Si dans l’esprit de l’auteur, la fille nue qu’on voit de dos sur la couverture représente Pomme (tableau la robe du soir de Magritte), l’héroïne du roman (enfin héroïne, personnage principal on va dire), je prends tout de suite ! Sauf que cette fille ne colle pas du tout avec la façon dont l'auteur nous décrit Pomme, surnom qu’on lui a donné dans l’enfance car elle avait les joues rondes comme une pomme (encore que j'ai du mal à imaginer à quoi peut ressembler Pomme, mais indice : dans l'adaptation du livre au cinéma, c'est Isabelle Huppert qui joue le rôle). Pomme est une fille du Nord, elle grandit seule avec sa mère, elle est naïve, bête et elle n'a pas conscience des choses de l’amour.
Sa mère décide de quitter le Nord pour s’installer à Paris du côté de Nanterre ou de Suresnes, le narrateur n’a jamais trop su (oui le roman est un brin loufoque). Pendant que la mère devient crémière, Pomme travaille dans un salon de coiffure où elle exécute les tâches ingrates. Dans le salon de coiffure, elle fait la connaissance de Marylène, une fille plus expansive. Marylène ‘avait une espèce d’amitié pour Pomme’. Les deux ‘amies’ partent en vacances à Cabourg où Pomme fait la connaissance de Aimery de Béligné, un petit aristo étudiant et frêle. En quoi Pomme l’attire ? Je ne saurais le dire, je ne me rappelle plus. Je crois qu’il se sentait un peu à part, comme l’était Pomme. Ils emménagent ensemble dans un petit appart à Paris mais n’ayant pas de points communs, ils ne parlent pas. Pomme passe son temps à faire la seule chose qu’elle sait faire : les tâches ménagères. Ils finissent par faire l’amour aussi, l’occasion pour Pomme de découvrir que les hommes sont dotés d’un attribut dont elle ignorait l’existence. Puis, Aimery de Béligné finit par se rendre compte qu’il s’ennuie et Pomme retourne chez sa mère du côté de Nanterre ou Suresnes. La mère et la fille revivent ensemble, la vie est platonique, et Pomme ne mange plus rien, elle maigrit et finit dans un hôpital psychiatrique où elle devient de plus en plus folle (car tel est le but de ces établissements, avis du blogueur)
C’est un étrange roman dans lequel l’auteur tente de dérouter mais il le fait avec de trop gros sabots, genre lorsque, pris d’un accès de faiblesse du fait de son anorexie, Pomme tombe en pleine rue. Un conducteur ne peut plus avancer et l’auteur va nous décrire l’intérieur de l’habitacle de sa voiture de fond en comble pendant trois pages.
Mais Pomme avait le de droit à son roman. Il n’y a pas de raison que seuls les gens beaux et brillants soient les héros. Des milliers de Pomme peuplent cette planète, des gens transparents, inintéressants. L’auteur ne le dit pas mais ce roman (prix Goncourt 1974) leur est dédié.
extrait (page 125, édition de poche) : Mais parfois, il (Aimery) se disait que si Pomme ne l’entendait pas, lui, par contre, la comprenait, et qu’ils formaient un couple au moins parce qu’il était le seul à pouvoir la comprendre, par-delà les mots qu’elle ne savait pas dire. De cette manière ils étaient faits l’un pour l’autre, un peu comme la statuette ensevelie, qui n’existe plus à l’intention de personne, et l’archéologue qui l’exhume. La beauté de Pomme était celle d’une existence antérieure, oubliée, différée, sous les débris de mille vies misérables, comme celle de sa mère, avant que ne se révèle dans ce corps et cette âme parfaitement simples le secret de toutes ces générations, finalement sauvées de leur nullité ; car c’est cela que signifiait le surgissement précieux de la si pure petite fille.
lecture novembre 2016, sur poche Folio (trouvé dans une cabine téléphonique reconvertie en librairie) , 177 pages, édition originale chez Gallimard, parution 5 février 1974, note : 3.5/5
Loïc LT
Commentaires
Ouh la ! Quel style pompeux. Ok, je ne mets pas Lainé dans ma LAL, merci Loïc.
Aparté sur les boîtes à livres : je trouve ça génial. Il y en a pas mal à Bordeaux et alentours, et j'aime beaucoup y farfouiller. Il y a quelques semaines j'y ai trouvé un bouquin de Jean d'Ormesson, en parfait état, l'occasion pour moi de découvrir cet auteur que je ne connaissais que de nom.
De Jean d'Ormesson, je n'ai lu que 'presque rien sur presque tout' il y a très longtemps et j'avais tellement aimé (cette capacité à se placer au dessus de la mêlée et de penser le monde comme s'il n'en était qu'un génial spectateur...) que je ne l'ai plus relu cet auteur depuis. Il se répète et écrit toujours le même livre, comme on dit. Pourquoi pas hein, Modiano écrit toujours la même chose aussi mais il y a tout dans 'presque rien sur presque tout'.
J'ai remarqué aussi qu'en vieillissant, les auteurs ont de plus en plus de mal à écrire des romans (Kundera, Roth...)
La dentellière, un très grand roman. Il faut lire son roman précédent, L'Irrévolution, sublime. Je suis subjectif : les deux se passent dans l'Aisne, à Saint-Quentin (en partie). Bravo à L'espèce de blog. Je facebooke et je tweete. Ph.L.
Je note "l'irrévolution", rien que pour le joli titre. Je l'imagine comme slogan de campagne présidentielle !
Merci pour les compliments.