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CR308 : chanson douce - Leïla Slimani

41EYjgteJdL.jpgLui travaille dans un studio de production musicale, elle, après son congé maternité reprend son activité d’avocate. Sur les conseils d’un ami, il décident d’embaucher Louise, une nounou pour s’occuper de leurs deux enfants. Elle a tout de la nounou parfaite.

Mais l’auteure ne laisse pas durer le suspense. Dès le début, on se retrouve dans un bain de sang avec un enfant mort et l’autre sur le point de l’être. Louise est la meurtrière. Tout le long du récit, on revient très peu sur le drame mais  avec une écriture sobre et sans fioriture, la romancière repart du début et tente de comprendre comment l'horreur a pu arriver. Paul et Myriam étant très pris professionnellement (chacun a le désir de monter en hiérarchie), c’est le quotidien de Louise que l’on suit, comment elle choie les deux enfants et surtout comment subrepticement, elle ne devient plus seulement nounou mais gouvernante. Elle fait tout à la maison et le couple se repose totalement sur elle. Ils l’invitent même à venir en vacances avec eux en Grèce. Mais petit à petit, les relations se détériorent. Le lecteur réalise que Louise sombre dans la folie alors que le couple se pose de plus en plus de questions mais sans s'alarmer plus que ça. Ils la trouvent tout au plus de plus en plus envahissante au point qu’ils voudraient s’en débarrasser mais ils n’arrivent à s’y résigner tant elle fait un peu partie de la famille. 

Les enfants grandissent, vont à l’école, Louise n’a plus vraiment de raison de rester dans le ménage mais elle ne se fait pas à cette idée. Elle fantasme sur l’idée que Myriam pourrait retomber enceinte et fait tout pour que Paul et Myriam soient libérés des enfants le soir afin de concevoir ce troisième enfant qui lui permettrait de rester car elle ne voit pas d’autre issue à sa triste vie solitaire .On assiste donc au désarroi de Louise qui se transforme en naufrage. Elle sombre dans la folie, folie à peine perçue par les parents trop accaparés.

En plus d’être le roman des causes profondes d’un fait divers atroce, il s’agit aussi pour l’auteure de nous décrire notre société contemporaine dans laquelle le travail prime sur tout et où la solitude en milieu urbain nous empêche de considérer l'autre. 

Le titre peut paraître surprenant mais la chanson est souvent douce lorsque Louise s’occupe des enfants (et par ailleurs, Louise ne sait pas chanter autre chose que des comptines). On pourrait aussi considérer que c’est une antiphrase. Un peu des deux. Chacun voit. 

C’est un roman captivant comme lorsqu’on regardait faites entrer l’accusé le dimanche soir mais d’un point de vue littéraire, ça n’atteint pas les sommets des monts d’Arrée. Tel n’était sans doute pas le but de Leïla Slimani  qui n’a pas démérité car elle maîtrise parfaitement la technique du roman. Sa valeur s’arrête là...mais elle peut se défendre en arguant qu’elle n’a jamais demandé à recevoir le prix Goncourt.

C’est ainsi qu’on donne désormais  une prime au caractère social d’un roman plus qu’à sa valeur littéraire. Aujourd'hui, l’idée dominante est que le roman doit avoir une fonction sociale. Mais imaginez que ce roman figure dans le même palmarès que “à l’ombre des jeunes filles en fleur’ !

Je n’accable pas Leïla Slimani, au contraire, je l’envie d’avoir pu écrire ce roman et l’invite à me coacher pour l’écriture de mon roman-fleuve qui évoque l’histoire d’un couple suisse qui achète un moulin breton et finit par y accueillir des artistes qui ne savent pas le piège dans lequel ils sont tombés. Les soirées arrosées et la proximité d'un canal ne font pas bon ménage. 

lecture novembre 2016 (en une soirée), liseuse kindle (240 pages dans l'édition papier), éditeur Gallimard, parution 18 aout 2016, prix Goncourt 2016, note : 3.5/5

Loïc LT

Commentaires

  • Celui là, je veux bien le lire. Mais le temps que j'arrive à l'avoir à la médiathèque, ça va me prendre quelques mois :-/

  • et ba voilà ! J'ai rien contre le papier mais à midi j'apprenais qu'elle avait le Goncourt et le soir je pouvais le lire (pour zéro balle en plus mais ça, faut pas le dire -).

  • Alors, tu vas en commander une au père-noël ?
    Ça me ferait tellement plaisir !

  • Commander une liseuse ? non, ça ne me tente pas pour l'instant, bien que ma soeur m'ait vanté les mérites de la sienne.

  • Loïc, j'aurais pu écrire exactement cette critique, éprouvé exactement la même chose. Si tu as besoin de coaching, sache qu'elle sort de l'atelier d'écriture de la NRF auquel tout un chacun peut s'inscrire pour la modique somme de... 1500 euros. Si ça ne sent pas le désintéressement et le vrai amour de la littérature, je ne sais pas ce que c'est. :-p

  • Tu veux dire que Leïli Slimani a participé à un atelier d'écriture de la NRF et que ça ne lui a coûté "que" 1 500€ ? Tu m'aurais dit 15 000 , je t'aurais cru. La NRF quand même...

    Mais autrement, de quel Julie s'agit-il ?

  • Malaise à tous les étages

    "Chanson douce" est un drôle de roman. Captivant au début, troublant ensuite, et puis on oscille entre malaise et haut-le-cœur.
    Parce qu'il y a du voyeurisme dans ce roman qui va explorer jusqu'aux petites culottes de la mère de famille carriériste dont on sent, indirectement, qu'elle va être désignée coupable collatérale de ce carnage.
    Si elle avait tu l'ambition en elle, si elle avait mieux choisi sa nounou, si si si si... Notre société fait peser trop de poids sur les épaules des mères. Chanson douce en remet une couche, lente dérive de deux femmes. Louise, soumise et discrète, abîmée par les hommes et les vicissitudes d'une existence misérable où l'argent manque autant que l'affection, la considération, l'empathie, la fantaisie.
    Myriam, dont on devine que ses origines modestes la poussent à s'accomplir. L'intranquille qui préfère ne rien voir, se consacrer à sa carrière, et le regrettera toute sa vie - si elle survit. Deux mondes qui se mêlent et s'entrechoquent sans que jamais un tiers ne vienne stopper cette descente aux enfers.
    Pourquoi Paul reste-t-il distant, léger, inconstant, lointain ? Sans doute parce qu'il n'a jamais passé des journées et des nuits entières à s'occuper seul de ses enfants. Et dès la première page, on sait qu'il est trop tard.
    Chanson douce est un livre brutal, fascinant, mais qui manque de rythme et de pudeur.

    Agathe

  • Merci Agathe,

    Je n'ai pas le souvenir qu'il manquait de pudeur.
    Ton point de vue est intéressant car féminin, un brin féministe même car tu trouves des excuses à Myriam et à Louise et tu accables Paul. Mais dans le fond, ce n'est pas faux.
    Aujourd'hui, on demande aux femmes d'être professionnellement aussi performantes que les hommes mais malgré des progrès, ce sont les femmes qui gèrent l'essentiel du quotidien à la maison (avec de nombreuses exceptions évidemment).

  • J'ai enfin réussi à l'emprunter, et je te remercie car sans toi je n'aurais jamais eu la curiosité de le lire. J'en suis sortie assez mitigée, avec le sentiment étrange de ne rien retenir des 300 pages que je venais de lire... Il y a certains vins, comme ça, que tu bois sans en garder aucune sensation, un manque de saveur et d'originalité... Du coup, pour un Goncourt, je trouve ça un peu léger, je te rejoins sur ce point. Ensuite, si j'ai bien apprécié le portrait qui est fait des parents, je suis restée sur ma faim concernant Louise - mais peut-être est-ce là le génie de l'auteur, de faire en sorte que le lecteur, comme les parents, ne discernent rien de cette Louise bien incolore au premier abord ?

  • Bonjour , je viens de terminer Chanson Douce . Je l 'avais depuis un moment mais j 'hésitais à le lire .
    Le texte est intéressant . De là à en faire un prix Goncourt?
    Je reste cependant sur ma faim concernant Louise . Elle a fait un séjour en HP pour troubles de l l' humeur . Cela ne me paraît pas grave . Cependant les psychiatres seraient donc passer à côté de quelque chose de plus grave?
    Reste aussi le mystère de la disparition de Stéphanie : d'après la mère elle est certainement dans le sud . Mais elle se fait tabasser pour mauvaise conduite à l 'école jusqu'à ce qu'elle ne bouge plus . Est elle morte ? le crime des deux enfants serait donc une récidive ? Qu a fait Jacques le père si elle est morte ?
    Louise aime t'elle vraiment les enfants en tant que personnes ? Ces deux enfants sont ils des alibi pour elle pour s'immiscer dans la vie d'un couple voire plus s'immiscer dans le vie de la mère?. Pour recevoir quoi ? La reconnaissance , l 'affection , le sentiment de ne plus être pauvre et abandonnée ?
    Pourquoi Paul qui remarque très tôt des failles dans l 'attitude de Louise n 'est pas plus vigilant ?
    J 'ai vu à Paris toutes ces nounous étrangère souvent sans papiers qui gardent les enfants des couples qui sont pris par leur travail et a postériori cela me fait froid dans le dos . Trop d'enfants sont confiées à des personnes sans emploi aujourd'hui . ET en même temps Myriam devait elle sacrifier sa carrière , son titre d'avocate obtenu après de longues études ?
    Personnellement j 'ai 70 ans j 'ai élevé deux enfants tout en travaillant . C 'est épuisant . J 'ai fait des études , et à la naissance de mes enfants je me suis terriblement ennuyée dans les squares à surveiller mes bébés et à écouter les autres femmes parler de la première dent , de la première vaccination ... Pourtant j 'aimais mes enfants et 'ai navigué entre culpabilité et désir de m 'accomplir . Le résultat : une carrière largement amputée et des enfants adultes qui trouvent que je n 'ai pas fait toujours ce qu'il fallait .
    Et donc pour revenir au roman ce n 'est pas tant la folie de Louise et ce halo flou autour d'elle qui m'interpelle même si c'est horrible , c'est que en 2017 l 'homme arrive toujours la plupart du temps à s'accomplir car moins de corvées au quotidien et que les femmes trinquent encore .

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