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CR145 : Rimbaud tel que je l'ai connu - Georges Izambard

9782844181381FS.gifIl y a quelques jours de cela, j'errais dans  les rayons de la fnac de Vannes à l'affut de quelque nouveauté, lorsque soudain, je tombai sur  cet ouvrage improbable signé Georges Izambard, le professeur de rhétorique d'Arthur Rimbaud et qui fut aussi pendant une courte période l'ami du poète.
En fait, il ne s'agit pas à proprement parler d'un livre écrit par Izambard mais un assemblage réalisé après sa mort (il est décédé en 1921 soit 30 ans après Rimbaud) de lettres et articles où il parle de son ancien élève. Il y est beaucoup question du conflit qui l'opposa à Paterne Berrichon (mari d'Isabelle Rimbaud, soeur d'Arthur et qui entreprit d'écrire une biographie d'AR). Les deux hommes eurent en effet des échanges houleux par presse interposée. Izambard reprochait surtout à Berrichon de complètement travestir la réalité afin d'offrir au public un Rimbaud plus conforme à ses aspirations au point de tout simplement changer des mots ou de supprimer des phrases entières de lettres écrites par Arthur Rimbaud.
Mais, plus que ces querelles pseudo-littéraires, le rimbaldien trouvera dans cet ouvrage de nombreuses anecdotes, truculentes pour beaucoup (comme par exemple l'emploi du temps d'Arthur lorsqu'il séjourna chez les soeurs Gindre ) ce qui n'apporte certes pas grand chose à la compréhension de l'oeuvre du poète mais qui permettent d'alimenter un peu plus le mythe (ou parfois de l'écorner..). Et à titre personnel, je suis friand de toutes ces anecdotes, presque plus que de l'oeuvre (dont je suis revenu) car il y a quelque chose de fascinant dans la figure de Rimbaud, qui dépasse son oeuvre.
Une anecdote en particulier m'a beaucoup amusée. Rimbaud avait envoyé le poème le coeur supllicié à Izambard. Celui-ci le trouva quelconque et voulu lui prouver qu'il pouvait en faire autant. extrait, p 33 :

et il m'envoyait, comme un échantillon de la formule nouvelle, ces triolets fameux que j'ai remis plus tard à Verlaine avec le reste, et qui ont fait la joie de plusieurs générations de décadents :

le coeur supplicié (Arthur Rimbaud)

Mon triste cœur bave à la poupe ...
Mon cœur est plein de caporal!
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste cœur bave à la poupe...
Sous les quolibets de la troupe
Qui lance un rire général,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur est plein de caporal!

Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l'ont dépravé;
À la vesprée, ils font des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques;
Ô flots abracadabrantesques,
Prenez mon cœur, qu'il soit sauvé!
Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs insultes l'ont dépravé.

Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô cœur volé?
Ce seront des refrains bachiques
Quand ils auront tari leurs chiques!
J'aurai des sursauts stomachiques
Si mon cœur triste est ravalé!
Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô cœur volé


"et je me mettais à mon tour en frais de triolets, histoire de pasticher les siens : les miens avaient pour titre : la Muse des Méphitiques..."


la muse des Méphitiques ( Georges Izambard)

Viens sur mon coeur, Muse des Méphitiques
Et roucoulons comme deux amoureux.
Pour bafouer toutes les esthétiques
Viens dans mes bras, Muse des Méphitiques ;
Je te ferai des petits rachitiques,
Froids au toucher, verdâtres et goitreux..
Viens dans mes bras, Muse des Méphitiques,
Et folâtrons comme deux amoureux.
Viens !... Tu verras le bourgeois baveux qui s’offusque
Se cramponner d’horreur à son comptoir,
Comme à son roc s'agglutine un mollusque
Viens, tu verras le bourgeois baveux qui s’offusque
Et son oeil torve, au fond d'un vase étrusque,
Sa main crispée agrippant l'éteignoir.
Et tu verras le Bourgeois qui s'offusque
Se cramponner d'horreur à son comptoir.
Voici venir l'ère des pourritures,
Où les lépreux sortent des lazarets.
O fleurs du Laid, rutilantes ordures,
Nous fourrageant dans les monts d'épluchures,
Voici venir l'ère des pourritures
Psalmodions l'hosannah des gorets !
Voici venir l'ère des pourritures
Où les lépreux sortent des lazarets.


fin de citation. Il faut admetre que le pastiche soutient bien la comparaison. Cela amusa beaucoup Rimbaud nous dit Izambard. Dans le même esprit, Izambard ne fut pas impressioné par la lettre du Voyant (vous revoilà professeur...) et le commentaire linéaire qu'il en fit ressemble à une leçon d'un professeur à son élève..de quoi calmer certains spécialistes un peu trop enthousiastes.

biographie, paru en 01/2010
Editions La Part Commune, 230 pages
lecture du 08.02.2010 au 11.02.2010
note : 4/5

Commentaires

  • Un commentaire encore, cher Loïc, qui me donne envie de lire ce Rimbaud là, par Izambard ! Des triolets du coeur supplicié, Chirac avait retenu "abracadabrantesque"... mot que j'aime utiliser depuis qu'il est réssucité, mais j'aime beaucoup "ithyphallique" et "pioupiesque", pas commode à employer, mais je trouve amusant d'essayer.
    Merci

  • "Abracadabrantesque" non plus n'est pas facile à dire..et pourtant Chirac l'a dit sans bafouiller. On imagine qu'il a dû s'exercer pas mal avant. Cette pensée m'amuse !
    Et par ailleurs, c'est Villepin qui lui en a donné l'idée. Et juste à cause de ça, aujourd'hui tout le monde se souvient encore de cet entretien.

  • un commentaire du coeur supplicié ici : http://abardel.free.fr/petite_anthologie/le_coeur.htm

Les commentaires sont fermés.