J’ai appris l’existence de Saint-John Perse au lycée Dupuy-de-Lôme à Lorient grâce à un camarade qui était fan du film les Bronzés...Vous me direz “quel rapport ?” Et bien, dans le premier épisode des Bronzés, Jérôme (Christian Clavier) récite du SJP (on va faire court) à genoux au bord d’un lac et Nathalie (Josiane Balasko) lui dit un truc du genre “ ça t’arrive souvent de réciter du SJP à poil au bord d’un lac ?”. Maintenant que ça me vient, c’est étonnant d’ailleurs, c’est même inconcevable qu’elle ait pu reconnaître que c’était du SJP qu’il récitait, car qui connait ce poète ? quasiment personne. Alors, Nathalie, qui est un peu cruche dans son genre quand même; non seulement, elle connaît le nom de ce poète mais en plus elle est capable de reconnaître par quelques vers récités que c’est du SJP ! Ne cherchons pas midi à quatorze heures, c’est une comédie et elle n’a pas vocation à être cohérente.
Donc voici ce que récite Jérôme :
Azur ! nos bêtes sont bondées d’un cri !
Je m’éveille, songeant au fruit noir de l’Anibe dans sa cupule verruqueuse et tronquée…
C’est le début d’un poème du recueil Éloges...que mon camarade de classe avait acheté que pour ces deux vers ! Depuis, je l’ai un peu perdu de vue (on s’est appelé il y a 3 ou 4 ans je crois) mais grâce à lui, non seulement, je n’ai jamais oublié ces vers mais en plus, je connais Saint-John Perse...qui est un poète littéralement imbuvable.
Enfin non, je me suis rappelé après coup qu’en première, au lycée Notre-Dame-du-Vœu à Hennebont, une prof d’histoire sachant mon grand amour de la poésie (que la responsable du CDI lui avait soufflé car j'empruntais plein de recueils de poésie), m’avait demandé après un cours ce que j’aimais comme poètes...et comme je n’en connaissais pas beaucoup, j'avais dû citer Baudelaire, Rimbaud, Verlaine et elle m’avait demandé si je connaissais SJP. Je lui avais répondu que non et je crois que ça l’avait déçue.
N’empêche que ces deux vers dont on ne comprend rien sont tellement beaux que je ne les ai jamais oubliés...à tel point que j’ai réussi à les faire rentrer dans la famille. Mon beau-frère par exemple récite les premiers mots parfois mais je crois qu’il remplace Azur par Amour en s'adressant à ma sœur et Prisca lui a emboîté le pas et m’appelle parfois Amour sur le même ton que Christian Clavier dans les Bronzés.
Non mais quelle histoire !
S’il y a une vie après la mort et qu’on peut voir ce qui se passe sur Terre, quelle tristesse cela doit être pour SJP de se dire qu’il est passé à la postérité grâce à un nanar.
A la base, je voulais m’amuser à tenter une explication d’un texte de SJP mais j’ai déjà trop écrit, j’ai la flemme...et surtout SJP, c’est vraiment chiant ! Alors, une autre fois !
Si un jour, j’ai le courage de le faire, ce sera sur celui-là... que j’ai pris en prenant une page au hasard dans Éloges (page 61)
Silencieusement va la sève et débouche aux rives minces de la feuille.
Voici d'un ciel de paille où lancer où lancer, ô lancer ! à tour de bras la torche !
Pour moi, j’ai retiré mes pieds.
ô mes amis où êtes-vous que je ne connais pas ?. . . Ne verrez-vous cela aussi ?... des havres crépitants, de belles eaux de cuivre mol où midi émietteur de cymbales troue l'ardeur de son puits... Ô c’est l'heure
où dans les villes surchauffées, au fond des cours gluantes, sous les treilles glacées, l'eau coule aux bassins clos violée
des roses vertes de midi... et l'eau nue est pareille à la pulpe d'un songe, et le songeur est couché là, et il tient au plafond un œil d'or qui guerroie. . .
Et l'enfant qui revient de l'école des Pères, affectueux longeant l'affection des Murs qui sentent le pain chaud, voit au bout de la rue où il tourne
la mer déserte plus bruyante qu'une criée aux poissons. Et les boucauts de sucre coulent, aux Quais de marcassite peints, à grands ramages, de pétrole
et des nègres porteurs de bêtes écorchées s'agenouillent aux faïences des Boucheries anglaises, déchargent un faix d'or et d’ahan
et au rond-point de la Halle de bronze, haute demeure courroucée où pendent les poissons et qu'on entend chanter dans sa feuille de fer, un homme glabre, en cotonnade jaune, pousse un cri : je suis Dieu ! et d'autres : il est fou !
et un autre envahi par le goût de tuer se met en marche vers le Château d'Eau avec trois billes de poison : rose, verte, indigo.
Pour moi, j'ai retiré mes pieds .
Je n'ai même pas réussi à trouver ce poème entièrement sur le net. Il m'a fallu faire des collages... et des corrections même !
Mes amis, où êtes-vous que je ne connais pas ? Ce n'est même pas la peine que je vous demande de trouver une explication (mais le premier vers au moins est assez simple), vous n'avez même pas été capable de trouver le poète de Quistinic, Paul-Alexis Robic, que je suis le seul à évoquer sur le net. J'aime bien être le seul à m'occuper d'une figure disparue.
Et bon courage....comment une mer peut-elle être déserte (une plage encore, on comprendrait) mais déserte et plus bruyante qu'une criée aux poissons ? Bon courage si vous voulez essayer et bon courage à moi. Je ne suis pas idiot, je sais qu'une criée est souvent bruyante mais une mer ne peut pas être déserte....ou alors elle s'est retirée très loin (comme elle le fait sur la côte ouest du Cotentin lorsqu'à marrée basse, elle se barre à des kilomètres si bien que si on veut aller la voir quand elle est au plus loin, plus on s'y approche plus on a l'impression de s'en éloigner si bien qu'on se croit en plein désert) mais si elle s'est retirée très loin, elle ne peut pas être bruyante !
Il y a des accents rimbaldiens dans ce poème (oui, je sais, j'y reviens toujours) mais sans rien n'y comprendre on devine que l'action se situe dans un pays chaud....dans ces pays poivrés et détrempés comme écrivait Arthur et quand SJP écrit "je suis Dieu ! et d'autres : il est fou !", ça me rappelle un poème de Rimbaud mais je ne me souviens plus lequel.
Mais, vous ne perdez rien pour attendre, je reviendrai dussé-je m'enfiler des boucauts d'absinthe !
Loïc LT
Commentaires
Vraiment il fallait le faire! Je suis bluffee et Je me regale. Merci de partager tout ca!
J'écris pour dire que finalement, je ne pourrais pas écrire et on me félicite. C'est drôle. Merci en tout cas.
Je ne suis plus un enfant mais j'aime qu'on me "Caresse", ici et quand j'écris pour Ouest France.
Je regrette de ne pas avoir de retour de gens pour qui j'ai écrit un papier. Peut-être considèrent-ils qu'un journaliste (que je ne suis pas) n'a pas besoin de ça, que c'est son métier, point barre.
Mais je manque de confiance en moi, pas ici mais quand j'écris pour OF. Je compare ce que j'écris à d'autres articles mais j'ai du mal à être objectif. Je trouve parfois que je fais mieux, parfois moins bien. De toute façon, ce n'est pas un concours. Chacun sa plume.
J'ai dû aller chercher ce qu'était un boucau, j'ai donc appris un nouveau mot, merci. Mais dis-moi, tu encenses Julien Doré et tu n'apprécies pas SJP ? C'est tout autant abscons, mais bien meilleur !
Qui est meilleur ?
Pour info dans les bronzés Jérôme fini ces premiers vers du poème en citant le poète. Nathalie ne fait donc que répéter ce que dit Jérôme. Moi aussi j'ai connu ce poème à travers ce film.