequel en racontant l’histoire de ce petit bourg, de la révolution à la fin du XXème siècle, l’écrivain en profite pour nous rappeler l’histoire de la France des campagnes, de ses petits villages loin de Paris, tirant parfois bénéfices, parfois pas de la Grande Histoire via l’industrialisation, les deux grandes guerres et un point sur lequel l’auteur s’arrête beaucoup : les écoles de Balazuc tiraillées entre les fervents d’une école catholique et tenants d’une école républicaine. Les anecdotes sont nombreuses, les différents entre le curé et le maire (quand ce dernier était républicain) faisant inexorablement penser à Don Camillo ! On frise parfois le roman.
Mais en dehors d’être devenu l'un des "100 plus beaux villages de France” et donc une attraction touristique, Balazuc a subi le même sort que bien d'autres villages reculés que ce soit Persquen ou Triqueville: l’exode rural a vu sa population fondre. Aujourd’hui, il reste quelques commerces ouverts qu’en été (sauf un) mais la plupart des volets restent fermés. Quelques vrais Balazuciens y vivent encore mais l’essentiel des maisons sont des résidences secondaires.
Je pourrais vous parler de l’élevage du ver à soie dont Balazuc a pleinement profité car les mûriers sont peu exigeants et les terres autour du village sont aussi rocheuses que les allées du bourg, de ses vignes, de sa garrigue environnante, ses arbres desséchés et le chant assourdissant des cigales, de la construction du pont enjambant l’Ardèche voulu par un député de la IIIème république afin de bien faire comprendre à ces irrésistibles Ardéchois les profits qu’ils pourraient tirer de la république au détriment de la monarchie et de l’obscurantisme catholique. Je pourrais vous dire beaucoup de choses sur Balazuc pour y avoir vécu quelques jours et pour avoir lu ce récit. Dommage que ce blog soit fermé -)
Et cerise sur la gâteau, j’ai eu la chance de rencontrer l’écrivain qui m’a accueilli à bras ouverts et m’a invité à revenir deux jours plus tard avec ma famille. J’ai pris l’apéro le plus copieux de ma vie. Il parle très bien le Français mais comment en serait-il autrement quand on a donné des cours dans les universités françaises ? C’était une chouette rencontre. John Merriman possède l’accent américain, fait un peu dans la démesure mais il est imprégné de culture française, ce qui en fait un personnage attachant.
Si tous les américains étaient aussi curieux qui lui, ils n’auraient pas voté pour un charlot (que John Merriman honnit, va sans dire).
lecture : juillet 2017, édition Tallandier : 368 pages, parution : 2002 et en Français en 2005, note 4.5/5
Loïc LT