Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

CR109 - zone - Mathias Enard

zone.jpgJe n'ai lu qu'une phrase de ce roman que je viens de terminer.
Hou là, avouez que ça commence fort.
Et pourtant, ce n'est pas une plaisanterie, c'est la vérité puisque zone ne contient qu'une phrase (avec quelques virgules mais très peu). Alors, c'est la marque des écrivains français que de vouloir faire des effets de style, de vouloir réinventer la forme etc..et certains disent que ça en devient lassant, qu'à trop soigner la forme, ils en oublient le fond. Peut-être que "certains" ont raison mais pas concernant ce roman de Mathias Enard (car sa qualité  vient avant tout de son contenu). Et si avant d'en débuter la lecture, j'étais plus que sceptique quant à l'idée de cette phrase unique, il s'avère en fait que l'absence de points est assez logique au regard de la façon dont les pensées défilent dans l'esprit du narrateur, dans un souffle et le temps d'un voyage en train. 
Et le contenu, c'est quoi, c'est toute l'histoire de l'Europe et du pourtour méditerranéen dans ce qu'elle a de plus tragique et de plus violent, vu par un ex agent secret français d'origine croate, un brin fasciste sur les bords et qui participa aussi directement à la guerre de Yougoslavie. Le type - qui a quitté toutes ses fonctions - voyage en train en direction de Rome où il doit remettre au Vatican une valise contenant des documents compromettants, moyennant pas mal d'euros (300.000 de mémoire et comme on dirait à M6, 300.000 c'est beaucoup d'argent). Tout le voyage durant, les images se bousculent dans sa tête, s'entrechoquent, aux guerres succèdent les génocides, aux génocides les attentats et les souvenirs défilent et en appellent d'autres, ce qui fait que pour le lecteur, chaque flash ne dure pas plus de deux ou trois pages. Parfois quand même quelques considérations sur la voyage en train et les passagers servent de transition et permettent au lecteur de reprendre son souffle avant de retourner dans les affres de l'histoire.
Quelque part, cette façon  de présenter les faits  en suivant les cheminements chaotiques, désordonnés et donc non structurés de l'esprit m'a rappelé Claude Simon qui, dans la route des Flandres procède un peu de la sorte (en plus hermétique). Mais pas vraiment Michel Butor (dont le seul point commun consiste au fait que la narrateur effectue également le voyageParis-Rome).
J'écrivais que Claude Simon était plus hermétique, puisque malgré les apparences, la lecture de Zone n'est pas si difficile. Malgré sa longueur, la phrase se lit assez vite.
Le roman est incroyablement bien documenté et peuplé de personnages secondaires (et souvent historiques) effroyables de haine. Mais ce qui donne sa force du récit, c'est le cynisme et le ton implacable avec le lequel s'exprime Francis Servain Mirkovic, le narrateur.
Et je dois avouer que j'ai quitté la zone un peu bouleversé.

roman, paru en 08/2008
Actes Sud, 517 pages
lecture du 16/07 au 25/07/09
note : 4/5
à venir : Rimbaud le fils, Pierre Michon

Commentaires

  • effroyable de haine, ça se dit ça, effroyable de quelque chose..je ne sais plus. Parfois quand je me concentre trop sur un mot, je ne sais plus ce qu'il signifie et je le trouve même étrange.
    Alors je vais souper et réfléchir à tout ça.

  • elles sont fortes vos phrases...suis intriguèe

  • ce livre est dense et loin d'être de tout repos. mais j'ai accepté de me glisser dans les méandres et les circonvolutions de l'esprit tourmenté du narrateur, passablement plombé et déjanté, aux souvenirs effroyables, oui...

Les commentaires sont fermés.