Suis-je objectif lorsque je dis qu’il n’y a pas beaucoup de villes auxquelles on s’attache autant qu’à Lorient ? Sans doute pas, mais admettons que si. Je n’ai jamais habité dans cette ville portuaire, qui d’un point de vue architectural n’a rien pour elle puisqu’elle a été complètement détruite en 1944. Mais j’y ai fait deux ans d’étude, mes deux filles y sont nées, je suis fan de son équipe de football et pour des raisons diverses, je l’ai toujours considéré comme ma ville de cœur. Et c’est pour ça que ce soir, en sortant de la séance du cinéma, je me sentais bien alors que la nuit était tombée et que la vie nocturne avait pris le relais, une vie nocturne post-festival qui n’est pas pour me déplaire car je n’ai jamais pu supporter cette manifestation folklorique.
Nous nous sommes donc rendus tous les quatre au Cinéville, les filles pour voir Insaisissable et Prisca et moi pour prendre une leçon d’économie. Bizarre dans un cinéma me direz-vous..Et bien le fait est que le film l’économie du couple porte bien son nom parce que son sujet principal consiste dans la problématique financière d’un couple en perdition. Les deux ex-amoureux, parents de deux jumelles de 6 ou 7 ans n’ont d’autres choix que de continuer à cohabiter ensemble car ils ne sont pas d’accord sur la part qui revient à chacun...elle, considère qu’elle a le droit aux deux tiers et lui pense que c’est 50-50. C'est la raison de tous les coups de gueule, parce qu’en dehors de ça, le désamour qui est présent dès le début du film ne nous est pas expliqué. Il y a juste lors d’une soirée où elle avait invité des amis que Marie dit qu’elle ne supporte plus Boris pour ce qu’il est, pour ses gestes, pour le son de sa voix etc etc. C’est épidermique, elle n’aime plus cet homme. Lui, par contre semble toujours amoureux d’elle et dans cette période de cohabitation fait comme si la vie continuait comme avant espérant peut-être qu’à force, elle reviendra sur sa décision. Mais son attitude désinvolte agace Marie qui a plus de caractère que Boris qui ne baisse cependant pas les bras. Les enfants sont malheureux, va sans dire et en fin de compte…. l’histoire semble bien banale.
J’ai aimé ce film car le jeu des acteurs est juste, il n’y a pas de débauches de moyen (d’ailleurs l’essentiel des scènes se joue entre la cuisine et le salon), c’est un film qui colle à son époque et personnellement, c’est ce que je recherche dans le cinéma...qu’il soit au plus proche de la réalité. Dans la voiture, en rentrant, Prisca était plus réservée. Elle pense que le cinéma doit permettre de s’évader, de voir autre chose que ce que l’on voit au quotidien. Je respecte cet avis et je ne suis pas contre un James Bond de temps en temps. Mais je me suis régalé de toutes les scènes de ce film, un peu comme si je regardais un Sautet. Et c’est vrai que ça se répète un peu mais à chaque fois, comme dans un jeu d’échec, chacun tente d’avancer ses pions pour tenter de faire craquer l’autre. Dans ce “drame budgétaire’, la musique (le prélude en si mineur de Bach) est à l’image du film, c’est comme une ritournelle qui ne semble pas trouver sa conclusion un peu comme ce couple qui tourne en rond pour une question d’argent. Mais dans l’esprit du réalisateur, est-ce que “l’économie” n’était à prendre qu’au premier degré ? Je pense que non. Ce couple en crise avait-il la possibilité de faire l’économie de sa désunion ? Vers la fin, on constate un petit revirement. L’affection semble revenir. Marie accepte de prendre la main de Boris, accepte de danser avec lui et même, dans un moment de désir, de faire l’amour. Il ne manquait pas grand chose pour que ce couple se retrouve. Mais Marie avait dès le début, pris une décision ferme et n’a jamais voulu y revenir (d'ailleurs, on n'est pas dupe de ces soi disant week-ends qu'elle va passer seule chez son amie Lucie...là, c'est moi qui subodore -). Un moment, la mère de Marie dit quelque chose de très juste qu’on remarque d’ailleurs dans nos quotidiens : un peu comme on jette des objets qu’on n’a plus besoin ou qu'on renouvelle du matériel non obsolète, de plus en plus les couples considèrent que l’amour est une denrée jetable, qui en appelle une autre....discutable.
l’économie du couple, 2016. réalisation : Joachim Lafosse. acteurs principaux : Bérénice Béjo, Cédric Kahn, Marthe Keller. film franco-belge. ma note :4.5/5
Loïc LT
Commentaires
Les films de Sautet sont souvent bouleversants (par exemple "Un coeur en hiver" que j'ai revu récemment, ou "Quelques jours avec moi" qui suinte la mélancolie), mais dans "L'Economie du couple" il n'y a pas une once d'émotion. C'était un beau sujet, mais j'ai été finalement un peu déçue par ce film que j'ai trouvé froid et superficiel.
Certes, il y a peu d'émotion étant donné la thématique...encore que la tristesse des enfants, la chorégraphie à laquelle les parents se joignent et d'autres petits détails...
Mais j'en parlais tout à l'heure avec Appoline. A partir du moment où un producteur choisit un tel sujet de film (jamais abordé dans le cinéma), on ne pouvait espérer mieux. Les personnages de Sautet étaient tous riches (sauf Pierre et Alex dans Mado), médecins, chefs d'entreprise, promoteurs immobiliers, architectes et donc le réalisateur avait la possibilité de se concentrer sur les rapports sentimentaux. C'est toujours plus facile quand l'argent n'est pas une préoccupation.
Merci de ta contribution, Anna. Les fans de Sautet sont mes amis.
Sautet, c'est l'émotion faite images, en effet. Il se situe, à mon goût, au-dessus de tous. Ceux qui tentent de faire un film façon Sautet ne font que de pâles copies sans âme. C'est toujours avec le même plaisir que je regarde un Sautet au gré de la sélection DVD que tu m'avais offerte. J ai revu Un mauvais fils : jamais la relation père/fils n'a été évoquée avec une telle subtilité ailleurs. Ma préférence va à César et Rosalie, s'il faut choisir.
Je n'ai pas vu L'économie du couple, mais ce que dit Anna confirme bien ce que je suppute : c'est un film qui, à coup sûr, fait l'économie de l'émotion.
Je suis d'accord avec toi pour Sautet mais on ne peut pas rester sur Sautet toute la vie. Le cinéma continue et c'est une bonne chose que de jeunes réalisateurs sortent ce type de films qui ne sont pas appelés à attirer un grand public.
Mon préféré de Sautet...je me tâte...César et Rosalie ou Mado...ou Nelly et Mr Arnaud. Je ne mets pas les choses de la vie dont on garde trop en tête l'accident même si ce dernier n'est qu'un prétexte.
C'est vrai que Sautet est réputé avoir fait un cinéma bourgeois, mais il y a des exceptions comme Quelques jours avec moi dont je parlais, qui confronte plusieurs milieux (avec de l'humour aussi). Bon, je ne suis pas une spécialiste, mais je ne me lasse pas de revoir ces films alors bien sûr j'ai réagi à la comparaison...
De Sautet jamais je ne me lasse non plus.
Mais "quelques jours avec moi" fait partie des moins réussis, je trouve.